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Necrologie Publié le jeudi 12 mars 2009 | L’intelligent d’Abidjan

Ali Kéïta rend hommage à Djegou «Bââ’hi» : "Tu n`es resté ce que tu étais grâce aux valeurs que tu as défendues"

Tu m'appelais Fakoli Daba de mon nom de plume à l'époque,

Je t'appelais « Bââ'hi »

Et Tu me disais que tu appréciais cette manie de prononcer ton nom,

Et Tu ajoutais, flatté, que j'étais le seul qui prononçait correctement ton nom, en Bété s'entend. J'aurais voulu continuer de t'appeler ainsi;

Seulement voici que depuis quelques jours, Gbizi (le hibou), l'oiseau de mauvaise augure venait toutes les nuits sur mon toit, imiter dans les ténèbres, les râles de celui qui expie ; Pendant ces nuits lugubres, ces râles qui n'auguraient rien de bon m'angoissaient. Malheureusement je n'ai pas su lire le message de Gbizi jusqu'à l'annonce fatale.

« Bââ'hi »,

Al' aube du multipartisme, tôt avec Lapké Raphael, tu avais scruté « LE NOUVEL HORIZON» qui se dessinait;

Alors tu nous a dit que c'était« NOTRE TEMPS» et qu'il fallait y aller; Et enfin« LE JOUR» se pointa avec ses incertitudes et ses espérances; Avec cœur, tu travaillas à la naissance d'un monde nouveau, tout exigeant de nous tes compagnons, ce que nous avions de meilleur.

« Bââ'hi »,

Tu aurais pu être Djédjé (l 'lroko), sacré, imposant, puissant, mystique, rayonnant, trônant comme le mâle de tous les paons au plumage multicolore. Tu aurais pu être le Dôpé (le rossignol) claironnant jours et nuits, louanges et panégyriques Ou simplement peut-être «Bââ », t'auto-contemplant dans le beau des vertus ancestrales, l'esthétique de l'éthique bété.

Personne n'aurait eu à redire.

ET pourtant tu as préféré être «Gôlô» (le palmier), cet arbuste radieux de notre luxuriante végétation.

«Gôlô », le palmier, cet arbuste que personne en réalité n'entretient mais qui entretient tout le monde;

« Gôlô » le généreux, qui donne tout à tout le monde et à qui personne ne donne. « Gôlô » le don de soi.

N'en déplaise aux « Gougnons » (les sorciers), c'est un choix.

Tu as choisi d'être« Gôlô» pour tout donner sans rien demander en échange. Tout donner à tes semblables, ta famille, tes amis, ton pays:

Tes feuilles protectrices des intempéries ravageuses et destructrices des saisons tropicales imprévisibles.

Tes graines nourricières, rouges et pulpeuses pour notre régal.

Tes brindilles effilées pour notre cadre de vie décent et digne.

Même quand l'irrévérence des hommes te gratifie injustement en te déracinant, « Gôlô », couché, tu les as allaités de ta sève enivrante pour noyer les affres de leur angoisse existentielle,

Tu as offert en plus, ton cœur saignant et haletant pour enrichir cette sauce onctueuse tant prisée.

Comme «Gôlô », Tu donnes tout, et vraiment tu as tout donné jusqu'au dernier souffle « Bââ'hi »,

Quand on aura tout extrait de toi, quand ingrat, on t'aura consumé, Tu donneras encore «Gagibouon» (le sel de palme) pour donner la plaisante saveur de la sauce grame ; Même à ceux qui par ingratitude, voulaient te voir putréfié, décomposé, tu as encore donné de succulents champignons pour améliorer leur pitance. Et à la fin des fins, tes restes pour attiser leur feu au fond de leur case quand ils grelottent dans la moiteur des nuits tropicales.

«Gôlô », Tu as vraiment tout donné. Tu as banni la suprématie de« l'avoir» sur « l'être », du bien matériel sur la vertu.

«Gôlô », Tu as réalisé l'équilibre qui nous fait défaut entre le cœur et la raison, manifestant en toi, des vertus et des morales excellentes.

«Gôlô », cette lutte perpétuelle contre le déséquilibre humain, qui t'a élevé au sommet de la grandeur morale et de la perfection professionnelle ont été possibles grâce à des potentialités morales et spirituelles qui t'ont accompagné toute ta vie.

Si la douleur de la solitude, de l'exil et l'éloignement avaient eu raison momentanément de notre confraternité, que dis-je de notre fraternité, n'empêche que nos retrouvailles ont été pour moi, source de puissantes communions dans le paradoxe des chaleureux reproches.

« Bââ'hi », «Gôlô », seul toi à l'heure du «chacun pour soi », pouvait aussi brillamment triompher de la tendance trop prononcée à l'égocentrisme, premier écueil sur le chemin des vertus.

Armé de courage à l'ère du conformisme fatal, Tu as refusé de démissionner; Tu as eu la capacité de rester fidèle à tes convictions, non par entêtement ou par défi, ni pour avoir raison envers contre tout, mais simplement parce qu'à tes yeux, elles représentaient ta raison de vivre

Humainement et surtout humblement, tu as su repousser cet amour excessif de soi pour te mettre au service des autres.

«Gôlô », Tu as toujours refusé d'être prisonnier de ton égoïsme. Certes, tu n'étais pas forcé de gagner ce noble combat, mais d'être sincère et Tu l'étais. Tu n'étais pas non plus forcé de réussir mais de vivre en conformité avec la lumière qui était en toi comme le disait ABRAHAM LINCOLN.

«Bââ'hi », à l'image de Prométhée, tu as su subtiliser le secret du métier dans le «Gbigoudim », (le temple de la sorcellerie) pour l'apporter aux générations d'avenir.

De nos moments difficiles, Tu as certes connu la valeur et le goût exquis de la liberté solitaire que Tu revis aujourd'hui autrement, mais ne dit-on pas que c'est dans la solitude que nous sommes les moins seuls

« Bââ'hi »... Tu le sais aussi comme Gôlô, combien on est entouré quand on se croit seul.

Laurent Gbagbo, Zadi Zaourou, Lohouri Djidji, Kader Sangaré, Amédée Pierre, Kaba Taïfour, Gaoussou Kamissoko, Marcel Bilé, Gnaoulé Oupoh, Henriette Zadi, Solange Mondon..., tes amis du Club des Amis des artistes des années 70 te pleurent et se souviennent des nuits exaltantes de débats intellectuels que tu ponctuais de tes contributions pertinentes.

Tu as voulu être «Bââ'hi », mais le «Bââ'hi » de cette beauté qui élève, qui libère des contingences existentielles pour retrouver la plénitude du don de soi. « Bien utiliser sa vie, ce n'est pas se limiter à des actes, bien utiliser sa vie, c'est faire les choses en restant soi », disait Lao-Tseu.

Tu as voulu être toi-même et tu l'es resté,

Tu es resté ce que tu étais grâce aux valeurs que tu as défendus.

Tu n'as jamais abandonné ta personnalité et les valeurs auxquelles tu tenais tant: Liberté, Démocratie, libre expression. .. etc.

- Simplicité et grandeur t'ont accompagné toute cette vie remplie. «Bââ'hi », Tu n'as pas essayé d'être quelqu'un (de célèbre), mais plutôt une personne (de valeur).

Certes, il est bien difficile de rester intègre dans les périodes troublées, et pourtant Tu l'as réussi.

« Gôlô », tu as su comprendre et tu as compris que la vie est trop précieuse pour être sacrifiée au profit du superflu, de l'éphémère...

« Baa'hi », tu as ignoré simplement ce qui était sans importance au profit de l'essentiel.

« Bââ'hi », tu étais vrai, vrai, pur, réconfortant comme « Gôlô ».

Comme les Saints, Tu as refusé de te taire, tu as refusé de subir la persécution du silence, de la résignation,

Tu as tout simplement crié la Vérité, la Vérité mordante, voire blessante, mais la Vérité vraie.

Tu n'as jamais maquillé la vérité par le vernis de la complaisance.

«Bââ'hi », Tu as opposé avec une farouche détermination voire obstination la ferveur de la clarté aux ténèbres qui nous enveloppent..

- Si être vrai, demeure le summum de la vérité, Tu étais vrai.

«Bââ'hi », Tu as su puiser aux tréfonds de ta petite personne, la force d'être toi-même pour être à la hauteur de la tâche, de la mission que tu t'étais librement assignée.

Tu as refusé les chemins battus, les routes toutes tracées, tu as préféré emprunter là où il n'y avait pas de chemin, pour commencer à creuser de nouveaux sillons.

«Bââ'hi », quels mots auraient pu mieux te rendre hommage et résumer ta vie que ces quelques mots de Bossuet:

«Ô mort, nous te rendons grâces des lumières que tu répands sur notre ignorance: toi seul nous convaincs de notre bassesse, toi seule nous fait connaître notre dignité : si 1 'Homme s'estime trop, tu sais déprimer son orgueil ; si 1 'Homme se méprise trop, tu sais relever son courage ; et pour réduire toutes ses pensées à un juste tempérament, Tu lui apprends ces deux vérités, qui lui ouvrent les yeux pour se connaître :

«Qu'il est méprisable en tant qu'il passe, et infiniment estimable en tant qu'il aboutit à l'éternité », in Bossuet« Sermons et oraisons funèbres ».

«Bââ'hi », va, marche droit devant toi, creuse de nouveaux sillons là-bas ;

Car sur le seuil de sa maison, le Grand Architecte t'attend et ses portes, nul doute s'ouvriront pour toi.

« Baa'hi » marche vers tes amis de toujours qui t'y ont précédé, Jean Pierre Ayé, Kragbé Médéric, Serge Pacôme Aoulou, te sourient déjà ...

« Bââ'hi» va sans te retourner, MAN A W A, la mère EVE, matrice de l'humanité, « La Servante au Grand Cœur» saura pérenniser l'Héritage.

Khalil Ali Kéïta
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