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Editorial Publié le jeudi 2 avril 2015 | L’intelligent d’Abidjan

Contribution: la malédiction de la crise postélectorale vaincue au Nigeria

Le perdant a confessé sa défaite. Le gagnant a appelé au calme suite à une campagne extrêmement difficile avec beaucoup d'émotion. Première puissance économique en Afrique de l'Ouest avec 170 millions d'habitants, le Nigeria vient de démontrer qu'il est possible de parachever la transition pacifique du pouvoir grâce à des élections libres et justes en 2015, contrairement aux émeutes en 2011 lors du dernier scrutin. Ce n'est pas le temps de la confrontation. C'est le temps de panser les plaies et bâtir l'avenir a dit le nouveau Président avec environ deux millions et demi de voix d'avance sur le Président sortant. La belle leçon de démocratie n'est plus un épiphénomène mais une réalité tangible, palpable et visible en Afrique qui ne rentre plus dans l'avenir politique à reculons sur fond de violence électorale.
Au-delà de ce changement de cap au plan politique sur le continent, l'analyse des défis, conditions, enjeux et tendances de la prise du pouvoir par l'opposition en Afrique doit nous conduire ;

1. au questionnement tel que l'alternance démocratique était elle prévisible au Nigeria en 2015 ?

2. et d'y apporter les dix (10) observations en partant du général au particulier comme suit:

1. Au Nigeria, face au bilan économique élogieux de n'importe quel pouvoir, la pauvreté demeure la première cause de frustration des électeurs. Environ 70% de la population vit avec moins de deux dollars américains par jour en 2015. L'opposition en fait un instrument d'endoctrinement et de rejet de la prouesse économique en battant en brèche les résultats des réformes qui assainissent l'environnement dans lequel se crée la croissance avant de la rendre durable et partagée au profit des classes moyenne et inférieure;

2. Au Nigeria, la corruption est devenue une atrocité économique, financière, commerciale et humaine qui est née et s'est consolidée dans

2.1 l'innocence de la débrouillardise des pauvres, des jeunes diplômés bien formés sans emploi, rompus aux techniques avancées, au savoir faire, à l'exportation de la cybercriminalité et du fake networking ( le réseau de la contrefaçon, du faux et usage de faux);

2.2. le laxisme, la complaisance, la complicité et l'incapacité du gouvernant du Président sortant sans posture inflexible et intransigeante afin de l'éradiquer avec vigueur et rigueur à la satisfaction des partenaires techniques et financiers au développement, de la société civile, de l'opposition et des couches défavorisées qui prêchaient dans le désert;

3. Au Nigeria, l'équipe économique du Président sortant a tardé

3.1 dans la prise en charge de la réflexion et de l'action pour prendre la mesure de la chute du prix du pétrole représentant environ 95% des recettes du pays depuis Juin 2014 et la baisse de la monnaie nationale face au dollar américain;

3.2 dans l'accélération de la réforme du secteur pétrolier, moteur de la croissance économique et de la puissance financière du pays dans l'espace CEDEAO;

3.3 dans l'élaboration des stratégies, actions et mesures de partage équitable des richesses nationales pour réduire les disparités économique et sociale entre le Nord et le Sud du pays;

4. Au Nigeria, la lutte contre Boko Haram n'a pas encore donné les résultats escomptés. Ce qui se disait bas était plus audible et percutant que ce qui se disait haut, c'est à dire l'humiliation nationale était à son comble lorsque les forces armées camerounaises, nigériennes et tchadiennes sont venues au chevet de la première puissance militaire de l'Afrique de l'Ouest;

5. Au Nigeria, l'aspiration au changement était plus grande que la continuité en terme de promesses tardives de gouvernance vertueuse du Président;

6. Au Nigeria, le profil du nouveau Président est plus crédible et apaisant en terme de lutte contre le terrorisme, le mal profond qui menace le continent continent africain. Musulman de confession religieuse et ancien général de l'armée nigériane, il a bonne presse dans l'opinion quant à son expérience militaire dans la lutte contre Boko Haram, à son ouverture et flexibilité à l'intégration, à la coordination et à la mutualisation des efforts camerounais, nigérians, nigériens et tchadiens au plan de la défense des territoires des quatre pays contre les terroristes et du droit de poursuite des terroristes au Nigeria par les forces alliées africaines venues à la rescousse;

7. Au Nigeria, l'ancrage idéologique de l'islam intégriste va bon train au Nord qui ne dispose ni de ressources pétrolières ni de richesses minéralogiques. Le Sud du pays plus riche est pour l'instant épargné par Boko Haram. Le nouveau Président a été plébiscité tant au Nord musulman ( Etats de Borno et Kano ) qu'au Sud chrétien ( Lagos ) prouvant aux irréductibles de la division et de l'exploitation de la religion à des fins de déstabilisation du pays qu'il est l'homme de rechange, de la situation (the right man at the right place), de la réconciliation et de la cohésion nationale autour de deux thèmes majeurs de campagne, à savoir la lutte contre la corruption et le combat militaire contre Boko Haram;

8. Au Nigeria, les idéologies politiques séparent les populations, les rêves et angoissent les rapprochent. Le nouveau Président a su faire rêver les jeunes et les femmes, l'avenir de la nation et apaiser les angoisses des exclus du système économique;

9. Au Nigeria, la politique est l'art de combiner / concilier le rêve, l'angoisse et le bilan économique dans un pays où l'opposition politique riche, éduquée et bien formée connait les notions de patience, d'endurance et de positionnement stratégique. Pour arriver au pouvoir elle était en permanence dans le laboratoire de la recherche fondamentale et appliquée de la prise non violente du pouvoir,

10. Au Nigeria, le soleil s'est levé sans effusion de sang. La démocratie a triomphé sur la malédiction de la crise post électorale. L'exemple doit faire tache d'huile sur le continent pour éviter les émeutes violentes, tragiques et mortelles sur fond de casses, vols, pillages et destruction des acquis économiques et sociaux." On n'apprend rien par la parole mais tout par l'exemple " disait François Mitterrand. L'exemple du Nigeria est éloquent, instructif et mobilisateur en Afrique qui doit formater sa propre démocratie à visage humain au lieu d'être à l'apprentissage des autres voisins ou extérieurs pour en en copier les modèles qui hélas traversent une crise d'adaptation sur le continent.

Laurent Maurice Kouacou
Chroniqueur expert consultant
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