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Editorial Publié le samedi 11 juillet 2015 | L’intelligent d’Abidjan

Les Samedis de Biton: la pauvreté des ministres

Félix Houphouët-Boigny aimait beaucoup parler au peuple à travers des journées de dialogue. Au cours de ces face-à-face avec les forces vives de la Nation, il assenait des vérités crues. Au cours d’une de ses journées de dialogue, dont je raffolais, il fit une révélation qui surprit plus d’un citoyen. Je le cite de mémoire. Tous ceux de ma génération ont de la mémoire. A l’école primaire jusqu’au secondaire, nous récitions par cœur nos leçons. On priait chaque jour pour que cela prenne fin un jour. La génération actuelle n’a pas connu cette période « tyrannique » et on comprend mieux, aujourd’hui, en discernant celle de la nouvelle époque que nos pédagogues ont bien fait de nous « chicoter » et de nous faire apprendre par cœur. Le Père de la nation a révélé : « Vous dites que mes ministres sont riches, qu’ils ont des milliards qu’ils détournent, comment se fait-il alors qu’après leur départ du gouvernement ils viennent me solliciter pour obtenir de l’argent ? » Le peuple a vu aux ministres et à tous ceux qui ont des postes officiels de grandes envergures des Ali Baba qui détiennent des caves d’argent et s’étonnent qu’après avoir servi le pays de les trouver dans des situations modestes. Tant que les Africains ne changeront pas de mentalités, presque tous ceux qui servent l’Etat, ministres et autres personnalités ne seront pas des hommes riches, « ruinés » par le peuple qui les dénigre. Certes, tous les ministres ne connaissent pas une « fin douloureuse » mais tous, durant leur carrière, portent les mêmes fardeaux. A l’époque du Père de la Nation, on a vu un ministre dire à ses « compatriotes », ceux de la région qu’il va retourner au village pour s’adonner au métier de pêcheur qui va lui procurer plus d’argent que celui de ministre. Combien pensent, aujourd’hui, la même chose. Le drame d’un ministre ou de toute haute grand fonctionnaire de l’Etat commence le jour de sa nomination. Tout le village, toute la région se transporte à Abidjan pour venir le saluer. Dieu merci, on ne voit plus ce genre de scène à la télévision. La personnalité est également attendue au village pour la fêter. La saluer, c’est déjà commencer à le « dépouiller » par l’organisation de ces fêtes qui vont faire dépenser le nouveau promu. Plus grave, chaque jour, il sera sollicité par les uns et les autres pour des problèmes qui sont souvent réels. Quand vous êtes au sommet, votre lumière doit inonder ceux qui sont dans les creux. Vous serez sollicité pour participer financièrement aux funérailles, presque chaque semaine. Des jeunes d’une ville ont osé saisir le député de la circonscription pour tenter de le molester. Son crime ? Il a donné cinquante mille comme participation aux obsèques d’un jeune militant du parti qui s’était investi dans sa campagne. On attendait de lui dix fois la somme donnée. Le député finira par donner le quadruple pour avoir la vie sauve. La maxime pour vivre heureux soyons cachés est une vérité qu’on ne pourrait pas appliquer à ceux qu’on croit doter de tous les moyens colossaux de l’Etat. Le peuple dans son fantasme voit des milliardaires en tout homme qui est toujours dans des costumes occidentaux et assis derrière une voiture rutilante conduite par un chauffeur. On ne peut pas imaginer des centaines de lettres de demande d’argent que les personnalités reçoivent chaque jour. Comme une toute petite partie ne peut recevoir d’avis favorable, elles seront taxées de méchantes. On ne pensera qu’à sa chute. On se souvient encore du lendemain d’un remaniement ministériel. Un membre du gouvernement partant revient à son bureau. Il est accueilli par des sifflets, des moqueries. Je l’ai écrit dans plusieurs de mes livres qu’un Président de la République qui changera régulièrement de ministres sera très populaire. Cette jalousie et cette convoitise qui minent les Africains sont de vrais freins au développement des Nations. Il est navrant d’entendre des citoyens dire qu’un ministre ou tout haut fonctionnaire doit s’enrichir démontrant comment ils perçoivent le service de l’Etat qui, à mes yeux, est un sacerdoce. On vient jouer sa partie et on sort après un moment de jeu pour céder sa place à un autre. J’aime bien ces ministères, ces services de l’Etat où tous ceux qui ont eu à diriger ont leurs photographies collées au mur. Ainsi, chaque jour le responsable actuel se dit qu’il n’est que de passage. Et surtout qu’il ne gaspille pas ses revenus en devenant une agence de bourse familiale et qu’il fera bien d’épargner son argent et surtout de prendre des actions dans différentes entreprises. Pour sortir indemne de l’aventure, faire comme me l’a dit un homme politique ne jamais prendre son salaire, ses revenus ou ses propres moyens financiers pour les distribuer mais avoir un « fonds de souveraineté pour cela. Pour éviter de ressembler aux deux images populaires vendues dans les rues. On voit sur la première l’homme à l’époque de son faste. Et sur la seconde, l’homme en haillon, devenu pauvre à cause des autres. Ceux qu’il aidait. Ainsi, va l’Afrique. A la semaine prochaine.

Par Isaïe Biton Koulibaly
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