Le Président Vieira a été assassiné, hier, à l’aube, après le chef d’état-major,
le général Batista Tagné Na Waï, la veille. Le pays plonge ainsi dans une période d’incertitudes.
Le président bissau-guinéen Joao Bernardo Vieira a été tué lundi à 4 heures du matin par des militaires en représailles à un attentat à la bombe qui a coûté la vie, dimanche, à 20 heures, au général Batista Tagné Na Waië, chef d’état-major des forces armées. Joao Vieira meurt à 69 ans après avoir passé quasiment 23 ans à la tête de la Guinée-Bissau. Il avait été réélu à la présidence de son pays en 2005, neuf ans après la fin de la guerre civile (1998-1999) qui l’avait chassé du pouvoir. Pour nombre d’observateurs de la situation politique dans ce pays, les événements survenus étaient prévisibles. Le porte-parole de l’armée bissau-guinéenne, le capitaine de frégate Zamora Induta, a affirmé lundi dans l’après-midi que l’assassinat du président ne «constituait pas un coup d’Etat». Le défunt chef d’état-major des forces bissau-guinéennes Tagne, ne disait-il pas toujours que «son sort et celui du président étaient liés et que s’il devait mourir, le président ne tarderait pas à suivre»? Le général Na Waï avait fait partie de la junte qui avait renversé, dans les années 1990, Joao Bernardo Vieira, alors dirigeant militaire.
C’est dire combien les forces armées sont profondément politisées et divisées en fractions rivales.
Comment pouvait-il en être autrement dans un pays qui a pu arracher son indépendance en 1974 grâce à un mouvement de libération?
Généralement dans ces pays, l’armée a du mal à se confiner dans son rôle premier et laisser les politiques exercer le pouvoir. La Guinée-Bissau n’a pu faire exception à cette règle. Ce pays est régulièrement le théâtre de coups d’Etat et de conflits. Le poids de l’armée dans la vie du pays est important et on se souvient que Nino Vieira, chassé du pouvoir par la guerre civile, a dû renoncer au pouvoir avant la fin de son mandat parce que ses dissensions avec son chef d’état-major Assouman Mané, étaient très profondes et que des menaces sérieuses d’assassinat pesaient sur lui. Ces attentats meurtriers qui se sont produits ce week-end viennent après d’autres actes de violences commis ces quatre derniers mois dans un contexte de profondes divergences entre l’armée, la présidence et le ministère de l’intérieur.
Début janvier, une grave crise a opposé l’armée à la garde présidentielle Aguentas, une milice de 400 hommes recrutés par le ministre de l’Intérieur après une attaque de soldats dissidents contre la résidence du chef de l’Etat le 23 novembre 2008. Cette attaque avait fait deux morts au sein de la garde. Des membres de la milice avaient alors tiré, sans le toucher, sur le général Na Waï, toujours très critique vis-à-vis du président Vieira. Trois soldats avaient été ensuite arrêtés. Ils appartenaient à un groupe nommé «Aguentas», formé à Conakry pendant la guerre civile de 1998-1999 en Guinée-Bissau pour soutenir le président «Nino». Ce dernier, qui faisait alors face à un soulèvement d’une partie de son armée. Coups d’Etat, tentatives de coups de force et mutineries ont ponctué l’histoire de la Guinée-Bissau.
Nino Vieira, qui pour des raisons de bonne gouvernance et dans le souci de lutter contre la pauvreté, a initié des réformes qui devaient entraîner la réduction des effectifs des armées et rééquilibrer quelque peu le budget de l’Etat, s’était certainement mis les militaires à dos. Avec quels moyens aurait-il pu faire le développement et exécuter son programme de gouvernement et projet de société au profit des populations? La mission de sensibilisation et de persuasion de l’Onu n’a pas produit les effets escomptés. Les militaires n’étaient pas près de perdre des privilèges acquis du fait de la guerre de libération. Cette instabilité politique, selon certains analystes, est par ailleurs exacerbée par le règne des narcotrafiquants qui font véritablement fortune.
Ces trafiquants tirent avantage de la côte très découpée du pays et de ses aérodromes isolés pour acheminer leurs marchandises par bateau ou par avion. Faisant de ce pays de l’Afrique de l’Ouest une des plaques tournantes du trafic de cocaïne de l’Amérique du Sud vers l’Europe. Ces observateurs jugent que les cartels ont les moyens financiers d’obtenir la coopération de hauts responsables de l’armée ou du gouvernement.
Les militaires, devenus les nouveaux maîtres du pays depuis le coup d’Etat, ont promis de respecter «l’ordre constitutionnel et la démocratie». Les condamnations de principe ont été enregistrées. La Cedeao, par la voix du président de la Commission, a déploré l’assassinat de la démocratie. Le Conseil de paix et de Sécurité de l’Union Africaine tient aujourd’hui une réunion extraordinaire sur la situation en Guinée-Bissau. Pour le président de la Commission de l’UA, Ping la constitution prévoit les cas de vacance du pouvoir. Les termes de la constitution doivent être respectées. Selon la constitution, le président de l’Assemblée nationale Raimundo Perreira est chargé d’assurer l’intérim et d’organiser une présidentielle dans les 60 jours, a précisé à Bissau, le juriste Victor Vamain. Interrogé sur la situation à Bissau, Jean Ping a expliqué que «la situation semble encore confuse, mais apparemment tout ceci a été organisé par l’armée. C’est un coup d’Etat». Les Etats-Unis, la France, l’Union européenne et la Francophonie ont condamné le coup d’Etat. Le Portugal, l’ancienne puissance colonisatrice, s’est dit «disponible pour aider les autorités» de Guinée-Bissau «à maintenir l’ordre et la tranquillité».
Le Premier ministre du Portugal a condamné «les actes de violence qui ont été à l’origine de cet assassinat barbare, ainsi que ceux qui ont été à l’origine de la mort du chef d’état-major général des Forces armées». Regrettable tout simplement pour l’Afrique, seul continent où sévissent encore les coups d’Etat. L’Amérique du Sud a intégré les instruments de la démocratie et renouvelle ses instances dirigeantes par le jeu de l’alternance démocratique. La Bolivie qui a connu 18 coups d’Etat, est un modèle démocratique aujourd’hui.
Franck A. Zagbayou
le général Batista Tagné Na Waï, la veille. Le pays plonge ainsi dans une période d’incertitudes.
Le président bissau-guinéen Joao Bernardo Vieira a été tué lundi à 4 heures du matin par des militaires en représailles à un attentat à la bombe qui a coûté la vie, dimanche, à 20 heures, au général Batista Tagné Na Waië, chef d’état-major des forces armées. Joao Vieira meurt à 69 ans après avoir passé quasiment 23 ans à la tête de la Guinée-Bissau. Il avait été réélu à la présidence de son pays en 2005, neuf ans après la fin de la guerre civile (1998-1999) qui l’avait chassé du pouvoir. Pour nombre d’observateurs de la situation politique dans ce pays, les événements survenus étaient prévisibles. Le porte-parole de l’armée bissau-guinéenne, le capitaine de frégate Zamora Induta, a affirmé lundi dans l’après-midi que l’assassinat du président ne «constituait pas un coup d’Etat». Le défunt chef d’état-major des forces bissau-guinéennes Tagne, ne disait-il pas toujours que «son sort et celui du président étaient liés et que s’il devait mourir, le président ne tarderait pas à suivre»? Le général Na Waï avait fait partie de la junte qui avait renversé, dans les années 1990, Joao Bernardo Vieira, alors dirigeant militaire.
C’est dire combien les forces armées sont profondément politisées et divisées en fractions rivales.
Comment pouvait-il en être autrement dans un pays qui a pu arracher son indépendance en 1974 grâce à un mouvement de libération?
Généralement dans ces pays, l’armée a du mal à se confiner dans son rôle premier et laisser les politiques exercer le pouvoir. La Guinée-Bissau n’a pu faire exception à cette règle. Ce pays est régulièrement le théâtre de coups d’Etat et de conflits. Le poids de l’armée dans la vie du pays est important et on se souvient que Nino Vieira, chassé du pouvoir par la guerre civile, a dû renoncer au pouvoir avant la fin de son mandat parce que ses dissensions avec son chef d’état-major Assouman Mané, étaient très profondes et que des menaces sérieuses d’assassinat pesaient sur lui. Ces attentats meurtriers qui se sont produits ce week-end viennent après d’autres actes de violences commis ces quatre derniers mois dans un contexte de profondes divergences entre l’armée, la présidence et le ministère de l’intérieur.
Début janvier, une grave crise a opposé l’armée à la garde présidentielle Aguentas, une milice de 400 hommes recrutés par le ministre de l’Intérieur après une attaque de soldats dissidents contre la résidence du chef de l’Etat le 23 novembre 2008. Cette attaque avait fait deux morts au sein de la garde. Des membres de la milice avaient alors tiré, sans le toucher, sur le général Na Waï, toujours très critique vis-à-vis du président Vieira. Trois soldats avaient été ensuite arrêtés. Ils appartenaient à un groupe nommé «Aguentas», formé à Conakry pendant la guerre civile de 1998-1999 en Guinée-Bissau pour soutenir le président «Nino». Ce dernier, qui faisait alors face à un soulèvement d’une partie de son armée. Coups d’Etat, tentatives de coups de force et mutineries ont ponctué l’histoire de la Guinée-Bissau.
Nino Vieira, qui pour des raisons de bonne gouvernance et dans le souci de lutter contre la pauvreté, a initié des réformes qui devaient entraîner la réduction des effectifs des armées et rééquilibrer quelque peu le budget de l’Etat, s’était certainement mis les militaires à dos. Avec quels moyens aurait-il pu faire le développement et exécuter son programme de gouvernement et projet de société au profit des populations? La mission de sensibilisation et de persuasion de l’Onu n’a pas produit les effets escomptés. Les militaires n’étaient pas près de perdre des privilèges acquis du fait de la guerre de libération. Cette instabilité politique, selon certains analystes, est par ailleurs exacerbée par le règne des narcotrafiquants qui font véritablement fortune.
Ces trafiquants tirent avantage de la côte très découpée du pays et de ses aérodromes isolés pour acheminer leurs marchandises par bateau ou par avion. Faisant de ce pays de l’Afrique de l’Ouest une des plaques tournantes du trafic de cocaïne de l’Amérique du Sud vers l’Europe. Ces observateurs jugent que les cartels ont les moyens financiers d’obtenir la coopération de hauts responsables de l’armée ou du gouvernement.
Les militaires, devenus les nouveaux maîtres du pays depuis le coup d’Etat, ont promis de respecter «l’ordre constitutionnel et la démocratie». Les condamnations de principe ont été enregistrées. La Cedeao, par la voix du président de la Commission, a déploré l’assassinat de la démocratie. Le Conseil de paix et de Sécurité de l’Union Africaine tient aujourd’hui une réunion extraordinaire sur la situation en Guinée-Bissau. Pour le président de la Commission de l’UA, Ping la constitution prévoit les cas de vacance du pouvoir. Les termes de la constitution doivent être respectées. Selon la constitution, le président de l’Assemblée nationale Raimundo Perreira est chargé d’assurer l’intérim et d’organiser une présidentielle dans les 60 jours, a précisé à Bissau, le juriste Victor Vamain. Interrogé sur la situation à Bissau, Jean Ping a expliqué que «la situation semble encore confuse, mais apparemment tout ceci a été organisé par l’armée. C’est un coup d’Etat». Les Etats-Unis, la France, l’Union européenne et la Francophonie ont condamné le coup d’Etat. Le Portugal, l’ancienne puissance colonisatrice, s’est dit «disponible pour aider les autorités» de Guinée-Bissau «à maintenir l’ordre et la tranquillité».
Le Premier ministre du Portugal a condamné «les actes de violence qui ont été à l’origine de cet assassinat barbare, ainsi que ceux qui ont été à l’origine de la mort du chef d’état-major général des Forces armées». Regrettable tout simplement pour l’Afrique, seul continent où sévissent encore les coups d’Etat. L’Amérique du Sud a intégré les instruments de la démocratie et renouvelle ses instances dirigeantes par le jeu de l’alternance démocratique. La Bolivie qui a connu 18 coups d’Etat, est un modèle démocratique aujourd’hui.
Franck A. Zagbayou