Ce mardi 05 décembre 2017, les députés de l’Assemblée nationale ont été invités à adopter sept (7) projets de loi dont le projet de loi de finances rectificatives portant Budget de l’Etat pour la gestion 2017.
A travers ce projet de loi, le gouvernement propose, à quelques jours de la fin de l’exercice budgétaire, de modifier et de rebâtir le budget 2017 car, selon lui, certaines hypothèses qui ont servi de bases à l’élaboration du budget initial ont été profondément modifiées. Le Gouvernement a indexé :
Les prévisions de croissance mondiale qui seraient ternes et en recul ;
Les cours du cacao en baisse de 35% ;
Les cours du pétrole brut en hausse.
Selon le gouvernement, ces variables ont une incidence majeure sur la performance de l’économie nationale à tel point qu’il conviendrait de revoir à la baisse le taux de croissance à 8,5% au lieu de 8,9% initialement prévu et de réduire le budget de 53.782.439.643 FCFA, le ramenant de 6501.421.152.075 FCFA initialement prévu à 6447.638.712.432 FCFA.
Au regard de ces évolutions négatives, le gouvernement a procédé à un certain nombre d’ajustements tant au niveau des ressources que des dépenses.
Avec six autres députés de l’Assemblée nationale membres des Groupes parlementaires ‘’ AGIR Pour le Peuple’’ et ‘’VOX Populi’’, j’ai voté contre ce projet de loi. Les raisons tiennent aux motifs du projet de modification du budget d’une part, et au contenu même du projet d’autre part.
I. DES MOTIFS FALLACIEUX POUR MASQUER LA MAUVAISE GOUVERNANCE ET L’ECHEC ECONOMIQUE DU GOUVERNEMENT
On distingue généralement deux catégories de raisons qui appellent à l’adoption de lois de finances rectificatives : soit la conjoncture économique évolue négativement au point de modifier les conditions d’exécution de la loi de finance initiale, soit une nouvelle orientation est donnée à la politique économique et budgétaire.
Ainsi, s’il sied de modifier la loi de finance initiale par un collectif budgétaire en cas de survenance de bouleversements profonds des équilibres antérieurs, force est de noter que les arguments proposés en l’occurrence par le gouvernement sont à l’opposé de la réalité et dénotent plutôt sa mauvaise gouvernance et son échec économique.
S’agissant de la tenue de l’économie mondiale
Le 18 Avril 2017, le Fonds monétaire international (FMI) prédit une croissance de l’économie mondiale à 3,5 % en 2017 contre 3,1 % en 2016, sur fond de reprise de l’investissement, de la production et du commerce. D’où le gouvernement tient- il ses statistiques pessimistes sur l’évolution de l’économie mondiale ?
La baisse des cours du cacao de 35% : Les cours ont effectivement baissé de 35% depuis novembre 2016. Mais cette chute était prévisible et ce depuis le mois de Septembre 2016 où les cours avaient amorcé leur dégringolade. Le gouvernement en a certainement tenu compte dans ses prévisions pour le budget 2017.
La hausse des cours du pétrole brut : L’analyse du marché du pétrole montre aussi que la hausse du prix du brut n’est pas une nouveauté. En effet depuis le mois de Novembre 2016, le prix du baril est monté à 46,95 dollar le baril, et il n’a plus baissé depuis cette date. Là aussi, il s’agit plutôt d’une évolution censée être connue du gouvernement.
Au total, les raisons invoquées par le gouvernement pour justifier le vote de ce collectif budgétaire nous paraissent fallacieuses. Nous n’entérinerons pas l’injure que se fait le gouvernement lui-même en prétendant qu’il a été surpris par des évènements abondamment commentés. Non, le prétexte du collectif se trouve ailleurs. Le gouvernement n’a pas le courage de l’avouer. Pourtant il sait que la vérité ne peut pas échapper à un examen minutieux du projet de budget modificatif.
Nous estimons par ailleurs qu’à l’occasion de cet exercice budgétaire, les préoccupations immédiates de nos compatriotes auraient dues être prises en compte. En effet, à la cherté de la vie, est venue s’ajouter la dégénérescence des infrastructures routières et voiries révélée par les fortes pluies actuelles. Les voies d’accès des principales villes du pays sont impraticables. Presque tous les quartiers d’Abidjan (Riviera, Koumassi, Abobo, etc.) croulent sous les eaux de ruissellement, plusieurs décès ont été enregistrés.
Les dépenses publiques doivent être sérieusement réorientées pour tenir compte de la souffrance des ivoiriens.
II. DU COLLECTIF BUDGETAIRE
Le collectif budgétaire proposé par le gouvernement appelle plusieurs remarques.
S’agissant de certains postes de recettes de la DGI et de la DGD
Les recettes de la DGI sont estimées à 1664 milliards de FCFA, contre un niveau de 1 753 milliards de FCFA, soit une baisse de 89 milliards de FCFA (-5.34%).
Cette baisse est due principalement aux contreperformances annoncées des lignes d’impôts suivants :
Les droits d’enregistrement et de timbres enregistrent une baisse de 76 milliards de FCFA. Le gouvernement explique qu’il consent cette annulation de droits d’enregistrement et de timbre sur le cacao pour soutenir le prix au paysan, suite à la baisse des cours. Cet argument n’est pas recevable dans la mesure où le dispositif de stabilisation des prix de la filière café et cacao a permis à l’Etat de récolter environ 468 milliards de FCFA selon plusieurs experts, avec la hausse continue des cours de 2011 à 2016. Il s’agit d’appliquer tout simplement ce dispositif. L’annulation des droits d’enregistrement et timbres constitue un manque à gagner pour l’Etat et nous semble être un congé fiscal destiné à certains ‘’amis et parents’’ exportateurs.
L’impôt BIC hors pétrole et gaz accuse une baisse de 7 milliards de FCFA prévue en raison de la contraction de l’économie dont le taux de croissance passe de 8.9% à 8.5%. Ceci marque la fragilité de l’économie ivoirienne avec une assise fiscale peu diversifiée où une poignée d’agents économiques sont pressés fiscalement pour tenir les engagements de l’Etat. Quelle a été la contribution de ce gouvernement à la diversification de l’économie depuis l’arrivée de Ouattara au pouvoir ?
La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) : Une baisse de 6 milliards de FCFA en lien avec la contraction de l’économie.
Les revenus du domaine baissent de 15 milliards de FCFA sans explication du gouvernement. Pourquoi une baisse aussi importante (-41%) par rapport au niveau prévu dans le budget initial ?
Les recettes de la DGD : Les recettes de la DGD sont estimées à 1 398 milliards de FCFA contre 1 584 milliards de FCFA, soit une baisse de 186 milliards de FCFA (-13.27%).
Cette baisse est imputable au moins-values attendues sur les taxes et droit de douances suivants :
Les taxes à l’importation sur les produits pétroliers : Elles baissent de 146 milliards de FCFA. Le gouvernement prévoit une baisse de la taxation prévue sur le litre du super carburant et du gasoil qui passe respectivement de 256 FCFA/litre à 150 FCFA le litre et de 249 FCFA/litre à 150 FCFA/litre. Il est également prévu une baisse du taux de croissance des volumes de 16% à 15% pour le super et 8% à 7% pour le gasoil en lien avec la contraction de l’économie. Curieusement cette baisse de la taxation n’est pas répercutée sur les prix à la pompe. Au contraire les prix augmentent : le litre du super est passé de 570 F CFA /litre en mai 2017 à 595 F CFA /litre en décembre 2017 (+25 F). Qu’a t’on fait des ressources collectées à l’occasion de ces augmentations ?
En définitive, on constate une baisse généralisée des ressources fiscales. Les recettes non fiscales augmentent faiblement et ne peuvent pas compenser la chute des recettes fiscales. En d’autres termes la mauvaise gouvernance des sociétés à participation publique ne leur permet pas de participer à la mobilisation des ressources de l’Etat.
Au contraire les appuis budgétaires connaissent une hausse importante et se présentent avec les ressources d’’emprunts comme les principales sources de financement de ce collectif budgétaire. L’ensemble des ressources extérieures constituent 41% des ressources du budget et souligne une fois de plus la fragilité de l’économie nationale et la dépendance chronique du pays vis-à-vis de l’extérieur. En réalité les taux de croissance annoncés à grand renfort de publicité ont un impact dérisoire sur le tissu économique national.
L’inadéquation ressources et dépenses
On constate très clairement que pendant que les ressources internes baissent, les dépenses ordinaires augmentent. Ce qui revient à creuser le déficit budgétaire qui passe de 3,1% à 4,5% et accentue le décalage de la Côte d’Ivoire vis-à-vis des règles de convergence de L’UEMOA. Le ratio masse salariale sur recettes fiscales est de 41,70% bien au-delà du critère requis de 35%. Il en est de même pour le taux de pression fiscale (recettes fiscales sur PIB) qui ressort à 15,4% contre la norme minimum de 17%.
Cette situation renforce aussi la dépendance vis-à-vis des appuis budgétaires et de l’endettement. En effet, c’est l’accroissement de ressources extérieures qui finance les dépenses ordinaires de l’Etat alors que les dépenses d’investissements baissent. Ce qui est une aberration. On peut bien accepter que les ressources extérieures financent l’investissement mais pas le fonctionnement courant de l’Etat.
Selon un rapport de l’ambassade de France de février 2017, la dette publique a atteint 48,3% du PIB (17,3 Mds USD) à fin 2016. Et pourtant le gouvernement continue de se féliciter de sa bonne gestion de cette dette prétextant que ce taux serait en dessous de 70% qui est la limite exigée par les règles de convergence de l’UEMOA. Ce que le gouvernement oublie de noter est que ce taux était de 36% au lendemain du point d’achèvement du PPTE en Juin 2012. En cinq ans d’exercice, le taux est remonté à 48%, soit une évolution de 2 points par an, pendant que la croissance du PIB est sur une pente décroissante. A cette allure, on risque d’atteindre le taux de 70% dans moins de 9 ans et de soumettre le pays à un infarctus économique et financier.
Par ailleurs, il convient de mentionner que le stock de la dette publique qui était de 8 383 milliards de FCFA à la veille du point d’achèvement du PPTE en mai 2012 a été pratiquement reconstitué au 30 juin 2016 avec un niveau de 8 156,6 milliards de FCFA, soit 97% du stock d’avant PPTE. Le drame est que cet endettement n’a eu aucun impact sur la santé et la diversification de l’économie nationale pour rembourser confortablement cette dette.
En définitive Monsieur Alassane Ouattara préfère la solution de facilité qui consiste à accumuler dettes sur dettes pour financer des opérations dont la pérennité est discutable ainsi que le démontre la fragilité révélée par les récentes pluies diluviennes. Cela confirme toutes les supputations sur le processus d’attribution des marchés publics marqué davantage par le népotisme que par les capacités professionnelles des entreprises.
L’inversion des priorités
L’analyse détaillée du collectif fait apparaitre les faits marquants suivants
Les dépenses ordinaires de la Présidence de la République augmentent de 22.5% (+19 milliards de FCFA) passant de 86 milliards de FCFA à 105 milliards de FCFA ;
Les dépenses ordinaires et subventions du Ministère de la défense croissent de 76% (+ 8 milliards de FCFA) ;
Les dépenses ordinaires du Ministère du Budget et du portefeuille d’Etat augmentent de 21% (+74 milliards de FCFA).
Soit pour ces trois Institutions une augmentation budgétaire totale de 101 milliards FCFA correspondant curieusement au montant des sommes payées aux mutins.
A l’inverse :
Le budget d’investissement du Ministère de la santé de l’hygiène publique décroit de 6% (-10 milliards de FCFA), ce qui impacte l’offre de santé de publique ;
Le budget d’investissement du ministère des infrastructures économiques baisse de 8% (-51 milliards de FCFA) ;
Le budget d’investissement du Ministère de l’éducation nationale recule de 17% (-9 milliards de FCFA) ;
Le budget d’investissement de l’enseignement technique baisse de 61% (-12 milliards de FCFA) ;
Le budget d’investissement du ministère de promotion de la jeunesse et de l’emploi des jeunes dégringole de 23% (-milliards de FCFA) ;
Les dotations des EPN baissent globalement de 11 milliards de FCFA.
En 6 mois, le gouvernement a changé radicalement ses priorités qui sont désormais les dépenses ordinaires de la présidence et les paiements camouflés aux mutins. Les infrastructures, la santé, l’éducation et la jeunesse sont les secteurs sacrifiés.
Absence d’une doctrine de gestion budgétaire
Les augmentations et réductions budgétaires faites de manière hasardeuse ainsi que nous l’avons présenté, montre bien l’absence d’une boussole pour la conduite de la politique budgétaire. La politique de gestion budgétaire est conduite au gré des circonstances.
Il n’y a pas de vent favorable pour qui ne sait pas où il va.
Absence d’état d’exécution du budget
Comment apprécier les réductions budgétaires proposées, notamment au niveau des ministères des infrastructures économiques (-51 milliards FCFA soit 8%), de l’enseignement technique (-12 milliards FCFA soit 61%), de la jeunesse et de l’emploi (-23%) si elles ne sont pas accompagnées d’un état d’exécution du budget initial, d’autant que nous sommes pratiquement en fin d’exercice. Au demeurant, les ministères et institutions concernés par ces augmentations budgétaires sont-ils en mesure de consommer en moins d’un mois (d’engager et de liquider) tous ces crédits alloués ?
Qui a financé les paiements faits aux mutins ? Par ‘’avance de trésorerie’’ ou en puisant dans les ressources de la filière café-cacao ? Dans cette dernière hypothèse, qu’est-ce qui garantit que ces sommes seront remboursées à la filière étant donné le caractère suspect de leur localisation ?
CONCLUSION
Au total, à travers ce budget modificatif, le gouvernement invite les députés à avaliser ses erreurs d’appréciation et ses insuffisances, et particulièrement des engagements qu’il a pris sans les consulter alors qu’il savait que la satisfaction de ces engagements bouleverserait totalement les priorités et le budget de l’Etat. Non seulement le gouvernement ne fait pas ce qu’il a sollicité et pour lequel il a obtenu l’accord du parlement, mais plus grave il fait ce qui n’était pas prévu et demande aux députés d’en prendre acte.
Voter ce collectif serait abdiquer les prérogatives du parlement et le rabaisser à une chambre d’enregistrement. La République et l’histoire ne le pardonneront pas. Voter ce budget modificatif serait encourager l’incompétence, l’inconséquence et la mauvaise gouvernance. C’est pourquoi, l’Assemblée nationale aurait dû rejeter le projet de loi de finances rectificatives portant Budget de l’Etat pour la gestion 2017. J’ai voté contre.
L’Honorable Pascal AFFI N’Guessan
Député des Sous-Préfectures et Commune
d’Andé, d’Assié-Koumassi et de N’Guessankro, et de la Sous-préfecture de Bongouanou
A travers ce projet de loi, le gouvernement propose, à quelques jours de la fin de l’exercice budgétaire, de modifier et de rebâtir le budget 2017 car, selon lui, certaines hypothèses qui ont servi de bases à l’élaboration du budget initial ont été profondément modifiées. Le Gouvernement a indexé :
Les prévisions de croissance mondiale qui seraient ternes et en recul ;
Les cours du cacao en baisse de 35% ;
Les cours du pétrole brut en hausse.
Selon le gouvernement, ces variables ont une incidence majeure sur la performance de l’économie nationale à tel point qu’il conviendrait de revoir à la baisse le taux de croissance à 8,5% au lieu de 8,9% initialement prévu et de réduire le budget de 53.782.439.643 FCFA, le ramenant de 6501.421.152.075 FCFA initialement prévu à 6447.638.712.432 FCFA.
Au regard de ces évolutions négatives, le gouvernement a procédé à un certain nombre d’ajustements tant au niveau des ressources que des dépenses.
Avec six autres députés de l’Assemblée nationale membres des Groupes parlementaires ‘’ AGIR Pour le Peuple’’ et ‘’VOX Populi’’, j’ai voté contre ce projet de loi. Les raisons tiennent aux motifs du projet de modification du budget d’une part, et au contenu même du projet d’autre part.
I. DES MOTIFS FALLACIEUX POUR MASQUER LA MAUVAISE GOUVERNANCE ET L’ECHEC ECONOMIQUE DU GOUVERNEMENT
On distingue généralement deux catégories de raisons qui appellent à l’adoption de lois de finances rectificatives : soit la conjoncture économique évolue négativement au point de modifier les conditions d’exécution de la loi de finance initiale, soit une nouvelle orientation est donnée à la politique économique et budgétaire.
Ainsi, s’il sied de modifier la loi de finance initiale par un collectif budgétaire en cas de survenance de bouleversements profonds des équilibres antérieurs, force est de noter que les arguments proposés en l’occurrence par le gouvernement sont à l’opposé de la réalité et dénotent plutôt sa mauvaise gouvernance et son échec économique.
S’agissant de la tenue de l’économie mondiale
Le 18 Avril 2017, le Fonds monétaire international (FMI) prédit une croissance de l’économie mondiale à 3,5 % en 2017 contre 3,1 % en 2016, sur fond de reprise de l’investissement, de la production et du commerce. D’où le gouvernement tient- il ses statistiques pessimistes sur l’évolution de l’économie mondiale ?
La baisse des cours du cacao de 35% : Les cours ont effectivement baissé de 35% depuis novembre 2016. Mais cette chute était prévisible et ce depuis le mois de Septembre 2016 où les cours avaient amorcé leur dégringolade. Le gouvernement en a certainement tenu compte dans ses prévisions pour le budget 2017.
La hausse des cours du pétrole brut : L’analyse du marché du pétrole montre aussi que la hausse du prix du brut n’est pas une nouveauté. En effet depuis le mois de Novembre 2016, le prix du baril est monté à 46,95 dollar le baril, et il n’a plus baissé depuis cette date. Là aussi, il s’agit plutôt d’une évolution censée être connue du gouvernement.
Au total, les raisons invoquées par le gouvernement pour justifier le vote de ce collectif budgétaire nous paraissent fallacieuses. Nous n’entérinerons pas l’injure que se fait le gouvernement lui-même en prétendant qu’il a été surpris par des évènements abondamment commentés. Non, le prétexte du collectif se trouve ailleurs. Le gouvernement n’a pas le courage de l’avouer. Pourtant il sait que la vérité ne peut pas échapper à un examen minutieux du projet de budget modificatif.
Nous estimons par ailleurs qu’à l’occasion de cet exercice budgétaire, les préoccupations immédiates de nos compatriotes auraient dues être prises en compte. En effet, à la cherté de la vie, est venue s’ajouter la dégénérescence des infrastructures routières et voiries révélée par les fortes pluies actuelles. Les voies d’accès des principales villes du pays sont impraticables. Presque tous les quartiers d’Abidjan (Riviera, Koumassi, Abobo, etc.) croulent sous les eaux de ruissellement, plusieurs décès ont été enregistrés.
Les dépenses publiques doivent être sérieusement réorientées pour tenir compte de la souffrance des ivoiriens.
II. DU COLLECTIF BUDGETAIRE
Le collectif budgétaire proposé par le gouvernement appelle plusieurs remarques.
S’agissant de certains postes de recettes de la DGI et de la DGD
Les recettes de la DGI sont estimées à 1664 milliards de FCFA, contre un niveau de 1 753 milliards de FCFA, soit une baisse de 89 milliards de FCFA (-5.34%).
Cette baisse est due principalement aux contreperformances annoncées des lignes d’impôts suivants :
Les droits d’enregistrement et de timbres enregistrent une baisse de 76 milliards de FCFA. Le gouvernement explique qu’il consent cette annulation de droits d’enregistrement et de timbre sur le cacao pour soutenir le prix au paysan, suite à la baisse des cours. Cet argument n’est pas recevable dans la mesure où le dispositif de stabilisation des prix de la filière café et cacao a permis à l’Etat de récolter environ 468 milliards de FCFA selon plusieurs experts, avec la hausse continue des cours de 2011 à 2016. Il s’agit d’appliquer tout simplement ce dispositif. L’annulation des droits d’enregistrement et timbres constitue un manque à gagner pour l’Etat et nous semble être un congé fiscal destiné à certains ‘’amis et parents’’ exportateurs.
L’impôt BIC hors pétrole et gaz accuse une baisse de 7 milliards de FCFA prévue en raison de la contraction de l’économie dont le taux de croissance passe de 8.9% à 8.5%. Ceci marque la fragilité de l’économie ivoirienne avec une assise fiscale peu diversifiée où une poignée d’agents économiques sont pressés fiscalement pour tenir les engagements de l’Etat. Quelle a été la contribution de ce gouvernement à la diversification de l’économie depuis l’arrivée de Ouattara au pouvoir ?
La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) : Une baisse de 6 milliards de FCFA en lien avec la contraction de l’économie.
Les revenus du domaine baissent de 15 milliards de FCFA sans explication du gouvernement. Pourquoi une baisse aussi importante (-41%) par rapport au niveau prévu dans le budget initial ?
Les recettes de la DGD : Les recettes de la DGD sont estimées à 1 398 milliards de FCFA contre 1 584 milliards de FCFA, soit une baisse de 186 milliards de FCFA (-13.27%).
Cette baisse est imputable au moins-values attendues sur les taxes et droit de douances suivants :
Les taxes à l’importation sur les produits pétroliers : Elles baissent de 146 milliards de FCFA. Le gouvernement prévoit une baisse de la taxation prévue sur le litre du super carburant et du gasoil qui passe respectivement de 256 FCFA/litre à 150 FCFA le litre et de 249 FCFA/litre à 150 FCFA/litre. Il est également prévu une baisse du taux de croissance des volumes de 16% à 15% pour le super et 8% à 7% pour le gasoil en lien avec la contraction de l’économie. Curieusement cette baisse de la taxation n’est pas répercutée sur les prix à la pompe. Au contraire les prix augmentent : le litre du super est passé de 570 F CFA /litre en mai 2017 à 595 F CFA /litre en décembre 2017 (+25 F). Qu’a t’on fait des ressources collectées à l’occasion de ces augmentations ?
En définitive, on constate une baisse généralisée des ressources fiscales. Les recettes non fiscales augmentent faiblement et ne peuvent pas compenser la chute des recettes fiscales. En d’autres termes la mauvaise gouvernance des sociétés à participation publique ne leur permet pas de participer à la mobilisation des ressources de l’Etat.
Au contraire les appuis budgétaires connaissent une hausse importante et se présentent avec les ressources d’’emprunts comme les principales sources de financement de ce collectif budgétaire. L’ensemble des ressources extérieures constituent 41% des ressources du budget et souligne une fois de plus la fragilité de l’économie nationale et la dépendance chronique du pays vis-à-vis de l’extérieur. En réalité les taux de croissance annoncés à grand renfort de publicité ont un impact dérisoire sur le tissu économique national.
L’inadéquation ressources et dépenses
On constate très clairement que pendant que les ressources internes baissent, les dépenses ordinaires augmentent. Ce qui revient à creuser le déficit budgétaire qui passe de 3,1% à 4,5% et accentue le décalage de la Côte d’Ivoire vis-à-vis des règles de convergence de L’UEMOA. Le ratio masse salariale sur recettes fiscales est de 41,70% bien au-delà du critère requis de 35%. Il en est de même pour le taux de pression fiscale (recettes fiscales sur PIB) qui ressort à 15,4% contre la norme minimum de 17%.
Cette situation renforce aussi la dépendance vis-à-vis des appuis budgétaires et de l’endettement. En effet, c’est l’accroissement de ressources extérieures qui finance les dépenses ordinaires de l’Etat alors que les dépenses d’investissements baissent. Ce qui est une aberration. On peut bien accepter que les ressources extérieures financent l’investissement mais pas le fonctionnement courant de l’Etat.
Selon un rapport de l’ambassade de France de février 2017, la dette publique a atteint 48,3% du PIB (17,3 Mds USD) à fin 2016. Et pourtant le gouvernement continue de se féliciter de sa bonne gestion de cette dette prétextant que ce taux serait en dessous de 70% qui est la limite exigée par les règles de convergence de l’UEMOA. Ce que le gouvernement oublie de noter est que ce taux était de 36% au lendemain du point d’achèvement du PPTE en Juin 2012. En cinq ans d’exercice, le taux est remonté à 48%, soit une évolution de 2 points par an, pendant que la croissance du PIB est sur une pente décroissante. A cette allure, on risque d’atteindre le taux de 70% dans moins de 9 ans et de soumettre le pays à un infarctus économique et financier.
Par ailleurs, il convient de mentionner que le stock de la dette publique qui était de 8 383 milliards de FCFA à la veille du point d’achèvement du PPTE en mai 2012 a été pratiquement reconstitué au 30 juin 2016 avec un niveau de 8 156,6 milliards de FCFA, soit 97% du stock d’avant PPTE. Le drame est que cet endettement n’a eu aucun impact sur la santé et la diversification de l’économie nationale pour rembourser confortablement cette dette.
En définitive Monsieur Alassane Ouattara préfère la solution de facilité qui consiste à accumuler dettes sur dettes pour financer des opérations dont la pérennité est discutable ainsi que le démontre la fragilité révélée par les récentes pluies diluviennes. Cela confirme toutes les supputations sur le processus d’attribution des marchés publics marqué davantage par le népotisme que par les capacités professionnelles des entreprises.
L’inversion des priorités
L’analyse détaillée du collectif fait apparaitre les faits marquants suivants
Les dépenses ordinaires de la Présidence de la République augmentent de 22.5% (+19 milliards de FCFA) passant de 86 milliards de FCFA à 105 milliards de FCFA ;
Les dépenses ordinaires et subventions du Ministère de la défense croissent de 76% (+ 8 milliards de FCFA) ;
Les dépenses ordinaires du Ministère du Budget et du portefeuille d’Etat augmentent de 21% (+74 milliards de FCFA).
Soit pour ces trois Institutions une augmentation budgétaire totale de 101 milliards FCFA correspondant curieusement au montant des sommes payées aux mutins.
A l’inverse :
Le budget d’investissement du Ministère de la santé de l’hygiène publique décroit de 6% (-10 milliards de FCFA), ce qui impacte l’offre de santé de publique ;
Le budget d’investissement du ministère des infrastructures économiques baisse de 8% (-51 milliards de FCFA) ;
Le budget d’investissement du Ministère de l’éducation nationale recule de 17% (-9 milliards de FCFA) ;
Le budget d’investissement de l’enseignement technique baisse de 61% (-12 milliards de FCFA) ;
Le budget d’investissement du ministère de promotion de la jeunesse et de l’emploi des jeunes dégringole de 23% (-milliards de FCFA) ;
Les dotations des EPN baissent globalement de 11 milliards de FCFA.
En 6 mois, le gouvernement a changé radicalement ses priorités qui sont désormais les dépenses ordinaires de la présidence et les paiements camouflés aux mutins. Les infrastructures, la santé, l’éducation et la jeunesse sont les secteurs sacrifiés.
Absence d’une doctrine de gestion budgétaire
Les augmentations et réductions budgétaires faites de manière hasardeuse ainsi que nous l’avons présenté, montre bien l’absence d’une boussole pour la conduite de la politique budgétaire. La politique de gestion budgétaire est conduite au gré des circonstances.
Il n’y a pas de vent favorable pour qui ne sait pas où il va.
Absence d’état d’exécution du budget
Comment apprécier les réductions budgétaires proposées, notamment au niveau des ministères des infrastructures économiques (-51 milliards FCFA soit 8%), de l’enseignement technique (-12 milliards FCFA soit 61%), de la jeunesse et de l’emploi (-23%) si elles ne sont pas accompagnées d’un état d’exécution du budget initial, d’autant que nous sommes pratiquement en fin d’exercice. Au demeurant, les ministères et institutions concernés par ces augmentations budgétaires sont-ils en mesure de consommer en moins d’un mois (d’engager et de liquider) tous ces crédits alloués ?
Qui a financé les paiements faits aux mutins ? Par ‘’avance de trésorerie’’ ou en puisant dans les ressources de la filière café-cacao ? Dans cette dernière hypothèse, qu’est-ce qui garantit que ces sommes seront remboursées à la filière étant donné le caractère suspect de leur localisation ?
CONCLUSION
Au total, à travers ce budget modificatif, le gouvernement invite les députés à avaliser ses erreurs d’appréciation et ses insuffisances, et particulièrement des engagements qu’il a pris sans les consulter alors qu’il savait que la satisfaction de ces engagements bouleverserait totalement les priorités et le budget de l’Etat. Non seulement le gouvernement ne fait pas ce qu’il a sollicité et pour lequel il a obtenu l’accord du parlement, mais plus grave il fait ce qui n’était pas prévu et demande aux députés d’en prendre acte.
Voter ce collectif serait abdiquer les prérogatives du parlement et le rabaisser à une chambre d’enregistrement. La République et l’histoire ne le pardonneront pas. Voter ce budget modificatif serait encourager l’incompétence, l’inconséquence et la mauvaise gouvernance. C’est pourquoi, l’Assemblée nationale aurait dû rejeter le projet de loi de finances rectificatives portant Budget de l’Etat pour la gestion 2017. J’ai voté contre.
L’Honorable Pascal AFFI N’Guessan
Député des Sous-Préfectures et Commune
d’Andé, d’Assié-Koumassi et de N’Guessankro, et de la Sous-préfecture de Bongouanou