Durant deux années, parlant difficilement le Français, ses recherches furent sans succès. Les années n’avaient rien enlevé à la beauté de la petite Louise. Au contraire, ce temps a permis de raffiner d’avantage les traits encore endormis. Autant Louise est belle, autant elle a une beauté intérieure irréprochable. Elle-même avait pour habitude de dire : « les gens me trouvent belle, mais la beauté n’est pas seulement une chose extérieure, elle résulte aussi de la réalité de la conscience intérieure. La beauté, c’est en réalité, l’éclat de la conscience qui rejaillit sur le visage ». Pour la lucidité de ses réflexions et sa franchise, Louise était appréciée de tous. Les deux années passées en compagnie de sa ‘’mémé’’ avaient apporté la gaieté dans la petite famille. Les visites et les dons permettaient à la sexagénaire d’améliorer le menu de la maison, à la grande satisfaction des sœurs d’Amah. A 22 ans, Louise participa à un casting pour mannequin. Sans aucune difficulté, elle est retenue. C’est au cours d’un défilé dans un grand hôtel de la place à l’occasion de la Saint Valentin que la déesse venue de Koumassi est approchée par une personne d’une respectabilité indiscutable. Les deux personnes échangeaient lorsque Louise est interpellée par son patron. Mais l’homme avait déjà eu le temps de prendre le numéro de téléphone de Louise, du moins celui de sa camarade de quartier, puisque Louise n’avait pas encore les moyens de s’offrir ce luxe. Depuis ce baptême du feu dans l’univers de la mode, le téléphone de son amie ne cessait de crépiter au fil des heures. L’homme respectable de la soirée dernière réussit à se faire accompagner par Louise pour un dîner. Depuis ce moment, la vie de la jeune fille changea. Mais très respectueuse de la tradition et des normes sociales, Louise, nourrie certainement des quelques erreurs de sa mère, décide de bien étudier l’homme avant d’engager une vie amoureuse avec lui. Après 6 mois d’observation, Louise prit la décision de présenter son amant à sa grand-mère, seule protectrice de l’enfant qu’elle est. Comme tous les autres jours, la grand-mère de Louise, dès son réveil s’abandonne dans une chaise devant la petite maisonnette d’où elle observe les va-et-vient des passants. Depuis des années, elle en a vu des millions passer. Les plus gaies lui adressaient une salutation. C’est par cet endroit où les véhicules se font très rares pour l’impraticabilité des voies et l’insécurité vivante, qu’une voiture d’une beauté peu ordinaire attira l’attention de la vieille. Une vraie Mercédès se traînait difficilement dans les grands creux de la petite piste rongée par l’érosion. Que peut bien venir chercher une voiture aussi luxueuse dans un endroit pareil ? Seule une bonne raison doit animer son conducteur pour braver toutes ces difficultés, pensait la grand-mère. Au terme de ses efforts, la belle voiture stoppa juste en face de la maison nette. La vieille mère se mise sur ses jambes pour voir plus clair dans l’histoire de la voiture venue garer à son nez. D’un pas, Louise sortie du véhicule. Le conducteur, le temps de bien disposer certaines choses à l’intérieur de sa voiture, mis quelque temps à descendre. Il sorti, tout heureux de pouvoir enfin mettre fin à l’exigence de celle qu’il adorait tant. A sa vue, la grand-mère s’écria de stupéfaction. « Où l’as-tu trouvé ? » « De qui parles-tu, grand-mère ? » rétorqua Louise. « Ton père, où as-tu trouvé ton père Richard ? » Etonné de voir une aussi vieille femme perdue dans ce quartier immonde dire son nom, Richard approcha et reconnut la mère de son ex femme
Amah.
Léon Saki
Amah.
Léon Saki