Monsieur le ministre,
Quand vous êtes sorti de prison, j'ai été l'un des tout premiers chroniqueurs de l'époque à vous rencontrer. J'étais collaborateur extérieur de l'hebdomadaire "Le Nouvel Horizon". Je n'étais pas journaliste professionnel. Je ne sortais pas de Lille en France ou d'aucune autre école de formation de journalistes, et pourtant je vous avais consacré un article tout entier parce que nous partagions les mêmes valeurs. Votre combat j'en avais fait mien pour parler comme l'autre.
Cet article dont le titre était : Anaky Kobena Innocent : La prison pour la liberté" (in le Nouvel Horizon n° 55 du 4/10/1991) avait pour objectifs essentiels de louer votre courage, votre abnégation, vu que vous étiez un homme d'affaires prospère qui avait tout quitté pour se mettre au service d'un combat louable, pour la démocratie.
Votre détermination était remarquable pour une cause dont l'issue paraissait incertaine à nombre d'observateurs, face au tout-puissant Houphouët-Boigny, et surtout la chape de plomb que constituait hélas le PDCI-RDA sur notre pays à nous tous.
Je ne sais pas si vous vous en souvenez encore. Toute modestie mise à part, nous avons écrit ensemble vous et moi, une belle page de notre lutte commune, pour l'avènement de la démocratie dans notre pays. Un bon souvenir, n'est-ce pas ?
Nous étions tous mus par un seul idéal, libérer notre pays du joug plus que trentenaire du pouvoir d'un seul homme, Houphouët-Boigny. Moi, je n'ai pas encore changé à ce propos malgré les vicissitudes de la vie comme on dit.
J'écrivais d'ailleurs, en conclusion à cet article dont je parlais tantôt, ceci pour vous élever, au niveau de ceux de nos devanciers qui avaient eu à lutter aux côtés du même Houphouët-Boigny contre les colons.
Hélas ! Ce même Houphouët s'étant mu à son tour, pour notre malheur, en oppresseur de tous ceux qui luttaient eux aussi pour un autre idéal, la démocratie, votre chemin avait croisé le mien. Voilà qui me semblait clair.
Citons ces passages tout compte fait, à votre avantage :
"Peut-on conclure un tel témoignage, l'histoire ne fait que commencer, pourtant, nous devons conclure et ce sont deux autres lutteurs d'une autre époque qui vont nous prêter leurs propos : Jacob Williams et Bernard B. Dadié. Les époques changent, le sens du combat reste le même, les acteurs aussi, sauf Houphouët qui mène une vie de sédentaire, accroché à un pouvoir qui l'a fui depuis belle lurette De Jacob Williams.
« Nous sommes les porte-parole conscients des populations africaines dont les impérialistes ont gravement sous-estimé la volonté de lutte, la volonté d'en finir avec le colonialisme » ;
De Bernard B. Dadié.
« Nous au RDA, nous luttons parce que nous savons que les alouettes ne tombent toutes seules du ciel ».
Chers lecteurs, dans ces deux citations, remplacez à votre guise les termes, les mots en rapport avec l'actualité et vous avez deux citations qu'auraient pu dire Laurent Gbagbo et Innocent Anaky Kobena" (in le Nouvel Horizon n° 55 du 4/10/1991)
RAPPEL PAS INNOCENT
Pourquoi ce rappel quelque peu nostalgique? Tout simplement pour vous dire, que toute lutte, ou si vous voulez, la lutte a un sens. C'est dans la persévérance de celle-ci que l'on recueille un jour les fruits escomptés.
Depuis quelque temps, je vous observe et je me rends compte, hélas que vous n'êtes plus l'homme que j'avais cru voir en vous : un combattant intrépide, loyal et courageux.
A présent, vous me donnez l'impression, je peux me tromper, d'une abeille qui bitune de fleur en fleur à la recherche de quelques nectar ou pollen improbables.
Vous vous démenez, ou plus exactement, vous vous efforcez de donner une quelconque structure politico-philosophique à un combat quelque peu dévoyé.
Je regrette de le dire, malheureusement c'est la vérité. Donnant par ci par là des leçons à tous et à personne en particulier, si vous ne vous évertuez pas, de la façon la plus ignoble qui soit, à dépeindre Laurent Gbagbo en véritable Lucifer. Vous savez, l'ange de lumière déchu après sa révolte contre Dieu, autrement dit Satan. Que vous a-t-il fait ? Dites-le nous. Votre acharnement s'apparente à celui d'un d'ancien combattant, qui fait feu de tout bois pour faire valoir son mérite passé, aux jeunes générations.
De déperdition en déperdition, vous allez par des flots incertains tel un vieux rafiot sur une mer agitée par un vent de désespoir. C'est le cas de le dire. C'est tout cela qui m'a motivé, à vous faire cette lettre ouverte que j'avais bien voulue amicale, mais l'enjeu étant trop important compte tenu de vos gesticulations inconsidérées, vous me voyez obligé à regret, de vous dire ce qu'il en est, au lieu de vous laisser errer comme une âme en peine dans un désert. Bien sûr, on ne tire pas sur un ami. Je l'ai pensé quelque temps. Mais vu la systématisation de vos acrimonies, je me suis ravisé. D'autre part, si on ne répondait pas à vos cris de conjuration outrancière contre Gbagbo, c'est qu'il y a deux raisons :
-la première est qu'on a fait un bout de chemin ensemble avant la rupture, si rupture il y a.
-la deuxième raison, c'est que dans la configuration actuelle de l'opposition à Laurent Gbagbo, vous êtes le maillon faible de la chaîne et qu'on ne tire pas sur une ambulance.
LE MAILLON FAIBLE DE LA CHAINE
Dans la stratégie militaire, que dis-je? Politique, on ne prend pas un BAZOOKA pour tirer sur un moucheron. L'attaque serait tellement disproportionnée qu'on se trouverait soi-même ridicule.
Surtout qu'en ce moment, Droits de l'homme obligeant, nous n'avons pas envie de nous retrouver devant le TPI, pour avoir accablé un homme sans audience.
Par ailleurs, cette lettre ouverte à vous adressée, est pour vous rappeler tout simplement que le combat politique dans lequel l'on s'engage doit avoir un objectif. Quel est le sens de votre combat aujourd'hui ?
Voir Gbagbo quitter la présidence de la République tout simplement ? C'est ridicule comme objectif.
En d'autres termes, c'est élémentaire, mais je suis obligé de le rappeler pour les jeunes générations qui vont lire ces lignes et ne savent pas encore ce qu'est en réalité la politique. Avant d'en arriver à cette présentation des buts essentiels du combat politique, je me permets de vous poser cette question triviale. Pourquoi faites-vous de la politique ? Pour crier derrière la masse des militants des autres partis ou tout simplement pour être au nombre des vociférateurs, des chahuteurs de services ? Pour dire un jour, j'y étais ?
Si c'est pour être ministre, vous l'avez été sans aucun mérite. Cela devait vous suffire. Il y a beaucoup d'Ivoiriens qui aimeraient avoir été ministre comme vous sans qu'ils aient retroussé les manches, Marcoussis aidant. Nous y reviendrons.
Les choses de la politique sont tellement simples qu'on oublie souvent la profondeur de leur contenu.
-La politique au sens absolu, c'est l'art de gouverner la cité en vue d'atteindre ce que l'on considère comme la fin suprême de la société des hommes.
- Au sens dérivé, ce sont la définition et la mise en œuvre de moyens pour réaliser certains objectifs déterminés dans les domaines aussi variés que précis.
Par exemple, la politique de l'emploi, de la santé, des revenus, de la démographie, de l'environnement et que sais-je encore ?
Cela veut dire aussi, une certaine méthode de gouvernement, libérale, autoritaire voire dictatoriale et pourquoi ne pas l'ajouter socialiste etc.
Tout cela, vous le savez sans doute monsieur le ministre ou du moins vous devriez le savoir, vu que vous êtes un maître à penser du RHDP.
LE CONDUCTATOR
Houphouët-Boigny que vous avez combattu avec la rancune qu'il avait mis votre grand frère en prison meurt en décembre 1993.
Ses héritiers Bédié et Ouattara se disputent sa succession. Cette bataille embrase toute la Côte d'Ivoire. D'abord par un coup d'Etat dont l'auteur n'est autre que celui qui est aujourd'hui un de vos amis. Cette victime, je veux parler de M. Konan Bédié, que vous connaissez, ronge sa colère, comme la souris qui mord et souffle sur la plaie, elle pactise avec son bourreau d'hier. Pour les départager, une autre république se met en place. Au lieu d'applaudir cette nouvelle ère, en désespoir de cause, vous êtes au nombre de ceux qui brocardent à longueur de journée Laurent Gbagbo, le même à qui vous écriviez cette lettre que je me plais de publier in extenso (voir lettre).
Les stigmates de cette lutte héritée de la succession d'Houphouët nous amènent au désastre, la guerre. Hélas ! la guerre étant survenue, toutes les données d'un véritable départ de notre pays se sont évanouies. C'est ainsi que vous vous êtes retrouvé dans le cartel de négationnistes suite à cette fameuse conférence de Marcoussis, au cours de laquelle les libellules et les éléphants avaient le même poids. Allez-y comprendre quelque chose.
Seul notre Gueu Dro national, "le petit serpent" y manquait pour participer au dépècement de la République. Quelle ignominie !
Le programme de ce pseudo-gouvernement auquel vous étiez fier d'appartenir n'avait pour seul programme que de tirer le tapis sous les pieds de Gbagbo pour le faire tomber. Quelle bassesse alors que la Côte d'Ivoire attendait autre chose ! Gbagbo a tenu bon. C'est un homme qui sait encaisser les coups. Mais qui sait en donner aussi.
Honnis par les faits sur le terrain, vous qui avez combattu Houphouët vous vous retrouvez dans un conglomérat de négationnistes appelé le RHDP dans lequel vous jouez le rôle de moralisateur dans le but avoué aujourd'hui d'une transition sans Gbagbo après avoir soutenu tous les conspirateurs contre notre Constitution qui devait être mise sous le boisseau.
Je me souviens encore de vos incantations d'assaut final quand vous sortiez de prison. Surtout des propos tels que et je cite :
“La dernière marche sera une manifestation à laquelle prendront part tous ceux qui auront compris ou réalisé que l’avenir du pays, leur bonheur et celui de leurs enfants sont déjà lourdement compromis”.
C’est dire que vous ne saviez pas ce que vous disiez. Vous n’aviez aucun sens de la mesure. Vous parliez à l’emporte-pièce or l’homme politique doit avoir le sens de la mesure, Monsieur le ministre. Ayant perdu quelque peu le sens des responsabilités parce que traumatisé par votre incarcération, vous pensiez que tout se fait à coup de baguette magique.
Heureusement que le FPI, en son temps, avait tempéré les ardeurs jusqu'au-boutistes. C'est dans le même registre que vous vous inscrivez aujourd'hui pour demander à vos nouveaux amis de chasser Gbagbo du pouvoir. C'est peine perdue !
Pour terminer cette lettre, je vous dirai ceci : quand on ne sait pas danser, on ne se met pas devant la danse. Parce que le plus souvent, ce sont les pas de celui qui est devant que l'on regarde, pour voir si il y a une certaine harmonie. Or vous ne savez ni danser et ne connaissez ni la politique.
La politique est un métier. A-t-on besoin de le savoir ou bien de vous le dire ? Si on ne connaît pas les rudiments de la politique, même si on a besoin de se faire connaître du grand public, on se met à l'écart.
C'est un conseil d'un ancien ami.
JACQUES PREJEAN
Quand vous êtes sorti de prison, j'ai été l'un des tout premiers chroniqueurs de l'époque à vous rencontrer. J'étais collaborateur extérieur de l'hebdomadaire "Le Nouvel Horizon". Je n'étais pas journaliste professionnel. Je ne sortais pas de Lille en France ou d'aucune autre école de formation de journalistes, et pourtant je vous avais consacré un article tout entier parce que nous partagions les mêmes valeurs. Votre combat j'en avais fait mien pour parler comme l'autre.
Cet article dont le titre était : Anaky Kobena Innocent : La prison pour la liberté" (in le Nouvel Horizon n° 55 du 4/10/1991) avait pour objectifs essentiels de louer votre courage, votre abnégation, vu que vous étiez un homme d'affaires prospère qui avait tout quitté pour se mettre au service d'un combat louable, pour la démocratie.
Votre détermination était remarquable pour une cause dont l'issue paraissait incertaine à nombre d'observateurs, face au tout-puissant Houphouët-Boigny, et surtout la chape de plomb que constituait hélas le PDCI-RDA sur notre pays à nous tous.
Je ne sais pas si vous vous en souvenez encore. Toute modestie mise à part, nous avons écrit ensemble vous et moi, une belle page de notre lutte commune, pour l'avènement de la démocratie dans notre pays. Un bon souvenir, n'est-ce pas ?
Nous étions tous mus par un seul idéal, libérer notre pays du joug plus que trentenaire du pouvoir d'un seul homme, Houphouët-Boigny. Moi, je n'ai pas encore changé à ce propos malgré les vicissitudes de la vie comme on dit.
J'écrivais d'ailleurs, en conclusion à cet article dont je parlais tantôt, ceci pour vous élever, au niveau de ceux de nos devanciers qui avaient eu à lutter aux côtés du même Houphouët-Boigny contre les colons.
Hélas ! Ce même Houphouët s'étant mu à son tour, pour notre malheur, en oppresseur de tous ceux qui luttaient eux aussi pour un autre idéal, la démocratie, votre chemin avait croisé le mien. Voilà qui me semblait clair.
Citons ces passages tout compte fait, à votre avantage :
"Peut-on conclure un tel témoignage, l'histoire ne fait que commencer, pourtant, nous devons conclure et ce sont deux autres lutteurs d'une autre époque qui vont nous prêter leurs propos : Jacob Williams et Bernard B. Dadié. Les époques changent, le sens du combat reste le même, les acteurs aussi, sauf Houphouët qui mène une vie de sédentaire, accroché à un pouvoir qui l'a fui depuis belle lurette De Jacob Williams.
« Nous sommes les porte-parole conscients des populations africaines dont les impérialistes ont gravement sous-estimé la volonté de lutte, la volonté d'en finir avec le colonialisme » ;
De Bernard B. Dadié.
« Nous au RDA, nous luttons parce que nous savons que les alouettes ne tombent toutes seules du ciel ».
Chers lecteurs, dans ces deux citations, remplacez à votre guise les termes, les mots en rapport avec l'actualité et vous avez deux citations qu'auraient pu dire Laurent Gbagbo et Innocent Anaky Kobena" (in le Nouvel Horizon n° 55 du 4/10/1991)
RAPPEL PAS INNOCENT
Pourquoi ce rappel quelque peu nostalgique? Tout simplement pour vous dire, que toute lutte, ou si vous voulez, la lutte a un sens. C'est dans la persévérance de celle-ci que l'on recueille un jour les fruits escomptés.
Depuis quelque temps, je vous observe et je me rends compte, hélas que vous n'êtes plus l'homme que j'avais cru voir en vous : un combattant intrépide, loyal et courageux.
A présent, vous me donnez l'impression, je peux me tromper, d'une abeille qui bitune de fleur en fleur à la recherche de quelques nectar ou pollen improbables.
Vous vous démenez, ou plus exactement, vous vous efforcez de donner une quelconque structure politico-philosophique à un combat quelque peu dévoyé.
Je regrette de le dire, malheureusement c'est la vérité. Donnant par ci par là des leçons à tous et à personne en particulier, si vous ne vous évertuez pas, de la façon la plus ignoble qui soit, à dépeindre Laurent Gbagbo en véritable Lucifer. Vous savez, l'ange de lumière déchu après sa révolte contre Dieu, autrement dit Satan. Que vous a-t-il fait ? Dites-le nous. Votre acharnement s'apparente à celui d'un d'ancien combattant, qui fait feu de tout bois pour faire valoir son mérite passé, aux jeunes générations.
De déperdition en déperdition, vous allez par des flots incertains tel un vieux rafiot sur une mer agitée par un vent de désespoir. C'est le cas de le dire. C'est tout cela qui m'a motivé, à vous faire cette lettre ouverte que j'avais bien voulue amicale, mais l'enjeu étant trop important compte tenu de vos gesticulations inconsidérées, vous me voyez obligé à regret, de vous dire ce qu'il en est, au lieu de vous laisser errer comme une âme en peine dans un désert. Bien sûr, on ne tire pas sur un ami. Je l'ai pensé quelque temps. Mais vu la systématisation de vos acrimonies, je me suis ravisé. D'autre part, si on ne répondait pas à vos cris de conjuration outrancière contre Gbagbo, c'est qu'il y a deux raisons :
-la première est qu'on a fait un bout de chemin ensemble avant la rupture, si rupture il y a.
-la deuxième raison, c'est que dans la configuration actuelle de l'opposition à Laurent Gbagbo, vous êtes le maillon faible de la chaîne et qu'on ne tire pas sur une ambulance.
LE MAILLON FAIBLE DE LA CHAINE
Dans la stratégie militaire, que dis-je? Politique, on ne prend pas un BAZOOKA pour tirer sur un moucheron. L'attaque serait tellement disproportionnée qu'on se trouverait soi-même ridicule.
Surtout qu'en ce moment, Droits de l'homme obligeant, nous n'avons pas envie de nous retrouver devant le TPI, pour avoir accablé un homme sans audience.
Par ailleurs, cette lettre ouverte à vous adressée, est pour vous rappeler tout simplement que le combat politique dans lequel l'on s'engage doit avoir un objectif. Quel est le sens de votre combat aujourd'hui ?
Voir Gbagbo quitter la présidence de la République tout simplement ? C'est ridicule comme objectif.
En d'autres termes, c'est élémentaire, mais je suis obligé de le rappeler pour les jeunes générations qui vont lire ces lignes et ne savent pas encore ce qu'est en réalité la politique. Avant d'en arriver à cette présentation des buts essentiels du combat politique, je me permets de vous poser cette question triviale. Pourquoi faites-vous de la politique ? Pour crier derrière la masse des militants des autres partis ou tout simplement pour être au nombre des vociférateurs, des chahuteurs de services ? Pour dire un jour, j'y étais ?
Si c'est pour être ministre, vous l'avez été sans aucun mérite. Cela devait vous suffire. Il y a beaucoup d'Ivoiriens qui aimeraient avoir été ministre comme vous sans qu'ils aient retroussé les manches, Marcoussis aidant. Nous y reviendrons.
Les choses de la politique sont tellement simples qu'on oublie souvent la profondeur de leur contenu.
-La politique au sens absolu, c'est l'art de gouverner la cité en vue d'atteindre ce que l'on considère comme la fin suprême de la société des hommes.
- Au sens dérivé, ce sont la définition et la mise en œuvre de moyens pour réaliser certains objectifs déterminés dans les domaines aussi variés que précis.
Par exemple, la politique de l'emploi, de la santé, des revenus, de la démographie, de l'environnement et que sais-je encore ?
Cela veut dire aussi, une certaine méthode de gouvernement, libérale, autoritaire voire dictatoriale et pourquoi ne pas l'ajouter socialiste etc.
Tout cela, vous le savez sans doute monsieur le ministre ou du moins vous devriez le savoir, vu que vous êtes un maître à penser du RHDP.
LE CONDUCTATOR
Houphouët-Boigny que vous avez combattu avec la rancune qu'il avait mis votre grand frère en prison meurt en décembre 1993.
Ses héritiers Bédié et Ouattara se disputent sa succession. Cette bataille embrase toute la Côte d'Ivoire. D'abord par un coup d'Etat dont l'auteur n'est autre que celui qui est aujourd'hui un de vos amis. Cette victime, je veux parler de M. Konan Bédié, que vous connaissez, ronge sa colère, comme la souris qui mord et souffle sur la plaie, elle pactise avec son bourreau d'hier. Pour les départager, une autre république se met en place. Au lieu d'applaudir cette nouvelle ère, en désespoir de cause, vous êtes au nombre de ceux qui brocardent à longueur de journée Laurent Gbagbo, le même à qui vous écriviez cette lettre que je me plais de publier in extenso (voir lettre).
Les stigmates de cette lutte héritée de la succession d'Houphouët nous amènent au désastre, la guerre. Hélas ! la guerre étant survenue, toutes les données d'un véritable départ de notre pays se sont évanouies. C'est ainsi que vous vous êtes retrouvé dans le cartel de négationnistes suite à cette fameuse conférence de Marcoussis, au cours de laquelle les libellules et les éléphants avaient le même poids. Allez-y comprendre quelque chose.
Seul notre Gueu Dro national, "le petit serpent" y manquait pour participer au dépècement de la République. Quelle ignominie !
Le programme de ce pseudo-gouvernement auquel vous étiez fier d'appartenir n'avait pour seul programme que de tirer le tapis sous les pieds de Gbagbo pour le faire tomber. Quelle bassesse alors que la Côte d'Ivoire attendait autre chose ! Gbagbo a tenu bon. C'est un homme qui sait encaisser les coups. Mais qui sait en donner aussi.
Honnis par les faits sur le terrain, vous qui avez combattu Houphouët vous vous retrouvez dans un conglomérat de négationnistes appelé le RHDP dans lequel vous jouez le rôle de moralisateur dans le but avoué aujourd'hui d'une transition sans Gbagbo après avoir soutenu tous les conspirateurs contre notre Constitution qui devait être mise sous le boisseau.
Je me souviens encore de vos incantations d'assaut final quand vous sortiez de prison. Surtout des propos tels que et je cite :
“La dernière marche sera une manifestation à laquelle prendront part tous ceux qui auront compris ou réalisé que l’avenir du pays, leur bonheur et celui de leurs enfants sont déjà lourdement compromis”.
C’est dire que vous ne saviez pas ce que vous disiez. Vous n’aviez aucun sens de la mesure. Vous parliez à l’emporte-pièce or l’homme politique doit avoir le sens de la mesure, Monsieur le ministre. Ayant perdu quelque peu le sens des responsabilités parce que traumatisé par votre incarcération, vous pensiez que tout se fait à coup de baguette magique.
Heureusement que le FPI, en son temps, avait tempéré les ardeurs jusqu'au-boutistes. C'est dans le même registre que vous vous inscrivez aujourd'hui pour demander à vos nouveaux amis de chasser Gbagbo du pouvoir. C'est peine perdue !
Pour terminer cette lettre, je vous dirai ceci : quand on ne sait pas danser, on ne se met pas devant la danse. Parce que le plus souvent, ce sont les pas de celui qui est devant que l'on regarde, pour voir si il y a une certaine harmonie. Or vous ne savez ni danser et ne connaissez ni la politique.
La politique est un métier. A-t-on besoin de le savoir ou bien de vous le dire ? Si on ne connaît pas les rudiments de la politique, même si on a besoin de se faire connaître du grand public, on se met à l'écart.
C'est un conseil d'un ancien ami.
JACQUES PREJEAN