La Côte d'Ivoire accuse un retard en logement estimé à 60.000/an. C'est donc chaque année 60.000 ivoiriens et citoyens de ce pays qui rêvent d’avoir un toit pour eux et leur famille. C’est aussi 900.000 à 1.500.000 professionnels qui espèrent abriter leurs entreprises dans de bonnes conditions et à moindre coût.
Mais il y a aussi les institutions de l’Etat et de la République qui voudraient présenter un meilleur visage en exploitant des bâtiments dignes sans compter les investisseurs arrivant de l’extérieur et les représentations diplomatiques et institutions accréditées dans notre pays.
Le marché est donc constamment sollicité et le pays ne manque pas de se projeter dans un développement immobilier qui ferait la fierté d’une grande nation comme la nôtre qui donne envie aux autres.
Ne dit-on pas que l’immobilier est une valeur refuge ?
Face à la crise que nous vivons, liée à la maladie à coronavirus, l’immobilier semble demeurer une valeur refuge pour les ménages ivoiriens en proie au doute.
En effet, à côté des chutes des marchés boursiers et du ralentissement des activités économiques, l’immobilier quant à lui semble rassurer mais seulement en théorie. Car dans la pratique on observe une hausse exponentielle du prix de l’immobilier.
La hausse des prix des biens immobiliers décourage les intentions d’achat des uns et des autres. Si les particuliers sont obligés de renoncer à leurs rêves de devenir propriétaires, c’est en raison du niveau excessivement élevé du prix de l’immobilier outre un déficit de contrôle de la fluctuation des valeurs immobilières. Il n’y a aucune discipline dans l’évaluation des biens. Le marché n’est pas homogène.
Il s’organise au contraire par secteur technique ou géographique dans un désordre banalisé. Si les prix plafond au mètre carré au Plateau estimés à environ 2.000.000 Francs Cfa tendent à se rapprocher d’ici quelques années de l’estimation réalisée à New-York environ 7.000 Dollars US soit 3.900.000 Francs Cfa, à Londres ou à Paris 8.000£ soit 5.256.000 Francs Cfa, c’est le résultat d’une indiscipline citoyenne qui cautionne l’extrême volatilité du marché immobilier.
On se loge à Marcory à environ 500.000 Franc Cfa/mois pour un appartement de 3 pièces de moyen standing et pour ceux de haut standing comme à Marcory Résidentiel, le loyer peut aller jusqu'à 1.500.000 francs Cfa pour une population à revenus moyens pour la plupart.
Des prix qu’on aurait payé à Berlin ou les appartements de 3 pièces sont de 1.800 £ en moyenne soit 1.200.000 Franc Cfa dans un contexte de maîtrise des agrégats économiques Allemands en matière de stabilité des prix.
Les prix de l’immobilier à Ebimpé ou à Akoupé Zédji, ACD ou Certificat de Propriété obtenus (35.000 Francs Cfa/m2) se dirigent vers des seuils que Bingerville, Dabou ou Jacqueville caressent déjà depuis bien longtemps.
L’intérieur du pays n’est pas en reste. De Yamoussoukro à Bouaké passant par Daloa, San Pedro, Divo et Man, les prix de l’immobilier ne motivent pas les acheteurs qui en ont pourtant le plus besoin.
Chaque propriétaire fait son prix, négocie suivant sa capacité à palabrer, à convaincre. Les intermédiaires en charge de la négociation font la loi du marché. Ils fixent sans limite le prix de leurs interventions. Tel, ayant présenté un client vient à réclamer 10% à 30% de la valeur négociée. Tel autre pour avoir identifié un bien, revendique des taux pouvant haussier entre 10% et 30% soumettant toujours les acteurs du marché à une pression exacerbée. Ce qui fait du milieu immobilier un secteur informel qu’il faut sauver par un arsenal juridique.
Si beaucoup contournent la difficulté en s’appuyant sur le notaire pour obtenir un peu de souplesse, d’autres quittent le marché en renonçant à leur projet.
L’ensemble des difficultés ci-dessus rencontrées rend bien compte de la faible ruée des ivoiriens vers l’immobilier accentuant ainsi la pauvreté des ménages et la fragilité de l’épargne nationale. L’ivoirien ne peut pas compter sur l’économie boursière, il n’a pas accès à l’épargne minière. Il est aussi éjecté de la prospérité immobilière.
Dans de telles conditions, seules les personnes ayant une activité de vente ou d’exploitation immobilière pourront continuer à s’offrir les terrains et les bâtiments qu’elles pourront ensuite louer aux ivoiriens comme c’est le cas actuellement. Or les pertes induites de la location d’un bien immobilier sur le long terme sont abyssales et non souhaitées.
Il convient d’encourager les promoteurs immobiliers à oser le pari de la construction des immeubles en copropriété verticale ou horizontale, à les morceler pour les vendre sous forme de lots de copropriété aux personnes à revenus moyens ou intermédiaires à des prix défiant toute concurrence.
De même, il faut encourager le secteur bancaire à développer le crédit immobilier afin de financer le logement des ivoiriens sans leur opposer le mythe du mauvais payeur qui souvent, rend les banques frileuses ou alourdit les conditions du crédit immobilier.
L’accompagnement financier du secteur immobilier doit se maintenir au delà des contingences économiques pour prendre en compte les attentes sociales nombreuses, qui minent la société ivoirienne en pleine croissance démographique.
Maître ZEHOURI Paul-Arnaud Bertin
Notaire Diplômé de PARIS,
Conseil Spécialisé en Stratégie du Patrimoine ;
Enseignant Chercheur des Universités.