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Société Publié le mercredi 11 février 2009 | Fraternité Matin

Police nationale : Les agents mécontents de leur nouvelle tenue

Les agents de police ne se sentent pas du tout à l’aise dans leur nouvel uniforme. Ils ne le trouvent pas esthétique et il perd de son éclat à la première lessive. A peine distribué, la nouvelle tenue des policiers fait l’objet de rejet. Les fonctionnaires de police que nous avons rencontrés lundi à certains carrefours, sur la voie publique, dans les directions centrales, les unités et services de police ne veulent pas de ce treillis. En ironisant, pour certains, et en tenant des propos, parfois durs, pour d’autres, les policiers, tous grades confondus, sous le couvert de l’anonymat, dénoncent unanimement la mauvaise qualité du tissu utilisé qu’ils trouvent inesthétique. Il s’agit bien du treillis bleu, avec en filigrane l’inscription «police nationale RCI» en petits caractères et qui remplace désormais le treillis vert olive, comme l’avait précisé le ministre de tutelle de la police nationale. Après la cérémonie de lancement officiel de ce nouvel uniforme, le 19 janvier dernier, à la base de la Brigade anti-émeute (Bae) à Yopougon, par le ministre de l’Intérieur, M. Désiré Tagro, la rédaction a reçu de nombreux appels anonymes censés venir de policiers se plaignant de la mauvaise qualité de leur nouvelle tenue. C’est donc pour en savoir davantage sur le fondement de cette récrimination, qui pourrait être le fait de personnes isolées, que nous avons décidé d’aller à la rencontre de policiers pris au hasard. Une enquête fastidieuse avec des interlocuteurs, qui manifestement très intéressés par le sujet, craignent cependant pour leur carrière. Et pour cause, la police est un corps militarisé, dont les membres, en tant que tels, sont astreints à l’obligation de réserve. Et le pire serait pour eux de commenter et de donner une opinion défavorable sur une décision prise par la haute hiérarchie. Il nous a alors fallu donner toutes les garanties sur la confidentialité des noms, des services et surtout des images avant de voir nos interlocuteurs déballer ce qu’ils avaient sur le cœur. Un sous-officier rencontré dans la cour du service où il est en fonction au Plateau, tout en exhibant sa tenue, déclare: «Cette tenue n’est vraiment pas bonne. Voyez-vous, il y a seulement deux semaines que ce treillis m’a été attribué et déjà il se déteint en faisant transparaître une couleur rouge. » Son collègue renchérit pour dire que le treillis bleu ne résiste pas au soleil. Et une fois lavé, il perd de son éclat. Un commissaire de police méfiant, que nous avons eu du mal à faire parler bien qu’étant éloigné de son service, a simplement tranché en ces termes : « Il faut honnêtement reconnaître que cette tenue est un échec total. Et il convient de la retirer tout simplement, surtout qu’elle n’est pas encore entièrement distribuée à tout le monde. On peut trouver mieux que ça pour la police nationale qui, comme les autres corps des Fds, reflète l’image de la Côte d’Ivoire. »
L’un de nos interlocuteurs policiers qui croit connaître les raisons profondes de la mauvaise qualité de la nouvelle tenue policière pointe un doigt accusateur vers les responsables qui ont eu à passer le marché de la confection de cette tenue avec un opérateur privé. Le policier, sûr de lui, déclare que le concessionnaire, n’étant pas rentré en possession de la totalité de ses fonds, a volontairement fait un travail approximatif en n’utilisant qu’une seule couche d’encre là où il fallait trois couches. Cette version des faits est entérinée par un autre agent de police de la circulation trouvé sur les lieux de son travail. Ce dernier témoigne de ce qui suit : «Alors que mes collègues et moi étions de service un jour, l’opérateur libanais, qui a confectionné cette tenue, s’est arrêté à notre niveau pour nous saluer. Et quand après s’être présenté à nous, nous lui avons dit que la tenue n’était pas du tout de bonne qualité, il n’a pas hésité à nous répondre que la mauvaise qualité est due au fait que la totalité de son argent ne lui a pas été reversée». Vrai ou faux ? Toujours est-il que les policiers interrogés rejettent dans leur ensemble, cet uniforme, fait pour distinguer le policier des autres membres des Fds. Certains policiers marquent leur rejet de la tenue en ironisant. C’est le cas de cet adjudant rencontré dans un district de police. «Monsieur le journaliste, avec mon teint noir, je passais déjà tout sombre aux yeux des jeunes filles. Voilà que ce treillis plus sombre que moi et que je suis obligé de porter au risque de perdre mon emploi me rend encore plus laid, surtout qu’il commence à déteindre.» Le manque d’esthétique de la nouvelle tenue est davantage illustré par le témoignage d’un autre policier de la circulation avec qui nous avons échangé à Yopougon. Il raconte : «Un jour, aux environs de 19 h, je venais avec deux de mes collègues d’achever le service de contrôle routier. Adossé à une baraque, j’attendais quand j’ai vu venir vers moi un automobiliste qui venait de tomber en panne quelques mètres plus loin. Ce dernier qui, en me voyant dans la pénombre, m’a confondu à un mécanicien dans sa tenue, n’a pas hésité à me solliciter pour le dépanner. Quand il s’est aperçu par la suite que j’étais un sous-officier supérieur de police, il s’est confondu en excuses en me faisant savoir que ma tenue ressemblait à celle d’un chef de garage. Depuis ce jour, j’ai honte de porter ce treillis.» Les femmes policières interrogées se sont montrées plus acerbes dans la critique de la nouvelle tenue. Elles disent que le nouveau treillis les rend ridicules... tout simplement. Ces policiers et tous ceux dont nous n’avons pas pu retranscrire les propos sont d’avis qu’à défaut de changer tout simplement cette tenue, qui fait la honte de la corporation, il faut chercher à l’améliorer rapidement. Joint par téléphone, le directeur général de la police nationale, le commissaire divisionnaire-major Brédou M’Bia, dit que le processus de mise en place de la nouvelle tenue s’est effectué dans les règles de l’art. Il fait savoir que c’est au terme des études d’une commission mise en place depuis 2001 sous l’autorité de feu le ministre Emile Boga Doudou que cette tenue a été confectionnée. Et c’est sous le ministre Joseph Dja Blé qu’elle a été adoptée.
«Une fois que la tenue est adoptée, les fonds vont être corrigés progressivement. Toute œuvre humaine n’est jamais parfaite à 100% », clame le patron de la police. Qui annonce la tenue d’une réunion au cours de laquelle les policiers, à travers leurs représentants par services, se prononceront sur la nouvelle tenue. Sur les raisons du changement de la tenue ainsi imposée, le commissaire divisionnaire-major Brédou M’Bia dit que la décision découle de la volonté des autorités policières de distinguer le policier de ses homologues des autres corps des Forces de défense et de sécurité. Le DG de la police, qui estime que le changement de tenue s’imposait à la police, trouve un peu suspecte la propension de ceux de ses collaborateurs qu’il juge d’un nombre insignifiant qui s’opposent au changement de la tenue. En ce qui concerne les réfractaires au changement de tenue, il s’interroge: «Pourquoi ces policiers ont-ils peur d’être distingués des autres éléments des FDS?!». Et d’insister sur la volonté de la hiérarchie policière de corriger toutes les erreurs constatées dans la qualité du nouvel uniforme.
Landry Kohon
Entre nous : Il ne plaît à personne
Disons-le sans fioriture : le nouvel uniforme de la police nationale ne plaît à personne. Il n’y a pas que les flics qui le rejettent. Nombre de citoyens l’ayant aperçu pour la première fois sur les agents, n’ont pu s’empêcher de le critiquer vertement, en indiquant qu’il ne ressemble à rien. Autrement dit, cet uniforme, aussi bien de par les motifs du tissu que de par sa couleur, est loin d’être agréable à la vue. Il n’a donc rien de frappant, qui pourrait tout de suite retenir l’attention du quidam qui passe et lui indiquer que celui qui le porte est bien un policier. A entendre les témoignages de ses utilisateurs, tout porte à croire qu’il a été confectionné à la va-vite. Sans laisser le choix à leurs responsables de se prononcer sur différents échantillons de couleurs et de motifs, comme c’est souvent le cas en la matière. En outre, des soupçons de sabotage pèsent sur sa confection, pour non-paiement de l’intégralité des frais que celle-ci a nécessités. Si cela était vrai, il y a alors lieu de révéler le montant du reliquat dû au Libanais, en précisant pourquoi ce dernier n’a pas reçu la totalité de la somme. Surtout qu’il s’agit de l’argent des contribuables que nous sommes… Du moins, nous le supposons.



Par Moussa Touré
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