Les opérateurs du secteur industriels sont excédés par les dysfonctionnements de l’appareil judiciaire. Ils ont presqu’explosé hier face à la menace que cela constitue pour l’activité économique.
Le secteur privé a décidé de frapper dans le mille. Pour fustiger les dérives et les incongruités qui minent l’appareil judiciaire. L’environnement juridique qui doit être le pilier et le catalyseur du développement des affaires, semble se muer en un cauchemar pour les opérateurs économiques. Apeurés ceux-ci perdent davantage confiance. Toute chose qui n’est pas de nature à favoriser les investissements. Selon le président de l’Union des grandes entreprises industrielles de Côte d’Ivoire (Uge-ci) Angora Tano, les multiples dysfonctionnements de l’appareil judiciaire qui se déclinent en divers points, causent malheureusement l’insécurité économique. En effet, la lenteur dans l’examen des dossiers et des décisions de justice se traduit par la fréquence des reports d’audience, les renvois, «devenus des faits coutumiers des tribunaux.»
Un tableau noir
Les nombreuses décisions «iniques » et «arbitraires » rendues par certains magistrats «en toute tranquillité» sans être inquiétés, la perte des dossiers voire leur disparition qui pénalise en temps et en coûts le justiciable, les difficultés d’exécution des décisions qui paralysent l’activité économique, la présence de nombreux démarcheurs au sein des « palais de justice qui travaillent sous la protection des magistrats» sont des récriminations qui, au yeux du responsable national des industriels, doivent être corrigées au plus vite.
Mieux, il a fustigé la corruption qui gangrène l’administration. Surtout qu’elle est parfois orchestrée par des « auxiliaires de justice véreux » au service de « clients peu scrupuleux » des règles de droit. «La non transparence du système sape la confiance des opérateurs dans leur administration judiciaire, crée un climat de méfiance du fait de l’imprévisibilité des décisions et de leurs coûts », a dénoncé Angora Tano, à l’occasion des «Journées de la justice» initiées par l’Uge-ci et qui se tiennent depuis hier à Abidjan. Des griefs exposés comme un réquisitoire en règle. Même si l’industriel précise qu’au sein du système judiciaire, il se trouve des magistrats et auxiliaires de justice «qui travaillent dans l’exemplarité et avec probité.» A l’en croire, le rapport Doing business (qui évalue la facilité des affaires dans un pays) de la Banque mondiale est éloquent puisqu’en 2009, la Côte d’Ivoire (155ème sur 171 en 2008) a reculé pour se placer à la 161ème sur 181 pays classés. A ce niveau, l’Indice de protection des investisseurs qui évalue la transparence des transactions entre les actionnaires, plaçait Abidjan au 147ème rang. Quant à l’Indice de perception de la corruption (Ipc 2008), sur une échelle de 0 (degré le plus élevé de corruption) à 10 (degré le plus élevé d’intégrité), la Côte d’Ivoire atteignait le score 2. Comparativement à Singapour qui était à 9,2. «L’insécurité judiciaire crée un climat propice à la fraude, à la contrefaçon et à la concurrence déloyale qui pénalisent nos entreprises », a tempêté M. Tano. Me Charles NGuini, président de Transparency international Cameroun a enfoncé le clou. Pour lui, au niveau de l’Ipc, le meilleur classement de la Côte d’Ivoire a été celui de 1997 avec une note de 3,1 sur 10. Ce qui induit une corruption endémique. «Or les systèmes judiciaires qui souffrent de corruption systémique se retrouvent dans les sociétés où l’ensemble du secteur public est affecté par une corruption généralisée», a-t-il indiqué, avant d’enchaîner que, bien qu’étant spécifique à chaque pays, la corruption judiciaire qui revêt des formes aussi nombreuses que variées, dépend des facteurs juridiques, sociaux, culturels, économiques et politiques.
La chasse aux mauvais juges
Comme problèmes identifiés, il s’agit des nominations judiciaires : «Le fait de ne pas nommer les juges au mérite favorise trop souvent la sélection de juges influençables et corruptibles.». Des conditions de travail : les petits salaires et l’arbitraire des procédures de nomination, de mutation et d’avancement ainsi que le manque de formation continue du personnel. Une réserve à ce niveau. «En Géorgie où les salaires des magistrats ont été augmentés de 400%, il n’y a aucun résultat visible », s’est inquiété Me NGuini.
L’absence de transparence et la question de l’obligation de rendre compte à travers l’inefficacité ou l’absence de procédure disciplinaire à l’encontre des magistrats corrompus ou incompétents plombent le système. «L’indépendance judiciaire tant réclamée n’est pas sans contrepartie », a-t-il insisté avant de proposer une démarche holistique et une approche systémique pour amener l’appareil juridique à dire le droit. M. Koné Mamadou, ministre de la Justice, garde des Sceaux, représentant le Premier ministre, a noté que l’environnement judiciaire constitue une préoccupation pour les opérateurs économiques et pourrait brider la croissance économique. A tort ou à raison, dit-il, «notre justice fait l’objet de beaucoup de critiques avec des auteurs qui ont varié avec le temps ». En effet, à l’origine et pendant des décennies, c’est la frange la «plus humble» de la société qui accusait la justice d’être celle des forts. Aujourd’hui, une situation inverse se présente. «Ce sont les plus puissants qui reprochent à la justice de s’être muée en Robin des bois des temps nouveaux, qui détrousse les nantis pour donner aux pauvres, en n’oubliant pas de se servir au passage», a soutenu le ministre de la Justice qui précise qu’il est donc urgent de prendre des mesures vigoureuses afin d’améliorer et donner ainsi les meilleurs atouts à notre économie. «J’ouvrirai la chasse aux mauvais juges», a averti Koné Mamadou. Concluant que le temps du silence est révolu.
Cissé Cheick Ely
Le secteur privé a décidé de frapper dans le mille. Pour fustiger les dérives et les incongruités qui minent l’appareil judiciaire. L’environnement juridique qui doit être le pilier et le catalyseur du développement des affaires, semble se muer en un cauchemar pour les opérateurs économiques. Apeurés ceux-ci perdent davantage confiance. Toute chose qui n’est pas de nature à favoriser les investissements. Selon le président de l’Union des grandes entreprises industrielles de Côte d’Ivoire (Uge-ci) Angora Tano, les multiples dysfonctionnements de l’appareil judiciaire qui se déclinent en divers points, causent malheureusement l’insécurité économique. En effet, la lenteur dans l’examen des dossiers et des décisions de justice se traduit par la fréquence des reports d’audience, les renvois, «devenus des faits coutumiers des tribunaux.»
Un tableau noir
Les nombreuses décisions «iniques » et «arbitraires » rendues par certains magistrats «en toute tranquillité» sans être inquiétés, la perte des dossiers voire leur disparition qui pénalise en temps et en coûts le justiciable, les difficultés d’exécution des décisions qui paralysent l’activité économique, la présence de nombreux démarcheurs au sein des « palais de justice qui travaillent sous la protection des magistrats» sont des récriminations qui, au yeux du responsable national des industriels, doivent être corrigées au plus vite.
Mieux, il a fustigé la corruption qui gangrène l’administration. Surtout qu’elle est parfois orchestrée par des « auxiliaires de justice véreux » au service de « clients peu scrupuleux » des règles de droit. «La non transparence du système sape la confiance des opérateurs dans leur administration judiciaire, crée un climat de méfiance du fait de l’imprévisibilité des décisions et de leurs coûts », a dénoncé Angora Tano, à l’occasion des «Journées de la justice» initiées par l’Uge-ci et qui se tiennent depuis hier à Abidjan. Des griefs exposés comme un réquisitoire en règle. Même si l’industriel précise qu’au sein du système judiciaire, il se trouve des magistrats et auxiliaires de justice «qui travaillent dans l’exemplarité et avec probité.» A l’en croire, le rapport Doing business (qui évalue la facilité des affaires dans un pays) de la Banque mondiale est éloquent puisqu’en 2009, la Côte d’Ivoire (155ème sur 171 en 2008) a reculé pour se placer à la 161ème sur 181 pays classés. A ce niveau, l’Indice de protection des investisseurs qui évalue la transparence des transactions entre les actionnaires, plaçait Abidjan au 147ème rang. Quant à l’Indice de perception de la corruption (Ipc 2008), sur une échelle de 0 (degré le plus élevé de corruption) à 10 (degré le plus élevé d’intégrité), la Côte d’Ivoire atteignait le score 2. Comparativement à Singapour qui était à 9,2. «L’insécurité judiciaire crée un climat propice à la fraude, à la contrefaçon et à la concurrence déloyale qui pénalisent nos entreprises », a tempêté M. Tano. Me Charles NGuini, président de Transparency international Cameroun a enfoncé le clou. Pour lui, au niveau de l’Ipc, le meilleur classement de la Côte d’Ivoire a été celui de 1997 avec une note de 3,1 sur 10. Ce qui induit une corruption endémique. «Or les systèmes judiciaires qui souffrent de corruption systémique se retrouvent dans les sociétés où l’ensemble du secteur public est affecté par une corruption généralisée», a-t-il indiqué, avant d’enchaîner que, bien qu’étant spécifique à chaque pays, la corruption judiciaire qui revêt des formes aussi nombreuses que variées, dépend des facteurs juridiques, sociaux, culturels, économiques et politiques.
La chasse aux mauvais juges
Comme problèmes identifiés, il s’agit des nominations judiciaires : «Le fait de ne pas nommer les juges au mérite favorise trop souvent la sélection de juges influençables et corruptibles.». Des conditions de travail : les petits salaires et l’arbitraire des procédures de nomination, de mutation et d’avancement ainsi que le manque de formation continue du personnel. Une réserve à ce niveau. «En Géorgie où les salaires des magistrats ont été augmentés de 400%, il n’y a aucun résultat visible », s’est inquiété Me NGuini.
L’absence de transparence et la question de l’obligation de rendre compte à travers l’inefficacité ou l’absence de procédure disciplinaire à l’encontre des magistrats corrompus ou incompétents plombent le système. «L’indépendance judiciaire tant réclamée n’est pas sans contrepartie », a-t-il insisté avant de proposer une démarche holistique et une approche systémique pour amener l’appareil juridique à dire le droit. M. Koné Mamadou, ministre de la Justice, garde des Sceaux, représentant le Premier ministre, a noté que l’environnement judiciaire constitue une préoccupation pour les opérateurs économiques et pourrait brider la croissance économique. A tort ou à raison, dit-il, «notre justice fait l’objet de beaucoup de critiques avec des auteurs qui ont varié avec le temps ». En effet, à l’origine et pendant des décennies, c’est la frange la «plus humble» de la société qui accusait la justice d’être celle des forts. Aujourd’hui, une situation inverse se présente. «Ce sont les plus puissants qui reprochent à la justice de s’être muée en Robin des bois des temps nouveaux, qui détrousse les nantis pour donner aux pauvres, en n’oubliant pas de se servir au passage», a soutenu le ministre de la Justice qui précise qu’il est donc urgent de prendre des mesures vigoureuses afin d’améliorer et donner ainsi les meilleurs atouts à notre économie. «J’ouvrirai la chasse aux mauvais juges», a averti Koné Mamadou. Concluant que le temps du silence est révolu.
Cissé Cheick Ely