Le chef de l’Etat bissau-guinéen a été tué hier par les militaires certainement en représailles à l'attentat à la bombe qui a coûté la mort au chef d'état-major de l'armée dimanche soir.
Ils ont fini par avoir sa peau. Joao Bernardo Vieira, le président bissau-guinéen, a été tué hier, à Bissau. Il a succombé lors des représailles d'un groupe de militaires qui lui reprochait d'être l'un des responsables de la mort, dimanche soir, du chef d'état-major de l'armée, le général Batista Tagme Na Wai. Joao Bernardo Vieira, dit Nino, 69 ans, a passé quasiment 23 ans à la tête de la Guinée-Bissau. «Le président Vieira a été tué par l'armée au moment où il tentait de fuir sa résidence attaquée par un groupe de militaires proches du chef d'état-major, Tagmé Na Waié, tôt ce matin, vers 4 heures (locales et GMT) », explique une source militaire. Mais une autre source explique que « Nino Vieira a refusé de quitter sa résidence quand des diplomates de l'ambassade d'Angola sont venus le chercher, lui et sa femme, pour les conduire en sécurité ». Après la mort de Nino, la résidence présidentielle a ensuite été pillée. Dans un communiqué publié hier, l'état-major des forces armées a affirmé avoir la situation en main. Le commandement de l'armée a promis de respecter les institutions démocratiques. Selon des observateurs, le président fait les frais de la mort du chef d'état-major de l'armée, le général Tagmé Na Waié. Il était dans son bureau au moment de l'explosion de la bombe.
Les trafiquants opèrent…
L'engin, de forte puissance, aurait été caché sous l'escalier conduisant au bureau du général Na Waié et aurait été activé quand celui-ci a monté les premières marches. Il a été tué en activité comme l'avait été son prédécesseur, le général Verissimo Correia Seabra, tué par balles par des militaires en octobre 2004. Le général Na Waié devait se rendre hier lundi au sommet des chef d'état-major de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) à Praia. Une source proche des services de sécurité a déclaré à Reuters que des soldats de l'ethnie Balante, à laquelle appartenait le général Batista Tagme Na Wai, ont mené l'attaque contre la résidence du président. Ce dernier appartenait à la communauté Papel. La rivalité entre les deux hommes était si profonde qu'elle avait suscité en novembre dernier un coup de force avorté contre le président Vieira. Le général Na Wai avait fait partie de la junte qui avait renversé dans les années 1990 Joao Bernardo Vieira, alors dirigeant militaire. Revenu au pays en « candidat libre », après un exil au Portugal agrémenté de séjours en France, « Nino » Vieira, avait assuré dans la fièvre électorale qu'il avait changé et avait publiquement demandé « pardon » pour ses errements passés. Il était sorti vainqueur de ces élections présidentielles de 2005. Les actes de défiance mutuelle entre les deux hommes n'avaient pas cessé pour autant. Début janvier, une grave crise avait opposé l'armée à la garde présidentielle Aguentas, une milice de 400 hommes recrutée par le ministre de l'Intérieur après une attaque de soldats dissidents contre la résidence du chef de l'Etat le 23 novembre. Des membres de la milice avaient alors tiré - sans le toucher - sur le général Na Wai, toujours très critique vis-à-vis du président Joao Bernardo Nino Vieira. La garde avait expliqué qu'il s'agissait d'un accident et démenti une tentative d'assassinat mais l'armée avait ordonné le démantèlement de la milice. Rien n'avait changé. Pour les analystes, l'instabilité politique est exacerbée par les trafiquants de drogue qui tirent avantage de la côte très découpée du pays et de ses aérodromes isolés pour acheminer leurs marchandises par bateau ou par avion. Les narcotrafiquants profitent de l'inefficacité des contrôles de police, de l'instabilité du gouvernement et de la pauvreté du pays pour mener leurs activités sans être inquiétés. Les observateurs jugent que les cartels ont les moyens financiers d'obtenir la coopération de hauts responsables de l'armée ou du gouvernement. La situation de la drogue est si grave qu'elle menace la stabilité du gouvernement, puisque les trafiquants sont parvenus à infiltrer les ministères, l'armée et la police. La Guinée-Bissau ne consomme pas beaucoup de drogue mais participe amplement à son commerce, jusqu'aux plus hautes instances de l'Etat semble-t-il.
…dans l’impunité
Le gouvernement éprouve d'énormes difficultés à payer ses fonctionnaires ou à régler les indemnités de départ des militaires de son armée pléthorique, certains soldats n'hésitent pas à accepter l'argent que leur proposent les trafiquants de drogue pour assurer leur protection, ont affirmé des sources proches du milieu de la drogue. Après la prise d'un colis de 39 millions de dollars, la plus importante réalisée dans le pays le 26 septembre 2006 et sa disparition d'un coffre du trésor public, le ministre de la Justice, Namuano Gomes, avait indiqué que le système judicaire et les forces de l'ordre du pays ne sont pas en mesure de faire face à ce problème. La guerre civile de 1999 a affaibli les institutions et il n'y a aucune coordination entre la police, le corps des gardes-frontière, la douane et l'armée. Les tonnes de cocaïne débarquant par avion ou par bateau sur le sol bissau-guinéen sont un élément supplémentaire à prendre en compte pour expliquer les derniers développements. L'écroulement prématuré du pacte de stabilité et du gouvernement de consensus de Martinho Ndafa Cabi en mars 2008 résultait déjà d'une alliance ponctuelle entre le chef de l'Etat Nino Vieira et le président du Paigc, Carlos Gomes Junior, nommé Premier ministre. Leur profonde inimitié, tout comme de probables renversements d'alliances au sein du Paigc, réservaient bien des surprises. Le sort du Premier ministre semblait être scellé avant les élections présidentielles prévues pour 2010. Les réactions à la mort du président Vieira n'ont pas tardé. Le président de la commission de l'Union africaine (UA), Jean Ping, a « condamné fermement » cet « acte criminel ». Lisbonne a également « condamné avec véhémence » les violences. Au moment où nous mettions sous presse, le pouvoir restait toujours vacant. Aucun militaire ou autre ne s'étend déclaré à la tête du pays. Selon la Constitution de Guinée-Bissau, après l'assassinat du président de la République, le président de l'Assemblée nationale est chargé de l'intérim et doit organiser une élection présidentielle dans les 60 jours.
Bakayoko Youssouf
Ils ont fini par avoir sa peau. Joao Bernardo Vieira, le président bissau-guinéen, a été tué hier, à Bissau. Il a succombé lors des représailles d'un groupe de militaires qui lui reprochait d'être l'un des responsables de la mort, dimanche soir, du chef d'état-major de l'armée, le général Batista Tagme Na Wai. Joao Bernardo Vieira, dit Nino, 69 ans, a passé quasiment 23 ans à la tête de la Guinée-Bissau. «Le président Vieira a été tué par l'armée au moment où il tentait de fuir sa résidence attaquée par un groupe de militaires proches du chef d'état-major, Tagmé Na Waié, tôt ce matin, vers 4 heures (locales et GMT) », explique une source militaire. Mais une autre source explique que « Nino Vieira a refusé de quitter sa résidence quand des diplomates de l'ambassade d'Angola sont venus le chercher, lui et sa femme, pour les conduire en sécurité ». Après la mort de Nino, la résidence présidentielle a ensuite été pillée. Dans un communiqué publié hier, l'état-major des forces armées a affirmé avoir la situation en main. Le commandement de l'armée a promis de respecter les institutions démocratiques. Selon des observateurs, le président fait les frais de la mort du chef d'état-major de l'armée, le général Tagmé Na Waié. Il était dans son bureau au moment de l'explosion de la bombe.
Les trafiquants opèrent…
L'engin, de forte puissance, aurait été caché sous l'escalier conduisant au bureau du général Na Waié et aurait été activé quand celui-ci a monté les premières marches. Il a été tué en activité comme l'avait été son prédécesseur, le général Verissimo Correia Seabra, tué par balles par des militaires en octobre 2004. Le général Na Waié devait se rendre hier lundi au sommet des chef d'état-major de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) à Praia. Une source proche des services de sécurité a déclaré à Reuters que des soldats de l'ethnie Balante, à laquelle appartenait le général Batista Tagme Na Wai, ont mené l'attaque contre la résidence du président. Ce dernier appartenait à la communauté Papel. La rivalité entre les deux hommes était si profonde qu'elle avait suscité en novembre dernier un coup de force avorté contre le président Vieira. Le général Na Wai avait fait partie de la junte qui avait renversé dans les années 1990 Joao Bernardo Vieira, alors dirigeant militaire. Revenu au pays en « candidat libre », après un exil au Portugal agrémenté de séjours en France, « Nino » Vieira, avait assuré dans la fièvre électorale qu'il avait changé et avait publiquement demandé « pardon » pour ses errements passés. Il était sorti vainqueur de ces élections présidentielles de 2005. Les actes de défiance mutuelle entre les deux hommes n'avaient pas cessé pour autant. Début janvier, une grave crise avait opposé l'armée à la garde présidentielle Aguentas, une milice de 400 hommes recrutée par le ministre de l'Intérieur après une attaque de soldats dissidents contre la résidence du chef de l'Etat le 23 novembre. Des membres de la milice avaient alors tiré - sans le toucher - sur le général Na Wai, toujours très critique vis-à-vis du président Joao Bernardo Nino Vieira. La garde avait expliqué qu'il s'agissait d'un accident et démenti une tentative d'assassinat mais l'armée avait ordonné le démantèlement de la milice. Rien n'avait changé. Pour les analystes, l'instabilité politique est exacerbée par les trafiquants de drogue qui tirent avantage de la côte très découpée du pays et de ses aérodromes isolés pour acheminer leurs marchandises par bateau ou par avion. Les narcotrafiquants profitent de l'inefficacité des contrôles de police, de l'instabilité du gouvernement et de la pauvreté du pays pour mener leurs activités sans être inquiétés. Les observateurs jugent que les cartels ont les moyens financiers d'obtenir la coopération de hauts responsables de l'armée ou du gouvernement. La situation de la drogue est si grave qu'elle menace la stabilité du gouvernement, puisque les trafiquants sont parvenus à infiltrer les ministères, l'armée et la police. La Guinée-Bissau ne consomme pas beaucoup de drogue mais participe amplement à son commerce, jusqu'aux plus hautes instances de l'Etat semble-t-il.
…dans l’impunité
Le gouvernement éprouve d'énormes difficultés à payer ses fonctionnaires ou à régler les indemnités de départ des militaires de son armée pléthorique, certains soldats n'hésitent pas à accepter l'argent que leur proposent les trafiquants de drogue pour assurer leur protection, ont affirmé des sources proches du milieu de la drogue. Après la prise d'un colis de 39 millions de dollars, la plus importante réalisée dans le pays le 26 septembre 2006 et sa disparition d'un coffre du trésor public, le ministre de la Justice, Namuano Gomes, avait indiqué que le système judicaire et les forces de l'ordre du pays ne sont pas en mesure de faire face à ce problème. La guerre civile de 1999 a affaibli les institutions et il n'y a aucune coordination entre la police, le corps des gardes-frontière, la douane et l'armée. Les tonnes de cocaïne débarquant par avion ou par bateau sur le sol bissau-guinéen sont un élément supplémentaire à prendre en compte pour expliquer les derniers développements. L'écroulement prématuré du pacte de stabilité et du gouvernement de consensus de Martinho Ndafa Cabi en mars 2008 résultait déjà d'une alliance ponctuelle entre le chef de l'Etat Nino Vieira et le président du Paigc, Carlos Gomes Junior, nommé Premier ministre. Leur profonde inimitié, tout comme de probables renversements d'alliances au sein du Paigc, réservaient bien des surprises. Le sort du Premier ministre semblait être scellé avant les élections présidentielles prévues pour 2010. Les réactions à la mort du président Vieira n'ont pas tardé. Le président de la commission de l'Union africaine (UA), Jean Ping, a « condamné fermement » cet « acte criminel ». Lisbonne a également « condamné avec véhémence » les violences. Au moment où nous mettions sous presse, le pouvoir restait toujours vacant. Aucun militaire ou autre ne s'étend déclaré à la tête du pays. Selon la Constitution de Guinée-Bissau, après l'assassinat du président de la République, le président de l'Assemblée nationale est chargé de l'intérim et doit organiser une élection présidentielle dans les 60 jours.
Bakayoko Youssouf