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Art et Culture Publié le jeudi 28 janvier 2021 | L’intelligent d’Abidjan

Contribution / Geoffroy-Julien KOUAO, Politologue et Ecrivain : “Le parlement est plus important que l’exécutif (...) Contrairement à une opinion admise, le député est un acteur de développement ”

© L’intelligent d’Abidjan Par PR
Assemblée Nationale : analyse de la loi de finances 2020 sous la forme de budget programme
Abidjan le 19 novembre 2019. Les députés de la commission des Affaires Economiques et Financières analysent ce mardi, pour la première fois, la loi de finances 2020 sous la forme de budget programme, en présence du Ministre auprès du Premier ministre chargé du budget et du portefeuille de l’Etat, Moussa Sanogo.
Contrairement à une opinion admise, le député est un acteur de développement. C’est avec la loi qu’on change la société. L’auteur de la loi, c’est justement le député, législateur par excellence. Quand, un candidat à la députation dit aux électeurs qu’il va construire des écoles, des hôpitaux, des routes, augmenter le pouvoir d’achat des populations, créer des emplois, il ne dit pas faux. Il est dans le politiquement correct. Il en a la compétence, le pouvoir. Tous ces travaux suscités relèvent de la dépense publique et celle-ci est définie par la loi de finances, c’est-à-dire, le budget. La loi de finances est votée par le député. On comprend alors toute l’importance des membres de l’Assemblée nationale. Le poste politique le plus important dans un État est celui du parlementaire, c’est-à-dire du législateur. Oui, vous avez bien lu, le parlement est plus important que l’exécutif. La constitution étatsunienne l’illustre très bien, elle qui consacre le premier chapitre de ses sept dispositions au parlement, l’exécutif vient après. C’est l’origine ou la justification de la supériorité de la loi sur le règlement, c’est-à-dire, les décrets et les arrêtés. En droit, la valeur d’une norme juridique procède de la valeur de l’organe qui l’édicte. De ce qui précède, on comprend l’importance de l’élection des députés du 6 mars 2021. Certes, nous sommes dans un régime politique de type présidentiel voire présidentialiste. Les pouvoirs exécutif et législatif sont séparés, indépendants l’un de l’autre. Le gouvernement n’est pas issu du parlement encore moins responsable devant lui. Pour faire simple, le président de la République ne peut pas dissoudre le parlement, même pas avec les pouvoirs de crise que lui confère l’article 73, l’article atomique de la constitution. À l’inverse, le parlement ne peut pas faire tomber le gouvernement car, dans le système politique ivoirien, la motion de censure et la question de confiance sont inexistantes. Cependant, le parlement, en général, l’Assemblée nationale, en particulier, détient un pouvoir politique redoutable. En effet, si, par extraordinaire, l’opposition remportait les législatives du 6 mars prochain, le président de la République serait dans une posture politique inconfortable. Il ne pourra pas gouverner. Pourquoi ? La raison est toute simple. Le président de la République est, constitutionnellement, une autorité administrative. À ce titre, il est le détenteur exclusif du pouvoir réglementaire. Celui-ci s’exerce pour mettre en application la loi. La loi précède le décret. Certes, le président de la République a l’initiative de la loi, c’est vrai. Mais, si la majorité parlementaire est du côté de l’opposition, aucun de ses projets de loi ne pourront prospérer à l’hémicycle. Ils seront purement et simplement rejetés. Le président de la République serait alors, un roi nu. La nomination du vice-président de la République lui échapperait de fait. En effet, selon la constitution, le président de la République choisit un vice-président en accord avec le parlement. C’est une lapalissade, la majorité parlementaire voudra une personnalité proche d’elle pour occuper le tabouret de vice-président. À l’inverse, on assisterait à la souveraineté parlementaire. Comment ? C’est simple. Les députés ont, eux aussi, l’initiative de la loi. Les propositions de loi seront soumises au parlement. Elles auront plus de chance d’être adoptées. Le président de la République peut-il refuser de les promulguer ? Il peut le vouloir, mais, il n’en aura pas les moyens juridiques. En effet, une loi non promulguée par le président de la République, dans les délais constitutionnellement prévus, est déclarée exécutoire par le conseil constitutionnel saisi soit par le président de l’Assemblée nationale soit par celui du Sénat. La constitution permet de contourner l’inertie du chef de l’exécutif. Dans une telle conjoncture juridico-politique, le président de la République pourrait-il gouverner par ordonnance pour esquiver l’hostilité parlementaire ? Evidemment que non. Située au confluent de la loi et du décret, l’ordonnance commence par l’autorisation du parlement. C’est la fameuse loi d’habilitation. On le devine aisément, le Président de la République n’aura pas cette autorisation d’un parlement majoritairement PDCI, FPI, LIDER et autres. Le chef de l’exécutif peut-il passer outre la résistance du parlement ? Dans l’affirmative, il renoncerait ainsi à l’État de droit et s’exposerait, subséquemment, à une responsabilité pénale pour haute trahison. Rappelons-le à toutes fins utiles, la juridiction compétente pour juger le président de la République, c’est la Haute cour de justice. Celle-ci est constituée de députés et de sénateurs. Longtemps restée une fiction institutionnelle, une victoire de l’opposition aux législatives lui donnerait une existence apodictique. Une opposition triomphante à l’élection des députés n’aura aucune difficulté à rafler les sénatoriales.
Les élections du 6 mars 2021 revêtent une importance capitale. Je le disais plus haut, c’est avec la loi qu’on change la société. C’est pourquoi, les élections des députés sont, avant tout, partisanes. Les législatives consacrent la partitocratie. En effet, c’est l’élection des partis politiques, des idées politiques. Si l’élection présidentielle est la rencontre entre un homme et un peuple, l’élection des députés est la rencontre entre un parti politique et une population.
À l’élection législative, c’est n’est pas un candidat qu’on vote, c’est une idée, c’est une formation politique qu’on vote. Nuance. Pendant cette campagne électorale, les candidats du RHDP doivent avoir le même programme politique. Il en est de même de ceux du PDCI, du FPI etc. Et, c’est ici que se perçoit clairement la qualité d’entrepreneur juridique et politique du député. Je le répète à des fins pédagogiques, c’est avec la loi qu’on change la société. Dans un État moderne, rien de grand ne se fait sans loi. Je partirai d’un exemple concret pour construire mon argumentation. Je prends un parti politique. N’importe lequel. Ce peut être le PDCI-RDA, le FPI, le RHDP ou LIDER etc. Les candidats de ce parti politique vont devant les électeurs et leurs disent, « si vous voter pour nous, nous allons prendre une loi pour instaurer la polygamie. Évidemment, c’est une révolution sociale (positive ou non, je n’en sais rien). Si vous votez pour nous, nous voterons une loi pour sortir notre pays du franc CFA ». Évidemment, c’est une révolution monétaire donc économique. « Si vous votez pour nous, nous prendrons une loi qui oblige l’État à construire, une école, un dispensaire dans tout village qui a 500 habitants ». « Si vous votez pour nous, nous prendrons une loi pour augmenter les subventions aux communes et aux régions pour leur permettre de lutter efficacement contre l’insalubrité et l’insécurité, par exemple ». « Si vous votez pour nous, nous prendrons une loi pour fixer le prix du cacao à 1500 f, l’hévéa à 1000F. Si nous sommes élus, nous prendrons des lois pour combler les déficits de personnel de l’éducation nationale, de la santé publique, de la justice, par exemple, au lieu de recruter 25 magistrats par an, nous allons recruter 200 magistrats par ans sur cinq ans ». Évidemment, « si vous votez pour nous, nous allons financer tous ces projets en diminuant l’inflation institutionnelle. Au lieu de 50 ministres, nous prendrons une loi pour fixer le nombre à 20. Le Sénat, la médiature, le conseil économique et social n’existeront plus grâce à la loi constitutionnelle car, les députés ont l’initiative de la révision constitutionnelle ». A l’observation, ces mesures impacteront considérablement le quotidien des populations. Le député n’a pas de budget. C’est vrai. Mais, c’est lui qui vote le budget du président de la République, c’est lui qui détermine les subventions aux communes et aux régions. Ce n’est pas juste de dire que le député n’est pas un agent de développement. Il l’est. C’est sa raison d’être. Encore faudrait-il que les députés eux-mêmes en soient convaincus!

Geoffroy-Julien KOUAO
Politologue et Ecrivain
Dernier livre publié « Côte d’Ivoire, une démocratie sans démocrates ? La ploutocratie n’est pas la démocratie. »
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