Le 1er avril dernier, les Nigérians se sont réveillés sans cauchemar, avec à la tête de leur pays un nouveau président, Muhammad Buhari élu avec 54% du suffrage exprimé. Loin d’être un poisson d’avril, cette alternance politique démocratique et pacifique propulse le Nigéria dans le club restreint et envié des pays démocratiques. En effet, longtemps qualifié de « géant au pays d’argile » du fait de son instabilité politique et du déficit de gouvernance de ses dirigeants, le Nigéria a su prendre à contre-pied tous les pronostics pessimistes qui indiquaient des lendemains d’élection difficiles. Cela, en offrant au monde entier une belle compétition électorale qui s’est conclue dans les règles de l’art démocratique. Mais, surtout, en écrivant et en indiquant à toute l’Afrique ce qui pourrait être le b.a.-ba de l’alternance démocratique en Afrique. Quel est-il ?
Premièrement, l’alternance au sommet du pouvoir est avant tout une œuvre humaine. Donc, possible grâce à la qualité des hommes politiques qui sont en compétition. Ce qui est exigé ici, c’est leur qualité d’homme d’état. Qui leur permet de mettre leur personne en berne devant l’intérieur supérieur de leur peuple. Le cas échéant, il faut saluer la hauteur d’esprit du président battu Goodluck Jonathan qui a appelé son adversaire (qui reste après tout son frère nigérian) pour le féliciter avant même la proclamation officielle des résultats. Au grand dam d’un de ses anciens ministres, qui tentait un dernier baroud d’honneur « pickassien», face au calme olympien du président de la Commission nationale électorale indépendante (Cnei). Par ce geste, l’ex-président s’est ouvert une grande porte d’entrée dans l’histoire de son pays, de l’Afrique et du monde. Au lieu de s’en exclure par un refus têtu.
Deuxièmement, s’imposent, la qualité intellectuelle et morale des hommes et l’expertise éprouvée des institutions conduisant les opérations électorales. La Cnei du Nigéria est restée crédible jusqu’au bout, grâce d’une part, à la bonne moralité et l’éthique de son président, l’universitaire de 58 ans Attahiru Jega en place depuis 2010. Et d’autre part, à la fiabilité de sa procédure de travail, surtout avec l’introduction du vote biométrique intégral qui a réduit considérablement les éventuelles fraudes.
Troisièmement, il faut la maturité citoyenne et la détermination au changement des populations concernées. Cela, est généralement la conséquence d’un environnement économique difficile et, de l’irresponsabilité et l’incapacité des gouvernants à y apporter des solutions viables. Dans le cas du Nigéria, l’insécurité, la corruption endémique des dirigeants et la situation économique très difficile (un habitant sur deux vit avec moins de 2 dollars américains par jour) ont déterminé les populations au changement.
Cette maturité s’est aussi exprimée à travers la volonté affichée par tous d’aller à des élections pacifiques. Ainsi, l’ancien président Abubakar Salami (qui a conduit le pays à la démocratie en 1999), a fait signer un accord de non-violence par les deux candidats principaux (Goodluck Jonathan et Muhammadu Buhari). Qui s’engageaient ainsi solennellement devant la nation nigériane et l’opinion internationale à ne recourir à aucun acte de violence avant, durant et après les élections. En plus, la société civile et les médias se sont investis dans une vaste campagne de sensibilisation des populations afin que la paix soit préservée pour l’intérêt supérieur du Nigéria (et de l’Afrique.)
Quatrièmement, il importe que l’opposition soit unie et forte, avec une offre politique alléchante et réaliste ; portée par un leader consensuel, crédible et digne de confiance. Au Nigéria, pour y parvenir, les principaux partis de l’opposition ont fait corps en créant l’APC (All Progressive Congress).
En plus, pour bien faire et rabattre le caquet à toute contestation, ils ont désigné leur porte-étendard Muhammadu Buhari, au cours d’élections primaires où il est arrivé en tête avec 72% des suffrages exprimés. En outre, le programme de gouvernement de l’opposition s’est bâti autour de la promesse de résolution des frustrations des populations que sont, l’insécurité, la corruption et la pauvreté (dont le chômage élevé des jeunes). Un programme véhiculé par un message clair et compréhensible, le changement. Caricaturé par un symbole africain très significatif, le balai. Entendez, pour balayer le Nigéria de ses multiples insalubrités qui freinent son réel développement.
Concernant le leader Muhammadu Buhari, bien qu’ayant un passé controversé de dictateur, celui-ci est devenu au fil des ans un démocrate (c’est sa quatrième tentative) et l’homme de la situation. Car, faut-il le souligner, Muhammadu Buhari est l’un des rares anciens présidents nigérians à vivre modestement. Car, ne dormant sur aucune cagnotte frauduleusement constituée de son passage à la tête du juteux ministère du pétrole et des ressources naturelles et de son pays. C’est cette rigueur et cette « virginité » morale qu’il incarne, qui l’ont rendu crédible aux yeux de ses concitoyens, comme étant l’homme du changement.
Cinquièmement, il y a le rôle très important joué par les technologies de l’information. Qui permettent aux populations (en majorité jeunes) de contourner les canaux traditionnels, pour s’informer ; de créer un débat plus large et inclusif ; donc de s’approprier effectivement le 4ème pouvoir qu’est l’information. A preuve, les observateurs nationaux nigérians (jeunes pour la plupart) informaient heure par heure du déroulement ainsi que des résultats du scrutin, bureau de vote par bureau de vote, circonscription par circonscription, Etat par Etat. Une mobilisation citoyenne auparavant impossible, qui a certainement constitué une sorte de contre-pouvoir à la Cnei.
Au total, l’exemple des récentes élections présidentielles au Nigéria permet d’espérer que l’heure de l’alternance démocratique a définitivement sonné en Afrique. Toutefois, pour qu’elle soit effective, des conditions doivent être cumulativement réunies. Dont les plus importantes sont, la qualité d’homme d’état des politiques en compétition, la crédibilité des hommes et des institutions pilotant les élections ainsi que la maturité et l’aspiration affichées des populations concernées à aller au changement pacifiquement.
NURUDINE OYEWOLE
onurudine@yahoo.fr
Communicateur
Premièrement, l’alternance au sommet du pouvoir est avant tout une œuvre humaine. Donc, possible grâce à la qualité des hommes politiques qui sont en compétition. Ce qui est exigé ici, c’est leur qualité d’homme d’état. Qui leur permet de mettre leur personne en berne devant l’intérieur supérieur de leur peuple. Le cas échéant, il faut saluer la hauteur d’esprit du président battu Goodluck Jonathan qui a appelé son adversaire (qui reste après tout son frère nigérian) pour le féliciter avant même la proclamation officielle des résultats. Au grand dam d’un de ses anciens ministres, qui tentait un dernier baroud d’honneur « pickassien», face au calme olympien du président de la Commission nationale électorale indépendante (Cnei). Par ce geste, l’ex-président s’est ouvert une grande porte d’entrée dans l’histoire de son pays, de l’Afrique et du monde. Au lieu de s’en exclure par un refus têtu.
Deuxièmement, s’imposent, la qualité intellectuelle et morale des hommes et l’expertise éprouvée des institutions conduisant les opérations électorales. La Cnei du Nigéria est restée crédible jusqu’au bout, grâce d’une part, à la bonne moralité et l’éthique de son président, l’universitaire de 58 ans Attahiru Jega en place depuis 2010. Et d’autre part, à la fiabilité de sa procédure de travail, surtout avec l’introduction du vote biométrique intégral qui a réduit considérablement les éventuelles fraudes.
Troisièmement, il faut la maturité citoyenne et la détermination au changement des populations concernées. Cela, est généralement la conséquence d’un environnement économique difficile et, de l’irresponsabilité et l’incapacité des gouvernants à y apporter des solutions viables. Dans le cas du Nigéria, l’insécurité, la corruption endémique des dirigeants et la situation économique très difficile (un habitant sur deux vit avec moins de 2 dollars américains par jour) ont déterminé les populations au changement.
Cette maturité s’est aussi exprimée à travers la volonté affichée par tous d’aller à des élections pacifiques. Ainsi, l’ancien président Abubakar Salami (qui a conduit le pays à la démocratie en 1999), a fait signer un accord de non-violence par les deux candidats principaux (Goodluck Jonathan et Muhammadu Buhari). Qui s’engageaient ainsi solennellement devant la nation nigériane et l’opinion internationale à ne recourir à aucun acte de violence avant, durant et après les élections. En plus, la société civile et les médias se sont investis dans une vaste campagne de sensibilisation des populations afin que la paix soit préservée pour l’intérêt supérieur du Nigéria (et de l’Afrique.)
Quatrièmement, il importe que l’opposition soit unie et forte, avec une offre politique alléchante et réaliste ; portée par un leader consensuel, crédible et digne de confiance. Au Nigéria, pour y parvenir, les principaux partis de l’opposition ont fait corps en créant l’APC (All Progressive Congress).
En plus, pour bien faire et rabattre le caquet à toute contestation, ils ont désigné leur porte-étendard Muhammadu Buhari, au cours d’élections primaires où il est arrivé en tête avec 72% des suffrages exprimés. En outre, le programme de gouvernement de l’opposition s’est bâti autour de la promesse de résolution des frustrations des populations que sont, l’insécurité, la corruption et la pauvreté (dont le chômage élevé des jeunes). Un programme véhiculé par un message clair et compréhensible, le changement. Caricaturé par un symbole africain très significatif, le balai. Entendez, pour balayer le Nigéria de ses multiples insalubrités qui freinent son réel développement.
Concernant le leader Muhammadu Buhari, bien qu’ayant un passé controversé de dictateur, celui-ci est devenu au fil des ans un démocrate (c’est sa quatrième tentative) et l’homme de la situation. Car, faut-il le souligner, Muhammadu Buhari est l’un des rares anciens présidents nigérians à vivre modestement. Car, ne dormant sur aucune cagnotte frauduleusement constituée de son passage à la tête du juteux ministère du pétrole et des ressources naturelles et de son pays. C’est cette rigueur et cette « virginité » morale qu’il incarne, qui l’ont rendu crédible aux yeux de ses concitoyens, comme étant l’homme du changement.
Cinquièmement, il y a le rôle très important joué par les technologies de l’information. Qui permettent aux populations (en majorité jeunes) de contourner les canaux traditionnels, pour s’informer ; de créer un débat plus large et inclusif ; donc de s’approprier effectivement le 4ème pouvoir qu’est l’information. A preuve, les observateurs nationaux nigérians (jeunes pour la plupart) informaient heure par heure du déroulement ainsi que des résultats du scrutin, bureau de vote par bureau de vote, circonscription par circonscription, Etat par Etat. Une mobilisation citoyenne auparavant impossible, qui a certainement constitué une sorte de contre-pouvoir à la Cnei.
Au total, l’exemple des récentes élections présidentielles au Nigéria permet d’espérer que l’heure de l’alternance démocratique a définitivement sonné en Afrique. Toutefois, pour qu’elle soit effective, des conditions doivent être cumulativement réunies. Dont les plus importantes sont, la qualité d’homme d’état des politiques en compétition, la crédibilité des hommes et des institutions pilotant les élections ainsi que la maturité et l’aspiration affichées des populations concernées à aller au changement pacifiquement.
NURUDINE OYEWOLE
onurudine@yahoo.fr
Communicateur