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Politique Publié le jeudi 5 février 2009 | Fraternité Matin

ANC : La difficile mutation

Le mouvement de libération, au pouvoir depuis Mandela dans la République arc-en-ciel, vit des heures difficiles. L’échec du président Thabo Mbeki dans la lutte pour le contrôle du Congrès national africain, sa démission forcée du pouvoir à la demande de l’Anc à six mois de la fin de son mandat à la tête de l’Afrique du Sud, ont laissé des traces. Tout cela montre que dans ce pays, la réconciliation est bien difficile. Ces deux événements sont symptomatiques du profond malaise que vit l’Anc, qui vient de connaître un émiettement en attendant, peut-être demain, l’implosion. Une chose est certaine, au vu du drame qui se joue au sein du plus vieux mouvement politique africain l’Anc, comme tout mouvement de libération, n’a pas su faire sa mue, s’adapter pour se comporter en véritable parti politique. Il a tout d’un parti unique alors que toute grande formation politique doit accepter en son sein des courants qui constituent la sève nourricière pour lui éviter le règne de la pensée unique et la sclérose. L’Anc s’est embourgeoisé.Le gouvernement a mis en place l’ambitieuse et nécessaire politique de promotion raciale, le Black Economic Empovernement (BEE),qui vise à favoriser l’embauche des cadres noirs dans les entreprises et le transfert progressif du capital entre les mains d’investisseurs de «couleur». Ce qui a permis l’émergence d’une bourgeoisie formée par les BUPPUS (Black Yappus) estimée aujourd’hui à 2 millions de personnes. Le Bee suscite néanmoins de nombreuses frustrations au sein de la population blanche qui choisit l’exil. L’Anc est secoué par une guerre ethnique qui oppose les Xhosa, minoritaires (Mandela- Mbeki) aux zoulous, majoritaires (Buthelezi- Zuma). Et le duel sans merci que se livrent Zuma et Mbeki et qui a paralysé le pays n’a pas encore revelé tous ses secrets ni toutes ses conséquences. Pourquoi, Thabo Mbeki, président sortant après deux mandats, s’était-il porté candidat à la tête de l’Anc alors que la constitution de son pays ne lui permettait plus de briguer un troisième mandat présidentiel ? Voulait-on barrer à tout jamais la route du pouvoir au groupe zoulou en plus des arguties juridico-politiques? Est-ce un piège de trop que l’écrasante victoire de Zuma a voulu dénoncer? La démission forcée de Mbeki est-elle l’expression de la frustration des Zoulous qui ont servi fer de lance à Mandela pour museler un des leurs, Buthelezi et qu’on voulait continuer de tenir à la périphérie du pouvoir?
Zuma est un enfant des heures de braise de la lutte anti-apartheid menée par l’Anc lorsque Mbeki était encore aux études. C’est un enfant du parti issu de l’ethnie majoritaire. A-t-on peur pour les prochaines élections d’un vote sociologique? Avec les Zoulous majoritaires et le plus grand syndicat sud-africain, le Kosatu, proche de l’Anc, craint-on que ce drenier ne fonctionne comme un parti unique? Ou veut-on éviter que l’Anc devienne une grande forteresse sous la direction des Zoulous? Le retour raté de Mbeki pour le contrôle du parti participe-t-il de cette stratégie? On est tenté de le croire avec la naissance de Cope dirigé par l’ancien ministre de la Défense du gouvernement Mbeki et un de ses proches, Lekota. L’Anc n’a pas répondu aux attentes du peuple et le Cope qui n’a remporter que dix des quarante-un siège des législatives ne saurait être une alternative viable même s’il a contracté une alliance avec l’Alliance démocratique, le parti d’opposition des Blancs qui contrôle le Cap. L’Anc est suffisamment bien implanté dans le pays et ne peut vraiment subir une hémorragie. Ce mouvement a donc les ressorts pour survivre au règne des Xhosa et au départ des partisans de Mbeki.
Franck A. Zagbayou
Option : C’est joué…
Mais pas gagné
La présidentielle en Afrique du Sud aura lieu au cours du 2ème semestre de 2009, mais le favori de cette élection, Jacob Zuma, candidat du parti ultra-majoritaire, l’Anc, sera jugé le mercredi 25 août après les élections. Et déjà le 24 juin, le tribunal de Pietermaritzburg (sud-est du pays) a fixé une audience au cours de laquelle, selon l’Agence France Presse qui cite l’Agence de presse sud-africaine, Jacob Zuma compte demander un abandon définitif des poursuites à son encontre. C’est dire que le grappin de la justice et la prison inéluctablement menacent la liberté du futur Président de la République de l’Afrique du Sud. Car rien dans la constitution n’interdit des poursuites contre le chef de l’Etat. Le procès politique qu’on soupçonnait Thabo Mbeki d’intenter contre Zuma et qui a été le prétexte pour la direction de l’Anc pour le contraindre à la démission de son poste de Président de la République à six mois de la fin de sa mandature, n’a en rien altéré les chefs d’accusation qui pèsent contre le président de l’Anc. Jacob Zuma est cité à comparaître pour fraude et corruption parce que inculpé dans le cadre d’une enquête fleuve impliquant le groupe d’armement français Thales. Mais il ne veut baisser pavillon ni se dérober à ses nouvelles responsabilités. Il entend assumer sa candidature pour le compte de l’Anc lors de la prochaine présidentielle car se retirer serait «un précédent négatif». Mieux, il ne peut se retirer parce qu’il n’a pas été «jugé coupable» et qu’il «respecte la constitution» de son pays. Comment pouvait-il en être autrement, ce d’autant que le parti dont il aura à défendre le fanion a réaffirmé qu’il se «tiendrait à ses côtés» et a annoncé «se constituer partie civile» dans le procès. Il évoque même une question morale et éthique en estimant qu’il n’est dans l’intérêt public que les poursuites contre Zuma continuent. L’Anc ne manque pas de soutenir que son champion est persécuté, lui qui, en sept ans et demi, a comparu 38 fois devant la justice. Et il invoque en cela le complot politique ourdi contre lui par son grand rival Thabo Mbeki. Cette hypothèse avait été battue en brèche récemment par la justice qui avait remis au goût du jour le procès de Zuma.
A la guerre comme à la guerre, Zuma et l’Anc qui ne veulent faire la passe à Mbeki car comme disait Talleyrand, un des plus fidèles collaborateurs de Napoléon Bonaparte plusieurs fois ministre, en politique, on ne fait pas la passe à l’adversaire, ont joué serré pour obtenir son procès après les élections et dans la mouvance des législatives pour lesquelles il fera campagne. Même si la constitution n’interdit pas les poursuites à l’encontre du chef de l’Etat, Zuma, président de la République arc-en-ciel aura déjà réussi son pari. Et pour qui connaît le poids sociologique, politique et culturel de l’Anc, on voit difficilement comment la justice pourrait mettre à mal l’image d’un président élu et à travers lui tout le crédit de l’Afrique du Sud. Pour Zuma, la partie est jouée … mais le match n’est pas gagné d’avance.
par Franck A. Zagbayou
Deux partis d’opposition pour le vote des Sud-africains de la diaspora
Deux partis d’opposition sud-africains ont contesté lundi, la constitutionnalité d’un article de la Loi électorale empêchant à des milliers de Sud-Africains vivant à l’étranger de voter lors des élections générales.
Selon l’expert en droit constitutionnel, le professeur Pierre de Vos, il «risque bien d’y avoir un dossier assez solide».
L’Alliance démocratique (DA) a déjà introduit un recours à la Haute Cour du Cap et va désormais tenter de veiller à ce que les Sud-Africains qui vivent à titre provisoire à l’étranger puissent voter.
La ‘Freedom Front Plus (FF+)’ se prépare à exercer des pressions sur la Cour constitutionnelle pour l’amener à ordonner que les droits constitutionnels de tous les citoyens sud-africains, quelle que soit la durée de leur séjour à l’étranger, soient respectés.
Les deux parties estiment que les mesures restrictives excluant beaucoup de Sud-Africains du vote sont anticonstitutionnelle. Lors des premières élections démocratiques, tous les Sud-Africains vivant à l’étranger avaient le droit le vote mais la législation a été plus tard amendée.
A ce jour, l’article 33 de la Loi électorale stipule que seuls des Sud-Africains qui sont absent du pays à titre «provisoire» pour des besoins de vacances, de voyage d’affaires, de fréquentation d’un établissement tertiaire ou de participation à une manifestation sportive internationale peuvent voter mais seulement si elles le notifient à la Commission électorale indépendante (IEC) dans un délai de 15 jours après la proclamation de la date du scrutin.
Alors que la Loi électorale disqualifie de nombreux Sud-Africains de voter en raison de leur lieu géographique, la Constitution indique que «chaque citoyen adulte» a le droit de «voter lors des élections en faveur de tout organe législatif mis sur pied en vertu de la Constitution ».
Selon De Vos, le précédent juridique indique qu’un recours à la Loi électorale peut aboutir.
«La Cour constitutionnelle déclare que le droit de vote est fondamental à la démocratie et cela nécessite la création de dispositions appropriées pour assurer son application efficace», a-t-il relevé.
Agence de presse
Africaine
Zuma: le pouvoir comme un fruit mûr?
Le président de la jeunesse de l’Anc n’a pas caché sa volonté de faire le sacrifice de sa vie pour l’élection de Jacob Zuma. Doit-on croire que le pouvoir d’Etat est désormais un fruit mûr pour le président atypique de l’Anc? Que peut-il face à Mbeki qui prépare sa revanche à travers le Cope? Face à Lekota qui incarne pour le moment la nouvelle formation politique, un démembrement de l’Anc, Zuma est un populiste. Peut-il constituer une bonne alternative pour mettre fin au règne des Xhosa? Mbeki, en créant le Congrès pour le peuple (Cope), joue serré politiquement et on pourrait comprendre qu’il veuille mettre le doigt sur les faiblesses de son rival politique. Il chercherait, avec sa formation politique pilotée par son ancien ministre de la Défense, entrée en alliance avec l’Alliance démocratique, à donner la sécurité aux Blancs. Mais l’ère Mbeki et des Xhosa n’est-elle pas révolue à tout jamais? Zuma qui a été vice-président de l’Afrique du Sud et qui sait combien son pays est bâti sur la base des alliances entre les différentes ethnies; ce qui a permis que deux hommes issus d’une minorité ethnique soient élus successivement pour une durée de 12 ans Président de la République, ne joue pas la vengeance. Il pourra se faire aider par tous pour réussir. Zuma, dans la guéguerre qui a pendant longtemps opposé Xhosa et Zoulous à travers la lutte de leadership entre Mandela et Buthelezi, a pu pénétrer le peuple Xhosa dans sa mission de médiateur. Il le connaît donc et il le lui rend bien. Avec lui, l’Anc, c’est un parti unique avec son poids culturel, démographique et politique. Et Zuma au pouvoir, c’est la revanche de l’histoire, la vraie indépendance pour l’Afrique du Sud. Le schisme d’avec le Cope, n’étant pas d’ordre idéologique, de nombreux militants croient aux idéaux de son mouvement et il reste pour eux le seul qui puisse diriger le pays. Zuma a la légitimité historique et il a battu loyalement Mbeki lors des élections à la présidence du Congrès national africain. Que peut-on reprocher à Zuma qu’on ne peut reprocher à l’Anc, un mouvement de libération face à un pouvoir blanc génocidaire? Au nom du pardon, il faut accepter d’écrire l’histoire de l’avenir de l’Afrique du Sud. Mbeki peut-il encore, lui ou l’un de ses proches, constituer une menace véritable pour la marche de Zuma vers le pouvoir d’Etat? Le capitaliste sud-africain Cyril Ramaphosa a quitté Mbeki pour Zuma et c’est un indicateur de confiance important. Mais dépréciatif pour le président démissionnaire de l’Afrique du Sud. Comment d’ici au deuxième semestre 2009 pour la pésidentielle Mbeki pourrait-il se donner une nouvelle virginité? Le rapport annuel 2009 de l’Institut français des relations internationales Ramses 2009, intitulé «Turbulences économiques et géopolitique planétaires», dresse un bilan peu reluisant de la gestion de Thabo Mbeki. Il note que l’Afrique du Sud souffre toujours d’une économie à deux vitesses, avec des indices d’inégalité de revenus les plus élevés au monde. Un Noir gagne en moyenne un huitième de ce gagne un Blanc. La violence xénophobe de mai 2008, est l’expression la plus radicale de cet état de fait. Cette étude révèle par ailleurs que Mbeki a été fragilisé par les turbulences économiques et sociales puis les contestations de leadership. Elle fait remarquer que 14 ans après la fin de l’apartheid, force est de constater que le mythe de la nation «arc-en-ciel» est sérieusement écorné. Mbeki a pensé rattraper les choses et refaire la réconciliation de la nation à travers le Mondial 2010, mais les effets escomptés sont loin d’être atteints. Et les experts de l’Institut français des relations internationales font remarquer que le fait pour Mbeki d’avoir donné la priorité des dépenses publiques à la coupe du monde avec des perspectives de retour sur investissements lointaines et incertaines, a contribué à accroître les tensions sociales. Pire, les impacts du Mondial 2010 sont inférieurs à 0,5% de croissance et seulement 116000 emplois sont créés, soit pour seulement 2,7% des chômeurs. Par ailleurs, dans une autre étude publiée dans Ramses 2008 aux pages 257, 258 et 259, l’Institut français des relations internationales note que depuis les premières élections démocratiques de 1994, le gouvernement ne parvient pas à enrayer une violence endémique. On déplore 18.500 morts par arme à feu entre avril 2005 et mars 2006. Le nombre de viols (du moins les plaintes enregistrées) est même en légère augmentation (55000 viols pour la même période) par rapport aux années précédentes. Un certain pessimisme s’est installé devant l’inefficacité du gouvernement. Le nombre de décès par arme à feu est 7 fois plus élevé qu’aux Etats-Unis et près de 2 fois plus qu’au Brésil. Avec la violence et la pauvreté, la corruption reste l’un des principaux sujets de débat. Ce sont à ces défis que Zuma devra trouver des approches de solution pour mettre les électeurs sud-africains noirs et blancs en confiance et les mobiliser afin qu’ils votent son programme de gouvernement et son projet de société.
Franck A. Zagbayou
Focus : Violences
Les campagnes pour les élections générales prévues au deuxième trimestre 2009 s’annoncent déjà violentes. Au regard de l’attaque perpétrée le 3 février dernier contre neuf militants du parti au pouvoir, le Congrès national africain (Anc), par des partisans du Parti de la liberté Zulu Inkatha (Ifp). Bilan, six personnes blessées.
L’incident a eu lieu dans le KwaZulu-Natal, la province de l’est du sud d’où est originaire le chef de l’Anc, Jacob Zuma. Les victimes de l’attaque ont vu leur bus bloqué, au terme d’un rassemblement, par les militants de l’Ifp, jadis au pouvoir dans le KwaZulu-Natal. Revenant du même meeting, un parlementaire de l’Anc et deux femmes ont, par ailleurs, été touchés par des tirs. Tous trois ont survécu.
La Commission électorale sud-africaine a «fermement» condamné ces violences. Elle s’est dit concernée et inquiète par «le mépris affiché dans le KwaZulu-Natal envers la liberté d’association et le droit de se rassembler dans le cadre de la campagne électorale». Interpellé par cette situation, Jacob Zuma a appelé les partis à faire preuve d’une plus grande «tolérance politique».
Depuis le 22 janvier, l’on a enregistré deux morts au KwaZulu-Natal, théâtre de violences politiques de 1980 à 1995 entre partisans de l’Ifp et l’Anc où 12 000 personnes ont perdu la vie.
Ernest Aka Simon
Repères
Record. En sept ans et demi, Jacob Zuma, a comparu 38 fois devant la justice. De nombreux chefs d’accusation sont retenus contre lui, entre autres, fraude et corruption.
Procès. Jacob Zuma sera jugé le mercredi 25 août 2009 après la présidentielle qui aura lieu au 2ème semestre de l’année. Mais le 24 juin, il aura une audience et il se propose de demander au tribunal l’abandon définitif des poursuites à son encontre.
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