Mesdames et messieurs,
Me voici donc à Yaoundé, parmi vous et pour de vrai. J’apporte le salut de la Cote d’Ivoire, terre d’espérance, pays d’hospitalité, à la République sœur du Cameroun, berceau de nos ancêtres, qui va debout et fier de sa liberté.
Pour tous les Ivoiriens, que ma délégation et moi-même représentons en cet hémicycle historique de Ngoa-Ekellé, le drapeau camerounais reflète bien, ce symbole ardent de paix et d’unité. Nous sommes heureux de savoir que tous les enfants du Cameroun, de l’Est à l’Ouest et du Nord au Sud, sont résolument soucieux du service dû à cette grande nation africaine.
Soyez assuré que nous sommes honorés de pouvoir participer à la Cérémonie d’ouverture de la 2ème Session Ordinaire de votre Assemblée et que cette date du 11 juin 2014 restera gravée de façon indélébile dans l’histoire des relations entre nos deux institutions.
Monsieur le Président, soyez fraternellement et chaleureusement remercié de cette invitation cordiale.
En ce jour hautement symbolique pour votre représentation nationale, je ne saurais omettre l’évocation du Cameroun du Football alors que je foule votre sol à l’orée de la Coupe du monde 2014.
La glorieuse épopée des Lions Indomptables dans ce sport-roi, a conquis l’Afrique entière. Quand, en 1990, le Cameroun joue et gagne face aux grands de ce monde, quel africain n’est pas camerounais ?
Quels frémissements de fierté n’avons-nous pas partagé avec votre grand peuple, quand les légendes vivantes du football africain qui, de Roger Milla hier à Samuel E’too Fils aujourd’hui, ont époustouflé les stades par leur génie ? Ce dont le Cameroun est capable sur les stades de Football, quand il est uni et fort comme ses Lions Indomptables, c’est de porter l’espoir de tous les Africains d’être meilleurs.
Ainsi, les succès du Cameroun rendent l’Afrique entière indomptable.
Monsieur le Président,
Très Honorable CAVAYE,
Me voici présent dans ce haut lieu de la démocratie à votre invitation. C’est en effet un sentiment de fierté qui envahit le modeste apprenti que je suis, pour l’heureuse occasion qui m’est offerte, d’être un élève attentif, à l’école de ce Maître que vous êtes, vous qui occupez la haute fonction de Président de l’Assemblée nationale du Cameroun depuis plus de 20 ans !
En cet instant solennel et avant tout propos, permettez-moi de m’acquitter d’un agréable devoir : celui de transmettre les chaleureuses salutations du Président de la République de Côte d’Ivoire, Son Excellence Monsieur Alassane Ouattara, à son frère ainé et ami, Son Excellence Monsieur le Président Paul BIYA, tout en rappelant que ces deux grands Chefs d’État s’honorent de l’admiration et du respect mutuels qu’ils se portent depuis longtemps.
Honorables Députés,
Sachez qu’à travers nous, c’est la Côte d’Ivoire toute entière, dans toute la richesse de sa diversité, qui est à votre écoute et à vos côtés, et que nous avons la ferme intention de saisir cette opportunité pour engager un dialogue franc et direct et pour aborder les vraies questions : partons ensemble, chers collègues, à la recherche de solutions innovantes qui puissent répondre aux attentes et aux préoccupations de nos populations, tel est le sens de mon intervention.
Dès mon plus jeune âge, je n’ai pas manqué, sur les bancs de ma modeste école primaire, d’apprendre mes leçons et de faire le rapprochement entre les cours de géographie, qui nous apprenaient que votre pays est placé, du haut de ses 4 000 mètres d’altitude, sous la protection du Mont Cameroun, et les cours d’histoire, qui soulignaient l’importance de l’année 1944 et la hauteur de vues dont fit preuve Felix Houphouët-Boigny, lors de la Conférence de Brazzaville : acte fondateur d’une décolonisation réussie, ou simple signe annonciateur d’un long et difficile processus d’émancipation de notre continent ? La question est toujours d’actualité…
Très Honorable Président Cavayé,
Quelle édifiante leçon, pour les apprentis parlementaires que nous sommes, que de constater que cette réussite éclatante, vous l’avez construite en restant fidèle au Chef de l’État, Son Excellence Monsieur le Président Paul BIYA et à son parti.
Je me suis laissé dire, au lendemain de mon élection à la tête du Parlement ivoirien, que j’intégrais le club très ouvert des Présidents d’Assemblées nationales d’Afrique conduit par le doyen des doyens, le Très Honorable CAVAYE, qui aujourd’hui totalise plus de 44 ans de présence à l’Hémicycle de la République du Cameroun.
Dès lors, vous pouvez donc comprendre mon bonheur d’être venu m’abreuver à la source de cette Sommité, moi le benjamin qui ne revendique pas encore 44 ans d’âge.
Au nom du Club des Présidents d’Assemblée nationale, je veux vous rendre un hommage mérité.
Très Honorable Collègue Président,
Je voudrais qu’il me soit également permis de saluer le Premier Président du Sénat camerounais, Son Excellence Monsieur Marcel Niat NJIFENDJI, éminente personnalité : du brillant lauréat du Concours Général en Histoire et Géographie, au Perchoir de la Chambre Haute, en passant par les importantes fonctions managériales et ministérielles, cet ingénieur aux compétences avérées a fait bénéficier son pays des fruits de sa longue et riche expérience scientifique et politique.
Honorables Collègues Député
Je suis aujourd’hui devant vous, pour vous parler et pour vous entendre parler d’amitié, de solidarité et de coopération entre nos deux Parlements et, à travers eux, entre nos deux populations.
La bienveillante attention que vous avez prêtée à notre mission et votre désir manifeste de la rendre à la fois utile et agréable, suffisent à me persuader que les perspectives qui s’ouvrent devant nous sont désormais favorables au développement de notre coopération interparlementaire et qu’elles nous amèneront à œuvrer de concert pour la consolider.
À travers la modeste voix de l’éphémère messager que je suis, ce sont les craintes, les attentes et les aspirations profondes de la Côte d’Ivoire toute entière qui s’expriment et que nos Institutions parlementaires nous permettent justement de prendre en compte et de satisfaire.
Entendons-nous bien : quand j’utilise des expressions comme « œuvrer de concert » ou « conjuguer nos efforts », ce ne sont pas de vaines paroles, car je suis habité par une intime conviction : chaque peuple a, selon moi, un génie qui lui est propre et sa mission est de mettre ce génie au service du bien commun de l’humanité.
C’est pourquoi, je suis persuadé que nous pouvons enrichir notre propre patrimoine culturel, en nous inspirant de l’expérience acquise par nos frères Camerounais, qui ont su relever les défis auxquels ils se sont trouvés confrontés, du fait de la spécificité de leur situation.
Réciproquement, il nous est permis de penser que l’expérience ivoirienne, sous le triple aspect de l’avènement de la crise, de sa gestion et de son achèvement, mérite d’être évoquée et partagée avec vous.
Ainsi, j’en reviens à ma proposition initiale qui consistait, si vous vous en souvenez, à « être à votre écoute et à vos côtés » :
Être à votre écoute, cela veut dire engager une réflexion approfondie sur l’expérience politique et sociale de votre pays, et sur les leçons que nous serons à même d’en tirer pour améliorer nos propres modèles de gouvernance démocratique pour l’épanouissement de nos populations.
Nous avons aujourd’hui la chance d’être auprès de vous, vous les dignes et légitimes représentants du peuple souverain, et c’est pourquoi j’en profite pour revenir sur les questions spécifiques qui, tout au long de son histoire, se sont posées au Cameroun.
Je pense en particulier à la question de la conception fédérale ou unitaire de l’État, ainsi qu’à celle du pluralisme linguistique.
Mais avant cela, n’oublions pas de rappeler, dès lors qu’il s’agit de juger des Institutions africaines ou de se demander où nous en sommes en termes d’émergence de la démocratie ou de stratégie de développement, que notre continent a été colonisé et que cet héritage est parfois bien lourd à porter : les faits sont là et ils sont têtus : les pays occidentaux, pendant des siècles, ont privé nos populations de la maîtrise de leur destin.
Soit dit en passant : ils seraient donc bien inspirés, s’ils faisaient preuve à notre égard, de patience et de tolérance, quand il s’agit de parler d’émergence économique ou d’exigences démocratiques !
Le fait est que la prétendue mission civilisatrice de la colonisation a été le prétexte de trop de crimes accomplis en son nom, au Cameroun, en Côte d’Ivoire comme partout ailleurs.
Je vous épargnerai le rappel du triste cortège de crimes et autres violations des droits fondamentaux de la personne humaine, qui ont marqué au fer rouge de l’infamie, l’histoire de la colonisation comme celle de notre libération. Mais une chose est certaine : aucun pays n’est fier d’avoir été colonisé et, par voie de conséquence, aucun de nos pays ne devrait se glorifier d’avoir été le plus terrorisé des pays colonisés !
Malgré tout, je demeure persuadé que nous avons mieux à faire que de ressasser indéfiniment ce douloureux passé, car ce serait se condamner à entrer dans l’avenir à reculons, comme si nous étions prisonniers d’un véhicule qui ne fonctionne qu’en marche arrière et dont le conducteur ne sait se servir que du rétroviseur !
En revanche, il est clair qu’une réflexion concertée sur les séquelles de la colonisation ne peut être que bénéfique, car l’impact négatif sur notre culture ancestrale, notre modèle économique et notre tissu social n’a pas revêtu la même forme dans nos différents pays.
Ainsi, s’agissant du Cameroun, les séquelles de la colonisation constituent sans aucun doute un handicap encore plus difficile à surmonter, du fait des multiples convoitises dont il a été l’objet.
Votre pays représente en effet, poussées jusqu’à leur paroxysme, les rivalités entre les grandes puissances, qui ont transposé en Afrique les ambitions impérialistes qui étaient les leurs sur leur propre continent.
Honorables Députés,
Il faut croire que votre pays possède un mystérieux pouvoir d’attraction, puisqu’il fit l’objet successivement des visées expansionnistes du Portugal, de la Hollande, de l’Allemagne, de la Grande Bretagne et de la France !
La contradiction de votre situation a été portée à son comble, quand le Cameroun s’est trouvé divisé en deux parties, (francophone et anglophone), les belligérants occidentaux n’étant pas parvenus à régler autrement, la question du dépeçage programmé de notre continent !
Cette caractéristique, comme c’est souvent le cas, va se traduire dans un premier temps par des effets négatifs, mais elle vous a permis, par la suite, d’ouvrir des perspectives positives et prometteuses pour votre pays.
Les aspects négatifs de cette acculturation multiforme qui a été imposée à votre population, concernent les changements incessants qu’il vous a fallu apporter aux règles de fonctionnement de la société, au rythme aléatoire des défaites et des victoires remportées par les pays colonisateurs sur leurs propres champs de bataille.
Pour autant, les leaders Africains, nos valeureux devanciers ont intellectuellement réagi contre la colonisation par la doctrine dite du panafricanisme, union des révoltés contre la domination, au nom du droit inaliénable qu’à tout peuple à disposer de lui-même.
Je ne m’étendrai point ici sur les nuances de l’idéologie panafricaniste, entre les mouvances capitalistes et socialistes, pragmatistes et traditionnalistes. Je me contenterai cependant de souligner que le meilleur des critères pour évaluer le degré d’humanité d’une politique, c’est de mesurer le sort fait aux minorités vulnérables.
Il faut donc poser aux panafricanismes africains des questions qui visent droit au cœur de la dignité humaine en péril dans tout combat politique. On découvre alors que seul vaut un panafricanisme de projet, d’inclusion et de solidarité concrètes, alors que la pire des choses qui puisse nous arriver, c’est la confiscation du thème panafricaniste par les imposteurs du national-chauvinisme. La haine de l’Occident devient, pour bon nombre d’entre eux, une manière de déguiser leur mépris de la liberté et de la justice entre les Africains eux-mêmes.
Comment se rendre complice d’une telle mystification ?
Oui, Honorables Collègues, j’ai des questions de confiance à poser aux différents panafricanismes africains.
Sont-ils panafricanistes, ces Ivoiriens qui ont massacré le Burkinabé et le Malien, pour la simple et bonne raison qu’ils étaient Burkinabé et Malien ?
Sont-ils panafricanistes, ceux qui considèrent les Camerounais vivant dans leur pays comme des sous-hommes?
Les Tchadiens, les Centrafricains ou les Nigérians vivant chez eux comme des moins que rien ?
Oui, chers Collègues, qu’est donc devenu le rêve d’une Afrique sans entraves et sans frontières? Qu’est devenu cet esprit d’unité et de solidarité, censé être à la base de notre « Africanité » ? Quand un étranger né en Côte d’Ivoire accède à la nationalité ivoirienne après 40 ans de vie dans la ségrégation, sont-ils panafricanistes, ceux qui crient à l’invasion étrangère ?
À l’opposé de ces dérives aux détestables relents xénophobes, je continue à croire que nous sommes capables de donner un corps à ce rêve d’union et de donner une âme à cet élan de solidarité qui nous est si naturel qu’il n’est pas de blessure que subisse l’un de nos frères, qui ne nous affecte et ne nous interpelle comme c’est malheureusement le cas de la République centrafricaine, autre État frontalier en grandes difficultés de tous ordres.
Il nous faut résolument sortir des déclarations généreuses, pour pratiquer et instituer l’hospitalité africaine au cœur de nos Etats, pour le bien de nos peuples et de nos concitoyens, pour une modernisation harmonieuse de notre continent.
De ce point de vue, comment se priver de tirer des leçons proprement camerounaises de notre temps ?
Comment ne pas être admiratif, quand on vient d’un pays, le mien, qui s’est divisé lui-même et ne peut s’en prendre qu’à lui et à lui seul, pour s’être trouvé dans cette situation de partition, si on le compare au Cameroun, que d’autres, les colons, ont divisé contre son gré et qui, malgré tout, est parvenu de son propre chef, à reconstituer son unité et à reconstruire son identité !
Honorables Députés,
Chers Collègues,
Nous avons été « à votre écoute ». Reste, comme convenu, à examiner selon quelles modalités nous pouvons « être à vos côtés » en vous donnant l’occasion, si vous le souhaitez, de partager avec vous l’expérience ivoirienne.
Être à vos côtés, cela signifie revenir sur les problèmes qui se sont posés à nous et sur les procédures que nous avons mises en place pour les résoudre.
Voici donc un pays, la Côte d’Ivoire, ce havre de paix admiré dans la sous-région pour la sérénité de ses habitants et la stabilité de ses Institutions, qui se retrouve à son tour au bord du gouffre de la division et de la destruction.
Voici donc une nation qui se prend à oublier que ce qui faisait sa noblesse et sa grandeur, c’était son esprit de tolérance et son respect de la différence.
Tout au long de mon enfance et de mon adolescence, je m’étais familiarisé avec l’idée qu’être Ivoirien et être fier d’être Ivoirien, c’était la même chose, qu’il y avait au cœur de chacun de mes concitoyens cet indéfectible attachement à une Côte d’Ivoire unie, qui vit en parfaite harmonie avec tous ses voisins et amis. J’ai fait mes classes avec des camarades dont je ne me suis jamais soucié ni de l’origine ethnique, ni de l’appartenance religieuse, car, pendant longtemps, ces données sectaires n’ont jamais habité, ni la façon de penser, ni la façon de faire des ivoiriens.
Imaginez donc ma stupéfaction, quand je m’aperçus peu à peu qu’il y avait désormais en Côte d’Ivoire, des ivoiriens à part entière et des Ivoiriens entièrement à part, et que rentraient dans cette catégorie de l’infamie, toutes celles et tous ceux dont on pouvait supposer qu’ils n’étaient pas de chez nous et qu’ils venaient d’ailleurs, de l’un de ces pays dont il était dit qu’ils ne pouvaient être que nos ennemis.
Alors, voyez-vous, je n’ai aucun scrupule et je n’éprouve aucune hésitation à le dire, je me suis élevé avec force contre cette dérive identitaire, contre cette xénophobie rampante, contre cette politique discriminante.
Oui, chers amis Camerounais, je vous le dis: je me suis rebellé contre l’ivoirité qui catégorisait les Ivoiriens.
Quelle différence entre l’ivoirité et le colonialisme ?
Aucune, sauf peut-être une insignifiante différence de couleur.
En Côte d’Ivoire, on a voulu instaurer une hiérarchie naturelle entre des citoyens pourtant égaux en droits et en devoirs. Cette politique active de l’ivoirité insidieusement récupérée et amplifiée par Monsieur Gbagbo, n’était rien d’autre que la tropicalisation de la colonisation des Africains par des Africains.
Oui, comme Martin-Paul Samba, Edandé Mbita, furent rebelles contre le colonialisme allemand ici au Cameroun, je le suis devenu !
Comme Ruben Um Nyobè, Félix Moumié, et bien d’autres, furent rebelles contre le colonialisme français ici même au Cameroun, je le suis devenu !
Comme le peuple Abbey de Côte d’Ivoire, cruellement déporté pour sa résistance au colonialisme français au début du 20ème siècle, je me suis rebellé !
Je suis rebelle contre toute politique occidentale, asiatique, américaine ou africaine qui normalise l’injustice, les discriminations, le mépris et l’exploitation quotidienne de l’homme par l’homme.
Telle est la Cause à laquelle j’ai dédié ma jeunesse et mes facultés. Les causes qui ont justifié les sacrifices de vos glorieux prédécesseurs sont celles qui ont avivé la flamme de mon combat.
Oui, chers amis collègues, depuis mon arrivée dans votre beau pays, j’ai toujours eu l’impression que l’Ivoirien que je suis est également Camerounais comme tout Africain est chez lui partout sur le continent africain.
Si vous voulez bien me conférer ce titre d’identité, je vous en remercie, car nous sommes tous des Africains, ce qui veut dire les amis, les parents et les frères de tous les Africains.
C’est pourquoi, le peuple ivoirien s’est réjoui de la mobilisation de tous les Africains à son chevet quand est survenue la crise. Nous avons favorisé le dialogue direct sous les auspices des Chefs d’Etats africains.
Et c’est cet échange direct entre tous les protagonistes ivoiriens qui a finalement abouti à la décrispation nécessaire pour que l’on puisse organiser, dans la sérénité et en toute sécurité, des élections présidentielles, législatives, régionales et municipales dont les procédures ont été unanimement saluées comme ayant été transparentes, ouvertes à tous, démocratiques et, disons-le sans forfanterie, exemplaires, dans leur préparation, leur organisation comme dans leur déroulement.
En effet, initier et faire aboutir un véritable dialogue politique inclusif, nous l’avons fait à Pretoria II en 2005 puis à Ouagadougou en 2007, sans la moindre intrusion d’une quelconque puissance occidentale. Ce sont des Accords africains, entre les Africains. Ce sont les Accords de Pretoria II et de Ouagadougou qui ont défini l’ensemble des modalités de sortie de crise que nous avons scrupuleusement suivies.
Peut-être faut-il rappeler ici que, en son titre 10 portant sur l’organisation des élections, l’Accord de Pretoria II dument signé par tous les acteurs ivoiriens, stipulait clairement et je cite :
« Les parties signataires du présent accord sont conscientes des difficultés et sensibilités liées aux élections. En vue d’assurer l’organisation d’élections libres, justes et transparentes, elles ont admis que les Nations Unies soient invitées à prendre part aux travaux de la Commission Electorale Indépendante. A cet effet, elles ont donné mandat au Médiateur, Son Excellence Monsieur Thabo MBEKI, d’adresser une requête aux Nations Unies, au nom du peuple ivoirien, en vue de leur participation dans l’organisation des élections générales. » Fin de citation.
D’où vient-il qu’au nom d’un prétendu panafricanisme, on s’offusque que les Nations Unies aient exécuté leur mandat ?
Peut-on dire que nous sommes plus panafricanistes qu’un leader de la dimension de Thabo M’BEKI qui, avec ses compagnons de l’ANC de Mandela, se sont rebellés contre l’Apartheid ?
L’élection présidentielle ivoirienne d’octobre-novembre 2010 fut l’élection la plus surveillée, je dirais même la plus rigoureuse de toute l’histoire contemporaine de notre pays. C’est un fait incontestable.
Au demeurant, même un simple néophyte pourrait comprendre, sans être agrégé de mathématiques, que dans notre pays, lorsque 2 grands Partis politiques unissent leurs voix, le 3ème n’a aucun moyen de l’emporter.
Soyons clair et précis : en Côte d’Ivoire nous avons 3 grands partis politiques qui, soyons généreux, pèsent chacun le tiers de l’électorat. Alors, vous conviendrez avec moi que si 2/3 se mettent ensemble, ils ne peuvent que battre le tiers restant : Laurent GBABGO représentait ce tiers restant ! N’en déplaise !
Il est donc évident que c’est sur la base de faits vérifiés et conformément à des procédures avérées, que les résultats de l’élection présidentielle ont été proclamés : Monsieur Alassane Ouattara a bel et bien été élu démocratiquement Président de la République et il est le Président de tous les Ivoiriens.
Si le Président Gbagbo avait cédé le pouvoir pacifiquement comme cela a été le cas du Président Wade au Sénégal ou du Président Rupiah Banda en Zambie, il n’y aurait pas eu toute cette tragédie postélectorale. Et Laurent Gbagbo ne serait pas aujourd’hui devant cette Cour Pénale Internationale à laquelle il n’a jamais été opposé quand il était encore au pouvoir.
Oui, il faut le rappeler car trop de gens ont la mémoire sélective dans nos opinions nationales respectives.
Chers Collègues,
Ma vision des choses se résume à la formule suivante : refuser d’entendre la voix du peuple et d’accepter le verdict des urnes, quand une consultation électorale a été transparente, c’est se rendre coupable d’un véritable déni de démocratie.
Aujourd’hui, la crise est derrière nous. Place à présent à la réconciliation nationale qui, il faut l’admettre, a été laborieuse au départ.
Cependant, je ne doute pas un seul instant, que nous y parviendrons dans un avenir qui ne me semble pas éloigné car les choses vont dans le bon sens.
Je suis confiant en la capacité des Ivoiriens à se retrouver autour de leur intérêt commun et à œuvrer ensemble à bâtir cette nation forte et prospère dont les signaux sont désormais clairement visibles. En effet, sous la conduite du Président Ouattara, le second miracle économique se réalise sous nos yeux avec un taux de croissance qui avoisine les 10%.
Je ne doute pas un seul instant que nous serons à même, grâce aux efforts conjugués de chacun et de tous, de retrouver ce respect mutuel et cette confiance partagée, sans lesquels il n’y a pas de saine démocratie.
Je n’ai donc pas d’inquiétude particulière, il faut que vous le sachiez, sur le bon déroulement de la prochaine élection présidentielle : le Président Alassane OUATTARA et les Institutions ivoiriennes sauront trouver les mots et poser les actes qui nous permettront de transformer les ennemis d’hier en adversaires de demain et de découvrir le juste équilibre qui nous permettra, dans la confiance et la sérénité retrouvées, de consulter librement le peuple ivoirien.
La principale leçon que nous avons nous-mêmes retenue de cette expérience d’une démocratie qui s’inscrit progressivement dans la durée, c’est que la démocratie ne se décrète pas, mais qu’elle se construit pas à pas : elle requiert l’implication de tous les acteurs sociaux et elle exige, de leur part, un engagement de tous les instants.
Honorables Députés
Mesdames et Messieurs,
La démocratie n’est pas une fin en soi. Nos peuples n’y croiront pas, si elle ne s’accompagne pas de paix, de justice, de stabilité et de prospérité. Nous qui avons connu les affres de l’insécurité ne pouvons que comprendre l’intensité de la situation géopolitique du Cameroun aujourd’hui. La terre de paix et de liberté du Cameroun ne saurait se plier à une nouvelle inféodation. BOKO HARAM ne combat pas l’injustice. BOKO HARAM veut la faire prospérer, tout au contraire. La dignité des résistances émancipatrices n’a rien à voir avec la bassesse de ces criminels qui ternissent l’ISLAM AFRICAIN, la Femme Africaine, l’Humanité Africaine.
Avec BOKO HARAM, ce sont les normes universelles des civilisations africaines qui sont en péril : le respect, l’accueil, le partage, le dialogue, la symbiose réfléchie de nos peuples avec la nature, telles sont les valeurs que BOKO HARAM piétine avec effronterie et cynisme. Le caractère planétaire de ce danger nous est confirmé par le fait que ce redoutable mouvement qui sème le chaos au Nigéria, intervient en renfort des islamistes armés dans le nord du Mali et menace directement le peuple malien de représailles assassines.
L’internationalisation du danger terroriste requiert l’internationalisation de la coordination sécuritaire des Etats africains.
Honorables Députés,
Chers Collègues,
Vos périls sont les nôtres. La loi du « chacun pour soi » nous a résolument montré toutes ses limites. Réveillons-nous et œuvrons intelligemment ensemble pour envisager un avenir réellement meilleur pour nos peuples. Le phénomène BOKO HARAM nous interpelle à la mobilisation générale.
L’appel que nous voulons lancer consiste à affirmer haut et fort que le terrorisme ne concerne pas une seule région africaine à l’exclusion de toutes les autres ; qu’il n’y a pas de pays qui puisse être solitairement épargné, quelles que soient les mesures nationales mises en place pour s’en prémunir !
Dans le feu et face à la Terreur, les vaillants soldats des Forces Armées Camerounaises sont actuellement en opération dans le nord de ce pays, pour le salut de leur patrie. Je tiens à les assurer du soutien fraternel et chaleureux de l’Etat de Côte d’Ivoire que je représente devant vous aujourd’hui. Ils mènent le juste et bon combat contre l’obscurantisme. Vaincre BOKO HARAM n’est pas seulement une nécessité, c’est un Devoir Sacré, pour la sauvegarde de nos valeurs d’humanité.
Nous, parlementaires Africains, devons comprendre que ce n’est pas seulement une affaire exclusive de nos exécutifs. Nous, Parlementaires africains, devons recommander que l’action exécutive soit complétée par une action interparlementaire pour sortir de la crise qui menace de contaminer gravement notre continent.
Ma suggestion concrète se décline comme suit : je suggère que notre doyen, le Très Honorable Président CAVAYE, prenne l’initiative d’engager le débat sur la lutte contre le terrorisme dans un cadre panafricain et interparlementaire et que l’Assemblée nationale du Cameroun organise un Séminaire interparlementaire sur les stratégies concertées et coordonnées à développer, dans la lutte contre le fondamentalisme et le terrorisme.
Bien évidemment, nous appuierons solidairement ces initiatives opportunes.
Très Honorable Président,
Honorables Députés,
Me voici parvenu au terme de mon intervention. Permettez-moi de réitérer ma gratitude et ma reconnaissance aux plus hautes autorités de votre pays et au Peuple camerounais pour son accueil empreint d’amour et de chaleur. Soyez remerciés au nom du Peuple ivoirien.
Vive le Cameroun, Vive la Côte d’Ivoire !
Vive l’amitié entre la Côte d’Ivoire et le Cameroun !
Je vous remercie.
Guillaume Kigbafori SORO
Président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire
Me voici donc à Yaoundé, parmi vous et pour de vrai. J’apporte le salut de la Cote d’Ivoire, terre d’espérance, pays d’hospitalité, à la République sœur du Cameroun, berceau de nos ancêtres, qui va debout et fier de sa liberté.
Pour tous les Ivoiriens, que ma délégation et moi-même représentons en cet hémicycle historique de Ngoa-Ekellé, le drapeau camerounais reflète bien, ce symbole ardent de paix et d’unité. Nous sommes heureux de savoir que tous les enfants du Cameroun, de l’Est à l’Ouest et du Nord au Sud, sont résolument soucieux du service dû à cette grande nation africaine.
Soyez assuré que nous sommes honorés de pouvoir participer à la Cérémonie d’ouverture de la 2ème Session Ordinaire de votre Assemblée et que cette date du 11 juin 2014 restera gravée de façon indélébile dans l’histoire des relations entre nos deux institutions.
Monsieur le Président, soyez fraternellement et chaleureusement remercié de cette invitation cordiale.
En ce jour hautement symbolique pour votre représentation nationale, je ne saurais omettre l’évocation du Cameroun du Football alors que je foule votre sol à l’orée de la Coupe du monde 2014.
La glorieuse épopée des Lions Indomptables dans ce sport-roi, a conquis l’Afrique entière. Quand, en 1990, le Cameroun joue et gagne face aux grands de ce monde, quel africain n’est pas camerounais ?
Quels frémissements de fierté n’avons-nous pas partagé avec votre grand peuple, quand les légendes vivantes du football africain qui, de Roger Milla hier à Samuel E’too Fils aujourd’hui, ont époustouflé les stades par leur génie ? Ce dont le Cameroun est capable sur les stades de Football, quand il est uni et fort comme ses Lions Indomptables, c’est de porter l’espoir de tous les Africains d’être meilleurs.
Ainsi, les succès du Cameroun rendent l’Afrique entière indomptable.
Monsieur le Président,
Très Honorable CAVAYE,
Me voici présent dans ce haut lieu de la démocratie à votre invitation. C’est en effet un sentiment de fierté qui envahit le modeste apprenti que je suis, pour l’heureuse occasion qui m’est offerte, d’être un élève attentif, à l’école de ce Maître que vous êtes, vous qui occupez la haute fonction de Président de l’Assemblée nationale du Cameroun depuis plus de 20 ans !
En cet instant solennel et avant tout propos, permettez-moi de m’acquitter d’un agréable devoir : celui de transmettre les chaleureuses salutations du Président de la République de Côte d’Ivoire, Son Excellence Monsieur Alassane Ouattara, à son frère ainé et ami, Son Excellence Monsieur le Président Paul BIYA, tout en rappelant que ces deux grands Chefs d’État s’honorent de l’admiration et du respect mutuels qu’ils se portent depuis longtemps.
Honorables Députés,
Sachez qu’à travers nous, c’est la Côte d’Ivoire toute entière, dans toute la richesse de sa diversité, qui est à votre écoute et à vos côtés, et que nous avons la ferme intention de saisir cette opportunité pour engager un dialogue franc et direct et pour aborder les vraies questions : partons ensemble, chers collègues, à la recherche de solutions innovantes qui puissent répondre aux attentes et aux préoccupations de nos populations, tel est le sens de mon intervention.
Dès mon plus jeune âge, je n’ai pas manqué, sur les bancs de ma modeste école primaire, d’apprendre mes leçons et de faire le rapprochement entre les cours de géographie, qui nous apprenaient que votre pays est placé, du haut de ses 4 000 mètres d’altitude, sous la protection du Mont Cameroun, et les cours d’histoire, qui soulignaient l’importance de l’année 1944 et la hauteur de vues dont fit preuve Felix Houphouët-Boigny, lors de la Conférence de Brazzaville : acte fondateur d’une décolonisation réussie, ou simple signe annonciateur d’un long et difficile processus d’émancipation de notre continent ? La question est toujours d’actualité…
Très Honorable Président Cavayé,
Quelle édifiante leçon, pour les apprentis parlementaires que nous sommes, que de constater que cette réussite éclatante, vous l’avez construite en restant fidèle au Chef de l’État, Son Excellence Monsieur le Président Paul BIYA et à son parti.
Je me suis laissé dire, au lendemain de mon élection à la tête du Parlement ivoirien, que j’intégrais le club très ouvert des Présidents d’Assemblées nationales d’Afrique conduit par le doyen des doyens, le Très Honorable CAVAYE, qui aujourd’hui totalise plus de 44 ans de présence à l’Hémicycle de la République du Cameroun.
Dès lors, vous pouvez donc comprendre mon bonheur d’être venu m’abreuver à la source de cette Sommité, moi le benjamin qui ne revendique pas encore 44 ans d’âge.
Au nom du Club des Présidents d’Assemblée nationale, je veux vous rendre un hommage mérité.
Très Honorable Collègue Président,
Je voudrais qu’il me soit également permis de saluer le Premier Président du Sénat camerounais, Son Excellence Monsieur Marcel Niat NJIFENDJI, éminente personnalité : du brillant lauréat du Concours Général en Histoire et Géographie, au Perchoir de la Chambre Haute, en passant par les importantes fonctions managériales et ministérielles, cet ingénieur aux compétences avérées a fait bénéficier son pays des fruits de sa longue et riche expérience scientifique et politique.
Honorables Collègues Député
Je suis aujourd’hui devant vous, pour vous parler et pour vous entendre parler d’amitié, de solidarité et de coopération entre nos deux Parlements et, à travers eux, entre nos deux populations.
La bienveillante attention que vous avez prêtée à notre mission et votre désir manifeste de la rendre à la fois utile et agréable, suffisent à me persuader que les perspectives qui s’ouvrent devant nous sont désormais favorables au développement de notre coopération interparlementaire et qu’elles nous amèneront à œuvrer de concert pour la consolider.
À travers la modeste voix de l’éphémère messager que je suis, ce sont les craintes, les attentes et les aspirations profondes de la Côte d’Ivoire toute entière qui s’expriment et que nos Institutions parlementaires nous permettent justement de prendre en compte et de satisfaire.
Entendons-nous bien : quand j’utilise des expressions comme « œuvrer de concert » ou « conjuguer nos efforts », ce ne sont pas de vaines paroles, car je suis habité par une intime conviction : chaque peuple a, selon moi, un génie qui lui est propre et sa mission est de mettre ce génie au service du bien commun de l’humanité.
C’est pourquoi, je suis persuadé que nous pouvons enrichir notre propre patrimoine culturel, en nous inspirant de l’expérience acquise par nos frères Camerounais, qui ont su relever les défis auxquels ils se sont trouvés confrontés, du fait de la spécificité de leur situation.
Réciproquement, il nous est permis de penser que l’expérience ivoirienne, sous le triple aspect de l’avènement de la crise, de sa gestion et de son achèvement, mérite d’être évoquée et partagée avec vous.
Ainsi, j’en reviens à ma proposition initiale qui consistait, si vous vous en souvenez, à « être à votre écoute et à vos côtés » :
Être à votre écoute, cela veut dire engager une réflexion approfondie sur l’expérience politique et sociale de votre pays, et sur les leçons que nous serons à même d’en tirer pour améliorer nos propres modèles de gouvernance démocratique pour l’épanouissement de nos populations.
Nous avons aujourd’hui la chance d’être auprès de vous, vous les dignes et légitimes représentants du peuple souverain, et c’est pourquoi j’en profite pour revenir sur les questions spécifiques qui, tout au long de son histoire, se sont posées au Cameroun.
Je pense en particulier à la question de la conception fédérale ou unitaire de l’État, ainsi qu’à celle du pluralisme linguistique.
Mais avant cela, n’oublions pas de rappeler, dès lors qu’il s’agit de juger des Institutions africaines ou de se demander où nous en sommes en termes d’émergence de la démocratie ou de stratégie de développement, que notre continent a été colonisé et que cet héritage est parfois bien lourd à porter : les faits sont là et ils sont têtus : les pays occidentaux, pendant des siècles, ont privé nos populations de la maîtrise de leur destin.
Soit dit en passant : ils seraient donc bien inspirés, s’ils faisaient preuve à notre égard, de patience et de tolérance, quand il s’agit de parler d’émergence économique ou d’exigences démocratiques !
Le fait est que la prétendue mission civilisatrice de la colonisation a été le prétexte de trop de crimes accomplis en son nom, au Cameroun, en Côte d’Ivoire comme partout ailleurs.
Je vous épargnerai le rappel du triste cortège de crimes et autres violations des droits fondamentaux de la personne humaine, qui ont marqué au fer rouge de l’infamie, l’histoire de la colonisation comme celle de notre libération. Mais une chose est certaine : aucun pays n’est fier d’avoir été colonisé et, par voie de conséquence, aucun de nos pays ne devrait se glorifier d’avoir été le plus terrorisé des pays colonisés !
Malgré tout, je demeure persuadé que nous avons mieux à faire que de ressasser indéfiniment ce douloureux passé, car ce serait se condamner à entrer dans l’avenir à reculons, comme si nous étions prisonniers d’un véhicule qui ne fonctionne qu’en marche arrière et dont le conducteur ne sait se servir que du rétroviseur !
En revanche, il est clair qu’une réflexion concertée sur les séquelles de la colonisation ne peut être que bénéfique, car l’impact négatif sur notre culture ancestrale, notre modèle économique et notre tissu social n’a pas revêtu la même forme dans nos différents pays.
Ainsi, s’agissant du Cameroun, les séquelles de la colonisation constituent sans aucun doute un handicap encore plus difficile à surmonter, du fait des multiples convoitises dont il a été l’objet.
Votre pays représente en effet, poussées jusqu’à leur paroxysme, les rivalités entre les grandes puissances, qui ont transposé en Afrique les ambitions impérialistes qui étaient les leurs sur leur propre continent.
Honorables Députés,
Il faut croire que votre pays possède un mystérieux pouvoir d’attraction, puisqu’il fit l’objet successivement des visées expansionnistes du Portugal, de la Hollande, de l’Allemagne, de la Grande Bretagne et de la France !
La contradiction de votre situation a été portée à son comble, quand le Cameroun s’est trouvé divisé en deux parties, (francophone et anglophone), les belligérants occidentaux n’étant pas parvenus à régler autrement, la question du dépeçage programmé de notre continent !
Cette caractéristique, comme c’est souvent le cas, va se traduire dans un premier temps par des effets négatifs, mais elle vous a permis, par la suite, d’ouvrir des perspectives positives et prometteuses pour votre pays.
Les aspects négatifs de cette acculturation multiforme qui a été imposée à votre population, concernent les changements incessants qu’il vous a fallu apporter aux règles de fonctionnement de la société, au rythme aléatoire des défaites et des victoires remportées par les pays colonisateurs sur leurs propres champs de bataille.
Pour autant, les leaders Africains, nos valeureux devanciers ont intellectuellement réagi contre la colonisation par la doctrine dite du panafricanisme, union des révoltés contre la domination, au nom du droit inaliénable qu’à tout peuple à disposer de lui-même.
Je ne m’étendrai point ici sur les nuances de l’idéologie panafricaniste, entre les mouvances capitalistes et socialistes, pragmatistes et traditionnalistes. Je me contenterai cependant de souligner que le meilleur des critères pour évaluer le degré d’humanité d’une politique, c’est de mesurer le sort fait aux minorités vulnérables.
Il faut donc poser aux panafricanismes africains des questions qui visent droit au cœur de la dignité humaine en péril dans tout combat politique. On découvre alors que seul vaut un panafricanisme de projet, d’inclusion et de solidarité concrètes, alors que la pire des choses qui puisse nous arriver, c’est la confiscation du thème panafricaniste par les imposteurs du national-chauvinisme. La haine de l’Occident devient, pour bon nombre d’entre eux, une manière de déguiser leur mépris de la liberté et de la justice entre les Africains eux-mêmes.
Comment se rendre complice d’une telle mystification ?
Oui, Honorables Collègues, j’ai des questions de confiance à poser aux différents panafricanismes africains.
Sont-ils panafricanistes, ces Ivoiriens qui ont massacré le Burkinabé et le Malien, pour la simple et bonne raison qu’ils étaient Burkinabé et Malien ?
Sont-ils panafricanistes, ceux qui considèrent les Camerounais vivant dans leur pays comme des sous-hommes?
Les Tchadiens, les Centrafricains ou les Nigérians vivant chez eux comme des moins que rien ?
Oui, chers Collègues, qu’est donc devenu le rêve d’une Afrique sans entraves et sans frontières? Qu’est devenu cet esprit d’unité et de solidarité, censé être à la base de notre « Africanité » ? Quand un étranger né en Côte d’Ivoire accède à la nationalité ivoirienne après 40 ans de vie dans la ségrégation, sont-ils panafricanistes, ceux qui crient à l’invasion étrangère ?
À l’opposé de ces dérives aux détestables relents xénophobes, je continue à croire que nous sommes capables de donner un corps à ce rêve d’union et de donner une âme à cet élan de solidarité qui nous est si naturel qu’il n’est pas de blessure que subisse l’un de nos frères, qui ne nous affecte et ne nous interpelle comme c’est malheureusement le cas de la République centrafricaine, autre État frontalier en grandes difficultés de tous ordres.
Il nous faut résolument sortir des déclarations généreuses, pour pratiquer et instituer l’hospitalité africaine au cœur de nos Etats, pour le bien de nos peuples et de nos concitoyens, pour une modernisation harmonieuse de notre continent.
De ce point de vue, comment se priver de tirer des leçons proprement camerounaises de notre temps ?
Comment ne pas être admiratif, quand on vient d’un pays, le mien, qui s’est divisé lui-même et ne peut s’en prendre qu’à lui et à lui seul, pour s’être trouvé dans cette situation de partition, si on le compare au Cameroun, que d’autres, les colons, ont divisé contre son gré et qui, malgré tout, est parvenu de son propre chef, à reconstituer son unité et à reconstruire son identité !
Honorables Députés,
Chers Collègues,
Nous avons été « à votre écoute ». Reste, comme convenu, à examiner selon quelles modalités nous pouvons « être à vos côtés » en vous donnant l’occasion, si vous le souhaitez, de partager avec vous l’expérience ivoirienne.
Être à vos côtés, cela signifie revenir sur les problèmes qui se sont posés à nous et sur les procédures que nous avons mises en place pour les résoudre.
Voici donc un pays, la Côte d’Ivoire, ce havre de paix admiré dans la sous-région pour la sérénité de ses habitants et la stabilité de ses Institutions, qui se retrouve à son tour au bord du gouffre de la division et de la destruction.
Voici donc une nation qui se prend à oublier que ce qui faisait sa noblesse et sa grandeur, c’était son esprit de tolérance et son respect de la différence.
Tout au long de mon enfance et de mon adolescence, je m’étais familiarisé avec l’idée qu’être Ivoirien et être fier d’être Ivoirien, c’était la même chose, qu’il y avait au cœur de chacun de mes concitoyens cet indéfectible attachement à une Côte d’Ivoire unie, qui vit en parfaite harmonie avec tous ses voisins et amis. J’ai fait mes classes avec des camarades dont je ne me suis jamais soucié ni de l’origine ethnique, ni de l’appartenance religieuse, car, pendant longtemps, ces données sectaires n’ont jamais habité, ni la façon de penser, ni la façon de faire des ivoiriens.
Imaginez donc ma stupéfaction, quand je m’aperçus peu à peu qu’il y avait désormais en Côte d’Ivoire, des ivoiriens à part entière et des Ivoiriens entièrement à part, et que rentraient dans cette catégorie de l’infamie, toutes celles et tous ceux dont on pouvait supposer qu’ils n’étaient pas de chez nous et qu’ils venaient d’ailleurs, de l’un de ces pays dont il était dit qu’ils ne pouvaient être que nos ennemis.
Alors, voyez-vous, je n’ai aucun scrupule et je n’éprouve aucune hésitation à le dire, je me suis élevé avec force contre cette dérive identitaire, contre cette xénophobie rampante, contre cette politique discriminante.
Oui, chers amis Camerounais, je vous le dis: je me suis rebellé contre l’ivoirité qui catégorisait les Ivoiriens.
Quelle différence entre l’ivoirité et le colonialisme ?
Aucune, sauf peut-être une insignifiante différence de couleur.
En Côte d’Ivoire, on a voulu instaurer une hiérarchie naturelle entre des citoyens pourtant égaux en droits et en devoirs. Cette politique active de l’ivoirité insidieusement récupérée et amplifiée par Monsieur Gbagbo, n’était rien d’autre que la tropicalisation de la colonisation des Africains par des Africains.
Oui, comme Martin-Paul Samba, Edandé Mbita, furent rebelles contre le colonialisme allemand ici au Cameroun, je le suis devenu !
Comme Ruben Um Nyobè, Félix Moumié, et bien d’autres, furent rebelles contre le colonialisme français ici même au Cameroun, je le suis devenu !
Comme le peuple Abbey de Côte d’Ivoire, cruellement déporté pour sa résistance au colonialisme français au début du 20ème siècle, je me suis rebellé !
Je suis rebelle contre toute politique occidentale, asiatique, américaine ou africaine qui normalise l’injustice, les discriminations, le mépris et l’exploitation quotidienne de l’homme par l’homme.
Telle est la Cause à laquelle j’ai dédié ma jeunesse et mes facultés. Les causes qui ont justifié les sacrifices de vos glorieux prédécesseurs sont celles qui ont avivé la flamme de mon combat.
Oui, chers amis collègues, depuis mon arrivée dans votre beau pays, j’ai toujours eu l’impression que l’Ivoirien que je suis est également Camerounais comme tout Africain est chez lui partout sur le continent africain.
Si vous voulez bien me conférer ce titre d’identité, je vous en remercie, car nous sommes tous des Africains, ce qui veut dire les amis, les parents et les frères de tous les Africains.
C’est pourquoi, le peuple ivoirien s’est réjoui de la mobilisation de tous les Africains à son chevet quand est survenue la crise. Nous avons favorisé le dialogue direct sous les auspices des Chefs d’Etats africains.
Et c’est cet échange direct entre tous les protagonistes ivoiriens qui a finalement abouti à la décrispation nécessaire pour que l’on puisse organiser, dans la sérénité et en toute sécurité, des élections présidentielles, législatives, régionales et municipales dont les procédures ont été unanimement saluées comme ayant été transparentes, ouvertes à tous, démocratiques et, disons-le sans forfanterie, exemplaires, dans leur préparation, leur organisation comme dans leur déroulement.
En effet, initier et faire aboutir un véritable dialogue politique inclusif, nous l’avons fait à Pretoria II en 2005 puis à Ouagadougou en 2007, sans la moindre intrusion d’une quelconque puissance occidentale. Ce sont des Accords africains, entre les Africains. Ce sont les Accords de Pretoria II et de Ouagadougou qui ont défini l’ensemble des modalités de sortie de crise que nous avons scrupuleusement suivies.
Peut-être faut-il rappeler ici que, en son titre 10 portant sur l’organisation des élections, l’Accord de Pretoria II dument signé par tous les acteurs ivoiriens, stipulait clairement et je cite :
« Les parties signataires du présent accord sont conscientes des difficultés et sensibilités liées aux élections. En vue d’assurer l’organisation d’élections libres, justes et transparentes, elles ont admis que les Nations Unies soient invitées à prendre part aux travaux de la Commission Electorale Indépendante. A cet effet, elles ont donné mandat au Médiateur, Son Excellence Monsieur Thabo MBEKI, d’adresser une requête aux Nations Unies, au nom du peuple ivoirien, en vue de leur participation dans l’organisation des élections générales. » Fin de citation.
D’où vient-il qu’au nom d’un prétendu panafricanisme, on s’offusque que les Nations Unies aient exécuté leur mandat ?
Peut-on dire que nous sommes plus panafricanistes qu’un leader de la dimension de Thabo M’BEKI qui, avec ses compagnons de l’ANC de Mandela, se sont rebellés contre l’Apartheid ?
L’élection présidentielle ivoirienne d’octobre-novembre 2010 fut l’élection la plus surveillée, je dirais même la plus rigoureuse de toute l’histoire contemporaine de notre pays. C’est un fait incontestable.
Au demeurant, même un simple néophyte pourrait comprendre, sans être agrégé de mathématiques, que dans notre pays, lorsque 2 grands Partis politiques unissent leurs voix, le 3ème n’a aucun moyen de l’emporter.
Soyons clair et précis : en Côte d’Ivoire nous avons 3 grands partis politiques qui, soyons généreux, pèsent chacun le tiers de l’électorat. Alors, vous conviendrez avec moi que si 2/3 se mettent ensemble, ils ne peuvent que battre le tiers restant : Laurent GBABGO représentait ce tiers restant ! N’en déplaise !
Il est donc évident que c’est sur la base de faits vérifiés et conformément à des procédures avérées, que les résultats de l’élection présidentielle ont été proclamés : Monsieur Alassane Ouattara a bel et bien été élu démocratiquement Président de la République et il est le Président de tous les Ivoiriens.
Si le Président Gbagbo avait cédé le pouvoir pacifiquement comme cela a été le cas du Président Wade au Sénégal ou du Président Rupiah Banda en Zambie, il n’y aurait pas eu toute cette tragédie postélectorale. Et Laurent Gbagbo ne serait pas aujourd’hui devant cette Cour Pénale Internationale à laquelle il n’a jamais été opposé quand il était encore au pouvoir.
Oui, il faut le rappeler car trop de gens ont la mémoire sélective dans nos opinions nationales respectives.
Chers Collègues,
Ma vision des choses se résume à la formule suivante : refuser d’entendre la voix du peuple et d’accepter le verdict des urnes, quand une consultation électorale a été transparente, c’est se rendre coupable d’un véritable déni de démocratie.
Aujourd’hui, la crise est derrière nous. Place à présent à la réconciliation nationale qui, il faut l’admettre, a été laborieuse au départ.
Cependant, je ne doute pas un seul instant, que nous y parviendrons dans un avenir qui ne me semble pas éloigné car les choses vont dans le bon sens.
Je suis confiant en la capacité des Ivoiriens à se retrouver autour de leur intérêt commun et à œuvrer ensemble à bâtir cette nation forte et prospère dont les signaux sont désormais clairement visibles. En effet, sous la conduite du Président Ouattara, le second miracle économique se réalise sous nos yeux avec un taux de croissance qui avoisine les 10%.
Je ne doute pas un seul instant que nous serons à même, grâce aux efforts conjugués de chacun et de tous, de retrouver ce respect mutuel et cette confiance partagée, sans lesquels il n’y a pas de saine démocratie.
Je n’ai donc pas d’inquiétude particulière, il faut que vous le sachiez, sur le bon déroulement de la prochaine élection présidentielle : le Président Alassane OUATTARA et les Institutions ivoiriennes sauront trouver les mots et poser les actes qui nous permettront de transformer les ennemis d’hier en adversaires de demain et de découvrir le juste équilibre qui nous permettra, dans la confiance et la sérénité retrouvées, de consulter librement le peuple ivoirien.
La principale leçon que nous avons nous-mêmes retenue de cette expérience d’une démocratie qui s’inscrit progressivement dans la durée, c’est que la démocratie ne se décrète pas, mais qu’elle se construit pas à pas : elle requiert l’implication de tous les acteurs sociaux et elle exige, de leur part, un engagement de tous les instants.
Honorables Députés
Mesdames et Messieurs,
La démocratie n’est pas une fin en soi. Nos peuples n’y croiront pas, si elle ne s’accompagne pas de paix, de justice, de stabilité et de prospérité. Nous qui avons connu les affres de l’insécurité ne pouvons que comprendre l’intensité de la situation géopolitique du Cameroun aujourd’hui. La terre de paix et de liberté du Cameroun ne saurait se plier à une nouvelle inféodation. BOKO HARAM ne combat pas l’injustice. BOKO HARAM veut la faire prospérer, tout au contraire. La dignité des résistances émancipatrices n’a rien à voir avec la bassesse de ces criminels qui ternissent l’ISLAM AFRICAIN, la Femme Africaine, l’Humanité Africaine.
Avec BOKO HARAM, ce sont les normes universelles des civilisations africaines qui sont en péril : le respect, l’accueil, le partage, le dialogue, la symbiose réfléchie de nos peuples avec la nature, telles sont les valeurs que BOKO HARAM piétine avec effronterie et cynisme. Le caractère planétaire de ce danger nous est confirmé par le fait que ce redoutable mouvement qui sème le chaos au Nigéria, intervient en renfort des islamistes armés dans le nord du Mali et menace directement le peuple malien de représailles assassines.
L’internationalisation du danger terroriste requiert l’internationalisation de la coordination sécuritaire des Etats africains.
Honorables Députés,
Chers Collègues,
Vos périls sont les nôtres. La loi du « chacun pour soi » nous a résolument montré toutes ses limites. Réveillons-nous et œuvrons intelligemment ensemble pour envisager un avenir réellement meilleur pour nos peuples. Le phénomène BOKO HARAM nous interpelle à la mobilisation générale.
L’appel que nous voulons lancer consiste à affirmer haut et fort que le terrorisme ne concerne pas une seule région africaine à l’exclusion de toutes les autres ; qu’il n’y a pas de pays qui puisse être solitairement épargné, quelles que soient les mesures nationales mises en place pour s’en prémunir !
Dans le feu et face à la Terreur, les vaillants soldats des Forces Armées Camerounaises sont actuellement en opération dans le nord de ce pays, pour le salut de leur patrie. Je tiens à les assurer du soutien fraternel et chaleureux de l’Etat de Côte d’Ivoire que je représente devant vous aujourd’hui. Ils mènent le juste et bon combat contre l’obscurantisme. Vaincre BOKO HARAM n’est pas seulement une nécessité, c’est un Devoir Sacré, pour la sauvegarde de nos valeurs d’humanité.
Nous, parlementaires Africains, devons comprendre que ce n’est pas seulement une affaire exclusive de nos exécutifs. Nous, Parlementaires africains, devons recommander que l’action exécutive soit complétée par une action interparlementaire pour sortir de la crise qui menace de contaminer gravement notre continent.
Ma suggestion concrète se décline comme suit : je suggère que notre doyen, le Très Honorable Président CAVAYE, prenne l’initiative d’engager le débat sur la lutte contre le terrorisme dans un cadre panafricain et interparlementaire et que l’Assemblée nationale du Cameroun organise un Séminaire interparlementaire sur les stratégies concertées et coordonnées à développer, dans la lutte contre le fondamentalisme et le terrorisme.
Bien évidemment, nous appuierons solidairement ces initiatives opportunes.
Très Honorable Président,
Honorables Députés,
Me voici parvenu au terme de mon intervention. Permettez-moi de réitérer ma gratitude et ma reconnaissance aux plus hautes autorités de votre pays et au Peuple camerounais pour son accueil empreint d’amour et de chaleur. Soyez remerciés au nom du Peuple ivoirien.
Vive le Cameroun, Vive la Côte d’Ivoire !
Vive l’amitié entre la Côte d’Ivoire et le Cameroun !
Je vous remercie.
Guillaume Kigbafori SORO
Président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire