Dans cette tribune, le président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, Guillaume Soro, répond à Aziz Sana, membre du « Mouvement ça suffit », opposé à toute candidature du Président Blaise Compaoré à la présidentielle de 2015. M. Soro en profite pour interpeller la jeunesse et l’ensemble de la classe politique burkinabé sur la bonne lecture qu’il faut avoir de la conjoncture politique actuelle dans ce pays.
Cher M. Aziz Sana,
Cher jeune frère,
Cher jeune camarade,
Il y a des demandes légitimes qui ne peuvent rester sans réponse, au risque d’entraîner le juste courroux de la conscience universelle. C’est donc avec un profond enthousiasme et avec un intérêt certain que j’ai pris connaissance de la lettre ouverte et courageuse que vous avez bien voulu m’adresser, suite à la mission fraternelle que j’ai conduite récemment au Burkina-Faso, sous les hautes recommandations du président de la République de Côte d’Ivoire, S.E. Alassane Ouattara.
Je vous en félicite chaleureusement et vous remercie du franc-parler dont vous avez su faire preuve à mon égard, sans jamais manquer du tact et de l’aplomb nécessaires à l’expression précise de vos idées. C’est pour que des jeunes Africains comme vous émergent çà et là à travers notre continent que j’ai toujours eu le souci d’assumer la responsabilité historique que nombre d’entre vous m’ont symboliquement dévolue dans tant de pays africains et dans l’opinion internationale.
Mon enthousiasme et mon intérêt pour votre lettre ouverte
Pourquoi cet enthousiasme et cet intérêt pour votre lettre ouverte, me demanderiez-vous tout de même ? Parce qu’en parlant de l’homme politique que je suis devenu, vous avez fait référence aux qualités humaines du leader syndical, du combattant de la liberté et du fils de la région ouest-africaine que je me suis toujours efforcé d’être avec dignité, courage et lucidité. Cela faisant, vous m’avez parfaitement mis à l’aise pour vous donner, sans m’ingérer bien sûr dans les affaires politiques de l’Etat frère du Burkina Faso, mon humble point de vue sur les voies et moyens d’une possible consolidation de la convivialité et de la confiance dans la démocratie burkinabè.
En plus des liens historiques indéfectibles qui jumellent de longue date la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso dans une puissante communauté destinale, vous n’êtes pas ignorant des raisons qui font qu’avec le président du Faso, S.E. Blaise Compaoré, pour qui mon exceptionnelle admiration est connue, j’ai une connaissance suffisante de l’élite politique burkinabè actuelle qui a essentiellement émergé dans son sérail. Roch Christian Kaboré, l’ancien président de l’Assemblée nationale du Faso, est un ami et doyen qui a accompagné mes premiers pas à la tête du Parlement ivoirien. Je ne saurais donc parler du Burkina Faso sans avoir toute la délicatesse d’un vrai fils adoptif de ce pays-là, mien aussi par le destin et par la fraternité qui m’y lie à ce qu’il a vraiment de grand et de meilleur.
Votre lettre, par ailleurs, revêt pour moi un intérêt évident. Non seulement, j’ai parfaitement pris conscience de la tonalité insistante de votre ‘’Mouvement ça suffit’’, mais en outre, je sais qu’à travers la présente réponse à votre lettre, je m’adresserai de fait à ces millions de jeunes Burkinabè qui ont le regard tourné vers mes actes et paroles, moi dont ils admirent massivement l’engagement depuis plus de deux décennies pour la démocratisation intégrale et effective de la Côte d’Ivoire.
Vous savez sûrement, y compris par mes derniers faits politiques de fraîche date dans mon pays, que je ne suis pas adepte de la langue de bois. Sans poltronnerie ni précipitation, je crois en la capacité des Africains de faire leur temps, avec rigueur et discernement, avec courage et lucidité. J’ai constamment veillé à dire ce que je fais et à faire ce que je dis en politique, en vertu de ce devoir de cohérence qui distingue les politiciens des hommes d’Etat, ceux qui se servent du peuple de ceux qui servent le peuple. Ce n’est pas au Burkina Faso, qui plus est le pays des hommes intègres, que je vais brader mon intégrité.
Quand je parle au président du Faso, S.E. Blaise Compaoré, c’est toujours la main sur le cœur, car il m’a honoré de sa confiance quand bon nombre de ceux qui m’applaudissent aujourd’hui m’avaient marginalisé parmi les parias de mon pays. Je n’aurai jamais la mémoire courte, pour servir à un doyen, frère, et ami d’une si importante exception, un discours mensonger qui ne serait rien d’autre que de l’ingratitude voilée. A ceux qu’on aime et qu’on respecte, qui plus est quand des millions de vies sont en jeu, dire la vérité est un devoir sacré.
De même, quand je m’adresse à l’opposition Burkinabè actuelle, composée pour une grande majorité d’hommes et de femmes politiquement émergés sous la présidence destinale du président Compaoré, il ne faut pas croire que ma langue fourchera ou que ma voix tremblera. Je dois donc aussi la stricte vérité à l’honorable Roch Christian Kaboré, comme à tous ceux qui, actuellement sont en quête d’un nouveau cadre de consensus avec le Chef de l’Etat Burkinabè.
Le Burkina d’hier,
le Burkina d’aujourd’hui
et Blaise Compaoré
Ce n’est pas à moi de dire ce que les Burkinabè doivent faire. Je ne peux que leur suggérer les enseignements de mon expérience. Que dois-je donc vous dire, cher jeune frère Sana, chère jeunesse Burkinabè, en stricte et pure vérité ? D’abord qu’au regard des ressources économiques naturelles très limitées du Burkina Faso, il importe à tous
de reconnaître que ces trente dernières années sont véritablement les trente glorieuses de l’épopée politique Burkinabè, car le bond socioéconomique réalisé par ce pays sous la direction du président Blaise Compaoré est incontestablement remarquable. Ne boudez surtout pas vos acquis, au risque de les regretter demain. Il faut consolider, fructifier et transmettre pacifiquement le legs de ce précieux travail d’amorce, sans oukases ni intempérance. Nous savons tous ce qu’était le Burkina des années 80 et certains de ceux qui sont nés dans le Burkina des années 90-2000 ont besoin de notre expérience pour se convaincre du fait que ce pays est parti de presque rien pour être la terre d’espoir qu’il est aujourd’hui, avec les audaces modernistes qui le métamorphosent de jour en jour.
Je me dois d’insister ensuite auprès des jeunes Burkinabè que le président Blaise Compaoré, élu démocratiquement par les siens à 80%, ne saurait souffrir la comparaison que certains esquissent entre lui et l’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo, qui n’a jamais été élu de toute sa vie politique à la tête de la Côte d’Ivoire. Laurent Gbagbo a constamment souffert d’un manque de légitimité politique et a aggravé son cas en embouchant, qui plus est, la trompette infernale de l’idéologie criminelle de l’ivoirité qui a fait tant souffrir les Ivoiriens et leurs étrangers, parmi lesquels les immigrés Burkinabè qui ont payé le plus lourd tribut en vies humaines injustement fauchées.
Pourtant, voyez la peine que nous nous sommes donnée pour vaincre démocratiquement, puis militairement un Gbagbo qui n’avait que 10 ans au pouvoir ! Imaginez la peine qu’il faudrait se donner pour vaincre un chef d’Etat légitime, qui a en plus pour lui, une redoutable maîtrise des arcanes de son pays depuis 26 ans ! On peut, on doit faire l’économie d’une telle tragédie humaine dans votre pays.
Le président Blaise Compaoré, qui a impulsé l’émergence burkinabè actuelle, n’est pas seulement précieux pour son pays. Son leadership pour la paix, la cohésion, la sécurité et la solidarité de la sous-région
ouest-africaine est inestimable et hautement exemplaire. Comment ne pas comprendre qu’un tel homme demeure urgemment utile par son l’efficience de son leadership à notre communauté sous-continentale et continentale, à l’heure où les avancées du péril terroriste, les officines d’infiltration fondamentalistes, les crises politiques perlées s’enchaînent avec une bien inquiétante frénésie autour de nous ?
Vous savez que c’est au Burkina Faso que les Ivoiriens sont venus trouver la paix dont ils jouissent actuellement. Comment nier que l’élite politique ivoirienne veuille de toutes ses forces que le Burkina Faso, son Etat-jumeau, demeure un havre de sérénité et de prospérité dans la liberté et la justice?
Cher jeune frère Sana,
Chère jeunesse Burkinabè,
Il faut donc que mon expérience de la crise ivoirienne vous oblige à entendre ceci : la question burkinabè actuelle, loin d’être une tragédie identitaire fratricide comme la crise ivoirienne le fut, est un différend démocratique ordinaire, solvable par les voies idoines de la sagesse légendaire des gens du Faso, par le consensus et par la négociation, le tout sous l’arbitrage souverain du peuple Burkinabè dans son entièreté.
Après 26 ans au pouvoir, le président Compaoré sait parfaitement qu’il n’a plus rien à prouver. L’essentiel de sa carrière politique est derrière lui. Il s’agit donc pour lui d’œuvrer pour une transition réussie à la tête de l’Etat Burkinabè, de telle sorte que le chaos qui marque tristement bien des successions à la tête des Etats africains soit méticuleusement épargné au Burkina Faso. Une conciliation de haut niveau suffira donc à fluidifier ce processus.
Je n’ai perçu, dans l’attitude du président Blaise Compaoré, la moindre volonté de s’attacher viscéralement au pouvoir, mais la détermination d’un visionnaire politique qui tient à transmettre à la postérité un Burkina Faso alerte, prêt à d’autres défis économiques, sociaux et
politiques, sans précipitation ni attentisme. Le président Compaoré déteste les conflits, mais comme vous le savez, il a un sens très élevé de son honneur. Et c’est quelque chose d’important dans une équation politique.
Dans la fronde des frères issus du sérail du parti présidentiel burkinabè, je ne perçois pas non plus un refus de prendre en compte l’intérêt général qui commande la volonté de servir le peuple chez le président Compaoré, mais l’ardent désir de s’entendre avec lui sur les balises d’un avenir stable de ce pays.
Pour moi qui ai vu se réconcilier les présidents Bédié et Ouattara en Côte d’Ivoire, je le répète, il n’y a pas le feu au Burkina Faso. La politique, c’est aussi l’art de l’impossible. Il faut et il suffit que l’on comprenne qu’on ne saurait sacrifier 26 ans de pouvoir par un départ précipité.
L’expérience du pouvoir démocratique enracine un homme dans son peuple et un peuple dans son chef. Leur séparation idoine ne saurait se faire par des oukases, mais par un processus mûr, serein, progressif et équitable, dans le respect de la légalité constitutionnelle et de toutes ses possibilités intrinsèques et légitimes.
On ne se sépare pas d’un chef d’Etat légitime comme une entreprise se sépare d’un employé intérimaire. Mais dans la noblesse, la dignité et le soin pris à la continuité efficace et consensuelle de l’Etat. Certes, aucun Etat africain n’appartient à un chef d’Etat. Tous sont et doivent être des serviteurs attitrés de leurs peuples. Mais si le pouvoir ne saurait se confisquer à vie dans une démocratie, le respect des possibilités légales et légitimes d’arbitrage des différends s’impose tout aussi bien à l’opposition.
La voie de la raison et de la dignité l’emportera au Burkina Faso
Je suis donc tout à fait convaincu que la voie de la raison et de la dignité l’emportera au Burkina Faso contre la bouillie du cœur. J’y incite ardemment mes frères du Faso. Je pense que comme un seul homme, avec notre soutien à tous, et notamment avec l’appui permanent de la Côte d’Ivoire sous l’inspiration du président Alassane Ouattara, les leaders politiques burkinabè se rassembleront bientôt autour du président du Faso, S.E. Blaise Compaoré et réaliseront le saut décisif vers un consensus durable autour d’une vision commune de la continuité et de l’alternance au sommet de l’Etat Burkinabè, dans la sagesse, la patience et la paix qui seules garantissent la prospérité de nos peuples.
Cher Aziz Sana
Jeune frère et camarade,
Si vous avez confiance dans le Che Bogota que vous connûtes à la Fesci à Gagnoa, si vous avez toujours confiance en la personne du combattant intrépide de la démocratie et de la dignité que je demeure après des années comme ministre d’Etat, comme Premier ministre et l’expérience de chef du Parlement ivoirien que j’arpente aujourd’hui, je sais que vous vous engagerez à porter et transmettre mon message d’apaisement au ‘’Mouvement ça suffit’’ et à l’ensemble de la jeunesse burkinabè. Votre avenir n’est pas compromis. L’Afrique des prochaines décennies sera incontestablement notre responsabilité première. L’impatience est du diable et la patience, de Dieu.
Recevez mes salutations distinguées, fraternelles et chaleureuses. Transmettez mes amitiés indéfectibles et mon message de patience et de paix à la jeunesse burkinabè qui demain, honorera, j’en suis certain, la destinée exceptionnelle de votre belle nation.
Abidjan, ce 10 janvier 2014.
S.E. Guillaume Kigbafori Soro
Président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire
PS : Je vous invite à prendre attache avec mes services, afin que je vous reçoive en audience pour enraciner le dialogue que vous avez sollicité dans des initiatives concrètes. Vous êtes le bienvenu à Abidjan.
Cher M. Aziz Sana,
Cher jeune frère,
Cher jeune camarade,
Il y a des demandes légitimes qui ne peuvent rester sans réponse, au risque d’entraîner le juste courroux de la conscience universelle. C’est donc avec un profond enthousiasme et avec un intérêt certain que j’ai pris connaissance de la lettre ouverte et courageuse que vous avez bien voulu m’adresser, suite à la mission fraternelle que j’ai conduite récemment au Burkina-Faso, sous les hautes recommandations du président de la République de Côte d’Ivoire, S.E. Alassane Ouattara.
Je vous en félicite chaleureusement et vous remercie du franc-parler dont vous avez su faire preuve à mon égard, sans jamais manquer du tact et de l’aplomb nécessaires à l’expression précise de vos idées. C’est pour que des jeunes Africains comme vous émergent çà et là à travers notre continent que j’ai toujours eu le souci d’assumer la responsabilité historique que nombre d’entre vous m’ont symboliquement dévolue dans tant de pays africains et dans l’opinion internationale.
Mon enthousiasme et mon intérêt pour votre lettre ouverte
Pourquoi cet enthousiasme et cet intérêt pour votre lettre ouverte, me demanderiez-vous tout de même ? Parce qu’en parlant de l’homme politique que je suis devenu, vous avez fait référence aux qualités humaines du leader syndical, du combattant de la liberté et du fils de la région ouest-africaine que je me suis toujours efforcé d’être avec dignité, courage et lucidité. Cela faisant, vous m’avez parfaitement mis à l’aise pour vous donner, sans m’ingérer bien sûr dans les affaires politiques de l’Etat frère du Burkina Faso, mon humble point de vue sur les voies et moyens d’une possible consolidation de la convivialité et de la confiance dans la démocratie burkinabè.
En plus des liens historiques indéfectibles qui jumellent de longue date la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso dans une puissante communauté destinale, vous n’êtes pas ignorant des raisons qui font qu’avec le président du Faso, S.E. Blaise Compaoré, pour qui mon exceptionnelle admiration est connue, j’ai une connaissance suffisante de l’élite politique burkinabè actuelle qui a essentiellement émergé dans son sérail. Roch Christian Kaboré, l’ancien président de l’Assemblée nationale du Faso, est un ami et doyen qui a accompagné mes premiers pas à la tête du Parlement ivoirien. Je ne saurais donc parler du Burkina Faso sans avoir toute la délicatesse d’un vrai fils adoptif de ce pays-là, mien aussi par le destin et par la fraternité qui m’y lie à ce qu’il a vraiment de grand et de meilleur.
Votre lettre, par ailleurs, revêt pour moi un intérêt évident. Non seulement, j’ai parfaitement pris conscience de la tonalité insistante de votre ‘’Mouvement ça suffit’’, mais en outre, je sais qu’à travers la présente réponse à votre lettre, je m’adresserai de fait à ces millions de jeunes Burkinabè qui ont le regard tourné vers mes actes et paroles, moi dont ils admirent massivement l’engagement depuis plus de deux décennies pour la démocratisation intégrale et effective de la Côte d’Ivoire.
Vous savez sûrement, y compris par mes derniers faits politiques de fraîche date dans mon pays, que je ne suis pas adepte de la langue de bois. Sans poltronnerie ni précipitation, je crois en la capacité des Africains de faire leur temps, avec rigueur et discernement, avec courage et lucidité. J’ai constamment veillé à dire ce que je fais et à faire ce que je dis en politique, en vertu de ce devoir de cohérence qui distingue les politiciens des hommes d’Etat, ceux qui se servent du peuple de ceux qui servent le peuple. Ce n’est pas au Burkina Faso, qui plus est le pays des hommes intègres, que je vais brader mon intégrité.
Quand je parle au président du Faso, S.E. Blaise Compaoré, c’est toujours la main sur le cœur, car il m’a honoré de sa confiance quand bon nombre de ceux qui m’applaudissent aujourd’hui m’avaient marginalisé parmi les parias de mon pays. Je n’aurai jamais la mémoire courte, pour servir à un doyen, frère, et ami d’une si importante exception, un discours mensonger qui ne serait rien d’autre que de l’ingratitude voilée. A ceux qu’on aime et qu’on respecte, qui plus est quand des millions de vies sont en jeu, dire la vérité est un devoir sacré.
De même, quand je m’adresse à l’opposition Burkinabè actuelle, composée pour une grande majorité d’hommes et de femmes politiquement émergés sous la présidence destinale du président Compaoré, il ne faut pas croire que ma langue fourchera ou que ma voix tremblera. Je dois donc aussi la stricte vérité à l’honorable Roch Christian Kaboré, comme à tous ceux qui, actuellement sont en quête d’un nouveau cadre de consensus avec le Chef de l’Etat Burkinabè.
Le Burkina d’hier,
le Burkina d’aujourd’hui
et Blaise Compaoré
Ce n’est pas à moi de dire ce que les Burkinabè doivent faire. Je ne peux que leur suggérer les enseignements de mon expérience. Que dois-je donc vous dire, cher jeune frère Sana, chère jeunesse Burkinabè, en stricte et pure vérité ? D’abord qu’au regard des ressources économiques naturelles très limitées du Burkina Faso, il importe à tous
de reconnaître que ces trente dernières années sont véritablement les trente glorieuses de l’épopée politique Burkinabè, car le bond socioéconomique réalisé par ce pays sous la direction du président Blaise Compaoré est incontestablement remarquable. Ne boudez surtout pas vos acquis, au risque de les regretter demain. Il faut consolider, fructifier et transmettre pacifiquement le legs de ce précieux travail d’amorce, sans oukases ni intempérance. Nous savons tous ce qu’était le Burkina des années 80 et certains de ceux qui sont nés dans le Burkina des années 90-2000 ont besoin de notre expérience pour se convaincre du fait que ce pays est parti de presque rien pour être la terre d’espoir qu’il est aujourd’hui, avec les audaces modernistes qui le métamorphosent de jour en jour.
Je me dois d’insister ensuite auprès des jeunes Burkinabè que le président Blaise Compaoré, élu démocratiquement par les siens à 80%, ne saurait souffrir la comparaison que certains esquissent entre lui et l’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo, qui n’a jamais été élu de toute sa vie politique à la tête de la Côte d’Ivoire. Laurent Gbagbo a constamment souffert d’un manque de légitimité politique et a aggravé son cas en embouchant, qui plus est, la trompette infernale de l’idéologie criminelle de l’ivoirité qui a fait tant souffrir les Ivoiriens et leurs étrangers, parmi lesquels les immigrés Burkinabè qui ont payé le plus lourd tribut en vies humaines injustement fauchées.
Pourtant, voyez la peine que nous nous sommes donnée pour vaincre démocratiquement, puis militairement un Gbagbo qui n’avait que 10 ans au pouvoir ! Imaginez la peine qu’il faudrait se donner pour vaincre un chef d’Etat légitime, qui a en plus pour lui, une redoutable maîtrise des arcanes de son pays depuis 26 ans ! On peut, on doit faire l’économie d’une telle tragédie humaine dans votre pays.
Le président Blaise Compaoré, qui a impulsé l’émergence burkinabè actuelle, n’est pas seulement précieux pour son pays. Son leadership pour la paix, la cohésion, la sécurité et la solidarité de la sous-région
ouest-africaine est inestimable et hautement exemplaire. Comment ne pas comprendre qu’un tel homme demeure urgemment utile par son l’efficience de son leadership à notre communauté sous-continentale et continentale, à l’heure où les avancées du péril terroriste, les officines d’infiltration fondamentalistes, les crises politiques perlées s’enchaînent avec une bien inquiétante frénésie autour de nous ?
Vous savez que c’est au Burkina Faso que les Ivoiriens sont venus trouver la paix dont ils jouissent actuellement. Comment nier que l’élite politique ivoirienne veuille de toutes ses forces que le Burkina Faso, son Etat-jumeau, demeure un havre de sérénité et de prospérité dans la liberté et la justice?
Cher jeune frère Sana,
Chère jeunesse Burkinabè,
Il faut donc que mon expérience de la crise ivoirienne vous oblige à entendre ceci : la question burkinabè actuelle, loin d’être une tragédie identitaire fratricide comme la crise ivoirienne le fut, est un différend démocratique ordinaire, solvable par les voies idoines de la sagesse légendaire des gens du Faso, par le consensus et par la négociation, le tout sous l’arbitrage souverain du peuple Burkinabè dans son entièreté.
Après 26 ans au pouvoir, le président Compaoré sait parfaitement qu’il n’a plus rien à prouver. L’essentiel de sa carrière politique est derrière lui. Il s’agit donc pour lui d’œuvrer pour une transition réussie à la tête de l’Etat Burkinabè, de telle sorte que le chaos qui marque tristement bien des successions à la tête des Etats africains soit méticuleusement épargné au Burkina Faso. Une conciliation de haut niveau suffira donc à fluidifier ce processus.
Je n’ai perçu, dans l’attitude du président Blaise Compaoré, la moindre volonté de s’attacher viscéralement au pouvoir, mais la détermination d’un visionnaire politique qui tient à transmettre à la postérité un Burkina Faso alerte, prêt à d’autres défis économiques, sociaux et
politiques, sans précipitation ni attentisme. Le président Compaoré déteste les conflits, mais comme vous le savez, il a un sens très élevé de son honneur. Et c’est quelque chose d’important dans une équation politique.
Dans la fronde des frères issus du sérail du parti présidentiel burkinabè, je ne perçois pas non plus un refus de prendre en compte l’intérêt général qui commande la volonté de servir le peuple chez le président Compaoré, mais l’ardent désir de s’entendre avec lui sur les balises d’un avenir stable de ce pays.
Pour moi qui ai vu se réconcilier les présidents Bédié et Ouattara en Côte d’Ivoire, je le répète, il n’y a pas le feu au Burkina Faso. La politique, c’est aussi l’art de l’impossible. Il faut et il suffit que l’on comprenne qu’on ne saurait sacrifier 26 ans de pouvoir par un départ précipité.
L’expérience du pouvoir démocratique enracine un homme dans son peuple et un peuple dans son chef. Leur séparation idoine ne saurait se faire par des oukases, mais par un processus mûr, serein, progressif et équitable, dans le respect de la légalité constitutionnelle et de toutes ses possibilités intrinsèques et légitimes.
On ne se sépare pas d’un chef d’Etat légitime comme une entreprise se sépare d’un employé intérimaire. Mais dans la noblesse, la dignité et le soin pris à la continuité efficace et consensuelle de l’Etat. Certes, aucun Etat africain n’appartient à un chef d’Etat. Tous sont et doivent être des serviteurs attitrés de leurs peuples. Mais si le pouvoir ne saurait se confisquer à vie dans une démocratie, le respect des possibilités légales et légitimes d’arbitrage des différends s’impose tout aussi bien à l’opposition.
La voie de la raison et de la dignité l’emportera au Burkina Faso
Je suis donc tout à fait convaincu que la voie de la raison et de la dignité l’emportera au Burkina Faso contre la bouillie du cœur. J’y incite ardemment mes frères du Faso. Je pense que comme un seul homme, avec notre soutien à tous, et notamment avec l’appui permanent de la Côte d’Ivoire sous l’inspiration du président Alassane Ouattara, les leaders politiques burkinabè se rassembleront bientôt autour du président du Faso, S.E. Blaise Compaoré et réaliseront le saut décisif vers un consensus durable autour d’une vision commune de la continuité et de l’alternance au sommet de l’Etat Burkinabè, dans la sagesse, la patience et la paix qui seules garantissent la prospérité de nos peuples.
Cher Aziz Sana
Jeune frère et camarade,
Si vous avez confiance dans le Che Bogota que vous connûtes à la Fesci à Gagnoa, si vous avez toujours confiance en la personne du combattant intrépide de la démocratie et de la dignité que je demeure après des années comme ministre d’Etat, comme Premier ministre et l’expérience de chef du Parlement ivoirien que j’arpente aujourd’hui, je sais que vous vous engagerez à porter et transmettre mon message d’apaisement au ‘’Mouvement ça suffit’’ et à l’ensemble de la jeunesse burkinabè. Votre avenir n’est pas compromis. L’Afrique des prochaines décennies sera incontestablement notre responsabilité première. L’impatience est du diable et la patience, de Dieu.
Recevez mes salutations distinguées, fraternelles et chaleureuses. Transmettez mes amitiés indéfectibles et mon message de patience et de paix à la jeunesse burkinabè qui demain, honorera, j’en suis certain, la destinée exceptionnelle de votre belle nation.
Abidjan, ce 10 janvier 2014.
S.E. Guillaume Kigbafori Soro
Président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire
PS : Je vous invite à prendre attache avec mes services, afin que je vous reçoive en audience pour enraciner le dialogue que vous avez sollicité dans des initiatives concrètes. Vous êtes le bienvenu à Abidjan.