Abidjan - Le nombre de personnes infectées par la Covid-19 en Afrique a atteint 3 337 028 cas, avec 81 861 décès et 2 784 501 guérisons, annoncent vendredi 22 janvier 2021, les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies. Le continent connait une recrudescence de la maladie, due aux nouveaux variants. (Dossier international)
Dans un communiqué transmis jeudi 21 janvier à l’AIP, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) propose sept choses à savoir à propos des variants du SARS-CoV-2 en Afrique, au travers d’une interview au professeur en santé mondiale, infection et immunité à l'Université d'Edimbourg, Francisca Mutapi.
• Pourquoi les virus mutent-ils, et devons-nous nous inquiéter de l’émergence des variants du SARS-CoV-2 ?
Les virus mutent lorsqu’ils se reproduisent. La réplication nécessite que l’information génétique du virus soit copiée. Mais cette copie n’est pas exacte. Elle produit des erreurs telles que des substitutions, des suppressions ou parfois des insertions d’acides aminés – les éléments constituants les protéines. Ces changements sont appelés mutations.
Certaines de ces mutations sont favorables au virus, et lui permettent de survivre dans de nouveaux hôtes ou de nouveaux environnements. Un nouvel environnement, cela peut signifier échapper à une réponse immunitaire développée par l’hôte ou une substance thérapeutique. Le SARS-CoV-2 mute comme n’importe quel autre virus. À ce jour, il y a eu environ 4000 mutations au sein de sa seule protéine spiculaire.
Les mutations de virus sont remarquées uniquement lorsqu’elles modifient une caractéristique importante du virus, telles que sa capacité à infecter différents hôtes, son taux de transmission, sa capacité à contourner le système immunitaire de l’hôte, les vaccins, les diagnostics et les thérapeutiques, la cause de la pathologie ou la sévérité de la maladie.
• Mutation, variants, lignées et souches sont des termes très utilisés. Qu’est-ce qui les différencie ?
Bien que les termes mutation, variant et souches peuvent être utilisés indistinctement en décrivant l’épidémiologie du SARS-CoV-2, il est important de comprendre ce qui les distingue. La mutation se réfère aux modifications dans la séquence génétique. Les virus dont les séquences génétiques diffèrent sont appelés des variants. Les variants comportant peu de mutations appartiennent aux mêmes lignées. Les lignées sont importantes pour montrer comment un virus se propage au sein des communautés et des populations. À proprement parler, un variant est une souche quand il présente une caractéristique différente.
• Combien de variants circulent actuellement en Afrique et que savons-nous d’eux ?
Il est difficile de connaître le nombre total de variants circulant en Afrique parce que nous ne disposons pas d’une surveillance systématique de séquençage provenant de tous les pays. À ce jour, il existe un peu moins de 5000 séquences publiquement disponibles provenant de 24 des 47 pays de la Région africaine de l’OMS. À l’aide de ces données, nous avons identifié 145 lignées de la Région. Parmi ces lignées, le variant préoccupant actuellement est le B.1.351 ou le 501Y.V2, qui a d’abord été identifié en Afrique du Sud. En dehors de l’Afrique du Sud, ce variant a été trouvé au Botswana, en Gambie et en Zambie. Nous attendons des informations sur la séquence du nouveau variant identifié au Nigeria.
• Quelles sont les conséquences de l’existence de ces variants sur la transmission de la COVID-19, la thérapeutique et les vaccins ?
En termes de transmission, certains des variants actuels, tels que le B.1.351 ou le 501Y.V2 enregistrés à l’origine en Afrique du Sud, présentent des mutations sur leur protéine spiculaire. Cette protéine se lie aux cellules humaines pour faciliter l’infection. On estime que ces variants augmentent la capacité de fixation au récepteur sur les cellules humaines et favorisent la transmission.
En termes d’immunité naturelle ou de thérapeutiques utilisant la mémoire immunitaire, les mutations dans la protéine spiculaire de B.1.351 ou 501Y.V2 peuvent, en théorie, réduire mais pas annuler la reconnaissance du virus par les anticorps. Cela s’explique par le fait que, en pratique, le système immunitaire humain va reconnaître plus qu’une seule région de la protéine spiculaire. La protéine spiculaire est faite de 1273 acides aminés et la modification d’un ou de quelques-uns de ces acides animés ne suffit pas à arrêter la reconnaissance de toute la protéine.
Actuellement, la plupart des vaccins contre la Covid-19 cible la protéine spiculaire. Certains vaccins, tels que les vaccins à virus inactivés développés en Chine, ciblent l’ensemble du virus. Les mutations peuvent réduire l’efficacité d’un vaccin dirigé contre la protéine spiculaire, mais n’annulera pas ses effets. Comme je l’ai dit, cela s’explique par le fait que les réponses immunitaires que les vaccins induisent ciblent plus d'une partie de la protéine spiculaire. Les vaccins inactivés ciblent un ensemble encore plus large de protéines virales, provoquant plusieurs réponses immunitaires protectrices.
À ce jour, il n’existe pas d’indication que les mutations identifiées dans les variants B.1.351 ou 501Y.V2 affectent la fonction des médicaments.
• Est-ce que la mise au point d’un vaccin prend en compte les mutations virales ?
Les développeurs de vaccins sont conscients des mutations des virus et les prennent en compte. Ils ont recours à différentes techniques, dont des modèles mathématiques de réplication du virus pour prédire l’évolution des mutations et leur impact potentiel sur la dynamique de contournement du vaccin. Ce travail influence divers facteurs, y compris la sélection d’une lignée pour développer les vaccins et les stratégies d’inactivation à utiliser dans le cas des vaccins à virus inactivé.
• Est-ce que les vaccins peuvent être restructurés pour s’attaquer aux mutations des virus qui émergent ultérieurement ?
Les informations sur un virus contenues dans un vaccin proviennent du virus, soit sous la forme d’une information génétique (ARN ou ADN), soit sous la forme du virus entier. Cela signifie qu’un vaccin peut être adapté afin de cibler des variants spécifiques qui apparaissent du fait de nouvelles mutations. En fait, nous avons déjà recours à cette approche pour les vaccins de la grippe saisonnière. Pour ces dernières, des laboratoires sentinelles présents dans le monde entier utilisent la surveillance de séquence génomique pour identifier les souches de grippe affectant les gens et deux fois par an, l’OMS organise une réunion pour analyser ces données et décider quelle souche utiliser pour le vaccin suivant. Donc, la technologie existe déjà, ainsi qu’un cadre de gouvernance mondiale pour restructurer les vaccins anti SARS-CoV-2 ciblant les nouveaux variants.
• Qu’est-ce que les pays africains devraient améliorer pour mieux riposter aux nouveaux variants ?
À moins que les nouveaux variants ne diffèrent de manière significative dans leur mode de transmission ou dans l’évolution de la maladie, les stratégies actuelles d’atténuation devraient fonctionner face aux variants. Pour renforcer leurs ripostes aux variants du SARS-COV-2 circulant actuellement, les pays africains ont besoin de moyens et approches contextualisées afin de mettre en place les stratégies d’atténuation recommandées pour la prévention et le contrôle des infections, ainsi que la gestion clinique des patients.
(AIP)
eaa
Dans un communiqué transmis jeudi 21 janvier à l’AIP, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) propose sept choses à savoir à propos des variants du SARS-CoV-2 en Afrique, au travers d’une interview au professeur en santé mondiale, infection et immunité à l'Université d'Edimbourg, Francisca Mutapi.
• Pourquoi les virus mutent-ils, et devons-nous nous inquiéter de l’émergence des variants du SARS-CoV-2 ?
Les virus mutent lorsqu’ils se reproduisent. La réplication nécessite que l’information génétique du virus soit copiée. Mais cette copie n’est pas exacte. Elle produit des erreurs telles que des substitutions, des suppressions ou parfois des insertions d’acides aminés – les éléments constituants les protéines. Ces changements sont appelés mutations.
Certaines de ces mutations sont favorables au virus, et lui permettent de survivre dans de nouveaux hôtes ou de nouveaux environnements. Un nouvel environnement, cela peut signifier échapper à une réponse immunitaire développée par l’hôte ou une substance thérapeutique. Le SARS-CoV-2 mute comme n’importe quel autre virus. À ce jour, il y a eu environ 4000 mutations au sein de sa seule protéine spiculaire.
Les mutations de virus sont remarquées uniquement lorsqu’elles modifient une caractéristique importante du virus, telles que sa capacité à infecter différents hôtes, son taux de transmission, sa capacité à contourner le système immunitaire de l’hôte, les vaccins, les diagnostics et les thérapeutiques, la cause de la pathologie ou la sévérité de la maladie.
• Mutation, variants, lignées et souches sont des termes très utilisés. Qu’est-ce qui les différencie ?
Bien que les termes mutation, variant et souches peuvent être utilisés indistinctement en décrivant l’épidémiologie du SARS-CoV-2, il est important de comprendre ce qui les distingue. La mutation se réfère aux modifications dans la séquence génétique. Les virus dont les séquences génétiques diffèrent sont appelés des variants. Les variants comportant peu de mutations appartiennent aux mêmes lignées. Les lignées sont importantes pour montrer comment un virus se propage au sein des communautés et des populations. À proprement parler, un variant est une souche quand il présente une caractéristique différente.
• Combien de variants circulent actuellement en Afrique et que savons-nous d’eux ?
Il est difficile de connaître le nombre total de variants circulant en Afrique parce que nous ne disposons pas d’une surveillance systématique de séquençage provenant de tous les pays. À ce jour, il existe un peu moins de 5000 séquences publiquement disponibles provenant de 24 des 47 pays de la Région africaine de l’OMS. À l’aide de ces données, nous avons identifié 145 lignées de la Région. Parmi ces lignées, le variant préoccupant actuellement est le B.1.351 ou le 501Y.V2, qui a d’abord été identifié en Afrique du Sud. En dehors de l’Afrique du Sud, ce variant a été trouvé au Botswana, en Gambie et en Zambie. Nous attendons des informations sur la séquence du nouveau variant identifié au Nigeria.
• Quelles sont les conséquences de l’existence de ces variants sur la transmission de la COVID-19, la thérapeutique et les vaccins ?
En termes de transmission, certains des variants actuels, tels que le B.1.351 ou le 501Y.V2 enregistrés à l’origine en Afrique du Sud, présentent des mutations sur leur protéine spiculaire. Cette protéine se lie aux cellules humaines pour faciliter l’infection. On estime que ces variants augmentent la capacité de fixation au récepteur sur les cellules humaines et favorisent la transmission.
En termes d’immunité naturelle ou de thérapeutiques utilisant la mémoire immunitaire, les mutations dans la protéine spiculaire de B.1.351 ou 501Y.V2 peuvent, en théorie, réduire mais pas annuler la reconnaissance du virus par les anticorps. Cela s’explique par le fait que, en pratique, le système immunitaire humain va reconnaître plus qu’une seule région de la protéine spiculaire. La protéine spiculaire est faite de 1273 acides aminés et la modification d’un ou de quelques-uns de ces acides animés ne suffit pas à arrêter la reconnaissance de toute la protéine.
Actuellement, la plupart des vaccins contre la Covid-19 cible la protéine spiculaire. Certains vaccins, tels que les vaccins à virus inactivés développés en Chine, ciblent l’ensemble du virus. Les mutations peuvent réduire l’efficacité d’un vaccin dirigé contre la protéine spiculaire, mais n’annulera pas ses effets. Comme je l’ai dit, cela s’explique par le fait que les réponses immunitaires que les vaccins induisent ciblent plus d'une partie de la protéine spiculaire. Les vaccins inactivés ciblent un ensemble encore plus large de protéines virales, provoquant plusieurs réponses immunitaires protectrices.
À ce jour, il n’existe pas d’indication que les mutations identifiées dans les variants B.1.351 ou 501Y.V2 affectent la fonction des médicaments.
• Est-ce que la mise au point d’un vaccin prend en compte les mutations virales ?
Les développeurs de vaccins sont conscients des mutations des virus et les prennent en compte. Ils ont recours à différentes techniques, dont des modèles mathématiques de réplication du virus pour prédire l’évolution des mutations et leur impact potentiel sur la dynamique de contournement du vaccin. Ce travail influence divers facteurs, y compris la sélection d’une lignée pour développer les vaccins et les stratégies d’inactivation à utiliser dans le cas des vaccins à virus inactivé.
• Est-ce que les vaccins peuvent être restructurés pour s’attaquer aux mutations des virus qui émergent ultérieurement ?
Les informations sur un virus contenues dans un vaccin proviennent du virus, soit sous la forme d’une information génétique (ARN ou ADN), soit sous la forme du virus entier. Cela signifie qu’un vaccin peut être adapté afin de cibler des variants spécifiques qui apparaissent du fait de nouvelles mutations. En fait, nous avons déjà recours à cette approche pour les vaccins de la grippe saisonnière. Pour ces dernières, des laboratoires sentinelles présents dans le monde entier utilisent la surveillance de séquence génomique pour identifier les souches de grippe affectant les gens et deux fois par an, l’OMS organise une réunion pour analyser ces données et décider quelle souche utiliser pour le vaccin suivant. Donc, la technologie existe déjà, ainsi qu’un cadre de gouvernance mondiale pour restructurer les vaccins anti SARS-CoV-2 ciblant les nouveaux variants.
• Qu’est-ce que les pays africains devraient améliorer pour mieux riposter aux nouveaux variants ?
À moins que les nouveaux variants ne diffèrent de manière significative dans leur mode de transmission ou dans l’évolution de la maladie, les stratégies actuelles d’atténuation devraient fonctionner face aux variants. Pour renforcer leurs ripostes aux variants du SARS-COV-2 circulant actuellement, les pays africains ont besoin de moyens et approches contextualisées afin de mettre en place les stratégies d’atténuation recommandées pour la prévention et le contrôle des infections, ainsi que la gestion clinique des patients.
(AIP)
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