L’ambassadeur Henri Bekallé-Akwe se prononce, dans l’entretien ci-dessous, sur la saisie des comptes de son Président, l’état de santé de la Première dame gabonaise, les relations avec la France et la crise ivoirienne.
Excellence, vous avez certainement appris dans la presse la saisie des comptes du Président Bongo en France considérée jusque-là comme un pays ami aux Etats africains et singulièrement au Gabon. Vous devez être tout à fait gêné par cette situation.
Gêné? Je ne pense pas. Je suis francophone et francophile. Je suis un ami de la France. Le Gabon, mon pays, est ami à la France. Le Président Bongo Ondimba est un grand ami de la France. Chez nous autres, les Bantous, c’est-à-dire les Nègres de l’Afrique centrale, l’amitié n’est pas un mot ; c’est une attitude.
Je ne suis pas gêné mais dépité de constater que ceux qui nous ont colonisés, qui ont coupé des bras et des têtes aux gens lors des travaux forcés, ceux-là mêmes qui nous ont appliqué le néo-colonialisme, c’est-à-dire l’exploitation abusive et outrancière voire dolosive de nos matières mais à qui nous avons conservé notre amitié quel que soit Alpha, je suis donc dépité, dis-je, de constater que l’amitié n’a point de sens.
Je ne suis pas gêné parce que la presse française a publié qu’on aurait saisi deux milliards dans les comptes du Président Bongo. Mais c’est une histoire qui fait pst, comme dirait l’autre (petit sifflement pour attirer l’attention, ndlr) parce qu’à l’allure où le Président Bongo a été vilipendé, cloué au pilori ces derniers temps par nos amis français, je croyais qu’on trouverait dans ses comptes deux mille à quatre mille milliards de francs français au lieu de deux malheureux milliards de francs Cfa.
vraiment ridicule. Deux malheureux milliards pour quelqu’un qui est depuis plus de 40 ans le Président d’un des pays les plus riches relativement de l’Afrique centrale. Il a été ministre, vice-président, etc. Cette affaire me fait rire et pleurer à la fois. Rire par rapport au ridicule et pleurer parce que je constate que malgré leur super intelligence, ils n’ont pas tout compris.
Qu’est-ce à dire?
Des étudiants gabonais sont venus me voir ce matin (vendredi dernier). Ils viennent de partir. Ils m’ont dit qu’ils veulent organiser une marche de protestation pour demander au Gabon de rompre ses relations diplomatiques avec la France et vendre désormais ses matières premières aux Etats-Unis d’Amérique en retirant tous contrats aux Français. Je leur ai dit de ne rien en faire parce que «même le Président Bongo ne vous autorisera pas à faire cela». Chez nous les Nègres, comme je le disais tantôt, l’amitié n’est pas qu’un mot; c’est une attitude.
N’est-ce pas une manière pour les amis d’hier de dire à l’Afrique que désormais priorité sera donnée au droit au détriment des amitiés… politiques?
L’amitié n’est pas que politique. C’est une attitude entière. Si vous êtres mon ami, eh ! bien vous l’êtes au sens plein du mot.
Pas au détriment du droit!
Le droit n’est pas forcement contraire ou antinomique à l’amitié. D’ailleurs, de l’amitié pourraient venir certaines clauses du droit. Le droit international public relève de l’amitié entre les Etats. Il sert à réguler les relations. Le cas qui nous intéresse actuellement est une affaire qui s’est passée au Gabon.
Un Blanc a vendu au Président gabonais une société de pêche tout à fait bidon. Il l’a floué dans cette opération dolosive. L’acheteur saisit donc la justice qui met le Blanc en détention préventive. Si le fils de ce dernier avait, au regard du droit, quelque chose à apporter pour la bonne poursuite de l’enquête, il serait venu au Gabon pour mettre cela à la disposition de la justice gabonaise.
Mais que fait-il ? Il rentre dans son pays où il va ester auprès de la justice dont il est assuré d’avance du soutien, le Président Bongo. Car pour les Blancs, il est inconcevable qu’un des leurs soit en prison en Afrique. C’est cela qui est la vérité. Et vous me parlez de droit.
Où est le droit ici lorsque c’est la personne victime d’escroquerie qui doit reverser de l’argent à l’escroc supposé ? Vous me parlez de droit ? Permettez-moi tout de même de douter de l’essence de ce droit. Est-il véritablement juste ou tordu? Nos amis Français doivent comprendre, avec toute l’amitié que je leur porte, qu’il n’est plus possible à qui que ce soit de décider à notre place de notre avenir. Le Président Bongo est président du Gabon. S’il y a quelque chose à lui reprocher, c’est aux Gabonais de le faire?
Avez-vous le sentiment qu’il y a un acharnement contre votre Président?
Mais évidemment!
Et quelles en seraient les raisons?
Je n’en sais rien. Depuis toutes ces années, Bongo était une super star en France. Mais que s’est-il passé ces derniers jours pour que, subitement, il ne soit plus la même super star? Qu’on nous dise alors ce qu’il y a. Que recherchent ceux qui jouent à ce jeu? Mais qu’ils se rassurent: si nous décidons un jour de descendre dans la rue, ce sera parce que nous l’aurons souhaité et non parce que quelqu’un nous y aura poussés. La manipulation, basta!
Ce que vous dénoncez ne donne-t-il pas raison à certains Chefs d’Etat africains, comme le Président Gbagbo, qui ont compris depuis quelque temps qu’avec les Occidentaux, il n’y a pas d’amitié mais des intérêts?
Ce sont nos amis Américains qui ont dit: «Trade and not aid» (c’est-à-dire on commerce entre partenaires ; plus question d’aide). Cela va dans le même sens. Mais tout ce que nous demandons à la France, c’est qu’elle nous respecte pour ce que nous sommes aujourd’hui. Fini le temps où l’on nous traitait comme des sous-hommes, des esclaves.
Qu’ils nous respectent de la même manière que nous les respectons.
Le Président Gbagbo, en bon visionnaire et historien, a compris cela et il essaie de faire comprendre au grand nombre. Nous demandons à être respectés comme des partenaires. Nous leur conservons notre amitié même si nous n’avons pas la leur. Je sais qu’il y a une question qui vous brûle les lèvres. C’est le patrimoine privé du Président Bongo en France.
Tout à fait! Qu’en est-il aujourd’hui?
Mais diantre! Vous rendez-vous compte que c’est au bout de 40 ans que nos amis Français découvrent subitement que le Président gabonais a un patrimoine en France. Nous, au Gabon, nous le savions depuis toujours! Pour quelqu’un qui est au pouvoir depuis plus de 40 ans, il est bien normal qu’il ait quelques pied-à-terre; qu’il y ait deux milliards de francs CFA dans ses comptes bancaires.
Si nous essayons de sortir de la logique cartésienne que nous ont enseignée ceux qui nous ont colonisés, nous verrons qu’il y a aussi la logique symbolique, formalisée, binaire, modale, mathématique. Il y a même la logique africaine fondée sur le bon sens. Nos amis Français prétendent que le Président Bongo a pris l’argent de son pays pour s’offrir des appartements en France.
Mais qui a perçu l’argent que le Président Bongo aurait déboursé pour acheter ces appartements? Les Français. Qui touche les impôts et taxes sur ces patrimoines? Les Français. Qui a même dit au Président Bongo qu’il y avait des appartements à acheter en France? Encore les Français.
Si nos amis Français décident de considérer aujourd’hui le Président Bongo Ondimba comme un détourneur de fonds publics, ils doivent alors savoir que, pour avoir reçu et gardé tout cet argent, la France est receleuse de biens mal acquis et les Français doivent venir rendre compte, à nous Gabonais. Nous allons les traîner devant les tribunaux.
Car si la justice française se donne aujourd’hui tout pouvoir pour tenter d’humilier un homme comme Bongo Ondimba, simplement parce que c’est un Nègre, je ne voudrais pas que la justice gabonaise, qui existe, se mette à son tour à enregistrer des procès contre nos amis Français au Gabon parce que, figurez-vous qu’ils ne font pas que de bonnes choses. Nous, nous avons supporté cela par amitié. Si maintenant, ils nous disent que l’amitié ne signifie rien, alors nous ferons des procès aux uns et aux autres. Et je vous assure que rien de bon n’en sortira.
Les Français ne sont-ils pas confortés dans leur position par le fait qu’au Gabon les populations sont confrontées à d’énormes difficultés d’ordre économique, financier et autres?
Il faut éviter de réfléchir comme cela parce qu’en poussant un peu plus la réflexion, nous risquons de finir par nous rendre compte que nous avons tous co-géré le Gabon y compris la France à travers ses sociétés. Cela va ouvrir la boîte de Pandore. Je me refuse à tout commentaire là-dessus.
Je me dis simplement qu’aujourd’hui, tous les Etats de ce monde ont des problèmes. C’est la nature de ces problèmes qui diffère. En Afrique, c’est la pauvreté qui sevit. Elle est endémique. Est-ce un problème de gestion? Certainement ! Y a-t-il autre chose? Certainement ! Aux Etats-Unis d’Amérique, c’est la crise financière. Puis, il y a la Guadeloupe et la Martinique qui flambent ces derniers temps chez nos amis Français.
Il y a aussi les écoles et leurs élèves qui sont dans la rue ; les mouvements sociaux. Ets-ce à dire pour autant que nos amis français ont détourné de l’argent ou qu’ils ont mal géré? Je pense que les problèmes sont inhérents aux sociétés humaines. C’est peut-être la manière de les gérer ou de les prévenir qui diffère.
Vos propos pourraient gêner vos rapports personnels avec votre homologue français, l’ambassadeur André Janier.
Cela vous préoccupe-t-il?
Pas du tout! L’ambassadeur de France en Côte d’Ivoire est un excellent diplomate, un très grand ami. Nous avons cessé d’être des émotifs et avons accepté la raison qui admet la contradiction. L’amitié est comme la confiance qui n’exclut pas le contrôle. Bien au contraire, toute bonne confiance s’accommode d’un contrôle très strict.
L’amitié qui nous lie à la France et qui me lie à l’ambassadeur de France en Côte d’Ivoire peut s’accommoder de quelques vérités en réaction à des dérapages par-ci, par-là. Nous avons les meilleurs rapports. Et puis, ce sont eux qui ont inventé la démocratie. Ils comprennent très bien que s’ils font quelque chose et que je ne suis pas d’accord, je leur rends la monnaie de leur pièce. Cela va de soi.
Excellence, le Président Bongo, comme pour donner raison à l’adage qui dit: «un malheur ne vient jamais seul », est actuellement confronté aussi à l’état de santé de son épouse. Certains confrères ont même annoncé le décès de celle-ci à Rabat.
Vous qui êtes la voix officielle du Gabon en Côte d’Ivoire, que pouvez-vous ajouter à ce qui a été dit?
Vous le dites avec la justesse qui convient. L’ambassadeur du Gabon est la voix officielle du Gabon en Côte d’Ivoire. Tant que l’ambassadeur du Gabon n’a pas donné, annoncé ou confirmé une information, elle devrait rester dans le registre des suppositions. Si nous nous plaçons sur un point de vue éthique, on ne procède pas par supputation, s’agissant de la vie et surtout du décès d’un être humain.
Ce n’est un secret pour personne. La Première dame du Gabon est souffrante. Si son état connaît une précipitation dramatique ou plutôt une évolution positive, ayons tout de même la pudeur de laisser à l’époux de cette mère de famille ou à la famille de cette épouse méritante de nous dire ce qu’il en est de l’état de santé de la malade. Ce n’est pas à nous de supputer à partir de l’internet. Depuis quand le web est-il comparable aux Saintes Ecritures de la Bible ou aux Saintes Sourates du Coran?
N’ayant pas de nouvelles, nous disons «pas de nouvelles, bonnes nouvelles» Et je puis vous dire que n’entrent dans la chambre d’hôpital de Mme Bongo que son mari, son père, sa mère et le médecin traitant. Ce sont ces quatre personnes qui peuvent nous dire exactement ce qu’il y a et non aux journalistes perchés à six mille kilomètres qui interrogent l’internet et balancent des nouvelles diffamatoires. La santé de la Première dame est statique pour l’heure. Et tous ceux qui aiment le Gabon souhaitent de tout cœur que son état s’améliore, ni plus ni moins. Voilà ce qui est la vérité. Et puis en quoi l’état de santé de la Première dame gabonaise influe-t-il sur le processus d’identification en cours en Côte d’Ivoire? Ne lâchons pas la proie pour l’ombre.
Peut-être que les confrères veulent informer l’opinion gabonaise en Côte d’Ivoire.
Mais qui est mieux placé que le mari de cette grande dame pour nous informer? C’est cela le problème.
Nous allons atterrir dans la crise ivoirienne pour vous demander pourquoi on ne vous entend plus en parler alors qu’au début, vous avez été très actif dans votre soutien à sa résolution.
Est-ce la fatigue ou le désintérêt?
Ni fatigue ni désintérêt. Au début, nous étions dans une période trouble et troublante d’ailleurs. Il importait que des voix se manifestassent aux côtés des Ivoiriens pour leur dire que nous sommes avec eux. Regardez aujourd’hui le contexte. Les choses ont changé. Ce n’est plus le moment de crier ou de gesticuler mais (le moment) de pousser en douceur. C’est l’accompagnement en douceur. Cela veut dire qu’on met un petit bémol sur les gesticulations, les incantations, etc.
Sinon, je suis toujours tout aussi soucieux de voir la Côte d’Ivoire aboutir à la fin du processus. C’est la raison pour laquelle ces temps-ci, vous me voyez chez le Chef de l’Etat, chez le Premier ministre, chez certains leaders politiques. C’est l’attitude du frère. Je ne suis nullement émoussé encore moins désintéressé et, avec moi, le Gabon et son Chef, bien évidemment.
Nous posons cette question parce que votre silence a coïncidé avec l’incident malheureux qu’il y avait eu entre les Président Bongo et Gbagbo à propos d’un terme que nous nous gardions de rappeler. D’aucuns ont même dit: «Tiens, l’ambassadeur du Gabon a pris un coup»
Voulez-vous parler du fameux terme «rigolo»? C’est une histoire à ranger au passé. Ça, ce n’est rien. Les relations entre le Président El hadj Omar Bongo Ondimba et son jeune frère, le Président Laurent Koudou Gbagbo sont excellentes. Elles sont au beau fixe. Il n’y a qu’à voir comment je suis à l’aise lorsque j’ai l’honneur de rencontrer le Chef de l’Etat. Il faut laisser au passé ce qui est au passé.
L’Ecclésiaste dit qu’il y a un temps pour tout : un temps pour naître et un temps pour mourir ; un temps pour rire et un temps pour pleurer ; un temps pour semer et un temps pour récolter ; un temps pour jeter les pierres et un temps pour les ramasser; un temps pour faire la guerre et un temps pour faire la paix. Nous accompagnons le processus pour qu’il puisse arriver à bon port.
Interview réalisée par Abel Doualy
Excellence, vous avez certainement appris dans la presse la saisie des comptes du Président Bongo en France considérée jusque-là comme un pays ami aux Etats africains et singulièrement au Gabon. Vous devez être tout à fait gêné par cette situation.
Gêné? Je ne pense pas. Je suis francophone et francophile. Je suis un ami de la France. Le Gabon, mon pays, est ami à la France. Le Président Bongo Ondimba est un grand ami de la France. Chez nous autres, les Bantous, c’est-à-dire les Nègres de l’Afrique centrale, l’amitié n’est pas un mot ; c’est une attitude.
Je ne suis pas gêné mais dépité de constater que ceux qui nous ont colonisés, qui ont coupé des bras et des têtes aux gens lors des travaux forcés, ceux-là mêmes qui nous ont appliqué le néo-colonialisme, c’est-à-dire l’exploitation abusive et outrancière voire dolosive de nos matières mais à qui nous avons conservé notre amitié quel que soit Alpha, je suis donc dépité, dis-je, de constater que l’amitié n’a point de sens.
Je ne suis pas gêné parce que la presse française a publié qu’on aurait saisi deux milliards dans les comptes du Président Bongo. Mais c’est une histoire qui fait pst, comme dirait l’autre (petit sifflement pour attirer l’attention, ndlr) parce qu’à l’allure où le Président Bongo a été vilipendé, cloué au pilori ces derniers temps par nos amis français, je croyais qu’on trouverait dans ses comptes deux mille à quatre mille milliards de francs français au lieu de deux malheureux milliards de francs Cfa.
vraiment ridicule. Deux malheureux milliards pour quelqu’un qui est depuis plus de 40 ans le Président d’un des pays les plus riches relativement de l’Afrique centrale. Il a été ministre, vice-président, etc. Cette affaire me fait rire et pleurer à la fois. Rire par rapport au ridicule et pleurer parce que je constate que malgré leur super intelligence, ils n’ont pas tout compris.
Qu’est-ce à dire?
Des étudiants gabonais sont venus me voir ce matin (vendredi dernier). Ils viennent de partir. Ils m’ont dit qu’ils veulent organiser une marche de protestation pour demander au Gabon de rompre ses relations diplomatiques avec la France et vendre désormais ses matières premières aux Etats-Unis d’Amérique en retirant tous contrats aux Français. Je leur ai dit de ne rien en faire parce que «même le Président Bongo ne vous autorisera pas à faire cela». Chez nous les Nègres, comme je le disais tantôt, l’amitié n’est pas qu’un mot; c’est une attitude.
N’est-ce pas une manière pour les amis d’hier de dire à l’Afrique que désormais priorité sera donnée au droit au détriment des amitiés… politiques?
L’amitié n’est pas que politique. C’est une attitude entière. Si vous êtres mon ami, eh ! bien vous l’êtes au sens plein du mot.
Pas au détriment du droit!
Le droit n’est pas forcement contraire ou antinomique à l’amitié. D’ailleurs, de l’amitié pourraient venir certaines clauses du droit. Le droit international public relève de l’amitié entre les Etats. Il sert à réguler les relations. Le cas qui nous intéresse actuellement est une affaire qui s’est passée au Gabon.
Un Blanc a vendu au Président gabonais une société de pêche tout à fait bidon. Il l’a floué dans cette opération dolosive. L’acheteur saisit donc la justice qui met le Blanc en détention préventive. Si le fils de ce dernier avait, au regard du droit, quelque chose à apporter pour la bonne poursuite de l’enquête, il serait venu au Gabon pour mettre cela à la disposition de la justice gabonaise.
Mais que fait-il ? Il rentre dans son pays où il va ester auprès de la justice dont il est assuré d’avance du soutien, le Président Bongo. Car pour les Blancs, il est inconcevable qu’un des leurs soit en prison en Afrique. C’est cela qui est la vérité. Et vous me parlez de droit.
Où est le droit ici lorsque c’est la personne victime d’escroquerie qui doit reverser de l’argent à l’escroc supposé ? Vous me parlez de droit ? Permettez-moi tout de même de douter de l’essence de ce droit. Est-il véritablement juste ou tordu? Nos amis Français doivent comprendre, avec toute l’amitié que je leur porte, qu’il n’est plus possible à qui que ce soit de décider à notre place de notre avenir. Le Président Bongo est président du Gabon. S’il y a quelque chose à lui reprocher, c’est aux Gabonais de le faire?
Avez-vous le sentiment qu’il y a un acharnement contre votre Président?
Mais évidemment!
Et quelles en seraient les raisons?
Je n’en sais rien. Depuis toutes ces années, Bongo était une super star en France. Mais que s’est-il passé ces derniers jours pour que, subitement, il ne soit plus la même super star? Qu’on nous dise alors ce qu’il y a. Que recherchent ceux qui jouent à ce jeu? Mais qu’ils se rassurent: si nous décidons un jour de descendre dans la rue, ce sera parce que nous l’aurons souhaité et non parce que quelqu’un nous y aura poussés. La manipulation, basta!
Ce que vous dénoncez ne donne-t-il pas raison à certains Chefs d’Etat africains, comme le Président Gbagbo, qui ont compris depuis quelque temps qu’avec les Occidentaux, il n’y a pas d’amitié mais des intérêts?
Ce sont nos amis Américains qui ont dit: «Trade and not aid» (c’est-à-dire on commerce entre partenaires ; plus question d’aide). Cela va dans le même sens. Mais tout ce que nous demandons à la France, c’est qu’elle nous respecte pour ce que nous sommes aujourd’hui. Fini le temps où l’on nous traitait comme des sous-hommes, des esclaves.
Qu’ils nous respectent de la même manière que nous les respectons.
Le Président Gbagbo, en bon visionnaire et historien, a compris cela et il essaie de faire comprendre au grand nombre. Nous demandons à être respectés comme des partenaires. Nous leur conservons notre amitié même si nous n’avons pas la leur. Je sais qu’il y a une question qui vous brûle les lèvres. C’est le patrimoine privé du Président Bongo en France.
Tout à fait! Qu’en est-il aujourd’hui?
Mais diantre! Vous rendez-vous compte que c’est au bout de 40 ans que nos amis Français découvrent subitement que le Président gabonais a un patrimoine en France. Nous, au Gabon, nous le savions depuis toujours! Pour quelqu’un qui est au pouvoir depuis plus de 40 ans, il est bien normal qu’il ait quelques pied-à-terre; qu’il y ait deux milliards de francs CFA dans ses comptes bancaires.
Si nous essayons de sortir de la logique cartésienne que nous ont enseignée ceux qui nous ont colonisés, nous verrons qu’il y a aussi la logique symbolique, formalisée, binaire, modale, mathématique. Il y a même la logique africaine fondée sur le bon sens. Nos amis Français prétendent que le Président Bongo a pris l’argent de son pays pour s’offrir des appartements en France.
Mais qui a perçu l’argent que le Président Bongo aurait déboursé pour acheter ces appartements? Les Français. Qui touche les impôts et taxes sur ces patrimoines? Les Français. Qui a même dit au Président Bongo qu’il y avait des appartements à acheter en France? Encore les Français.
Si nos amis Français décident de considérer aujourd’hui le Président Bongo Ondimba comme un détourneur de fonds publics, ils doivent alors savoir que, pour avoir reçu et gardé tout cet argent, la France est receleuse de biens mal acquis et les Français doivent venir rendre compte, à nous Gabonais. Nous allons les traîner devant les tribunaux.
Car si la justice française se donne aujourd’hui tout pouvoir pour tenter d’humilier un homme comme Bongo Ondimba, simplement parce que c’est un Nègre, je ne voudrais pas que la justice gabonaise, qui existe, se mette à son tour à enregistrer des procès contre nos amis Français au Gabon parce que, figurez-vous qu’ils ne font pas que de bonnes choses. Nous, nous avons supporté cela par amitié. Si maintenant, ils nous disent que l’amitié ne signifie rien, alors nous ferons des procès aux uns et aux autres. Et je vous assure que rien de bon n’en sortira.
Les Français ne sont-ils pas confortés dans leur position par le fait qu’au Gabon les populations sont confrontées à d’énormes difficultés d’ordre économique, financier et autres?
Il faut éviter de réfléchir comme cela parce qu’en poussant un peu plus la réflexion, nous risquons de finir par nous rendre compte que nous avons tous co-géré le Gabon y compris la France à travers ses sociétés. Cela va ouvrir la boîte de Pandore. Je me refuse à tout commentaire là-dessus.
Je me dis simplement qu’aujourd’hui, tous les Etats de ce monde ont des problèmes. C’est la nature de ces problèmes qui diffère. En Afrique, c’est la pauvreté qui sevit. Elle est endémique. Est-ce un problème de gestion? Certainement ! Y a-t-il autre chose? Certainement ! Aux Etats-Unis d’Amérique, c’est la crise financière. Puis, il y a la Guadeloupe et la Martinique qui flambent ces derniers temps chez nos amis Français.
Il y a aussi les écoles et leurs élèves qui sont dans la rue ; les mouvements sociaux. Ets-ce à dire pour autant que nos amis français ont détourné de l’argent ou qu’ils ont mal géré? Je pense que les problèmes sont inhérents aux sociétés humaines. C’est peut-être la manière de les gérer ou de les prévenir qui diffère.
Vos propos pourraient gêner vos rapports personnels avec votre homologue français, l’ambassadeur André Janier.
Cela vous préoccupe-t-il?
Pas du tout! L’ambassadeur de France en Côte d’Ivoire est un excellent diplomate, un très grand ami. Nous avons cessé d’être des émotifs et avons accepté la raison qui admet la contradiction. L’amitié est comme la confiance qui n’exclut pas le contrôle. Bien au contraire, toute bonne confiance s’accommode d’un contrôle très strict.
L’amitié qui nous lie à la France et qui me lie à l’ambassadeur de France en Côte d’Ivoire peut s’accommoder de quelques vérités en réaction à des dérapages par-ci, par-là. Nous avons les meilleurs rapports. Et puis, ce sont eux qui ont inventé la démocratie. Ils comprennent très bien que s’ils font quelque chose et que je ne suis pas d’accord, je leur rends la monnaie de leur pièce. Cela va de soi.
Excellence, le Président Bongo, comme pour donner raison à l’adage qui dit: «un malheur ne vient jamais seul », est actuellement confronté aussi à l’état de santé de son épouse. Certains confrères ont même annoncé le décès de celle-ci à Rabat.
Vous qui êtes la voix officielle du Gabon en Côte d’Ivoire, que pouvez-vous ajouter à ce qui a été dit?
Vous le dites avec la justesse qui convient. L’ambassadeur du Gabon est la voix officielle du Gabon en Côte d’Ivoire. Tant que l’ambassadeur du Gabon n’a pas donné, annoncé ou confirmé une information, elle devrait rester dans le registre des suppositions. Si nous nous plaçons sur un point de vue éthique, on ne procède pas par supputation, s’agissant de la vie et surtout du décès d’un être humain.
Ce n’est un secret pour personne. La Première dame du Gabon est souffrante. Si son état connaît une précipitation dramatique ou plutôt une évolution positive, ayons tout de même la pudeur de laisser à l’époux de cette mère de famille ou à la famille de cette épouse méritante de nous dire ce qu’il en est de l’état de santé de la malade. Ce n’est pas à nous de supputer à partir de l’internet. Depuis quand le web est-il comparable aux Saintes Ecritures de la Bible ou aux Saintes Sourates du Coran?
N’ayant pas de nouvelles, nous disons «pas de nouvelles, bonnes nouvelles» Et je puis vous dire que n’entrent dans la chambre d’hôpital de Mme Bongo que son mari, son père, sa mère et le médecin traitant. Ce sont ces quatre personnes qui peuvent nous dire exactement ce qu’il y a et non aux journalistes perchés à six mille kilomètres qui interrogent l’internet et balancent des nouvelles diffamatoires. La santé de la Première dame est statique pour l’heure. Et tous ceux qui aiment le Gabon souhaitent de tout cœur que son état s’améliore, ni plus ni moins. Voilà ce qui est la vérité. Et puis en quoi l’état de santé de la Première dame gabonaise influe-t-il sur le processus d’identification en cours en Côte d’Ivoire? Ne lâchons pas la proie pour l’ombre.
Peut-être que les confrères veulent informer l’opinion gabonaise en Côte d’Ivoire.
Mais qui est mieux placé que le mari de cette grande dame pour nous informer? C’est cela le problème.
Nous allons atterrir dans la crise ivoirienne pour vous demander pourquoi on ne vous entend plus en parler alors qu’au début, vous avez été très actif dans votre soutien à sa résolution.
Est-ce la fatigue ou le désintérêt?
Ni fatigue ni désintérêt. Au début, nous étions dans une période trouble et troublante d’ailleurs. Il importait que des voix se manifestassent aux côtés des Ivoiriens pour leur dire que nous sommes avec eux. Regardez aujourd’hui le contexte. Les choses ont changé. Ce n’est plus le moment de crier ou de gesticuler mais (le moment) de pousser en douceur. C’est l’accompagnement en douceur. Cela veut dire qu’on met un petit bémol sur les gesticulations, les incantations, etc.
Sinon, je suis toujours tout aussi soucieux de voir la Côte d’Ivoire aboutir à la fin du processus. C’est la raison pour laquelle ces temps-ci, vous me voyez chez le Chef de l’Etat, chez le Premier ministre, chez certains leaders politiques. C’est l’attitude du frère. Je ne suis nullement émoussé encore moins désintéressé et, avec moi, le Gabon et son Chef, bien évidemment.
Nous posons cette question parce que votre silence a coïncidé avec l’incident malheureux qu’il y avait eu entre les Président Bongo et Gbagbo à propos d’un terme que nous nous gardions de rappeler. D’aucuns ont même dit: «Tiens, l’ambassadeur du Gabon a pris un coup»
Voulez-vous parler du fameux terme «rigolo»? C’est une histoire à ranger au passé. Ça, ce n’est rien. Les relations entre le Président El hadj Omar Bongo Ondimba et son jeune frère, le Président Laurent Koudou Gbagbo sont excellentes. Elles sont au beau fixe. Il n’y a qu’à voir comment je suis à l’aise lorsque j’ai l’honneur de rencontrer le Chef de l’Etat. Il faut laisser au passé ce qui est au passé.
L’Ecclésiaste dit qu’il y a un temps pour tout : un temps pour naître et un temps pour mourir ; un temps pour rire et un temps pour pleurer ; un temps pour semer et un temps pour récolter ; un temps pour jeter les pierres et un temps pour les ramasser; un temps pour faire la guerre et un temps pour faire la paix. Nous accompagnons le processus pour qu’il puisse arriver à bon port.
Interview réalisée par Abel Doualy