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Art et Culture Publié le lundi 28 juin 2021 | Fraternité Matin

Bamba Bakary (Comédien-humoriste) : « Ma carrière artistique m’a rendu immensément riche... »

© Fraternité Matin Par DR
40 ans d’humour: Bamba Bakary sera célébré
A 73 ans révolu, le comédien et humoriste n’a rien perdu de son inspiration. A quelques semaines de la célébration de ses 40 ans de carrière, ‘’Demi-dieu’’ s’est ouvert à Fraternité Matin.

Vous-vous apprêtez à célébrer 40 ans de carrière par un One Man show le 10 juillet prochain à la faveur du festival d’humour ‘’On est là’’. Déjà, quel est le sentiment qui vous anime a quelques semaines de cette célébration ?

Je voudrais dire que Houphouët-Boigny a planté une graine qui était bonne, qui bien poussé et a donné de bons fruits. Si Houphouët ne m’avait pas laissé jouer son personnage en imitant par l’humour sa voix, je n’aurais pas connu cette carrière qui aujourd’hui a fait des émules. Dans les années 80, ce n’était pas évident. Dans toute l’Afrique, j’étais le seul humoriste qui imitait un président sans qu’il n’ait de problèmes. Si le président Houphouët m’avait fait arrêter et jeté en prison, je pense que cette forme d’humour n’aurait pas existé en Côte d’Ivoire, parce-que personne n’aurait osé s’y essayer. C’était le début d’un bon signe de démocratie en Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, ça fait des émules et l’humour compte en Côte d’Ivoire. C’est donc une fierté pour moi d’avoir été le précurseur et d’avoir fait des émules qui comptent en Côte d’Ivoire.

Cadre à Air Afrique au service Communication et Marketing, vous vous retrouvé au-devant de scène pour faire de l’humour. Comment est née cette passion pour les blagues.

Je dirai que c’est inné. Depuis tout petit jusque durant ma carrière professionnelle, en passant par mon cursus scolaire et universitaire, j’ai toujours réussi à faire rire le gens avec une facilité déconcertante. Vous savez dans les années 60-70, on ne connaissait pas véritablement l’humour en tant que tel. Dans une famille ou dans un environnement, lorsque tu faisais rire, on te traitait sans grande considération. Tu étais le clown de service, un bon a rien. Au point même que quand il y a avait des réunions ou des rencontres importantes on disait : ‘’lui là, il va venir faire rire les gens ici. Sa présence n’est pas importante’’. J’avais tout le temps droit à ces railleries. On ne savait pas que l’humour était un métier. Il a fallu que j’arrive en France pour mes études pour que je découvre l’humour comme métier. Les Coluche, Thierry Le Luron et bien d’autres, étaient de grosses stars qui vivaient de l’humour et étaient des milliardaires. Je me suis donc dit ‘’moi je fais ça pour m’amuser or c’est un métier et puis on gagne même l’argent dedans’’. Quand je suis rentré, j’ai été embauché à Air Afrique et j’utilisais mes week-ends pour faire de l’humour à la télévision nationale. C’est pour vous dire que l’humour et moi c’est depuis toujours. Pour me résumé, je l’ai pratiqué brut ici, en France, j’ai découvert que c’était un métier et quand je suis rentré j’ai décidé de le prendre au sérieux, à mieux élaborer, structurer et organiser mes idées par l’écriture.

Vos imitations du père de la Nation le président Félix Houphouët-Boigny sont sans pareil. Quelles étaient vos relations avec le vieux sage d’Afrique ?

Je l’ai fait sans lui demander d’autorisation directement ou par personne interposée. C’était mon président et mon père. Il m’avait complètement adopté. Quand il y avait des grandes cérémonies en Côte d’Ivoire il y a 4 artistes et un animateur qui comptaient pour Houphouët : Bamba Bakary, Allah Thérèse, Aïcha Koné, Reine Pélagie et Georges Taï Benson. Nous ne manquons jamais à ses cérémonies avec les hautes personnalités du monde. Une fois à Yamoussoukro je l’ai imité devant le premier minstre français de l’époque Pierre Mauroy. Après ma prestation le ministre Balla Keïta et Georges Ouégnin sont venus me chercher pour me conduire auprès du président Houphouët. Ils m’ont fait savoir que le Premier français pensait que c’était une cassette qui jouait lors de ma prestation. Alors je lui ai dit de me donner un thème sur lequel il souhaitait que j’imite le président Houphouët. Je suis remonté sur scène et j’ai fait un speech sur les relations de la Côte d’Ivoire avec la France comme il m’avait demandé. Il était séduit à la grande satisfaction du président Houphouët-Boigny qui me vouait une grande admiration.

Comment s’est fait ta première rencontre avec le président Houphouët-Boigny ?

C’est au lendemain justement de la cérémonie avec le Premier Ministre Pierre Mauroy à Yamoussoukro. Après le déjeuner de midi, j’étais en voiture avec mon épouse pour le retour sur Abidjan. A quelques encablures de Toumodi, je m’arrête subitement et je dis à ma femme qu’il faut qu’on retourne à Yamoussoukro parce que j’ai envie de voir le président Houphouët-Boigny. Ma femme m’a dit : ‘’toi tu ne finiras jamais de me faire marrer, tu penses que tout le monde voit Houphouët aussi facilement ?’ Tchrouuuu (interjection de dépit), remettons nous en route avant que la nuit ne nous trouve sur la route’’. Mais, j’avais l’intime conviction qu’il fallait que je retourne à Yamoussoukro pour voir le Vieux. J’ai insisté et nous avons rebroussé chemin. Arrivé à l’entrée du Palais, nous sommes accostés par les gardes. Je leur dit que j’ai rendez-vous, alors qu’il n’en était rien. Ils nous conduisent auprès de Georges Ouégnin, le chef de protocole, lui aussi surpris de me voir. Je lui dis que je suis venu voir le vieux. Après quelques minutes de réflexion, il nous demande de le suivre dans la salle d’attente et nous promet de voir ce qu’il peut faire. Une heure passe et puis un moment, le président Houphouët surgit devant, nous sommes surpris, on ne sait même plus si on doit se mettre à genoux ou nous coucher par terre pour le saluer, tellement nous étions surpris et émus. Il nous reçoit dans un bureau pour nous demander les nouvelles.

J’imagine que vous ne saviez pas quoi lui dire ?

L’émotion était à son comble. Lorsqu’il m’a demandé s’il y avait un problème, je lui ai répondu non ? Il a répété sa question et je lui ai donné la même réponse. Après un moment de silence, il a repris la parole et m’a dit ‘’Y a rien ? Ça fait plus de 20 ans que je n’ai pas attendu cette phrase. Parce que tous ceux que je reçois ici on toujours un problème à m’exposer au point que j’ai fini par oublier cette phrase. Pour une fois, je reçois quelqu’un qui me dit ‘’Y’a rien’’. Vous venez de me faire réenregistrer cette phrase. Bon quelle est la deuxième nouvelle’’. C’est là, que je lui confié que mon grand-père m’a dit que lorsqu’un étranger arrive dans village, il part saluer le chef pour lui annoncer sa présence. Et quand il doit partir, il ne peut le quitter sans avoir salué le chef. Après le chaleureux accueil qu’il nous a réservé pour la cérémonie, nous ne pouvions donc pas quitter Yamoussoukro sans venir lui dire au revoir. C’est ce qui expliquait donc notre présence. Après encore un long silence il nous a remercié et nous a confié qu’il était très touché par notre démarche. Au final, il nous a dit que désormais, chez lui était chez nous et que nous pouvions venir quand nous voulons sans un quelconque rendez-vous et autres formes de protocole. Après quoi, il nous a fait l’honneur d’une visite du palais et de son domaine qui nous a conduit chez sa grande sœur Mamie Faitai que je rencontrais pour la première fois. Depuis lors, elle aussi m’a adopté. Elle a prolongé notre séjour en prenant le relai pour nous inviter chez elle afin de partager un repas. Après quoi, elle nous a demandé de dormir au Palais pour reprendre la route le lendemain après le petit déjeuner et le déjeuner. C’était vraiment extraordinaire et émouvant.

Houphouët-Boigny vous a-t-il fait une confidence à propos d’une de vos blagues qu’il appréciait le plus ?

Oui, il aimait bien ma première blague du boutiquier mauritanien et du Sénégalais qui voulait acheter du tabac. Il aimait aussi une autre, celle de l’avion en détresse. Je vous la raconte. ‘’J’étais dans un avion en proie à des turbulences. Les passagers chrétiens appelaient Jésus au secours, les musulmans, Mahomet. En tout cas, chacun priait soit en silence soit en criant. Moi, travailleur d’Air Afrique et habitué aux turbulences, j’ai pris le micro pour détendre l’atmosphère par des blagues. Et j’ai constaté qu’il y avait trois femmes assises côte à côte qui, elles, étaient toujours dans la panique. Je me suis approché d’elles. Il y avait une Européenne, une Arabe et une Africaine. Je leur ai demandé quelle sera leur réaction première si l’avion s’écrasait maintenant. L’Européenne me répond qu’elle confierait son âme à Dieu, à Jésus et la Vierge Marie. L’Arabe, elle, a dit qu’elle confierait son âme à Allah et son prophète Mahomet. Quant à ma sœur africaine, elle me dit que les prières sont bien, mais il ne faut même pas souhaiter que cela arrive. J’ai insisté et finalement elle m’a dit : je vais soulever ma jupe et coller mes deux fesses contre le hublot. Surpris, je lui dis que je ne voyais pas le rapport avec l’accident, et elle de me répondre : ‘’vous n’êtes pas informé alors, en cas d’accident, c’est moi qu’on cherchera d’abord’’. Je dis mais pourquoi ? Elle répond :« Que cherchent les sauveteurs et les enquêteurs chaque fois qu’il y a un crash ? Ce ne sont pas les deux boîtes noires ? Donc mes deux fesses là c’est ce qu’ils vont chercher et me sauver » (Fou rire).

Aujourd’hui, 40 ans de carrière après, vous avez toujours l’humour pétillant. D’où tirez-vous votre inspiration ?

Tout m’inspire. En ce moment où nous sommes en interview, un fait qui peut paraître banal peut retenir mon attention et devenir une histoire. Par exemple, je vous demande un verre d’eau à boire parce que j’ai beaucoup parlé. Par maladresse, en me le servant, il se renverse sur mon pantalon, entre mes jambes. Moi, j’en fais une histoire. Je dis : ‘’Serges, l’interview est finie, mais je ne sais pas comment sortir car j’ai peur de la réaction de tes collaborateurs. Et toi tu me demandes mais pourquoi dites-vous cela ? Et moi je dis : ‘’mais si je considère la façon dont l’eau est versée dans mon pantalon-là, ils vont conclure que tu m’as tellement traqué avec tes questions durant l’interview que j'ai fait pipi dans mon pantalon (rire). Voilà comment les histoires viennent. Je m’inspire de tout.

Quel rapport entretenez-vous avec la nouvelle génération d’humoristes ?

Pour être sincère, ils sont pratiquement tous mes fils. Certains viennent vers moi pour me demander conseils et d’autres pas du tout. Mais moi, je ne m’offusque aucunement. Chaque fois qu’ils ont eu besoin de moi, j’ai toujours été présent. Chaque fois que j’ai l’opportunité de les rencontrer, je n’hésite pas à leur donner des conseils. Ce que j’aimerais dire à la nouvelle génération, c’est de beaucoup travailler. Elle raconte des histoires terre à terre, elle touche des domaines qu’elle ne maîtrise pas.

Quand on est humoriste, il y a des sujets qu’il faut éviter, notamment la religion, les ethnies et la politique. Parce qu’une phrase prononcée est comme un caillou lancé. On ne peut plus la rattraper. Ce sont des sujets très sensibles du fait de leur compréhension par l’auditoire qui ne perçoit pas forcement l’esprit et le contexte de l’humour que vous avez voulu faire. Si vous êtes mal compris sur ces sujets, cela peut vous créer des problèmes. Il faut vraiment faire preuve de subtilité dans ce domaine pour ne pas heurter les sensibilités. Et cela nécessite beaucoup de travail. Or cette nouvelle génération ne travaille pas assez. Elle raconte les mêmes blagues publiques qu’on trouve sur les réseaux sociaux, elle n’écrit pas ses propres textes. Moi, depuis 40 ans, je suis l’un des rares artistes ivoiriens qui était en parfaite harmonie avec le président Houphouët-Boigny. Je m’attendais très bien avec le président Henri Konan Bédié et même aujourd’hui encore. J’étais très ami avec le président Gueï Robert et le président Laurent Gbagbo. Aujourd'hui, je n’ai aucun problème avec le président Alassane Ouattara. Je peux le dire fièrement, ils m’ont tous adopté. C’est pourquoi je demande à la nouvelle génération de travailler, de se particulariser, se donner une identité propre et produire des idées originales par l’écriture de leurs sketches bien organisés et structurés. Il y a des histoires que j’ai racontées il y a 20 ans qui sont aujourd’hui encore uniques. J’ai l’exclusivité de mes histoires.

C’est la télévision ivoirienne qui vous a révélé au grand public. Comment êtes-vous arrivé à la Rti ?

Tout est parti un soir, lors d’une soirée avec des amis et il y a eu une coupure d’électricité. On était dans l’obscurité et comme cela mettait du temps, j’ai commencé à raconter des histoires pour entretenir mes amis à ma table. Et comme on riait beaucoup, les autres invités se sont joints à nous. Quand la lumière est revenue, je me suis aperçu que presque tous les invités étaient à notre table. C’est à cette soirée que je vais rencontrer Georges Taï Benson qui lui aussi s’était joint à nous lors de la coupure d’électricité. Il m’a approché pour me dire que j’avais un talent incroyable et qu’il souhaitait que je vienne sur son plateau à la télévision nationale pour qu’on partage cette expérience avec les Ivoiriens. J’ai hésité pendant longtemps et finalement je me suis retrouvé à ‘’Bonjour c’est Dimanche’’ et un an plus tard à ‘’Benson reçoit’’, deux grands formats de divertissement qui avaient une très grande audience. Après ces deux brefs passages, un jour j’étais à mon bureau et je reçois un coup de fil. C’était le directeur général de la Rti d’alors, Ben Soumahoro, qui me demandait de passer le voir à son bureau. A mon arrivée, il me montre un grand carton qui contenait plus d’une centaine de courriers de téléspectateurs qui me réclamaient à la télé. Il m’a demandé de travailler avec Georges Benson sur le projet et finalement j’ai intégré l’équipe de ‘’Benson reçoit’’. Plus tard, on m’a confié des émissions à animer en solo.

Vous souvenez- vous de votre premier sketch officiel ?

C’était en mars 1980 à l’émission ‘’Bonjour c’est dimanche’’ de Georges Taï Benson. C’était l’histoire du boutiquier mauritanien et du Sénégalais. Je vous la raconte. ‘’J’étais en déplacement au Sénégal. Le matin, je me réveille et je constate que je n’avais pas de lame rasoir dans ma valise. Je sors de l’hôtel pour me rendre chez le boutiquier d’à côté, un Mauritanien. Il y a un rang, je me mets dans la ligne pour attendre mon tour. A notre grande surprise, un Sénégalais costaud et grand de taille, sans tenir compte du rang, va directement à la caisse du boutiquier. Lorsque nous avons protesté, il nous a envoyé balader, prétendant qu’il est chez lui et qu’il avait le droit de faire ce qu’il voulait (dans un accent sénégalais).

Nous l’observions. Il demande au boutiquier de lui servir du tabac de pipe. Le boutiquier (dans un accent mauritanien) lui répond oui, mais précise qu’il y a trois catégories : faible, moyen et fort. Qu’à cela ne tienne, je vais tester les trois, rétorque le Sénégalais. Le boutiquier lui tend le faible. Il le passe sous le nez pour mieux sentir l’intensité de l’arôme ; Il s’ensuit un éternuement et le dépose. Il prend le moyen, s’en suit là une série de toux et le dépose. Enfin, il prend le fort et là, on attend un gros pet du fond du boubou du Sénégalais. Il dépose le tabac et demande au boutiquier s’il n’ y a pas un plus fort. Réaction immédiate du Mauritanien : « Aiii patron, tu as pris faible tu as fait ‘’Atchuuue’’ (éternuer), tu as pris moyen tu as fait ‘’Kôssô kôssô kôssô’’ (tousser), tu as pris fort tu as fait ‘’Pouuum’’ (gros pet). Même si y a plus fort je te vendi pas ; parce que si je te vendi, tu vas cabinet dans mon boutique ici ». Voici la première histoire que j’ai racontée en mars 1980 à la télévision ivoirienne. Et c’est de là qu’a commencé véritablement ma carrière.

Et depuis lors, vous avez été pour beaucoup dans le succès de plusieurs émissions à la Rti.

Effectivement. Je fait partie des chevilles ouvrières de la célèbre production Variétoscope. Son histoire a commencé dans une boîte de nuit à Treichville. Il n’y a avait personne dans la salle. On était obligé d’interpeller des passants pour remplir la salle. On leur offrait en retour des sucreries pour certains et pour d’autres on leur payait carrément le transport de notre propre poche. Voilà comment est partie variétoscope. C’est moi qui, après quelques éditions, ai introduit les fiches de notation qui prennent en compte le classement des spécificités comme le costume, la prestation scénique, le thème et la prestation du narrateur. J’ai présenté le projet à Barthélémy Inabo qui l’a apprécié et l’a introduit dans les critères de notation. Il y a aussi Tempo. Georges Aboké, AM Taky, Francis Aka, une génération de jeunes loups aux dents longues venaient d’arriver à la Rti. Et là, ils proposent Tempo. Dans son format, ils devaient inviter des personnalités hors du commun pour faire découvrir leur facette cachée aux téléspectateurs. Il s’agissait de les présenter sous une facette différente de ce que tout le monde savait d’eux. Pour lancer l’émission, ils ont invité plusieurs personnalités qui leur ont fait faux bonds à la dernière minute. La direction, lasse d’attendre, leur a donc lancé un ultimatum pour une dernière tentative au risque de voir l’émission retirer du programme. Voilà ce que m’a expliqué Georges Aboké qui était venu solliciter ma présence à Tempo. On me connaissait pour mes blagues et il fallait que je propose autre chose. Alors, j’ai décidé de chanter. J’ai donc contacté mon ami d’enfance Jimmy Hyacinthe pour qu’il m’accompagne avec sa guitare. Nous avons proposé une chanson nigériane des années 1950 (Boton-boly) et une chanson française (Salade de fruits). Nous avons fait une superbe émission et c’est comme ça que la première émission de Tempo a été lancée. Il y a eu Apatam où j’ai été aussi le premier invité de Marie Catherine Koissy et Brigitte Yassi. Je peux également évoquer Tonnerre qui a été créé pratiquementdans mon salon. J’ai animé pendant deux ans avant de me retirer. Sans oublier ‘’Le bon vieux temps’’, une belle émission que j’ai animée et qui a connu un franc succès.

Vous avez aussi à votre actif une belle carrière cinématographique. Comment s’est opéré votre rencontre avec le cinéma ?

C’est le cinéaste ivoirien Henri Duparc qui m’a amené au cinéma. Il aimait bien mes prestations humoristiques et il a bien voulu me faire jouer le rôle principal de son film en préparation qui était ‘’Bal poussière’’. Moi qui n’avais jamais fait d’école d’art, je n’en ai jamais fait d’ailleurs, j’avais beaucoup d’appréhension au départ. Il m’a proposé le scénario, je l’ai lu et je l’ai trouvé très intéressant. Cependant, il y avait des actions et des répliques de dialogue qui me paressait un peu difficile pour moi eu égard à ma religion, ma condition matrimoniale et l’image que j’avais déjà au sein de la société. Dans une action, je devais paraître entièrement nu au lit avec ma femme. Dans une autre réplique, je devais réunir mes six femmes (les pagneuses et les robeuses) et leur dire ceci : « A partir d’aujourd’hui, il n’y a plus de pagneuses et robeuses chez moi, il n’y a que des b... ». J’ai donc suggérer à Duparc d’apporter des aménagements. Pour l’action du nu, j’ai proposé de porter un boxer car je ne voulais pas exposer ma nudité et à la place de ‘’b...’’, j’ai proposé des ‘’emmerdeuses’’. Il m’a compris et nous avons tourné le film à Adiaké. C’est là qu’est né le mythe de ‘’Demi-dieu’’, l’homme aux six femmes dans ‘’Bal poussière’’. Pour la petite histoire, c’était la première fois que je rencontrais votre Directeur général actuel Venance Konan. Jeune journaliste à ‘’Ivoire Soir’’, il avait été dépêché pour un reportage sur le tournage. Nous avons donc une amitié vieille de plus de 30 ans. Je peux aujourd’hui dire que je dois à Henri Duparc toute ma carrière cinématographique.

N’avez-vous pas l’impression qu’après vos grands succès de début de carrière, vous avez pris aujourd’hui un peu de recul ?

C’est peut-être une impression sinon je suis bien présent. Vous voyez, ‘’Bal poussière’’ a connu un grand succès en Afrique et dans le monde au point d’être désigné aujourd’hui comme étant le meilleur film africain de tous les temps. C’est le premier film africain qui a a fait 25.000 entrées en une semaine, à la grande première à Paris. En 1989, ‘’Bal poussière’’ s'est payé le luxe de remporter le Grand Prix et le Prix de la Critique au Festival international du Film d'humour de Chamrousse, en France. Séduit par le film, le producteur français, Philippe Godeau, a pris attache avec Henri Duparc pour la réalisation de ‘’Sixième doigt’’, mon deuxième film. Et depuis lors, je fais mon petit bonhomme de chemin. Mais comme nos télévisions africaines et particulièrement la télévision ivoirienne ne passait pas nos films, nous étions moins visibles. Je note qu’aujourd’hui, les choses sont en train de bouger un peu. A ce jour, je suis à mon 17e film, tous genres confondus. J’ai tourné avec le réalisateur ivoirien feu Kitia Touré, paix à son âme, le Français Philippe Bérard dans ‘’Les Partenaires’’, le Burkinabé feu Mamadou Djim Kola dans ‘’Les Étrangers’’ et Abdoulaye Dao dans ‘’Une femme pas comme les autres’’, le Gabonais Melchy Obiang et plus récemment le jeune ivoirien Erico Séry dans la série télé ivoirienne ‘’Assinie’’ avec laquelle j’ai remporté le Prix de l’interprétation masculine de l’édition 2021 de la Nuit ivoirienne du septième art (Nisa). C’est pour vous dire que je ne me suis pas éloigné du cinéma. Bien au contraire, je joue encore les premiers rôles.

On vous sait aussi grand amateur de musique Salsa...

A notre époque, en matière de musique, nous n’avions vraiment pas beaucoup de choix. On n’avait que la musique congolaise et nigériane pour nos soirées. C’étaient eux qui avaient des disques. Nos orchestres locaux eux, n’avaient pas de disques donc pas facilement accessibles. C’est après que Saffrédine est venu produire des disques pour des artistes nationaux comme Anouma Brou Félix, Mamadou Doumbia, Amédée Pierre, Eba Aka Jérôme, Yapi Jazz, Aspro Bernard et autres. Et à cette époque, chaque région avait un orchestre. Je pense qu’on gagnerait même à revenir à cette façon de faire. Il y avait l’Orchestre de la fraternité ivoirienne (Ofi) à Bouaké, l’Orchestre départemental de l’Ouest (Odo) à Man, Soukala à Abengourou; vraiment, tout le pays était animé. Ensuite, il y a eu la vague des Antilles avec les Coupé Cloué, les Aiglons et bien d’autres. Et puis la Salsa est venue avec les Johnny Pacheco, orchestra Aragon, orchestre Broadway et bien d’autres. Et moi, comme au collège, j’avais choisi l’espagnol comme deuxième langue après l’anglais, je me retrouvais bien là-dedans ; mieux, je faisais du tape à l’œil aux jeunes filles en expliquant un peu quelques phrases des chansons. Ensuite, je me suis mis à la danse pour accentuer le jeu de séduction. Voilà comment je me suis retrouvé dans la Salsa et puis après, grâce à ma fonction à Air Afrique, j’ai parcouru le monde et découvert véritablement cette musique.

Votre carrière artistique n’a-t-elle pas négativement influencé votre avancement professionnel ?

J’ai perdu beaucoup d’avantages à Air Afrique parce qu’on me voyait chaque week-end à la télévision et cela ne plaisait pas forcément à des collègues. Il m’a fallu souvent donner des explications à mes supérieurs afin qu’ils comprennent que je ne passe à la télévision qu’en dehors de mes heures de travail. Le week-end, certains vont à la pêche ou à la chasse, moi, je vais à la télévision pour procurer de la bonne humeur. Des mauvaises langues prétendaient même que j’avais deux salaires celui de Air Afrique et celui de la télévision alors qu’eux se consacraient exclusivement à Air Afrique. C’est ce genre d’argument qui était avancé chaque fois que je devais avoir de la promotion. On me présentait comme un travailleur qui n’avait pas le temps donc ne serait pas impliqué à 100%. Et pourtant, il n’en était rien. Je vais vous faire une confidence. Pendant les 30 premières années que j’ai passé à la télé, je n’ai jamais perçu un centime de la Rti, sauf en 2007, sous la direction de Kébé Yacouba, où j’ai exigé qu’on me donne un forfait de 500.000 FCfa par émission pour animer ‘’Le bon vieux temps’’. C’est à ce moment qu’on m’a appris que si jusque-là je ne percevais rien, c’est parce que rien n’était prévu pour les comédiens. Finalement, la Rti a consenti à me remettre 200.000 FCfa. C’est pour vous dire que j’ai fait tout ça par passion et pour le bonheur des Ivoiriens.

Pensez-vous que les Ivoiriens vous témoignent en retour leur gratitude ?

Ma carrière artistique m’a rendu immensément riche de mes relations. Dans toutes les sphères de la société ivoirienne, on me doit respect et considération. Je ne pense pas aujourd’hui que si j’ai un problème en Côte d’Ivoire, ils ne puissent pas trouver une solution. Pour témoigner donc toute ma gratitude et ma reconnaissance à toutes ces Ivoiriennes et Ivoiriens qui m’ont adopté, j’ai décidé de monter sur scène pour leur offrir un One Man show à l’occasion de la célébration de mes 40 ans de carrière. Je voudrais m’arrêter ici d’ailleurs pour saluer le professionnalisme de mon fils Chris Alex Sahiri qui, avec sa structure Ivoire Humour, a décidé d’organiser cette grande célébration à travers un festival dénommé « On est là ! ». Il se tiendra du 8 au 10 juillet prochain. C’est aussi pour moi l’occasion de remercier tous les partenaires, les autorités politiques et administratives ainsi que toutes ces bonnes volontés qui nous accompagnent pour cette célébration qui sera la fête à Bamba et celle de l’humour ivoirien à travers toutes ses générations. J’invite donc tous les Ivoiriens à effectuer nombreux le déplacement à toutes les étapes du festival et à mon One man show le 10 juillet au Palais de la culture. Ce sera un spectacle d’échanges avec le public et comme à mon habitude, je ne les décevrai pas. Que Dieu nous garde.

INTERVIEW REALISEE PAR SERGES N’GUESSANT
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