Derrière les comptes rendus dythirambiques de la télévision nationale, la réalité reste implacable. La mission gouvernementale ivoirienne conduite, le 12 mai 2016, par la ministre Mariatou Koné en direction des exilés ivoiriens au Ghana a été très houleuse. Des sources crédibles parlent même d’un échec cuisant, hormis quelques notes positives tirées des bonnes dispositions d’esprit de certaines personnalités pro-Gbagbo qui, malgré les aspérités de l’exil, n’ont rien perdu de leur sens civique et patriotique. De nombreux exilés ont dit leur fait aux émissaires du régime dont l’odyssée ghanéenne, véritable calvaire, n’a pas débouché sur des convois de retour au pays comme ce fut le cas quelques jours plus tôt au Libéria.
Doit-on lire dans cette impasse, une manifestation du refus des exilés de saisir «la main tendue» de leur gouvernement et de rentrer dans leur pays? Comment expliquer cet accueil pimenté réservé par les exilés à une mission dont l’objectif est de les soulager des misères qu’ils vivent depuis cinq ans ?
Ce qui s’est passé dans les camps de réfugiés au Ghana doit interpeller la conscience de tous et mérite un regard moins passionné. Il faut commencer par saluer la démarche du gouvernement qui a décidé d’aller à la rencontre des Ivoiriens exilés en vue de négocier leur retour au pays. Une telle mission devrait être accueillie avec joie par les concernés qui devraient y trouver l’occasion de discuter de leurs préoccupations. Loin des ressentiments et des manifestations bruyantes, il aurait fallu accorder le bénéfice de la bonne foi au gouvernement et à ses émissaires pour poser calmement les nombreux problèmes que soulève la question du retour au pays natal. La libération des prisonniers politiques, dont le président Laurent Gbagbo, la sécurité, les kits d’installation, la restitution des biens, le rétablissement des emplois dans l’administration publique, la resocialisation sont autant de sujets très importants qui doivent se discuter dans un environnement apaisé à travers un dialogue civilisé. Chaque partie doit mettre une dose de bonne volonté pour que ces préoccupations trouvent des solutions pour le bonheur de tous. Parce que l’exil ne doit pas être la règle pour quelque raison que ce soit, mais plutôt l’exception. Personne ne peut objectivement préférer une vie d’exilé avec son lot de souffrances à une vie dans son pays, parce qu’on ne se sent mieux que chez soi.
A partir de ce postulat, il faut comprendre les exilés ivoiriens au Ghana qui ont crié leur douleur et leur colère à la délégation du régime Ouattara. Contrairement à ceux qui veulent prendre des raccourcis pour clouer au pilori les exilés, il faut voir derrière cet accueil mouvementé l’expression d’un cri de cœur et d’une révolte contre la posture répressive du régime Ouattara.
Depuis cinq ans, le pouvoir d’Abidjan s’est enfermé dans une logique belligérante contre les pro-Gbagbo, victimes d’une répression barbare. Ouattara et son gouvernement ont instauré la justice des vainqueurs pour maintenir jusqu’à ce jour Laurent Gbagbo et ses partisans en prison. Ils ont inventé le rattrapage ethnique pour renvoyer les pro-Gbagbo de l’administration publique. La réconciliation nationale est restée au stade de vil slogan politique pour le pouvoir qui refuse de poser des actes concrets visant à tourner la page de la grave crise postélectorale.
Pire, le régime Ouattara s’en est même pris aux pauvres exilés dont beaucoup ont été rapatriés de force et conduits directement en prison. Les quelques réfugiés qui ont accepté de rentrer n’ont pas échappé à la prison. S’agissant des représailles contre les exilés, un rapport de l’Onu avait révélé que le régime Ouattara avait engagé des mercenaires pour attenter à la vie des Ivoiriens dans leurs lieux de refuge. Comment voulez-vous qu’avec un tel palmarès, le régime ivoirien soit perçu comme un ange par les exilés et non comme le démon.
Qui plus est, le contexte que ces Ivoiriens ont fui pour se retrouver en exil n’a pas changé. L’insécurité ambiante avec en prime les milices du régime formatées pour broyer du pro-Gbagbo a toujours pignon sur rue. La justice des vainqueurs a atteint son apogée avec les procès interminables pour le camp Gbagbo et l’impunité totale pour le camp Ouattara. La posture répressive du régime Ouattara suscite bien la méfiance non seulement pour les réfugiés, mais aussi pour tout Ivoirien soucieux du retour de la paix et de la cohésion sociale en Côte d’Ivoire.
Pour autant, les exilés doivent-ils boycotter les missions dépêchées vers eux par le gouvernement ivoirien en vue de discuter de leur retour au pays ? Non ! Comme nous l’indiquions plus haut, il n’y a aucun mérite à s’éterniser dans un statut d’exilé. De même qu’aucune stratégie politique ne saurait reposer sur le maintien des Ivoiriens en exil. L’option du retour au pays doit être résolument prise par tous les acteurs pour mettre fin à la souffrance de tous ces personnes dans les camps de réfugiés.
Et la communauté internationale doit veiller à la réussite de ce processus qui constitue un baromètre important de la normalisation en Côte d’Ivoire.
Jean Khalil Sella
Doit-on lire dans cette impasse, une manifestation du refus des exilés de saisir «la main tendue» de leur gouvernement et de rentrer dans leur pays? Comment expliquer cet accueil pimenté réservé par les exilés à une mission dont l’objectif est de les soulager des misères qu’ils vivent depuis cinq ans ?
Ce qui s’est passé dans les camps de réfugiés au Ghana doit interpeller la conscience de tous et mérite un regard moins passionné. Il faut commencer par saluer la démarche du gouvernement qui a décidé d’aller à la rencontre des Ivoiriens exilés en vue de négocier leur retour au pays. Une telle mission devrait être accueillie avec joie par les concernés qui devraient y trouver l’occasion de discuter de leurs préoccupations. Loin des ressentiments et des manifestations bruyantes, il aurait fallu accorder le bénéfice de la bonne foi au gouvernement et à ses émissaires pour poser calmement les nombreux problèmes que soulève la question du retour au pays natal. La libération des prisonniers politiques, dont le président Laurent Gbagbo, la sécurité, les kits d’installation, la restitution des biens, le rétablissement des emplois dans l’administration publique, la resocialisation sont autant de sujets très importants qui doivent se discuter dans un environnement apaisé à travers un dialogue civilisé. Chaque partie doit mettre une dose de bonne volonté pour que ces préoccupations trouvent des solutions pour le bonheur de tous. Parce que l’exil ne doit pas être la règle pour quelque raison que ce soit, mais plutôt l’exception. Personne ne peut objectivement préférer une vie d’exilé avec son lot de souffrances à une vie dans son pays, parce qu’on ne se sent mieux que chez soi.
A partir de ce postulat, il faut comprendre les exilés ivoiriens au Ghana qui ont crié leur douleur et leur colère à la délégation du régime Ouattara. Contrairement à ceux qui veulent prendre des raccourcis pour clouer au pilori les exilés, il faut voir derrière cet accueil mouvementé l’expression d’un cri de cœur et d’une révolte contre la posture répressive du régime Ouattara.
Depuis cinq ans, le pouvoir d’Abidjan s’est enfermé dans une logique belligérante contre les pro-Gbagbo, victimes d’une répression barbare. Ouattara et son gouvernement ont instauré la justice des vainqueurs pour maintenir jusqu’à ce jour Laurent Gbagbo et ses partisans en prison. Ils ont inventé le rattrapage ethnique pour renvoyer les pro-Gbagbo de l’administration publique. La réconciliation nationale est restée au stade de vil slogan politique pour le pouvoir qui refuse de poser des actes concrets visant à tourner la page de la grave crise postélectorale.
Pire, le régime Ouattara s’en est même pris aux pauvres exilés dont beaucoup ont été rapatriés de force et conduits directement en prison. Les quelques réfugiés qui ont accepté de rentrer n’ont pas échappé à la prison. S’agissant des représailles contre les exilés, un rapport de l’Onu avait révélé que le régime Ouattara avait engagé des mercenaires pour attenter à la vie des Ivoiriens dans leurs lieux de refuge. Comment voulez-vous qu’avec un tel palmarès, le régime ivoirien soit perçu comme un ange par les exilés et non comme le démon.
Qui plus est, le contexte que ces Ivoiriens ont fui pour se retrouver en exil n’a pas changé. L’insécurité ambiante avec en prime les milices du régime formatées pour broyer du pro-Gbagbo a toujours pignon sur rue. La justice des vainqueurs a atteint son apogée avec les procès interminables pour le camp Gbagbo et l’impunité totale pour le camp Ouattara. La posture répressive du régime Ouattara suscite bien la méfiance non seulement pour les réfugiés, mais aussi pour tout Ivoirien soucieux du retour de la paix et de la cohésion sociale en Côte d’Ivoire.
Pour autant, les exilés doivent-ils boycotter les missions dépêchées vers eux par le gouvernement ivoirien en vue de discuter de leur retour au pays ? Non ! Comme nous l’indiquions plus haut, il n’y a aucun mérite à s’éterniser dans un statut d’exilé. De même qu’aucune stratégie politique ne saurait reposer sur le maintien des Ivoiriens en exil. L’option du retour au pays doit être résolument prise par tous les acteurs pour mettre fin à la souffrance de tous ces personnes dans les camps de réfugiés.
Et la communauté internationale doit veiller à la réussite de ce processus qui constitue un baromètre important de la normalisation en Côte d’Ivoire.
Jean Khalil Sella