Tout le monde se servait d’une même langue et des mêmes mots. Comme les hommes se déplaçaient à l’Orient, ils trouvèrent une vallée au pays de Shinéar et ils s’y établirent. Ils se dirent l’un à l’autre: «Allons ! Faisons des briques et cuisons-les au feu!» La brique leur servit de pierre et le bitume leur servit de mortier. Ils dirent: «Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux ! Faisons-nous un nom et ne soyons pas dispersés sur toute la Terre!»
Or Yahvé descendit pour voir la ville (qui sera nommée Babel) et la tour que les hommes avaient bâties. Et Yahvé dit : «Voici que tous font un seul peuple et parlent une seule langue, et tel est le début de leurs entreprises ! Maintenant, aucun dessein ne sera irréalisable pour eux. Allons ! Descendons ! Et là, confondons leur langage pour qu’ils ne s’entendent plus les uns les autres.» Fin de citation.
Le procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé à la Cour pénale internationale (Cpi) rappelle étrangement cette histoire de la Tour de Babel (terme proche du mot hébreu traduit par «brouillés»). Tout se passe comme si Dieu a brouillé les langues des accusateurs afin qu’ils ne se comprennent plus. Les certitudes et les assurances font place aux incertitudes, au doute et à la panique.
Tenez, le procureur divulgue accidentellement des noms de témoins pourtant protégés; parmi ces derniers, certains dévoilent eux-mêmes leur propre identité. D’autres se révèlent des anciens combattants convertis en civils aux «mains nues» ou, ne connaissant pas Abidjan, ils ne savent pas les itinéraires empruntés. Et d’autres encore, non seulement ne savent même pas de quoi ils parlent exactement, mais se découvrent subitement les locuteurs de langue qu’ils disent ne pas parler. Pour ce début, ce sont les contradictions, la confusion et les aveux béants du faux et des affabulations.
«Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément», a prévenu Nicolas Boileau. Les réponses embrouillées à la barre le disputent aux dépositions formelles initiales. Les arguments non agencés s’enchaînent de façon floue et incohérente. Le coaching des premiers témoins de Fatou Bensouda n’a ni porté ses fruits ni été assimilé et nous assistons à une vraie farce.
C’est un désastre. Ce début de procès, après quatre ans d’instruction, a déjà atteint les sommets de l’absurde et de l’impréparation. Comme au début de l’affaire, le procureur est en possession de documents et témoignages largement sujets à caution.
En juin 2013, Fatou Bensouda a mordu la poussière. Après une première audience de confirmation des charges contre Laurent Gbagbo, elle a subi un camouflet. La Chambre préliminaire de la Cpi rejetait ses preuves anti-Gbagbo, estimant qu’elles ne s’appuyaient que sur des ouï-dire (des reprises de rapports d’Ong ou d’articles de presse) et lui demandait de revoir sa copie.
Un an plus tard, en juin 2014, elle remportait une victoire à la Pyrrhus. Malgré des preuves jugées toujours insuffisantes, elle est parvenue à convaincre deux des trois juges de la Chambre préliminaire que l’ancien chef de l’État ivoirien doit être jugé. Contre une voix dissidente: celle de la Belge Christine Van den Wyngaert, qui a estimé ne pas être convaincue que «le plan commun qui aurait visé au maintien de Laurent Gbagbo au pouvoir ait, explicitement ou implicitement, impliqué la commission de crimes contre des civils pro-Ouattara».
Depuis le début du procès, c’est le malaise à la Cour. Les juges, agacés, paraissent perplexes. Le dossier est complexe et cela s’apprécie à l’aune du collège des juges, en perpétuel changement. La Cour est victime d’une cascade de démissions.
Le 30 juin 2014, le juge allemand Hans-Peter Kaul jetait l’éponge, officiellement pour «raisons de santé». Le juge Bertram Schmitt a suivi, lui aussi, les traces de son compatriote. Entré en fonction le 11 mars 2015, pour un mandat de neuf ans, il a rendu le tablier le 29 décembre de la même année, un mois avant le début du procès, pour en dénoncer les conditions d’ouverture.
Cerise sur le gâteau du désordre, le clash entre l’Italien Cuno Jakob Tarfusser, président de la Chambre de jugement de première instance, et l’un de ses assesseurs, le Trinidadien Geoffrey A. Henderson. Ce dernier s’est publiquement opposé, le 6 février 2016, à la décision de la Chambre de refuser à la Défense les questions directives aux témoins de l’Accusation.
Tout ce méli-mélo démontre que le paravent des droits de l’homme fait partie des sophismes pour cacher la face immergée d’un immense iceberg politique. Car, les grandes puissances, qui ont créé et actionnent la Cpi, ne reconnaissent pas sa compétence pour juger leurs ressortissants, les pays africains (34 sur 54) qui ont adhéré massivement à l’Institution, ont déterré la hache de guerre et l’Etat ivoirien, qui y a transféré librement (!?) deux de ses ressortissants, freine maintenant des quatre fers. C’est à y perdre son latin. Mais on n’est pas, sans doute, au bout des surprises. Dans cette vaste tour de Babel.
FERRO M Bally
Or Yahvé descendit pour voir la ville (qui sera nommée Babel) et la tour que les hommes avaient bâties. Et Yahvé dit : «Voici que tous font un seul peuple et parlent une seule langue, et tel est le début de leurs entreprises ! Maintenant, aucun dessein ne sera irréalisable pour eux. Allons ! Descendons ! Et là, confondons leur langage pour qu’ils ne s’entendent plus les uns les autres.» Fin de citation.
Le procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé à la Cour pénale internationale (Cpi) rappelle étrangement cette histoire de la Tour de Babel (terme proche du mot hébreu traduit par «brouillés»). Tout se passe comme si Dieu a brouillé les langues des accusateurs afin qu’ils ne se comprennent plus. Les certitudes et les assurances font place aux incertitudes, au doute et à la panique.
Tenez, le procureur divulgue accidentellement des noms de témoins pourtant protégés; parmi ces derniers, certains dévoilent eux-mêmes leur propre identité. D’autres se révèlent des anciens combattants convertis en civils aux «mains nues» ou, ne connaissant pas Abidjan, ils ne savent pas les itinéraires empruntés. Et d’autres encore, non seulement ne savent même pas de quoi ils parlent exactement, mais se découvrent subitement les locuteurs de langue qu’ils disent ne pas parler. Pour ce début, ce sont les contradictions, la confusion et les aveux béants du faux et des affabulations.
«Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément», a prévenu Nicolas Boileau. Les réponses embrouillées à la barre le disputent aux dépositions formelles initiales. Les arguments non agencés s’enchaînent de façon floue et incohérente. Le coaching des premiers témoins de Fatou Bensouda n’a ni porté ses fruits ni été assimilé et nous assistons à une vraie farce.
C’est un désastre. Ce début de procès, après quatre ans d’instruction, a déjà atteint les sommets de l’absurde et de l’impréparation. Comme au début de l’affaire, le procureur est en possession de documents et témoignages largement sujets à caution.
En juin 2013, Fatou Bensouda a mordu la poussière. Après une première audience de confirmation des charges contre Laurent Gbagbo, elle a subi un camouflet. La Chambre préliminaire de la Cpi rejetait ses preuves anti-Gbagbo, estimant qu’elles ne s’appuyaient que sur des ouï-dire (des reprises de rapports d’Ong ou d’articles de presse) et lui demandait de revoir sa copie.
Un an plus tard, en juin 2014, elle remportait une victoire à la Pyrrhus. Malgré des preuves jugées toujours insuffisantes, elle est parvenue à convaincre deux des trois juges de la Chambre préliminaire que l’ancien chef de l’État ivoirien doit être jugé. Contre une voix dissidente: celle de la Belge Christine Van den Wyngaert, qui a estimé ne pas être convaincue que «le plan commun qui aurait visé au maintien de Laurent Gbagbo au pouvoir ait, explicitement ou implicitement, impliqué la commission de crimes contre des civils pro-Ouattara».
Depuis le début du procès, c’est le malaise à la Cour. Les juges, agacés, paraissent perplexes. Le dossier est complexe et cela s’apprécie à l’aune du collège des juges, en perpétuel changement. La Cour est victime d’une cascade de démissions.
Le 30 juin 2014, le juge allemand Hans-Peter Kaul jetait l’éponge, officiellement pour «raisons de santé». Le juge Bertram Schmitt a suivi, lui aussi, les traces de son compatriote. Entré en fonction le 11 mars 2015, pour un mandat de neuf ans, il a rendu le tablier le 29 décembre de la même année, un mois avant le début du procès, pour en dénoncer les conditions d’ouverture.
Cerise sur le gâteau du désordre, le clash entre l’Italien Cuno Jakob Tarfusser, président de la Chambre de jugement de première instance, et l’un de ses assesseurs, le Trinidadien Geoffrey A. Henderson. Ce dernier s’est publiquement opposé, le 6 février 2016, à la décision de la Chambre de refuser à la Défense les questions directives aux témoins de l’Accusation.
Tout ce méli-mélo démontre que le paravent des droits de l’homme fait partie des sophismes pour cacher la face immergée d’un immense iceberg politique. Car, les grandes puissances, qui ont créé et actionnent la Cpi, ne reconnaissent pas sa compétence pour juger leurs ressortissants, les pays africains (34 sur 54) qui ont adhéré massivement à l’Institution, ont déterré la hache de guerre et l’Etat ivoirien, qui y a transféré librement (!?) deux de ses ressortissants, freine maintenant des quatre fers. C’est à y perdre son latin. Mais on n’est pas, sans doute, au bout des surprises. Dans cette vaste tour de Babel.
FERRO M Bally