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Économie Publié le lundi 6 avril 2009 | Fraternité Matin

Dette publique : L’analyse de Sy Savané

La question de la dette doit être traitée avec la gravité qu’elle mérite. Dans certaines langues africaines, le mot dette se traduit par «corde ou nœud ou encore par morsure ». Quelles images pourraient mieux traduire aujourd’hui, cette situation aberrante? Tous les pays africains, à de rares exceptions près, se débattent depuis trois décennies, dans le piège à détentes multiples de cette dette. Et cette bataille pour résorber la dette gaspille pratiquement toute leur énergie, leur fait perdre le contrôle de leur destinée, sans compter l’impact psychologique d’une telle situation. Il ne faut pas, en effet, mésestimer le sentiment des générations de jeunes Africains, qui voient tout un continent « tenu en laisse » par ceux-là mêmes qui ont parfois contribué à tresser l’infâme corde de la dette. En effet, même si les dérives dans la gestion publique, la corruption et autres phénomènes de «mismanagement» doivent être dénoncés -et ils le sont de plus en plus-, il n’est pas juste de passer sous silence le fait qu’une partie de la dette africaine ait été contractée sous la pression des vendeurs d’usines clés-en-main, des conseillers empressés, de facilitateurs, d’intermédiaires en tout genre. En fait, s’il faut relever l’inconséquence d’un débiteur qui a surestimé ses capacités de remboursement, l’on ne doit pas, non plus, oublier l’imprudence du créancier qui a sous-estimé les risques. Personne n’a prêté l’argent sur la simple bonne mine des responsables africains, mais par intérêt (au propre et au figuré) en tablant sur des hypothèses de croissance qui ne sont pas réalisées. Quoique l’asymétrie de l’information permettait à certains d’en savoir un peu plus que d’autres, non seulement sur la réalité mais également quant aux perspectives.

Aujourd’hui, certains acteurs ont oublié le début du processus qui a conduit à la catastrophe de la dette. D’autres, amnésiques partiels, admettent qu’ils ont une petite part de responsabilité, mais aucune culpabilité. Quoiqu’il en soit, la question du degré de faute est dépassée par les évènements. Ce qui reste, c’est la nécessité d’alléger réellement le poids de cette dette qui aplatit les pays, dérègle les budgets, fausse toutes les stratégies de sortie de crise ou de transformation sociale.

Il est discutable d’utiliser la dette comme un moyen de chantage, justifiant toutes les expérimentations macro-économiques. Certains observateurs laissent entendre que bien des réformes économiques initiées par les organisations internationales sont justes destinées à permettre aux créanciers de récupérer leurs créances. Une telle opinion peut paraître excessive, mais elle en vaut une autre. On peut comprendre en tout cas l’agacement des dirigeants et des populations à la seule évocation de cette dette lourde, perverse, humiliante, épuisante, désespérante et qui n’en finit pas d’être rééchelonnée. Dans ces conditions, qui veut réellement aider l’Afrique, devrait commencer par lui permettre de se rincer de la dette. D’autant qu’une telle action pourrait contribuer à régénérer son tissu social et économique. Pourquoi doit-on alors dédaigner un programme d’allègement tant qu’il permet de sortir de cette apnée économique devenue intenable ?

Le Président Félix Houphouet-Boigny, - qui avait un sens particulier des rapports de force économiques -a rompu avec les institutions internationales et laissé, par la suite, entendre à propos de la dette que, «de toute façon, on ne peut mettre un pays en prison ». Mais la suite de l’affaire a montré que des mécanismes de marginalisation existent et peuvent aboutir à isoler un pays, à l’affoler, à le tenir loin du cœur actif de l’économie mondiale. Ce qui revient à l’enfermer, à déclencher autour de lui des courants contraires. Dans l’attente de le voir saisi par le vertige, afin qu’il cède. La transgression des lois visibles ou non du meccano économique mondial n’est pas un tabou, mais pour qu’elle débouche sur des victoires certaines et durables, il faut s’y préparer minutieusement. Au lieu donc de se lancer dans une confrontation aux résultats aléatoires, pourquoi ne pas procéder, après analyse lucide, aux réformes nécessaires ? L’admission à un programme de ce type n’est donc, en aucun cas une capitulation. C’est une victoire. Une victoire douloureuse, mais une victoire. L’idée, cependant, que cette étape est une fin en soi, est erronée. C’est, au contraire, le début d’un processus qui requiert plus de vigilance encore. « De la sueur et des larmes », a dit un grand dirigeant qui n’aimait pas se payer de mots.

Le sûr en ce qui nous concerne, est qu’il faudra fournir encore beaucoup d’effort et surtout faire en sorte que celui-ci soit équitablement reparti. Dire cela à ceux qui sont déjà exténués ne relève pas de la cruauté mais demande un certain courage, singulièrement au moment où montent ensemble toutes les demandes sociales.



*Ministre de la Communication, l’auteur s’exprime ici à titre personnel
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