Sa parole est rare. Ce matin, Guillaume Soro, le numéro deux ivoirien, s'exprime sur RFI. Au début de cette année, la justice burkinabè a lancé contre lui un mandat d'arrêt pour complicité dans le putsch de septembre 2015. Mais depuis deux semaines, les juges de Ouagadougou ont renoncé. Et aujourd'hui, le président de l'Assemblée ivoirienne ne cache pas son soulagement. Guillaume Soro s'exprime aussi sur son avenir. Il annonce que, « galvanisé » par le soutien du président Ouattara, il aimerait bien « rempiler » à la fin de cette année au poste de président de l'Assemblée.
RFI : Le Burkina Faso renonce à demander votre extradition. Comment réagissez-vous ?
Guillaume Soro : Je dois dire que, sur la question du Burkina Faso, le président Ouattara lui-même a décidé de prendre en charge le dossier. Et donc je m’interdis tout commentaire sur la question du Burkina Faso, d’autant plus que j’ai été longtemps calomnié. Je suis même blessé et je considère qu’à partir du moment où c’est la décision du président de privilégier la voie diplomatique, je ne veux pas que quelques propos de moi soient interprétés d’une manière ou d’une autre.
RFI : C’est vrai qu’il y a une supposée conversation téléphonique entre le Burkinabè Djibril Bassolé [opposant politique, aujourd’hui en prison] et vous-même au moment du putsch de septembre 2015. A Abidjan, beaucoup ont reconnu votre voix. Comment avez-vous réagi ?
Guillaume SORO : Ce dossier du Burkina, j’ai mis ce dossier derrière moi. Ça a été une étape difficile pour moi-même et ma famille. Ce qui m’intéresse, ce sont les affaires politiques intérieures de la Côte d’Ivoire.
RFI : Et quand le Premier ministre burkinabè de l’époque Isaac Zida a déclaré que cet échange téléphonique était authentique, et que c’était bien vous. Est-ce que vous avez été tenté de le poursuivre en justice ?
Guillaume SORO : (Rires) J’ai considéré que c’était une vraie cabale. Ceci aujourd’hui heureusement est passé, ça a été une blessure qui s’est cicatrisée. Je ne parle plus du Burkina.
RFI : Mais pourquoi dites-vous que c’est une calomnie ? Parce que ce n’est pas vous dans cette conversation ? C’est quelqu’un qui a imité votre voix ?
Guillaume SORO : Je ne rentrerai pas dans cette polémique puérile, quelquefois même ridicule et même insultante pour moi. Le plus important, c’est aujourd’hui que les relations entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso se portent mieux.
RFI : Mais simplement, juste cette question toute simple : pourquoi n’avez-vous pas porté plainte contre les gens qui ont diffusé cette conversation téléphonique ?
Guillaume SORO : Est-ce que ça valait la peine de rentrer dans des débats d’égouts et dans une polémique stérile ? Je remarque au passage que ceux qui m’ont accusé n’ont pas apporté la preuve contraire non plus devant une juridiction.
RFI : Et cette perquisition à votre domicile de Ouagadougou par la justice burkinabè, comment l’avez-vous vécue en octobre dernier ?
Guillaume SORO : Je suis sans haine, ni rancune. Vous savez, quand vous êtes un homme politique, vous recevez des coups, vous pouvez même être victime de cabales. J’ai trouvé que j’ai été offensé, blessé, meurtri, mais ce n’est pas le plus important.
RFI : Si je comprends, pour vous, après cette dernière décision de la justice burkinabè, la page est tournée ?
Guillaume SORO : J’ai dit que ce dossier est bien loin derrière moi. Je vais de l’avant.
RFI : Vous êtes un ami de toujours de Blaise Compaoré. Comment avez-vous réagi au fait que la justice burkinabè continuait de demander l’extradition de l’ancien président ?
Guillaume SORO : Cela est une affaire intérieure au Burkina Faso. Je m’interdis quelque commentaire que ce soit.
RFI : Blaise Comparoé, c’est pour vous un très grand ami, non ?
Guillaume SORO : Oui, je ne renie pas mon amitié avec Blaise Comparoé. Jusque dans ma tombe, c’est un frère. Je m’honore de son amitié. Je ne dirai pas un mot de plus.
RFI : Parlons Côte d’Ivoire. Premier rendez-vous politique important, en septembre 2016, la révision de la Constitution. Quels sont à votre avis les points importants qu’il faut modifier ?
Guillaume SORO : D’abord, il était évident pour tout citoyen, et pour moi particulièrement, que la nouvelle Constitution puisse s’imbiber des leçons à tirer de la guerre que nous avons connue.
RFI : Vous voulez dire qu’il faut en finir avec le problème de l’ivoirité ?
Guillaume SORO : Absolument. Déjà à Linas-Marcoussis [Discussions de sortie de la crise militaro-politique de Septembre 2002 qui s’est conclue par les accords Kléber, dits de Marcoussis, du 26 janvier 2003], il avait été question de réviser l’article 35 [de la Constitution] sur les conditions d’éligibilité. Mais je pense aussi que, dans le préambule, comme au Rwanda, il faudra bien une phrase pour interdire que la discrimination, la ségrégation, l’exclusion entre citoyens ivoiriens ne puissent prévaloir.
RFI : Est-ce que vous êtes favorable à la création d’un poste de vice-président ?
Guillaume SORO : Je suis président de l’Assemblée nationale. Vous me permettrez de donner la primeur de ma position à l’occasion de la plénière qui se tiendra à l’Assemblée nationale.
RFI : Depuis 2011, vous êtes le deuxième personnage de l’Etat. Mais si demain est créé un poste de vice-président, vous risquez de perdre votre place, non ?
Guillaume SORO : (Rires) Vous savez bien que je ne suis pas un homme à m’accrocher aux honneurs et aux préséances protocolaires. Ce sera au président Alassane Ouattara de donner le dauphinat constitutionnel à qui il a le plus confiance. Maintenant je me réjouis d’avoir été le premier à qui il a fait confiance pour confier le dauphinat constitutionnel dans une période aussi difficile que le lendemain de la crise post-électorale de 2011. Je prends ça comme une fierté et je l’en remercie.
RFI : Oui, mais il va y avoir nécessairement une querelle entre ce vice-président et le président de l’Assemblée pour savoir qui est le deuxième personnage de l’Etat ?
Guillaume SORO : Ah non, non. Il ne peut pas y avoir de querelle. Le vice-président sera la deuxième personnalité de l’Etat de Côte d’Ivoire et sera détenteur du dauphinat constitutionnel.
RFI : En ce qui vous concerne personnellement Guillaume Soro, est-ce que vous serez à nouveau candidat aux élections législatives de novembre prochain ? Et si vous êtes réélu, est-ce que vous serez candidat à nouveau à la présidence de l’Assemblée nationale ?
Guillaume SORO : Mais c’est bien vous qui disiez quelquefois qu’on ne change pas une équipe qui gagne ! Donc je pense avoir fait du bon travail à l’Assemblée nationale. Je serai candidat pour être député dans ma circonscription Ferke-Commune [Ferkessédougou-Commune, dans le nord de la Côte d’Ivoire] et j’en parlerai avec le président de la République. Et j’aimerais bien éventuellement rempiler au poste de président de l’Assemblée nationale.
FRI : Vous dites que, pour être le dauphin du président Ouattara, il faut avoir toute sa confiance. Mais à Abidjan, certains disent que, depuis vos démêlés judiciaires avec le Burkina Faso, vous avez perdu cette confiance du président de la République ?
Guillaume SORO : (Rires) Non, non, non. Je crois que ma relation avec le président Alassane Ouattara est non seulement excellente, mais elle est au-dessus des conjonctures temporelles.
RFI : Mais ne craignez-vous pas que certaines personnalités, comme le ministre de l’Intérieur Hamed Bakayoko, ne prennent votre place dans le cœur du président ?
Guillaume SORO : Mais ça, c’est purement de la gaminerie. Pourquoi voulez-vous que j’éprouve de la jalousie, ça n’a rien à voir ! Je souhaite bonne chance à qui le président de la République fera confiance.
RFI : Quand vous dites que votre relation avec le président de la République est au-dessus des questions conjoncturelles, voulez-vous dire que vous êtes un ami de toujours, à la différence de certains autres hommes politiques en vogue aujourd’hui à Abidjan ?
Guillaume SORO : Le président Ouattara, pendant plus de dix ans, a pu peser et jauger ma loyauté et ma fidélité à sa personne. Et je peux affirmer aussi que, jusqu’à aujourd’hui, le président de la République ne m’a pas donné d’éléments ou d’occasions de douter. Donc, je suis en totale et pleine confiance avec le président Ouattara qui, du reste, lorsque j’ai eu les ennuis judiciaires en France et au Burkina Faso, s’est pleinement impliqué et a lourdement pesé pour aider à régler ces questions.
RFI : Et cela vous a rassuré ?
Guillaume SORO : Ça m’a non seulement rassuré, mais galvanisé.
RFI : De ce point de vue, juste un mot encore sur le Burkina Faso. Vous qui connaissez bien le nouveau président, Roch Marc Christian Kaboré, est-ce que vous pensez qu’il a joué un rôle plutôt positif ou plutôt négatif dans cet apaisement ?
Guillaume SORO : Vous savez, depuis l’élection du président Roch Marc Christian Kaboré au Burkina, je n’ai pas eu le privilège d’avoir un contact avec lui. Donc il m’est difficile de porter un jugement.
RFI : La présidentielle de 2020, vous y pensez ?
Guillaume SORO : En Côte d’Ivoire, tout le monde pense à la présidentielle de 2020. Mais en ce qui me concerne, je privilégierai l’ambition collective à l’ambition individuelle. Je suis un homme de mission, et non un homme d’ambition.
RFI : Si, à la fin de cette année, vous êtes réélu au perchoir, est-ce que naturellement vous ne penserez pas à une candidature pour 2020 ?
Guillaume SORO : Evidemment en Côte d’Ivoire, tout le monde pense bien entendu à 2020. Et je pense que le président Ouattara pense à 2020, plus que tout le monde. Et avec son aîné, le président Henri Konan Bédié, je suis convaincu qu’ils sont soucieux de préparer de façon harmonieuse et tranquille leur succession.
RFI : Et si les présidents Ouattara et Bédié vous demandent de vous préparer pour 2020, qu’est-ce que vous répondrez ?
Guillaume SORO : (Rires) Pour l’instant, ils ne l’ont pas encore demandé.
RFI : Qu’est-ce que vous répondez à ceux qui disent que, par votre passé de chef rebelle, vous êtes moins rassembleur que d’autres hommes politiques de votre génération ?
Guillaume SORO : Qu’ils le disent, mais moi, je sais que j’ai des ressources pour avancer. Ça veut dire que j’ai pour moi mon parcours, mon discours. J’ai pour moi, comme on dit à Abidjan, « mon CV ». Et j’ai pour moi les amitiés et la confiance du président de la République, ce qui n’est pas rien.
RFI : Sous le régime Gbagbo, vous étiez le chef de la rébellion. Du coup aujourd’hui, plusieurs organisations de défense des droits de l’homme pointent votre responsabilité dans les exactions commises. On pense notamment à Duékoué en mars 2011 [au moins 198 corps inhumés par les casques bleus de l’Onuci]. Est-ce que tout cela ne nuit pas à votre réputation ?
Guillaume SORO : Alors si votre question s’entend dans le fait de dire qu’il y a eu des enquêtes et qu’il y a eu bien entendu quelques violations de droits de l’homme çà et là, je vous réponds qu’il faut laisser à la justice le soin de faire son travail en toute indépendance. Et quiconque sera convoqué répondra.
RFI : Y compris vous-même ?
Guillaume SORO : Je ne me suis jamais soustrait à la justice. Si la justice de mon pays me convoque, je répondrai présent.
RFI : Et si c’est la Cour pénale internationale ?
Guillaume SORO : Si la Cour pénale internationale veut m’entendre, elle m’entendra. Je ne vais pas me soustraire à la justice.
RFI : Et sur la mort d’IB [le sergent Ibrahim Coulibaly], qui était l’un de vos rivaux à la tête de la rébellion et qui est mort assassiné en avril 2011 à Abidjan [dans le quartier populaire d’Abobo au nord d’Abidjan], est-ce que vous serez prêt également à répondre si un juge vous le demande ?
Guillaume SORO : Mais je ne vois pas ce que cette question a à voir. Vous avez dit qu’IB a été assassiné à Abobo. Je n’étais pas à Abobo. Pourquoi un juge voudrait m’entendre ?
RFI : Sur vos relations avec la France, qui sont un petit peu compliquées depuis décembre 2015, depuis que la police française a voulu vous interpeller à votre domicile près de Paris, comment régler cette question suite à une plainte déposée il y a quatre ans par Michel Gbagbo, le fils franco-ivoirien de Laurent Gbagbo ?
Guillaume SORO : Deux choses. Mes relations ne sont pas compliquées avec la France, c’est faux de le dire. Il se trouve que j’ai été en France, en mission. Un juge, madame Sabine Khéris, bien connue dans le milieu puisque c’est la même dame qui a voulu interpeller un officiel marocain, c’est la même dame qui m’a envoyé un mandat d’amener. Donc il faut distinguer la France judiciaire et la France politique, c’est différent. Donc cette dame m’a envoyé un mandat d’amener, un abus de pouvoir puisque j’étais sur le territoire français avec l’immunité diplomatique. Cette question doit se régler au niveau de la justice. Elle a envoyé une commission rogatoire à Abidjan. Depuis le mois de janvier, la justice ivoirienne a écrit à madame Sabine Khéris pour lui demander de venir à Abidjan pour assister un magistrat pour m’entendre. Elle est abonnée absente. Elle n’est pas venue. Donc la balle est plutôt dans son camp. Quand je vois l’acharnement qu’elle a eu à vouloir m’entendre à Paris, je suis surpris qu’elle freine des quatre fers quand on lui donne l’opportunité justement de venir m’entendre à Abidjan.
RFI : Le Burkina Faso renonce à demander votre extradition. Comment réagissez-vous ?
Guillaume Soro : Je dois dire que, sur la question du Burkina Faso, le président Ouattara lui-même a décidé de prendre en charge le dossier. Et donc je m’interdis tout commentaire sur la question du Burkina Faso, d’autant plus que j’ai été longtemps calomnié. Je suis même blessé et je considère qu’à partir du moment où c’est la décision du président de privilégier la voie diplomatique, je ne veux pas que quelques propos de moi soient interprétés d’une manière ou d’une autre.
RFI : C’est vrai qu’il y a une supposée conversation téléphonique entre le Burkinabè Djibril Bassolé [opposant politique, aujourd’hui en prison] et vous-même au moment du putsch de septembre 2015. A Abidjan, beaucoup ont reconnu votre voix. Comment avez-vous réagi ?
Guillaume SORO : Ce dossier du Burkina, j’ai mis ce dossier derrière moi. Ça a été une étape difficile pour moi-même et ma famille. Ce qui m’intéresse, ce sont les affaires politiques intérieures de la Côte d’Ivoire.
RFI : Et quand le Premier ministre burkinabè de l’époque Isaac Zida a déclaré que cet échange téléphonique était authentique, et que c’était bien vous. Est-ce que vous avez été tenté de le poursuivre en justice ?
Guillaume SORO : (Rires) J’ai considéré que c’était une vraie cabale. Ceci aujourd’hui heureusement est passé, ça a été une blessure qui s’est cicatrisée. Je ne parle plus du Burkina.
RFI : Mais pourquoi dites-vous que c’est une calomnie ? Parce que ce n’est pas vous dans cette conversation ? C’est quelqu’un qui a imité votre voix ?
Guillaume SORO : Je ne rentrerai pas dans cette polémique puérile, quelquefois même ridicule et même insultante pour moi. Le plus important, c’est aujourd’hui que les relations entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso se portent mieux.
RFI : Mais simplement, juste cette question toute simple : pourquoi n’avez-vous pas porté plainte contre les gens qui ont diffusé cette conversation téléphonique ?
Guillaume SORO : Est-ce que ça valait la peine de rentrer dans des débats d’égouts et dans une polémique stérile ? Je remarque au passage que ceux qui m’ont accusé n’ont pas apporté la preuve contraire non plus devant une juridiction.
RFI : Et cette perquisition à votre domicile de Ouagadougou par la justice burkinabè, comment l’avez-vous vécue en octobre dernier ?
Guillaume SORO : Je suis sans haine, ni rancune. Vous savez, quand vous êtes un homme politique, vous recevez des coups, vous pouvez même être victime de cabales. J’ai trouvé que j’ai été offensé, blessé, meurtri, mais ce n’est pas le plus important.
RFI : Si je comprends, pour vous, après cette dernière décision de la justice burkinabè, la page est tournée ?
Guillaume SORO : J’ai dit que ce dossier est bien loin derrière moi. Je vais de l’avant.
RFI : Vous êtes un ami de toujours de Blaise Compaoré. Comment avez-vous réagi au fait que la justice burkinabè continuait de demander l’extradition de l’ancien président ?
Guillaume SORO : Cela est une affaire intérieure au Burkina Faso. Je m’interdis quelque commentaire que ce soit.
RFI : Blaise Comparoé, c’est pour vous un très grand ami, non ?
Guillaume SORO : Oui, je ne renie pas mon amitié avec Blaise Comparoé. Jusque dans ma tombe, c’est un frère. Je m’honore de son amitié. Je ne dirai pas un mot de plus.
RFI : Parlons Côte d’Ivoire. Premier rendez-vous politique important, en septembre 2016, la révision de la Constitution. Quels sont à votre avis les points importants qu’il faut modifier ?
Guillaume SORO : D’abord, il était évident pour tout citoyen, et pour moi particulièrement, que la nouvelle Constitution puisse s’imbiber des leçons à tirer de la guerre que nous avons connue.
RFI : Vous voulez dire qu’il faut en finir avec le problème de l’ivoirité ?
Guillaume SORO : Absolument. Déjà à Linas-Marcoussis [Discussions de sortie de la crise militaro-politique de Septembre 2002 qui s’est conclue par les accords Kléber, dits de Marcoussis, du 26 janvier 2003], il avait été question de réviser l’article 35 [de la Constitution] sur les conditions d’éligibilité. Mais je pense aussi que, dans le préambule, comme au Rwanda, il faudra bien une phrase pour interdire que la discrimination, la ségrégation, l’exclusion entre citoyens ivoiriens ne puissent prévaloir.
RFI : Est-ce que vous êtes favorable à la création d’un poste de vice-président ?
Guillaume SORO : Je suis président de l’Assemblée nationale. Vous me permettrez de donner la primeur de ma position à l’occasion de la plénière qui se tiendra à l’Assemblée nationale.
RFI : Depuis 2011, vous êtes le deuxième personnage de l’Etat. Mais si demain est créé un poste de vice-président, vous risquez de perdre votre place, non ?
Guillaume SORO : (Rires) Vous savez bien que je ne suis pas un homme à m’accrocher aux honneurs et aux préséances protocolaires. Ce sera au président Alassane Ouattara de donner le dauphinat constitutionnel à qui il a le plus confiance. Maintenant je me réjouis d’avoir été le premier à qui il a fait confiance pour confier le dauphinat constitutionnel dans une période aussi difficile que le lendemain de la crise post-électorale de 2011. Je prends ça comme une fierté et je l’en remercie.
RFI : Oui, mais il va y avoir nécessairement une querelle entre ce vice-président et le président de l’Assemblée pour savoir qui est le deuxième personnage de l’Etat ?
Guillaume SORO : Ah non, non. Il ne peut pas y avoir de querelle. Le vice-président sera la deuxième personnalité de l’Etat de Côte d’Ivoire et sera détenteur du dauphinat constitutionnel.
RFI : En ce qui vous concerne personnellement Guillaume Soro, est-ce que vous serez à nouveau candidat aux élections législatives de novembre prochain ? Et si vous êtes réélu, est-ce que vous serez candidat à nouveau à la présidence de l’Assemblée nationale ?
Guillaume SORO : Mais c’est bien vous qui disiez quelquefois qu’on ne change pas une équipe qui gagne ! Donc je pense avoir fait du bon travail à l’Assemblée nationale. Je serai candidat pour être député dans ma circonscription Ferke-Commune [Ferkessédougou-Commune, dans le nord de la Côte d’Ivoire] et j’en parlerai avec le président de la République. Et j’aimerais bien éventuellement rempiler au poste de président de l’Assemblée nationale.
FRI : Vous dites que, pour être le dauphin du président Ouattara, il faut avoir toute sa confiance. Mais à Abidjan, certains disent que, depuis vos démêlés judiciaires avec le Burkina Faso, vous avez perdu cette confiance du président de la République ?
Guillaume SORO : (Rires) Non, non, non. Je crois que ma relation avec le président Alassane Ouattara est non seulement excellente, mais elle est au-dessus des conjonctures temporelles.
RFI : Mais ne craignez-vous pas que certaines personnalités, comme le ministre de l’Intérieur Hamed Bakayoko, ne prennent votre place dans le cœur du président ?
Guillaume SORO : Mais ça, c’est purement de la gaminerie. Pourquoi voulez-vous que j’éprouve de la jalousie, ça n’a rien à voir ! Je souhaite bonne chance à qui le président de la République fera confiance.
RFI : Quand vous dites que votre relation avec le président de la République est au-dessus des questions conjoncturelles, voulez-vous dire que vous êtes un ami de toujours, à la différence de certains autres hommes politiques en vogue aujourd’hui à Abidjan ?
Guillaume SORO : Le président Ouattara, pendant plus de dix ans, a pu peser et jauger ma loyauté et ma fidélité à sa personne. Et je peux affirmer aussi que, jusqu’à aujourd’hui, le président de la République ne m’a pas donné d’éléments ou d’occasions de douter. Donc, je suis en totale et pleine confiance avec le président Ouattara qui, du reste, lorsque j’ai eu les ennuis judiciaires en France et au Burkina Faso, s’est pleinement impliqué et a lourdement pesé pour aider à régler ces questions.
RFI : Et cela vous a rassuré ?
Guillaume SORO : Ça m’a non seulement rassuré, mais galvanisé.
RFI : De ce point de vue, juste un mot encore sur le Burkina Faso. Vous qui connaissez bien le nouveau président, Roch Marc Christian Kaboré, est-ce que vous pensez qu’il a joué un rôle plutôt positif ou plutôt négatif dans cet apaisement ?
Guillaume SORO : Vous savez, depuis l’élection du président Roch Marc Christian Kaboré au Burkina, je n’ai pas eu le privilège d’avoir un contact avec lui. Donc il m’est difficile de porter un jugement.
RFI : La présidentielle de 2020, vous y pensez ?
Guillaume SORO : En Côte d’Ivoire, tout le monde pense à la présidentielle de 2020. Mais en ce qui me concerne, je privilégierai l’ambition collective à l’ambition individuelle. Je suis un homme de mission, et non un homme d’ambition.
RFI : Si, à la fin de cette année, vous êtes réélu au perchoir, est-ce que naturellement vous ne penserez pas à une candidature pour 2020 ?
Guillaume SORO : Evidemment en Côte d’Ivoire, tout le monde pense bien entendu à 2020. Et je pense que le président Ouattara pense à 2020, plus que tout le monde. Et avec son aîné, le président Henri Konan Bédié, je suis convaincu qu’ils sont soucieux de préparer de façon harmonieuse et tranquille leur succession.
RFI : Et si les présidents Ouattara et Bédié vous demandent de vous préparer pour 2020, qu’est-ce que vous répondrez ?
Guillaume SORO : (Rires) Pour l’instant, ils ne l’ont pas encore demandé.
RFI : Qu’est-ce que vous répondez à ceux qui disent que, par votre passé de chef rebelle, vous êtes moins rassembleur que d’autres hommes politiques de votre génération ?
Guillaume SORO : Qu’ils le disent, mais moi, je sais que j’ai des ressources pour avancer. Ça veut dire que j’ai pour moi mon parcours, mon discours. J’ai pour moi, comme on dit à Abidjan, « mon CV ». Et j’ai pour moi les amitiés et la confiance du président de la République, ce qui n’est pas rien.
RFI : Sous le régime Gbagbo, vous étiez le chef de la rébellion. Du coup aujourd’hui, plusieurs organisations de défense des droits de l’homme pointent votre responsabilité dans les exactions commises. On pense notamment à Duékoué en mars 2011 [au moins 198 corps inhumés par les casques bleus de l’Onuci]. Est-ce que tout cela ne nuit pas à votre réputation ?
Guillaume SORO : Alors si votre question s’entend dans le fait de dire qu’il y a eu des enquêtes et qu’il y a eu bien entendu quelques violations de droits de l’homme çà et là, je vous réponds qu’il faut laisser à la justice le soin de faire son travail en toute indépendance. Et quiconque sera convoqué répondra.
RFI : Y compris vous-même ?
Guillaume SORO : Je ne me suis jamais soustrait à la justice. Si la justice de mon pays me convoque, je répondrai présent.
RFI : Et si c’est la Cour pénale internationale ?
Guillaume SORO : Si la Cour pénale internationale veut m’entendre, elle m’entendra. Je ne vais pas me soustraire à la justice.
RFI : Et sur la mort d’IB [le sergent Ibrahim Coulibaly], qui était l’un de vos rivaux à la tête de la rébellion et qui est mort assassiné en avril 2011 à Abidjan [dans le quartier populaire d’Abobo au nord d’Abidjan], est-ce que vous serez prêt également à répondre si un juge vous le demande ?
Guillaume SORO : Mais je ne vois pas ce que cette question a à voir. Vous avez dit qu’IB a été assassiné à Abobo. Je n’étais pas à Abobo. Pourquoi un juge voudrait m’entendre ?
RFI : Sur vos relations avec la France, qui sont un petit peu compliquées depuis décembre 2015, depuis que la police française a voulu vous interpeller à votre domicile près de Paris, comment régler cette question suite à une plainte déposée il y a quatre ans par Michel Gbagbo, le fils franco-ivoirien de Laurent Gbagbo ?
Guillaume SORO : Deux choses. Mes relations ne sont pas compliquées avec la France, c’est faux de le dire. Il se trouve que j’ai été en France, en mission. Un juge, madame Sabine Khéris, bien connue dans le milieu puisque c’est la même dame qui a voulu interpeller un officiel marocain, c’est la même dame qui m’a envoyé un mandat d’amener. Donc il faut distinguer la France judiciaire et la France politique, c’est différent. Donc cette dame m’a envoyé un mandat d’amener, un abus de pouvoir puisque j’étais sur le territoire français avec l’immunité diplomatique. Cette question doit se régler au niveau de la justice. Elle a envoyé une commission rogatoire à Abidjan. Depuis le mois de janvier, la justice ivoirienne a écrit à madame Sabine Khéris pour lui demander de venir à Abidjan pour assister un magistrat pour m’entendre. Elle est abonnée absente. Elle n’est pas venue. Donc la balle est plutôt dans son camp. Quand je vois l’acharnement qu’elle a eu à vouloir m’entendre à Paris, je suis surpris qu’elle freine des quatre fers quand on lui donne l’opportunité justement de venir m’entendre à Abidjan.