Un atelier sur le renforcement des productions audiovisuelles s’ouvre lundi au Golf hôtel.
Le ministre Ibrahim Sy Savané en donne les principaux objectifs.
M. le ministre, votre département organise lundi un atelier sur le renforcement des capacités des professionnels de la production des programmes audiovisuels. A quel souci cet autre atelier obéit-il ?
C’est vrai que ces derniers temps, il y a pas mal de critiques contre les ateliers et séminaires. En toute chose, l’excès nuit, nous le savons. Mais il faudrait que les uns et les autres comprennent que, bien menés, les ateliers et séminaires sont des outils d’acquisition de connaissances et de diffusion d’informations. Bien menés, ce sont des instruments de management.
Cela étant, pour ce qui concerne cet atelier, nous partons du fait que tout le monde se plaint du contenu des programmes de nos médias. Et il ne faut pas se faire d’illusions, il en sera ainsi même lorsqu’on aura ouvert l’espace audiovisuel si aucun effort d’encadrement n’est fait. Que les gens ne se disent pas que la qualité des productions est automatiquement bonne dès lors qu’il s’agit de médias privés. Après tout, comme on dit, c’est dans le civil qu’on recrute tous les militaires. Cela veut dire que si les gens ne sont pas formés, la qualité ne sera jamais au rendez-vous parce qu’il y aura une sorte d’accumulation de vieilles pratiques. Nous avons constaté cela dans beaucoup de pays proches ou lointains.
Quel est l’état de la production audiovisuelle en Côte d’Ivoire ?
Lorsque nous avons mené l’étude sur les conditions de la libéralisation de l’audiovisuel, il y a un certain nombre de constats qui ont été faits : à savoir que la plupart des entreprises qui prétendent faire de la production audiovisuelle n’ont pas de statut et évoluent dans l’informel. Ne serait-ce que pour cela, il est bon d’organiser cette rencontre.
En outre, on s’aperçoit que beaucoup de producteurs ont, eux-mêmes, besoin de formation. Une autre raison de la tenue de l’atelier, c’est qu’avec l’ouverture de l’espace audiovisuel, il faut amener nos entreprises de production à être beaucoup plus présentes dans la sous-région. Au cours de la session, les acteurs de la production audiovisuelle vont se rencontrer et mettre ensemble leurs énergies pour mieux observer les déterminants économiques de leur secteur, pour réfléchir à un statut du producteur audiovisuel.
En attendant l’atelier, qui considérez-vous comme professionnels de la production audiovisuelle ?
Toute la question est là. C’est de tout cela qu’ils vont parler. Aujourd’hui, il suffit que quelqu’un se dise producteur pour qu’on le considère comme tel. Il arrive que des gens travaillant dans d’autres secteurs, mènent parallèlement des activités dans la production.
Il était donc bon que l’on se retrouve pour pouvoir recenser toutes les questions liées au statut du producteur, les questions de formation, économiques auxquelles sont confrontés les acteurs.
Pourquoi est-ce votre ministère qui organise cet atelier quand on sait que les acteurs concernés relèvent du département de la culture ? Les médias n’étant que des canaux de diffusion de leurs productions ?
Il y a une grande harmonie dans nos actions avec chacun des ministères. Tout se passe très bien. Je peux vous citer un exemple pour étayer cela. Nous avons suggéré un conseil de cabinet conjoint avec le ministre des Ntic. Cette réunion s’est tenue et nous a rassemblés tous les deux, nos directeurs de cabinet et tous les responsables pour répertorier les points communs entre nos deux départements. Cette rencontre s’est très bien déroulée et a même débouché sur la création d’un groupe de travail consacré au basculement numérique prévu d’ici à 2012, 2015. Parce que cela concerne aussi bien la télévision et naturellement les autres secteurs des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Le ministre des Ntic apporte beaucoup au monde de la communication, chacun le constate.
Il en va de même pour nos rapports avec le ministère de la Culture qui sont excellents. Tant au plan personnel qu’institutionnel. Dans le comité scientifique de cet atelier, il y a des responsables du ministère de la Culture qui sont partie prenante, de même que le Bnetd. Il n’y a donc pas de concurrence entre nos deux ministères. Nous faisons un constat tout simple : quand on prend aujourd’hui le contenu des programmes de la télévision, on s’aperçoit que pour l’essentiel, c’est quand même la production audiovisuelle fabriquée. C’est aussi le sport, le cinéma, d’autres types de programmes. L’information est certes prestigieuse mais dans n’importe quelle chaîne de télévision, (à moins que ce soit une chaîne d’information continue), celle-ci n’a pas, en termes de volume, une grande place. Cette question du contenu nous semble donc essentielle. Vous savez, beaucoup de télévisions privées dans notre sous-région ont pu s’imposer grâce à des techniciens ivoiriens, à des contenus provenant parfois de la Côte d’Ivoire. Cela veut dire que nous avons un énorme potentiel.
Comment exploiter et valoriser ce potentiel ?
Pendant longtemps, les gens se sont moqués du cinéma indien. « Bollywood », disait-on. Aujourd’hui, ce cinéma a conquis le monde. Ensuite, on a regardé avec beaucoup de dédain ce qui s’est passé au Nigeria avec la vidéo. « Nollywood », disait-on. Mais le résultat est là : Toute l’Afrique de l’ouest a été envahie par cette production qui gagne d’ailleurs en qualité. Nous avons le potentiel, la technique, les talents et nous voulons des structures qui puissent occuper ces créneaux en y ajoutant cette touche ivoirienne, qui est l’une des clés de nos succès. Certains de nos collègues africains sont persuadés qu’en Côte d’Ivoire, il y a tout dans ce domaine. Nous ne sommes pas encore satisfaits. C’est pourquoi, nous voulons, en synergie avec d’autres, faire en sorte que nous ayons des entreprises culturelles de productions audiovisuelles ambitieuses. Et qui, non seulement pourront offrir un contenu varié et de qualité au moment de la libéralisation de l’espace audiovisuel, mais aussi s’exporter.
Parlant de contenu, quel regard portez-vous sur celui des programmes de la télévision nationale ?
En tant que citoyen, j’ai beaucoup d’insatisfactions. Je sais très bien qu’il y a énormément de talents à la Rti et que nous pouvons faire mieux Je sais en même temps, en tant que ministre de tutelle, que nous sommes confrontés à des contraintes, à des problèmes de production que l’opinion publique n’imagine pas toujours. Des contraintes matérielles et logistiques. En outre, pendant longtemps, il y a eu tellement de discordes au sein de cette maison que des talents se sont découragés et des gens ont été marginalisés.
Quand nous étions en visite à la télévision, il y a quelques semaines, le Président de la République a fait une remarque dont tout le monde a reconnu la justesse. Il a dit qu’on invoque souvent le manque de moyens, ce qui est vrai, mais qu’il fallait aussi être plus imaginatif. Il a expliqué que, par exemple, montrer aux téléspectateurs ne serait-ce que le rituel d’accueil chez les Akan, en général, ou même plus spécifiquement chez les Agni d’Abengourou, non seulement a une haute portée au plan culturel, mais également, bien faites, de telles émissions peuvent intéresser d’autres pays.
Aujourd’hui, on doit reconnaître que la machine a broyé beaucoup de talents à la télévision. Ceux qui prennent des initiatives rencontrent tellement de difficultés pour les faire émerger et les imposer qu’ils finissent par se décourager. Je dénonce toujours le fait que, sur dix chaînes de télévision africaines, pas une seule n’ait une émission littéraire digne de ce nom. Je suis conscient des contraintes qu’il y a, mais je pense que nous devons tout faire pour les surmonter. J’avoue que chaque fois qu’on me pose cette question sur la télévision, j’hésite à répondre parce que j’estime que quand des gens sont sous votre tutelle, ce n’est pas à vous de les jeter en pâture, de les mettre publiquement à l’index. On peut leur faire savoir par d’autres voies qu’il y a telle ou telle chose à revoir. Surtout lorsque vous connaissez, par ailleurs, les contraintes qui les inhibent.
Vous êtes la tutelle ; à ce titre, que faites-vous pour donner à la télévision un contenu à la hauteur de vos attentes ? De celles des téléspectateurs ?
Ce que nous faisons, c’est de porter un regard critique et donner un avis sur le travail qui est fait.
Ce que nous faisons aussi, c’est de faciliter la tâche dans la recherche de ressources permettant de confectionner des programmes qui satisfassent les téléspectateurs. La question de la qualité, vous le savez, est un long processus. J’ai même suggéré qu’on puisse nommer quelqu’un qui s’en occupe exclusivement. Nous avons beaucoup insisté pour qu’on sorte des placards tous les talents qui y sont depuis des années. Cela a été plus ou moins fait, mais, en même temps, nous avons suggéré qu’on dégage un budget spécial pour la production. Cela se fera.
Mais après de longues années de dégradations lentes mais sûres, on ne peut pas tout transformer du jour au lendemain et ce, d’autant qu’aujourd’hui les gens ont beaucoup de source d’information. Quand, par le passé, on regardait la télévision, on ne savait même pas qu’il en existait d’autres ailleurs. Il n’y avait pas d’éléments de comparaison. Mais avec la pluralité des offres aujourd’hui, il en va tout autrement. Les attentes et les exigences augmentent. Et, malheureusement, en la matière, la nostalgie ne sert à rien. Il s’agit de faire face aux réalités de son temps.
Pour conclure sur cette question, je dirai ceci : Lorsque vous avez ce sentiment que le public ne vous sanctionne ni positivement ni négativement, il est difficile de se remettre en cause et de s’améliorer.
La question de l’audience apparaît alors au cœur de l’économie de la télévision puisque c’est celle qui détermine tout le reste. Je ne dis pas qu’il suffit d’une forte audience pour en déduire de la qualité. Je dis qu’il faut être à l’écoute des téléspectateurs et des auditeurs. C’est à la fois quantitatif et qualitatif.
Aussi bien le citoyen ordinaire que l’homme politique, personne n’est satisfait de la qualité des émissions de la télévision. Lundi dernier, invité de Fraternité Matin, M. Alassane Ouattara se disait également mécontent de la télévision. Comment expliquez-vous cet acharnement contre ce média ?
Il y a deux choses à dissocier. Lorsque l’homme politique dit qu’il n’est pas satisfait de la télévision, ce n’est pas forcément pour les mêmes raisons que le citoyen ordinaire qui, lui, parle surtout du programme. Le plus souvent, quand les hommes politiques parlent d’insatisfaction, c’est en termes de temps d’accès ou de parole.
Le citoyen ordinaire, le jour où il y a un très bon film, un magazine de bons débats ou un bon match de football, personne ne le supplie d’aimer la télé. Il en est automatiquement content. Vous avez parlé d’acharnement, mais moi, je n’en vois pas. C’est tout à fait normal que ceux qui estiment ne pas être suffisamment représentés à la télé, le fassent savoir. Nous, nous avons des chiffres communiqués par le Cnca qui permettent de nuancer beaucoup de choses. De même, nous devons savoir que l’équité totale d’accès à la télé est un idéal à atteindre. Nous sommes d’accord. Moi, je suis cependant obligé de regarder d’où nous venons. Il me semble qu’il y a tout de même quelques améliorations .Ce que je peux affirmer, c’est qu’il n’y a pas de directives pour fermer l’accès à la télévision à certains. Quand je le dis, des gens s’en étonnent. Mais c’est cela la vérité. Nous allons conjuguer les efforts pour que les choses s’améliorent.
Dans cette logique d’ouverture, il y a le cas Anaky Kobena que nous déplorons tous. Quels commentaires en faites-vous ?
Le commentaire que j’en fais est très simple. Il fallait donner la parole à M. Anaky Kobena qui dirige un parti. Si c’était à refaire, je crois que les journalistes de la télé auraient raison de lui redonner la parole. On ne peut annuler des principes aussi essentiels que la liberté d’expression à cause de quelques incidents qui viennent s’y greffer. Contrairement à ce que vous dites, je ne considère pas cela comme un évènement malheureux à déplorer. Il faut donner la parole à tout le monde.
On en parle comme d’un cas malheureux parce qu’il a été arrêté.
Mais ce n’est pas la télévision qui l’a arrêté. Il a été arrêté pour d’autres raisons. Moi, je pars du principe de l’accès à la télé. Dès qu’il y a eu ce malheureux incident, comme vous le dites, j’ai lu dans certains journaux que tout cela est la conséquence de l’ouverture de la télévision. Mais enfin, des gens sont passés avant M. Anaky et il n’y a pas eu d’incident. D’autres passeront après. Fraternité matin a accordé, mardi et mercredi, six pages à M. Alassane Ouattara qui a été l’invité des rédactions du groupe. A ma connaissance, il n’y a pas eu d’émeutes à Adjamé. Ne remettons pas en cause le principe de l’ouverture de la télévision.
Il s’agissait tout de même d’un chef de parti politique venu véhiculer un certain nombre de messages. Moi, je considère qu’il faut continuer de donner la parole aux gens. Chacun assume ses déclarations. D’ailleurs, cette émission est excellente et je l’encourage.
Quelle appréciation avez-vous de la situation des 300 stagiaires et autres agents temporaires à recruter ? Est-ce normal ?
Ces stagiaires ont été déjà reçus au ministère par l’inspecteur des affaires sociales. Vous me demandez si cela est normal. Je vous répondrai que je trouve cela plus que normal, parce que, aussi bien à la Rti qu’à Fraternité Matin, pendant des années, il y a eu une absence d’évaluation des tâches et de régulation de la ressource humaine.
Des stagiaires arrivent et à cause du manque de personnel, ils se retrouvent à être des employés, j’allais dire, presque «normaux». Lorsque vous gardez des stagiaires ou des contractuels pendant deux ans et plus, quelles que soient vos contraintes du moment, vous ne pouvez pas brutalement mettre fin à leur contrat. La Rti a donc décidé de les absorber progressivement et en cela, le Directeur général a raison. Certains de ces stagiaires ont appris le métier et ils le maîtrisent aujourd’hui.
Je ne suis absolument pas choqué qu’on puisse les recruter au rythme des capacités de la Rti. Un jour ou l’autre, chacun de nous a été stagiaire. C’est parce que cette question n’a pas été traitée à temps qu’elle est devenue un problème. L’équipe en place n’en est pas responsable. Elle l’a héritée. Je trouve très courageux de sa part d’attaquer résolument ce problème et de vouloir le résoudre.
Mon souhait, c’est que cela se fasse dans le respect des droits de ces jeunes gens qui ont appris un métier et que certains d’entre eux exercent avec talent. Que cela soit traité de la façon la plus humaine possible.
Permettez, M. le ministre que nous revenions à l’atelier. Là où il y a sélection, il y a généralement rejet. Ne pensez-vous pas que cet atelier qui vise à réorganiser ce milieu par essence de l’humour donne lieu plutôt à des grincements de dents ?
Ce sont nous, les journalistes qui aimons les grincements de dents, nous faisons semblant de les déplorer, alors qu’on les recherche. S’agissant des producteurs, voici une corporation qui a un rôle important à jouer dans la fabrication du contenu de l’audiovisuel. Elle est confrontée à d’énormes difficultés d’ordre économique et même identitaire. Les producteurs audiovisuels sont aujourd’hui taxés comme des entreprises classiques en Côte d’ Ivoire. Alors que ce sont tout de même des entreprises du secteur culturel. Les producteurs audiovisuels n’ont pas facilement accès au système bancaire parce que leur travail est considéré comme précaire et à risque; une marchandise culturelle n’est pas toujours rentable. Nous, nous avons la volonté de les regrouper pour qu’on puisse définir le statut de producteur audiovisuel.
Je ne veux pas anticiper sur le contenu de l’atelier, mais je peux vous donner quelques exemples. Imaginez un fonctionnaire, parce qu’il a une certaine passion pour la chose culturelle et parce qu’il est doté d‘un certain matériel, il utilise son temps libre pour s’ériger en producteur audiovisuel. Je pense qu’il est temps qu’on sorte de ce schéma et qu’on définisse le statut du producteur audiovisuel. Cela est dans l’intérêt de tout le monde et la qualité s’en trouvera améliorée. Sans oublier que cela protègera les intérêts de ceux qui exercent à plein temps dans ce domaine. Ça me paraît extrêmement important.
C’est pourquoi je dis qu’il n’ y aura pas d’exclusion. C’est un métier ouvert, il n’y a pas de numerus clausus, mais les gens doivent comprendre qu’il faut respecter un certain nombre de choses. Vous-mêmes journalistes, si vous ne remplissez pas les critères requis, vous n’avez pas droit à la carte de presse. Ceux qui ne remplissent pas les critères, ne peuvent pas être producteurs audiovisuels.
Une dernière question sur la Rti. A quand son retour en zone Cno ?
Cette appellation «Zone Cno», je crois qu’on devrait parvenir à l’abandonner pour qu’on ne pense pas qu’il s’agit d’une nouvelle géographie. Concernant la couverture (et ce n’est ni par la gloriole ni par vantardise), je voudrais faire observer qu’il y a deux ans, il n’y avait la télévision ni à Man ni à Touba ni à Odienné ni à Korhogo.
Je me souviens de ce jour où nous étions à Korhogo dans le cadre de la visite du Président de la République. Dans les revendications, tout le monde demandait le retour de la télévision. Dès qu’il est descendu de l’avion, il nous a interpellés, le ministre Banzio et moi, en ces termes : «Arrangez-vous pour qu’il y ait la télévision à Korhogo parce que les jeunes gens veulent voir la Can qui se joue à Accra ». Nous arrivons au stade de Korhogo pour le dernier meeting, et on entend les populations crier à nouveau qu’elles veulent la télévision. Et le Président qui avait regardé la télé la veille grâce à une parabole, leur disait : «Mais il y a la télévision à Korhogo». Et les jeunes gens de répliquer : «Parabole, parabole !»
C’est vous dire qu’il s’agit d’un problème auquel nous avons été très tôt confrontés. A l’heure où nous parlons, on sait que la télé émet à Man, à Touba, Odienné et à Korhogo. L’émetteur de Tiémé a été remis en service. Beaucoup d’émetteurs étaient hors service. Certains avaient été entièrement pillés, d’autres étaient hors d’usage. C’est progressivement que cette reconquête de l’espace audiovisuel interne est en train de se faire.
Et qu’en est-il de Bouaké ?
J’en viens. Récemment, le Président est allé à Bouna et nous avons suggéré que la totalité du budget alloué à la commission communication que je préside, soit affectée à l’achat d’un émetteur pour Bouna et Téhini. Des instructions ont été données dans ce sens et le budget a été débloqué et remis aux responsables de la Rti qui, effectivement, ont acheté l’émetteur en question. Ils s’activent à le monter. Je dois dire que malgré le ramadan financier actuel, le ministre Charles Diby appuie ces demandes. C’est grâce à cela qu’un nouvel émetteur est en train d’être monté à Abobo. D’après les techniciens, il aurait dû être changé depuis 23 ans.
Pour ce qui est de Bouaké, il n’y a pas plus de problèmes qu’ailleurs. Dans cette ville, il y a eu un paradoxe apparent : l’émetteur considéré comme un outil stratégique n’y a pas été détruit. Ce fut une chance puisque c’est l’élément vital du système. L’émetteur a été utilisé pour créer de nouvelles télévisions, TV notre patrie, et des radios. La maison de la radio, elle, était tombée en ruine. Il y a eu plusieurs missions sur le terrain et je puis vous dire que bientôt tout sera en place, aussi bien à la radio qu’à la télévision. La direction générale de la télévision m’a même saisi récemment afin qu’on puisse accélérer ce processus. La maison de la radio, elle-même, est en train d’être reconstruite sur les fonds propres de la RTI, vous pouvez le vérifier.
Mais la question que vous ne me posez pas et que je vois venir, c’est la présence de TV notre patrie au moment où on parle de retour de la chaîne nationale à Bouaké. Je réponds en disant que lorsqu’on a pu intégrer des choses comme les armées de même que les caisses, croyez-vous que c’est une télévision qu’on ne peut pas intégrer ? Je fais remarquer que nous travaillons sous l’autorité du Premier ministre. Il souhaite que les choses s’accélèrent.
Je suggère d’ailleurs aux responsables de la Rti d’organiser le moment venu, une grande fête pour marquer le retour de la télévision à Bouaké et l’inauguration de la maison qui était complètement tombée en ruine. Si je n’ai pas un délai à fixer, j’ai au moins un souhait qui est que cela se fasse le plus tôt possible.
L’Unjci entre en congrès ce week-end pour renouveler ses instances. Quelle est votre vision par rapport à ces assises ? Vu que votre ministère s’est impliqué à un moment donné dans la résolution de la crise qui a tourmenté cette union en mettant sur pied un comité de sages. Mais que cela semble n’avoir rien donné.
Je souhaite que l’Unjci puisse surmonter la crise qui a précédé ce congrès afin qu’elle parvienne à retrouver son élan d’antan. Vous faites allusion à ce comité de sages qui a été mis en place lorsque nous avons été saisi, d’abord par un des candidats, ensuite par plusieurs personnes qui se plaignaient de la façon dont ce congrès était préparé. L’Unjci n’étant pas une structure sous tutelle du ministère de la Communication, et ne pouvant rester indifférent à ce qui s’y passe, nous avons estimé qu’on pouvait être utile en mettant en place ce comité de sages. Les personnalités composant ce comité ont échangé avec toutes le parties à qui elles ont recommandé d’apaiser le climat. En revanche, lorsque le comité a suggéré le report du congrès, la suspension de la campagne électorale et la tenue d’une réunion de concertation, certains l’ont accusé, à tort, absolument à tort, de vouloir remettre en cause les décisions du conseil d’administration de l’Unjci.
Nous en sommes restés là et le ministère a publié un premier communiqué auquel une réplique a été donnée. Mais en dépit des frustrations des uns et des autres, nous avons insisté pour qu’on continue de distiller des paroles de bon sens. Il y a quelques jours encore, le comité des sages a rencontré les différentes parties. Mais il faut dire très clairement que ce comité, malgré tous les efforts, n’a pas permis de sortir de cette impasse. Nous rappelons que la validation des candidatures et l’organisation du congrès ne sont pas du ressort du ministère de la Communication mais de celui des instances de l’Unjci. C’est évident. C’est pourquoi nous avons été surpris : Imaginez quelqu’un qui veut séparer deux personnes et ces dernières se retournent pour «grouper» sur lui, comme on dit….
Alors, constatant que la médiation n’a pas abouti, il fallait y mettre fin pour ne pas ajouter à la confusion. Voilà où nous en sommes, mais nous tenons quand même à féliciter individuellement et collectivement tous ceux qui ont pris part à ce comité de sages et dire que le ministre reste disponible pour recevoir tous les acteurs du secteur et leur apporter son appui.
M. le ministre, permettez que nous parlions du Fonds d’aide à la presse. Il est très attendu par les patrons de presse et les professionnels de la communication. A partir de quand deviendra-t-il une réalité ?
Les organes dirigeants du fonds sont en place. Le Conseil de gestion présidé par Kébé Yacouba et la Directrice exécutive, Mme Bernise N’guessan, ont déjà bien avancé. Nous faisons diligence pour que le fonds soit mis en place. Nous avons des échanges à ce sujet avec le ministère de l’Economie et des Finances. C’est un Fonds effectivement attendu depuis plus de dix ans. Mais, bon, comme a dit Césaire, « l’impatience, c’est quand on veut la fin sans les moyens ».
La nation a rendu un émouvant hommage aux victimes du 29 mars dernier. Le Président de la République, au cours de cette cérémonie, n’a pu contenir ses larmes. Quelles furent, vous qui y étiez, les sentiments vôtres ?
Un peu de rage froide mais impuissante. Et donc, au bout du compte, beaucoup de compassion, du chagrin, de la pitié aussi.
Interview réalisée par Agnès Kraidy et Abel Doualy
Le ministre Ibrahim Sy Savané en donne les principaux objectifs.
M. le ministre, votre département organise lundi un atelier sur le renforcement des capacités des professionnels de la production des programmes audiovisuels. A quel souci cet autre atelier obéit-il ?
C’est vrai que ces derniers temps, il y a pas mal de critiques contre les ateliers et séminaires. En toute chose, l’excès nuit, nous le savons. Mais il faudrait que les uns et les autres comprennent que, bien menés, les ateliers et séminaires sont des outils d’acquisition de connaissances et de diffusion d’informations. Bien menés, ce sont des instruments de management.
Cela étant, pour ce qui concerne cet atelier, nous partons du fait que tout le monde se plaint du contenu des programmes de nos médias. Et il ne faut pas se faire d’illusions, il en sera ainsi même lorsqu’on aura ouvert l’espace audiovisuel si aucun effort d’encadrement n’est fait. Que les gens ne se disent pas que la qualité des productions est automatiquement bonne dès lors qu’il s’agit de médias privés. Après tout, comme on dit, c’est dans le civil qu’on recrute tous les militaires. Cela veut dire que si les gens ne sont pas formés, la qualité ne sera jamais au rendez-vous parce qu’il y aura une sorte d’accumulation de vieilles pratiques. Nous avons constaté cela dans beaucoup de pays proches ou lointains.
Quel est l’état de la production audiovisuelle en Côte d’Ivoire ?
Lorsque nous avons mené l’étude sur les conditions de la libéralisation de l’audiovisuel, il y a un certain nombre de constats qui ont été faits : à savoir que la plupart des entreprises qui prétendent faire de la production audiovisuelle n’ont pas de statut et évoluent dans l’informel. Ne serait-ce que pour cela, il est bon d’organiser cette rencontre.
En outre, on s’aperçoit que beaucoup de producteurs ont, eux-mêmes, besoin de formation. Une autre raison de la tenue de l’atelier, c’est qu’avec l’ouverture de l’espace audiovisuel, il faut amener nos entreprises de production à être beaucoup plus présentes dans la sous-région. Au cours de la session, les acteurs de la production audiovisuelle vont se rencontrer et mettre ensemble leurs énergies pour mieux observer les déterminants économiques de leur secteur, pour réfléchir à un statut du producteur audiovisuel.
En attendant l’atelier, qui considérez-vous comme professionnels de la production audiovisuelle ?
Toute la question est là. C’est de tout cela qu’ils vont parler. Aujourd’hui, il suffit que quelqu’un se dise producteur pour qu’on le considère comme tel. Il arrive que des gens travaillant dans d’autres secteurs, mènent parallèlement des activités dans la production.
Il était donc bon que l’on se retrouve pour pouvoir recenser toutes les questions liées au statut du producteur, les questions de formation, économiques auxquelles sont confrontés les acteurs.
Pourquoi est-ce votre ministère qui organise cet atelier quand on sait que les acteurs concernés relèvent du département de la culture ? Les médias n’étant que des canaux de diffusion de leurs productions ?
Il y a une grande harmonie dans nos actions avec chacun des ministères. Tout se passe très bien. Je peux vous citer un exemple pour étayer cela. Nous avons suggéré un conseil de cabinet conjoint avec le ministre des Ntic. Cette réunion s’est tenue et nous a rassemblés tous les deux, nos directeurs de cabinet et tous les responsables pour répertorier les points communs entre nos deux départements. Cette rencontre s’est très bien déroulée et a même débouché sur la création d’un groupe de travail consacré au basculement numérique prévu d’ici à 2012, 2015. Parce que cela concerne aussi bien la télévision et naturellement les autres secteurs des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Le ministre des Ntic apporte beaucoup au monde de la communication, chacun le constate.
Il en va de même pour nos rapports avec le ministère de la Culture qui sont excellents. Tant au plan personnel qu’institutionnel. Dans le comité scientifique de cet atelier, il y a des responsables du ministère de la Culture qui sont partie prenante, de même que le Bnetd. Il n’y a donc pas de concurrence entre nos deux ministères. Nous faisons un constat tout simple : quand on prend aujourd’hui le contenu des programmes de la télévision, on s’aperçoit que pour l’essentiel, c’est quand même la production audiovisuelle fabriquée. C’est aussi le sport, le cinéma, d’autres types de programmes. L’information est certes prestigieuse mais dans n’importe quelle chaîne de télévision, (à moins que ce soit une chaîne d’information continue), celle-ci n’a pas, en termes de volume, une grande place. Cette question du contenu nous semble donc essentielle. Vous savez, beaucoup de télévisions privées dans notre sous-région ont pu s’imposer grâce à des techniciens ivoiriens, à des contenus provenant parfois de la Côte d’Ivoire. Cela veut dire que nous avons un énorme potentiel.
Comment exploiter et valoriser ce potentiel ?
Pendant longtemps, les gens se sont moqués du cinéma indien. « Bollywood », disait-on. Aujourd’hui, ce cinéma a conquis le monde. Ensuite, on a regardé avec beaucoup de dédain ce qui s’est passé au Nigeria avec la vidéo. « Nollywood », disait-on. Mais le résultat est là : Toute l’Afrique de l’ouest a été envahie par cette production qui gagne d’ailleurs en qualité. Nous avons le potentiel, la technique, les talents et nous voulons des structures qui puissent occuper ces créneaux en y ajoutant cette touche ivoirienne, qui est l’une des clés de nos succès. Certains de nos collègues africains sont persuadés qu’en Côte d’Ivoire, il y a tout dans ce domaine. Nous ne sommes pas encore satisfaits. C’est pourquoi, nous voulons, en synergie avec d’autres, faire en sorte que nous ayons des entreprises culturelles de productions audiovisuelles ambitieuses. Et qui, non seulement pourront offrir un contenu varié et de qualité au moment de la libéralisation de l’espace audiovisuel, mais aussi s’exporter.
Parlant de contenu, quel regard portez-vous sur celui des programmes de la télévision nationale ?
En tant que citoyen, j’ai beaucoup d’insatisfactions. Je sais très bien qu’il y a énormément de talents à la Rti et que nous pouvons faire mieux Je sais en même temps, en tant que ministre de tutelle, que nous sommes confrontés à des contraintes, à des problèmes de production que l’opinion publique n’imagine pas toujours. Des contraintes matérielles et logistiques. En outre, pendant longtemps, il y a eu tellement de discordes au sein de cette maison que des talents se sont découragés et des gens ont été marginalisés.
Quand nous étions en visite à la télévision, il y a quelques semaines, le Président de la République a fait une remarque dont tout le monde a reconnu la justesse. Il a dit qu’on invoque souvent le manque de moyens, ce qui est vrai, mais qu’il fallait aussi être plus imaginatif. Il a expliqué que, par exemple, montrer aux téléspectateurs ne serait-ce que le rituel d’accueil chez les Akan, en général, ou même plus spécifiquement chez les Agni d’Abengourou, non seulement a une haute portée au plan culturel, mais également, bien faites, de telles émissions peuvent intéresser d’autres pays.
Aujourd’hui, on doit reconnaître que la machine a broyé beaucoup de talents à la télévision. Ceux qui prennent des initiatives rencontrent tellement de difficultés pour les faire émerger et les imposer qu’ils finissent par se décourager. Je dénonce toujours le fait que, sur dix chaînes de télévision africaines, pas une seule n’ait une émission littéraire digne de ce nom. Je suis conscient des contraintes qu’il y a, mais je pense que nous devons tout faire pour les surmonter. J’avoue que chaque fois qu’on me pose cette question sur la télévision, j’hésite à répondre parce que j’estime que quand des gens sont sous votre tutelle, ce n’est pas à vous de les jeter en pâture, de les mettre publiquement à l’index. On peut leur faire savoir par d’autres voies qu’il y a telle ou telle chose à revoir. Surtout lorsque vous connaissez, par ailleurs, les contraintes qui les inhibent.
Vous êtes la tutelle ; à ce titre, que faites-vous pour donner à la télévision un contenu à la hauteur de vos attentes ? De celles des téléspectateurs ?
Ce que nous faisons, c’est de porter un regard critique et donner un avis sur le travail qui est fait.
Ce que nous faisons aussi, c’est de faciliter la tâche dans la recherche de ressources permettant de confectionner des programmes qui satisfassent les téléspectateurs. La question de la qualité, vous le savez, est un long processus. J’ai même suggéré qu’on puisse nommer quelqu’un qui s’en occupe exclusivement. Nous avons beaucoup insisté pour qu’on sorte des placards tous les talents qui y sont depuis des années. Cela a été plus ou moins fait, mais, en même temps, nous avons suggéré qu’on dégage un budget spécial pour la production. Cela se fera.
Mais après de longues années de dégradations lentes mais sûres, on ne peut pas tout transformer du jour au lendemain et ce, d’autant qu’aujourd’hui les gens ont beaucoup de source d’information. Quand, par le passé, on regardait la télévision, on ne savait même pas qu’il en existait d’autres ailleurs. Il n’y avait pas d’éléments de comparaison. Mais avec la pluralité des offres aujourd’hui, il en va tout autrement. Les attentes et les exigences augmentent. Et, malheureusement, en la matière, la nostalgie ne sert à rien. Il s’agit de faire face aux réalités de son temps.
Pour conclure sur cette question, je dirai ceci : Lorsque vous avez ce sentiment que le public ne vous sanctionne ni positivement ni négativement, il est difficile de se remettre en cause et de s’améliorer.
La question de l’audience apparaît alors au cœur de l’économie de la télévision puisque c’est celle qui détermine tout le reste. Je ne dis pas qu’il suffit d’une forte audience pour en déduire de la qualité. Je dis qu’il faut être à l’écoute des téléspectateurs et des auditeurs. C’est à la fois quantitatif et qualitatif.
Aussi bien le citoyen ordinaire que l’homme politique, personne n’est satisfait de la qualité des émissions de la télévision. Lundi dernier, invité de Fraternité Matin, M. Alassane Ouattara se disait également mécontent de la télévision. Comment expliquez-vous cet acharnement contre ce média ?
Il y a deux choses à dissocier. Lorsque l’homme politique dit qu’il n’est pas satisfait de la télévision, ce n’est pas forcément pour les mêmes raisons que le citoyen ordinaire qui, lui, parle surtout du programme. Le plus souvent, quand les hommes politiques parlent d’insatisfaction, c’est en termes de temps d’accès ou de parole.
Le citoyen ordinaire, le jour où il y a un très bon film, un magazine de bons débats ou un bon match de football, personne ne le supplie d’aimer la télé. Il en est automatiquement content. Vous avez parlé d’acharnement, mais moi, je n’en vois pas. C’est tout à fait normal que ceux qui estiment ne pas être suffisamment représentés à la télé, le fassent savoir. Nous, nous avons des chiffres communiqués par le Cnca qui permettent de nuancer beaucoup de choses. De même, nous devons savoir que l’équité totale d’accès à la télé est un idéal à atteindre. Nous sommes d’accord. Moi, je suis cependant obligé de regarder d’où nous venons. Il me semble qu’il y a tout de même quelques améliorations .Ce que je peux affirmer, c’est qu’il n’y a pas de directives pour fermer l’accès à la télévision à certains. Quand je le dis, des gens s’en étonnent. Mais c’est cela la vérité. Nous allons conjuguer les efforts pour que les choses s’améliorent.
Dans cette logique d’ouverture, il y a le cas Anaky Kobena que nous déplorons tous. Quels commentaires en faites-vous ?
Le commentaire que j’en fais est très simple. Il fallait donner la parole à M. Anaky Kobena qui dirige un parti. Si c’était à refaire, je crois que les journalistes de la télé auraient raison de lui redonner la parole. On ne peut annuler des principes aussi essentiels que la liberté d’expression à cause de quelques incidents qui viennent s’y greffer. Contrairement à ce que vous dites, je ne considère pas cela comme un évènement malheureux à déplorer. Il faut donner la parole à tout le monde.
On en parle comme d’un cas malheureux parce qu’il a été arrêté.
Mais ce n’est pas la télévision qui l’a arrêté. Il a été arrêté pour d’autres raisons. Moi, je pars du principe de l’accès à la télé. Dès qu’il y a eu ce malheureux incident, comme vous le dites, j’ai lu dans certains journaux que tout cela est la conséquence de l’ouverture de la télévision. Mais enfin, des gens sont passés avant M. Anaky et il n’y a pas eu d’incident. D’autres passeront après. Fraternité matin a accordé, mardi et mercredi, six pages à M. Alassane Ouattara qui a été l’invité des rédactions du groupe. A ma connaissance, il n’y a pas eu d’émeutes à Adjamé. Ne remettons pas en cause le principe de l’ouverture de la télévision.
Il s’agissait tout de même d’un chef de parti politique venu véhiculer un certain nombre de messages. Moi, je considère qu’il faut continuer de donner la parole aux gens. Chacun assume ses déclarations. D’ailleurs, cette émission est excellente et je l’encourage.
Quelle appréciation avez-vous de la situation des 300 stagiaires et autres agents temporaires à recruter ? Est-ce normal ?
Ces stagiaires ont été déjà reçus au ministère par l’inspecteur des affaires sociales. Vous me demandez si cela est normal. Je vous répondrai que je trouve cela plus que normal, parce que, aussi bien à la Rti qu’à Fraternité Matin, pendant des années, il y a eu une absence d’évaluation des tâches et de régulation de la ressource humaine.
Des stagiaires arrivent et à cause du manque de personnel, ils se retrouvent à être des employés, j’allais dire, presque «normaux». Lorsque vous gardez des stagiaires ou des contractuels pendant deux ans et plus, quelles que soient vos contraintes du moment, vous ne pouvez pas brutalement mettre fin à leur contrat. La Rti a donc décidé de les absorber progressivement et en cela, le Directeur général a raison. Certains de ces stagiaires ont appris le métier et ils le maîtrisent aujourd’hui.
Je ne suis absolument pas choqué qu’on puisse les recruter au rythme des capacités de la Rti. Un jour ou l’autre, chacun de nous a été stagiaire. C’est parce que cette question n’a pas été traitée à temps qu’elle est devenue un problème. L’équipe en place n’en est pas responsable. Elle l’a héritée. Je trouve très courageux de sa part d’attaquer résolument ce problème et de vouloir le résoudre.
Mon souhait, c’est que cela se fasse dans le respect des droits de ces jeunes gens qui ont appris un métier et que certains d’entre eux exercent avec talent. Que cela soit traité de la façon la plus humaine possible.
Permettez, M. le ministre que nous revenions à l’atelier. Là où il y a sélection, il y a généralement rejet. Ne pensez-vous pas que cet atelier qui vise à réorganiser ce milieu par essence de l’humour donne lieu plutôt à des grincements de dents ?
Ce sont nous, les journalistes qui aimons les grincements de dents, nous faisons semblant de les déplorer, alors qu’on les recherche. S’agissant des producteurs, voici une corporation qui a un rôle important à jouer dans la fabrication du contenu de l’audiovisuel. Elle est confrontée à d’énormes difficultés d’ordre économique et même identitaire. Les producteurs audiovisuels sont aujourd’hui taxés comme des entreprises classiques en Côte d’ Ivoire. Alors que ce sont tout de même des entreprises du secteur culturel. Les producteurs audiovisuels n’ont pas facilement accès au système bancaire parce que leur travail est considéré comme précaire et à risque; une marchandise culturelle n’est pas toujours rentable. Nous, nous avons la volonté de les regrouper pour qu’on puisse définir le statut de producteur audiovisuel.
Je ne veux pas anticiper sur le contenu de l’atelier, mais je peux vous donner quelques exemples. Imaginez un fonctionnaire, parce qu’il a une certaine passion pour la chose culturelle et parce qu’il est doté d‘un certain matériel, il utilise son temps libre pour s’ériger en producteur audiovisuel. Je pense qu’il est temps qu’on sorte de ce schéma et qu’on définisse le statut du producteur audiovisuel. Cela est dans l’intérêt de tout le monde et la qualité s’en trouvera améliorée. Sans oublier que cela protègera les intérêts de ceux qui exercent à plein temps dans ce domaine. Ça me paraît extrêmement important.
C’est pourquoi je dis qu’il n’ y aura pas d’exclusion. C’est un métier ouvert, il n’y a pas de numerus clausus, mais les gens doivent comprendre qu’il faut respecter un certain nombre de choses. Vous-mêmes journalistes, si vous ne remplissez pas les critères requis, vous n’avez pas droit à la carte de presse. Ceux qui ne remplissent pas les critères, ne peuvent pas être producteurs audiovisuels.
Une dernière question sur la Rti. A quand son retour en zone Cno ?
Cette appellation «Zone Cno», je crois qu’on devrait parvenir à l’abandonner pour qu’on ne pense pas qu’il s’agit d’une nouvelle géographie. Concernant la couverture (et ce n’est ni par la gloriole ni par vantardise), je voudrais faire observer qu’il y a deux ans, il n’y avait la télévision ni à Man ni à Touba ni à Odienné ni à Korhogo.
Je me souviens de ce jour où nous étions à Korhogo dans le cadre de la visite du Président de la République. Dans les revendications, tout le monde demandait le retour de la télévision. Dès qu’il est descendu de l’avion, il nous a interpellés, le ministre Banzio et moi, en ces termes : «Arrangez-vous pour qu’il y ait la télévision à Korhogo parce que les jeunes gens veulent voir la Can qui se joue à Accra ». Nous arrivons au stade de Korhogo pour le dernier meeting, et on entend les populations crier à nouveau qu’elles veulent la télévision. Et le Président qui avait regardé la télé la veille grâce à une parabole, leur disait : «Mais il y a la télévision à Korhogo». Et les jeunes gens de répliquer : «Parabole, parabole !»
C’est vous dire qu’il s’agit d’un problème auquel nous avons été très tôt confrontés. A l’heure où nous parlons, on sait que la télé émet à Man, à Touba, Odienné et à Korhogo. L’émetteur de Tiémé a été remis en service. Beaucoup d’émetteurs étaient hors service. Certains avaient été entièrement pillés, d’autres étaient hors d’usage. C’est progressivement que cette reconquête de l’espace audiovisuel interne est en train de se faire.
Et qu’en est-il de Bouaké ?
J’en viens. Récemment, le Président est allé à Bouna et nous avons suggéré que la totalité du budget alloué à la commission communication que je préside, soit affectée à l’achat d’un émetteur pour Bouna et Téhini. Des instructions ont été données dans ce sens et le budget a été débloqué et remis aux responsables de la Rti qui, effectivement, ont acheté l’émetteur en question. Ils s’activent à le monter. Je dois dire que malgré le ramadan financier actuel, le ministre Charles Diby appuie ces demandes. C’est grâce à cela qu’un nouvel émetteur est en train d’être monté à Abobo. D’après les techniciens, il aurait dû être changé depuis 23 ans.
Pour ce qui est de Bouaké, il n’y a pas plus de problèmes qu’ailleurs. Dans cette ville, il y a eu un paradoxe apparent : l’émetteur considéré comme un outil stratégique n’y a pas été détruit. Ce fut une chance puisque c’est l’élément vital du système. L’émetteur a été utilisé pour créer de nouvelles télévisions, TV notre patrie, et des radios. La maison de la radio, elle, était tombée en ruine. Il y a eu plusieurs missions sur le terrain et je puis vous dire que bientôt tout sera en place, aussi bien à la radio qu’à la télévision. La direction générale de la télévision m’a même saisi récemment afin qu’on puisse accélérer ce processus. La maison de la radio, elle-même, est en train d’être reconstruite sur les fonds propres de la RTI, vous pouvez le vérifier.
Mais la question que vous ne me posez pas et que je vois venir, c’est la présence de TV notre patrie au moment où on parle de retour de la chaîne nationale à Bouaké. Je réponds en disant que lorsqu’on a pu intégrer des choses comme les armées de même que les caisses, croyez-vous que c’est une télévision qu’on ne peut pas intégrer ? Je fais remarquer que nous travaillons sous l’autorité du Premier ministre. Il souhaite que les choses s’accélèrent.
Je suggère d’ailleurs aux responsables de la Rti d’organiser le moment venu, une grande fête pour marquer le retour de la télévision à Bouaké et l’inauguration de la maison qui était complètement tombée en ruine. Si je n’ai pas un délai à fixer, j’ai au moins un souhait qui est que cela se fasse le plus tôt possible.
L’Unjci entre en congrès ce week-end pour renouveler ses instances. Quelle est votre vision par rapport à ces assises ? Vu que votre ministère s’est impliqué à un moment donné dans la résolution de la crise qui a tourmenté cette union en mettant sur pied un comité de sages. Mais que cela semble n’avoir rien donné.
Je souhaite que l’Unjci puisse surmonter la crise qui a précédé ce congrès afin qu’elle parvienne à retrouver son élan d’antan. Vous faites allusion à ce comité de sages qui a été mis en place lorsque nous avons été saisi, d’abord par un des candidats, ensuite par plusieurs personnes qui se plaignaient de la façon dont ce congrès était préparé. L’Unjci n’étant pas une structure sous tutelle du ministère de la Communication, et ne pouvant rester indifférent à ce qui s’y passe, nous avons estimé qu’on pouvait être utile en mettant en place ce comité de sages. Les personnalités composant ce comité ont échangé avec toutes le parties à qui elles ont recommandé d’apaiser le climat. En revanche, lorsque le comité a suggéré le report du congrès, la suspension de la campagne électorale et la tenue d’une réunion de concertation, certains l’ont accusé, à tort, absolument à tort, de vouloir remettre en cause les décisions du conseil d’administration de l’Unjci.
Nous en sommes restés là et le ministère a publié un premier communiqué auquel une réplique a été donnée. Mais en dépit des frustrations des uns et des autres, nous avons insisté pour qu’on continue de distiller des paroles de bon sens. Il y a quelques jours encore, le comité des sages a rencontré les différentes parties. Mais il faut dire très clairement que ce comité, malgré tous les efforts, n’a pas permis de sortir de cette impasse. Nous rappelons que la validation des candidatures et l’organisation du congrès ne sont pas du ressort du ministère de la Communication mais de celui des instances de l’Unjci. C’est évident. C’est pourquoi nous avons été surpris : Imaginez quelqu’un qui veut séparer deux personnes et ces dernières se retournent pour «grouper» sur lui, comme on dit….
Alors, constatant que la médiation n’a pas abouti, il fallait y mettre fin pour ne pas ajouter à la confusion. Voilà où nous en sommes, mais nous tenons quand même à féliciter individuellement et collectivement tous ceux qui ont pris part à ce comité de sages et dire que le ministre reste disponible pour recevoir tous les acteurs du secteur et leur apporter son appui.
M. le ministre, permettez que nous parlions du Fonds d’aide à la presse. Il est très attendu par les patrons de presse et les professionnels de la communication. A partir de quand deviendra-t-il une réalité ?
Les organes dirigeants du fonds sont en place. Le Conseil de gestion présidé par Kébé Yacouba et la Directrice exécutive, Mme Bernise N’guessan, ont déjà bien avancé. Nous faisons diligence pour que le fonds soit mis en place. Nous avons des échanges à ce sujet avec le ministère de l’Economie et des Finances. C’est un Fonds effectivement attendu depuis plus de dix ans. Mais, bon, comme a dit Césaire, « l’impatience, c’est quand on veut la fin sans les moyens ».
La nation a rendu un émouvant hommage aux victimes du 29 mars dernier. Le Président de la République, au cours de cette cérémonie, n’a pu contenir ses larmes. Quelles furent, vous qui y étiez, les sentiments vôtres ?
Un peu de rage froide mais impuissante. Et donc, au bout du compte, beaucoup de compassion, du chagrin, de la pitié aussi.
Interview réalisée par Agnès Kraidy et Abel Doualy