Le regard fixe, Hurbain Souomi, 11 ans, scrute la piste qui le ramène dans son village de Côte d’Ivoire, après avoir passé la moitié de sa vie au Liberia. Séparées par les
violences post-électorales de 2011, des familles sont enfin réunies.
"J’avais cinq ans quand on a quitté la Côte d’Ivoire. Ce jour-là, il y avait des coups de fusil un peu partout. Ma grande soeur nous a récupérés et on s’est enfui pour aller au Liberia", raconte Hurbain, ému aux larmes, à son
arrivée dans le village de Goulaleu, dans l’ouest ivoirien.
"J’ai marché de Goulaleu à Yorpea", un village libérien situé à une cinquantaine de km, se souvient-il, tête baissée, entrecoupant ses propos de silences. "On ne pouvait pas se reposer. C’était dur. Ma grande soeur, je ne sais plus où elle est".
En deux heures de route la semaine dernière, en convoi organisé par le Comité international de la Croix-rouge (CICR) à partir de Bahn, dans le nord-est du Liberia, avec ses petits frères Thierry, 10 ans et Oscar, 9 ans,
Hurbain aura effectué ce retour attendu depuis six ans.
Quelque 220.000 Ivoiriens ont trouvé refuge au Liberia à la suite du conflit post-électoral de 2011, qui a fait environ 3.000 morts. Lors de cet exode, plus de mille enfants ont été séparés de leur famille.
La plupart des réfugiés ivoiriens sont progressivement rentrés d’eux-mêmes, mais quelque 14.000 sont restés au Liberia, dans des camps à la frontière.
Depuis octobre 2011, le CICR a réuni 300 enfants ivoiriens avec leurs parents. Depuis le début de l’année, il a mené quatre opérations de ce type, indique Varney Bawn, chargé de communication du CICR.
- Famille sans nouvelles -
Pour accueillir les trois frères Souomi, des villageois de Goulaleu apparaissent avec des feuilles de manguier ou des tiges de riz, un rite festif. Une dizaine de personnes fredonnent une chanson.
Un vieil homme, en boubou tissé traditionnel, se lève, entouré de sages du village. Il esquisse des pas de danse et se dirige vers les trois enfants qui
descendent du véhicule. Il les prend dans ses bras et fond en larmes.
"Je suis leur grand-père. Je manque de mots pour exprimer ma joie. Je me retrouve enfin face à mes petits-enfants", explique cet homme se faisant appeler Keuhoua Justin Lah, auquel revient la charge de les accueillir, leur
père étant hospitalisé et leur mère décédée peu après la naissance du plus jeune.
"Pendant la guerre, nous nous sommes séparés", explique-t-il. Leur soeur aînée est venue le voir pour lui annoncer son intention d’emmener les trois
garçons à l’abri au Liberia, mais le vieil homme, "souffrant à ce moment-là", n’a pu les accompagner dans leur périple.
"Je ne pouvais pas marcher une longue distance", indique le vieil homme.
Pendant longtemps, la famille a ignoré où ils étaient.
"A travers la Croix-Rouge, nous avons su qu’ils étaient dans un camp de réfugiés au Liberia", ajoute le grand-père. "Malheureusement, leur soeur qui les a emmenés est morte au Liberia", précise-t-il à l’AFP, révélant une information jusqu’alors inconnue des trois frères.
Quand "il y a un conflit, il y a toujours un problème de séparation", souligne Albert Jamah, responsable du programme de la Croix-Rouge pour rétablir les liens familiaux. "Le CICR identifie les enfants, leur établit des papiers, retrouve leur trace et les réunit avec leurs familles".
De Goulaleu, le convoi se dirige vers Ouralé, un village situé à 45 km, où deux autres enfants, Salomon Sankan, 10 ans, et Estelle Sankan, 6 ans, doivent retrouver leur père.
Celui-ci, Robert Rufin Sankan, 35 ans, les accueille avec effusion, dans ce village de 300 habitants, en pleine forêt.
En 2011, "après une attaque ici, j’ai dit à ma femme de prendre les enfants et me devancer au Liberia", raconte M. Sankan, parti ensuite à la recherche de sa famille dans le pays voisin.
"J’ai fouillé dans presque tous les camps de réfugiés, je ne les ai pas trouvés. C’est quand la Croix-Rouge est arrivée avec des photos d’enfants que j’ai reconnu les miens", explique-t-il.
Cette famille-là non plus ne sera pourtant plus jamais au complet. Son épouse, enceinte de la cadette, Estelle, durant la fuite au Liberia, est décédée quelques semaines après l’accouchement.
zd/mrb/sst/jh/jhd
violences post-électorales de 2011, des familles sont enfin réunies.
"J’avais cinq ans quand on a quitté la Côte d’Ivoire. Ce jour-là, il y avait des coups de fusil un peu partout. Ma grande soeur nous a récupérés et on s’est enfui pour aller au Liberia", raconte Hurbain, ému aux larmes, à son
arrivée dans le village de Goulaleu, dans l’ouest ivoirien.
"J’ai marché de Goulaleu à Yorpea", un village libérien situé à une cinquantaine de km, se souvient-il, tête baissée, entrecoupant ses propos de silences. "On ne pouvait pas se reposer. C’était dur. Ma grande soeur, je ne sais plus où elle est".
En deux heures de route la semaine dernière, en convoi organisé par le Comité international de la Croix-rouge (CICR) à partir de Bahn, dans le nord-est du Liberia, avec ses petits frères Thierry, 10 ans et Oscar, 9 ans,
Hurbain aura effectué ce retour attendu depuis six ans.
Quelque 220.000 Ivoiriens ont trouvé refuge au Liberia à la suite du conflit post-électoral de 2011, qui a fait environ 3.000 morts. Lors de cet exode, plus de mille enfants ont été séparés de leur famille.
La plupart des réfugiés ivoiriens sont progressivement rentrés d’eux-mêmes, mais quelque 14.000 sont restés au Liberia, dans des camps à la frontière.
Depuis octobre 2011, le CICR a réuni 300 enfants ivoiriens avec leurs parents. Depuis le début de l’année, il a mené quatre opérations de ce type, indique Varney Bawn, chargé de communication du CICR.
- Famille sans nouvelles -
Pour accueillir les trois frères Souomi, des villageois de Goulaleu apparaissent avec des feuilles de manguier ou des tiges de riz, un rite festif. Une dizaine de personnes fredonnent une chanson.
Un vieil homme, en boubou tissé traditionnel, se lève, entouré de sages du village. Il esquisse des pas de danse et se dirige vers les trois enfants qui
descendent du véhicule. Il les prend dans ses bras et fond en larmes.
"Je suis leur grand-père. Je manque de mots pour exprimer ma joie. Je me retrouve enfin face à mes petits-enfants", explique cet homme se faisant appeler Keuhoua Justin Lah, auquel revient la charge de les accueillir, leur
père étant hospitalisé et leur mère décédée peu après la naissance du plus jeune.
"Pendant la guerre, nous nous sommes séparés", explique-t-il. Leur soeur aînée est venue le voir pour lui annoncer son intention d’emmener les trois
garçons à l’abri au Liberia, mais le vieil homme, "souffrant à ce moment-là", n’a pu les accompagner dans leur périple.
"Je ne pouvais pas marcher une longue distance", indique le vieil homme.
Pendant longtemps, la famille a ignoré où ils étaient.
"A travers la Croix-Rouge, nous avons su qu’ils étaient dans un camp de réfugiés au Liberia", ajoute le grand-père. "Malheureusement, leur soeur qui les a emmenés est morte au Liberia", précise-t-il à l’AFP, révélant une information jusqu’alors inconnue des trois frères.
Quand "il y a un conflit, il y a toujours un problème de séparation", souligne Albert Jamah, responsable du programme de la Croix-Rouge pour rétablir les liens familiaux. "Le CICR identifie les enfants, leur établit des papiers, retrouve leur trace et les réunit avec leurs familles".
De Goulaleu, le convoi se dirige vers Ouralé, un village situé à 45 km, où deux autres enfants, Salomon Sankan, 10 ans, et Estelle Sankan, 6 ans, doivent retrouver leur père.
Celui-ci, Robert Rufin Sankan, 35 ans, les accueille avec effusion, dans ce village de 300 habitants, en pleine forêt.
En 2011, "après une attaque ici, j’ai dit à ma femme de prendre les enfants et me devancer au Liberia", raconte M. Sankan, parti ensuite à la recherche de sa famille dans le pays voisin.
"J’ai fouillé dans presque tous les camps de réfugiés, je ne les ai pas trouvés. C’est quand la Croix-Rouge est arrivée avec des photos d’enfants que j’ai reconnu les miens", explique-t-il.
Cette famille-là non plus ne sera pourtant plus jamais au complet. Son épouse, enceinte de la cadette, Estelle, durant la fuite au Liberia, est décédée quelques semaines après l’accouchement.
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