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Editorial Publié le mardi 3 mai 2016 | L’intelligent d’Abidjan

Editorial /Après les mesures de Ouattara, les leçons qu’il ne faut pas avoir peur de tirer /Face à la grogne sociale, le retour d’Ado Solutions et du parler vrai : non les Ivoiriens ne réagissent pas seulement pour leur ventre

Chacun se souvient du slogan de campagne de 2010 du candidat Alassane Ouattara : « ADO SOLUTIONS ». Ce slogan s'est décliné depuis la campagne de 2015 en « ADO Réussir ». Le site « Avec ADO » est là pour nous convaincre que nous vivons dans « une Côte d’Ivoire qui gagne » avec des onglets « La CI Championne », « Les jeunes gagnent », « Les femmes gagnent », « Les paysans gagnent », « Les fonctionnaires gagnent », « Les Entrepreneurs gagnent ».

Rien, sur le site « Avec ADO », n’est faux. Les bonnes nouvelles venues de Côte d’Ivoire sont nombreuses. Depuis le mois d’avril 2011, la transformation du pays est une réalité.
Quel était le problème alors ces derniers temps? Qu'est-ce qui s'est passé entre la plébiscite de la présidentielle, les mesures déjà prises d'augmentation des factures d'électricité et la réforme du permis de conduire, ainsi que le renouvellement du lancés depuis plusieurs mois déjà ?
Le problème est toujours le même : les discours et les programmes politiques créent une attente et cette attente est souvent déçue, lorsque la politique est confrontée au retour du réel !
La patience des populations a des limites puisque dans ce pays qui gagne, qui va vers l'émergence ce sont toujours aux mêmes qu'on présente la facture, ce sont toujours les mêmes qui subissent l’augmentation du coût de la vie.

Se nourrir, se loger, se soigner, envoyer ses enfants à l’école devient difficile, voire impossible pour les plus fragiles d’entre nous.
Et ce qui était « ADO SOLUTIONS » commençait à devenir « ADO PROBLEMES », avec même des ADO-RATEURS sous des airs de GBAGBO KAFISSA, (Gbagbo est mieux, dans une langue locale), avec également des appels au secours désespérés que lançaient certains Ivoiriens.
L'on était passé de l’euphorie d’une élection triomphale en octobre 2015, -Ouattara a été réélu dès le premier pour un second mandat avec plus de 83 % des voix -, à une grogne sociale, à des attentes enfouies depuis 2010 et étouffées par les contraintes de la sortie de crise.
Des grèves ont alors agité récemment l’administration publique, notamment au sein des régies financières, ou encore dans les universités.
Que demandent les grévistes ? Que demandaient les consommateurs sans pourtant faire du bruit au-delà des journaux, des ministères à qui ils écrivaient et des réseaux sociaux ?
Ces Ivoiriens ne demandaient rien d'autres que des mesures contre la cherté de la vie, une amélioration des conditions de vie de la population.
La hausse du coût de l’électricité et la réforme du permis de conduire ont été au cœur du mécontentement des Ivoiriens dont les porte-parole qui sont les syndicats, ont exprimé toutes les attentes et toutes les injustices, dans une sorte de dialogue sociale directe le jour de la Fête du travail.

Il fallait que le Président de la République prenne la parole, pour apaiser, pour répondre aux attentes et à la demande sociale. C’est désormais chose faite.
Dans son discours du 1er Mai aux travailleurs, le président Alassane Ouattara a annoncé des mesures qui rassurent les syndicats. Est-ce suffisant ?
Les fractures de la société ivoirienne ne sont-elles pas plus profondes que la simple question sociale, le seul prisme économique qui avait fait dire pendant longtemps qu'il suffisait de construire, des routes et des ponts, de donner du travail à tous pour parvenir à la paix et à la réconciliation ?
La requête d'une amnistie pour les pro-Gbagbo, à défaut d'une justice pour tous - faite par le syndicat Dignité et qualifiée- avec une mordante ironie- de revendication politique par le chef de l'État, ne traduit-elle pas un malaise allant au-delà du social, au-delà des factures d'électricité, au-delà de la réforme du permis de conduire, puisqu'en réalité ces questions qui ont fâché ces derniers jours, auraient bien pu être acceptées comme autant de sacrifices supplémentaires pour l'émergence , si les fils et les filles du pays parlaient le même langage de la réconciliation et de la reconstruction , de l'État de droit, de la transparence, de la justice sociale ?
Alors où en sommes-nous au sujet de la réconciliation nationale ? Au sujet de la lutte contre la corruption ? Au sujet de la transparence dans tous les domaines?
Les mesures annoncées par le chef de l'État ne doivent pas occulter les enjeux allant au-delà de la cherté de la vie, d'autant plus qu'il est urgent de sortir de cette mauvaise véhiculée au sujet de l'Ivoirien : tu peux tout faire à ce peuple à condition de ne pas toucher son salaire et de savoir le flatter avec des mesures sociales et populiste.

Non cette vision n'est pas digne de descendants des femmes qui ont marché à Bassam ! Cette vision est une trahison à l’égard des descendants de ceux qui ont bravé le colonisateur français, qui ont su se faire respecter avant de coopérer pour parvenir à l'indépendance politique.
Il n'est pas juste de réduire les préoccupations des populations ivoiriennes au ventre, même si ventre affamé n'a point d'oreilles.
Lors du Conseil des ministres du 27 avril, Alassane Dramane Ouattara, très mécontent, avait demandé aux ministres concernés des explications sur la grogne sociale qui agite le pays.
Trop souvent, les ministres, enfermés dans un déni du réel, agissant en solitaire, entonnent l’air connu du « ça va bien », cachant ainsi au Chef de l’État tout ce qui ne va pas. Mais il ne faut pas sacrifier à l'ingratitude de l'action politique qui consiste lorsque tout va bien, à dire que c'est le chef, le prince, et à livrer à la vindicte populaire les collaborateurs et conseillers dès lors que ça coince.

Gouverner, c’est, chaque jour, prendre le pouls des populations. Que font les conseillers politiques ? Le pouvoir est-il, à la Présidence, entre les mains des technocrates ? Gouverner, c’est faire de la politique dans le bon sens du terme.
Le 1er Mai, Alassane Ouattara est revenu à la politique !Mais, gouverner, c’est aussi prévoir.
Ouattara n’a pas tout annulé. Il a repoussé les mesures prises, notamment sur la réforme du permis de conduire, demandant à son ministre de faire des propositions, de poursuivre le dialogue avec les acteurs du secteur des Transports pour appliquer la baisse des prix.
Je me souviens qu'au cours de la campagne pour l'élection présidentielle, le Ministre d'État Amadou Gon Coulibaly avait déjà fait cette proposition aussitôt relayée par Gaoussou Touré, à Yamoussoukro lors d'une mobilisation de soutien au candidat Ouattara des acteurs du monde des Transports. L'engagement pris n'a jamais été concrétisé. Il n'est jamais tard pour bien faire dit-on!

La baisse des prix dans le transport est désormais attendue. Le processus de libéralisation du secteur de distribution de l'eau et l'électricité ne doit pas attendre. La lutte contre l'insécurité et particulièrement les ‘’Microbes’’ doit se poursuivre. Le dialogue entre les populations et le gouvernement doit être permanent, et ne doit pas attendre le 1er mai.
Et surtout le reste des revendications faites par les travailleurs : Irho Lame, dockers dans les ports, réforme de la Cgrae, cas particuliers avec la suspension de Koné Lanciné à la Rti , les sort des autres travailleurs, le sort des agents dans les ministères, situation au ministère de la Culture et de la Francophonie ....., doit bénéficier de l'attention des ministres de tutelle.
Les problèmes sont toujours là et nombreux, au-delà des applaudissements et des hourra observés aussi bien dans son camp, que sur les réseaux sociaux, et chez quelques rares partisans de Laurent Gbagbo (une fois n'est pas coutume), qui demeurent forcément en alerte pour déceler à nouveau la moindre faille.
«Il faut faire vite, Monsieur le Président », pourrions-nous dire en félicitant Alassane Ouattara pour ce qui a été déjà apporté comme réponse aux soucis du.... ventre des populations, en attendant les attentes et préoccupations de l'esprit , les nourritures spirituelles qui sont tout aussi importantes.
La population attend ces propositions. Jusqu’à quand attendra-t-elle? Nous le verrons. Clemenceau ne disait-il pas « Quand on veut enterrer un problème, on crée une commission».

Ici on suspend, et on met en place des réflexions pour actualiser les textes de la douane à l'aéroport, pour réfléchir à la libéralisation de la distribution et de l'eau et de l'électricité, pour rectifier la réforme du permis de conduire. Mais peut-être qu'on n'en parlera plus, en attendant des vents meilleurs.
Dans ce retour au réel, dans ce retour du réel , ce retour au politique opéré par le chef de l'État, il ne faut jamais perdre de vue que l'arbitre principal reste le peuple à travers le suffrage universel , même si l'absence d'une nouvelle candidature devait davantage mettre à l'aise le président de la République, pour réformer le pays, et aider à l'avènement de l'Ivoirien nouveau. Or, ce 1er Mai 2016, a marqué la victoire de l'Ivoirien ancien et de toujours, le refus de l'avenir et du changement, la fixation sur le portefeuille et le ventre.
De mon point de vue, c'est parce que les moments des élections sont devenus des moments de mensonges et de spectacles que les populations, une fois l'élection terminée, finissent par se laisser abuser avec des mesures inadaptées, que le politique est amené à corriger.
Les populations ne savent plus utiliser leurs bulletins de vote. Elles ne font pas des choix responsables et conséquents, et pourraient de plus en plus se mordre les doigts pour cette raison.

Redonner à la démocratie et à l'élection libre et transparente au suffrage universel ses vertus et sa vocation, est le meilleur moyen pour créer les conditions de rendre heureux un peuple durant un mandat.
Le parler vrai et la fermeté manifestés par le chef de l'État qui doit demander des comptes à ses ministres, sont nécessaires et louables, d'autant plus que des sujets aussi difficiles que la question sociale se profilent à l'horizon : la guerre des « noyaux durs », le débat sur le référendum, la question des élections législatives, avant les locales et la présidentielle 2020, et aussi malheureusement ou heureusement, le débat sur l'alternance 2020.
Entre le « trop parler » et « ne pas parler », le Chef de l’État a essayé de trouver l’équilibre ce 1er Mai 2016.
Mais, il doit être mieux tenu informé des choses qui se passent, de la réalité des choses notamment sur la situation dans les régies financières, pour prendre les bonnes décisions et pour communiquer mieux afin d’éviter les rétropédalages qui sont certes applaudis et témoignent assurément d'une capacité d'écoute , d'une humilité certaine , mais qui demeurent tout de même fâcheux , et qui peuvent être porteurs de précédents inquiétants sur la faiblesse, sur la crédibilité et même sur la déliquescence de l'État.

Par Wakili Alafé
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