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Politique Publié le jeudi 16 avril 2009 | Notre Voie

Affaire Oré Gnézé : Toute l’histoire d’un complot déjoué

Jacques Oré Gnézé, Conseiller spécial du président Laurent Gbagbo, chargé des cultes séjourne à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) depuis une dizaine de jours.
Comment ce sociologue assez discret jusque-là s’est-il retrouvé derrière les barreaux ? Que lui reproche-t-on ? En définitive, qui est Jacques Oré Gnézé ? Autant de questions qui se bousculent dans la tête de nombreuses personnes depuis que le concerné, de la Maca, crie au complot et accuse à tout vent.


Ce qui est reproché à Oré Gnézé

Jacques Oré Gnézé a été placé sous mandat de dépôt, sous le chef d’accusation principal de tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Il lui est reproché d’avoir conçu un projet visant à renverser le président de la république Laurent Gbagbo et d’avoir pris des contacts dans l’armée et dans les groupes d’autodéfense appelés milices en vue de la réalisation de son projet.
En effet, selon des sources bien introduites, le 17 février 2009, un jeune du nom de Guéi Hippolyte informe les services de la présidence de la république que le nommé Jacques Oré Gnézé, conseiller spécial du président de la république s’activait à recruter des miliciens de l’ouest et des militaires mécontents en vue de perpétrer un coup d’Etat. Le jeune homme soutient avoir été personnellement commis par le sieur Oré Gnézé au recrutement des miliciens, compte tenu de ses relations avec ces derniers. Il avoue avoir donné son accord afin de voir jusqu’où son mandant était prêt à aller. Les services de la présidence saisissent alors les responsables de l’Agence nationale de stratégie et d’intelligence (ANSI) dont le rôle est de traiter ce genre de questions liées à la sûreté de l’Etat. Ces derniers auditionnent le jeune homme qui leur propose d’aller à la rencontre de Jacques Oré Gnézé avec deux agents de l’ANSI qu’il présenterait comme deux militaires qui partageaient son projet de coup d’Etat et qui étaient prêts à s’y associer. L’on met à sa disposition deux sous-officiers assermentés.

Rendez-vous est pris le lendemain, 18 février sur la route du zoo où Oré Gnézé occupe un bureau tenant lieu de centre de recherche en «béthologie». Là, les agents de l’ANSI présentés comme des militaires putschistes en compagnie du jeune Guéi Hippolyte, enregistrent toute la conversation à l’occasion de laquelle Jacques Oré Gnézé confirme tout le complot. Il parle sans retenue. Il soutient que son heure a sonné de prendre le pouvoir parce que Dieu l’a oint. Il explique que le régime de Laurent Gbagbo est fini et que d’ici deux à trois mois, il prendra le pouvoir. Tout commencera, selon lui, par un soulèvement populaire dont les militaires profiteront pour déposer Laurent Gbagbo. Il explique également pourquoi il préfère composer avec les petits militaires. Parce que, selon lui, les officiers supérieurs lui voleraient sa place. Et puis, il indique que partout, ce sont les jeunes qui réussissent les coups d’Etat, les hauts gradés ont toujours eu peur.

Jacques Oré Gnézé rassure ses interlocuteurs en ajoutant qu’il est en contact avec le président gabonais Omar Bongo Ondiba dont le rôle serait de convaincre les autres chefs d’Etat d’accepter le putsch. Il affirme aussi avoir des soutiens en France, notamment à l’Elysée depuis l’époque de Chirac.

D’ailleurs, indique-t-il, la France, se réjouirait si un coup d’Etat se produisait en Côte d’Ivoire. Parce que, selon lui, la France ne croit pas aux élections en Côte d’Ivoire. Il révèle qu’il a promis de restituer à la France tout ce qu’elle a perdu en Côte d’Ivoire.


La confirmation du complot

Après cette rencontre, l’ANSI met en place un dispositif de surveillance du concerné. Et pendant un mois, tous les mouvements de Jacques Oré Gnézé sont suivis.

Une deuxième rencontre a lieu le 21 mars 2009 entre Oré Gnézé et le jeune Guéi. Les agents de l’ANSI qui les ont pris en filature ont suivi tous leurs mouvements. Le rendez-vous a lieu au bureau d’Oré Gnézé route du zoo. Puis les deux prennent place à bord de sa voiture où la conversation se poursuit jusqu’à son domicile. Oré Gnézé persiste et signe. Il soutient alors que les choses se précisent puisque, à l’en croire, le régime Gbagbo commet de plus en plus d’erreurs. Il affirme d’ailleurs que l’arrestation d’Anaky Kobena est l’une de ces erreurs qui précipiteront la chute de Gbagbo. Il ajoute que le président Gbagbo n’écoute plus personne. Il peste contre le chef de l’Etat qui aurait refusé de le recevoir alors qu’il était allé lui annoncer la nouvelle du décès de sa fille en France, le 4 septembre 2008. Il estime dès lors que Dieu lui a bouché les oreilles pour l’amener à commettre les erreurs qui entraîneront sa chute. Oré Gnézé soutient que s’il prend le pouvoir, ce ne sera pas pour organiser les élections, mais pour réorganiser le pays afin que les Ivoiriens puissent jouir de la richesse de leur sous-sol. Jacques Oré Gnézé interrompt brièvement cet entretien pour régler, au téléphone un problème d’hospitalisation de son épouse à la polyclinique internationale Sainte Anne-Marie (PISAM) d’Abidjan. Le tout est enregistré par les agents de l’ANSI. Oré Gnézé n’en a rien su.

A l’issue de cette deuxième rencontre, les responsables de l’ANSI estiment que l’affaire était suffisamment grave pour qu’une action soit engagée. Ils tirent donc leurs conclusions et cèdent le dossier à la brigade de recherche de la gendarmerie qui procède à l’arrestation du sieur Jacques Oré Gnézé. Il sera interrogé pendant quelques jours avant d’être déféré devant le parquet qui le mettra sous mandat de dépôt et écroué à la Maca.

Depuis lors, Oré Gnézé crie sur tous les toits son innocence. Tantôt il reconnaît sa voix sur l’enregistrement, tantôt il nie en être l’auteur. D’autres fois, il soutient qu’il a joué le jeu avec le jeune Guéi et ses deux compagnons afin de prêcher le faux pour avoir le vrai. Il dit d’ailleurs en avoir informé une autorité militaire du palais présidentiel.

Enfin, il accuse Firmin Krékré, le Secrétaire général de l’ANSI et le chef de cabinet du président Gbagbo, Narcisse Kuyo Téa d’avoir monté un complot contre lui. A quelle fin ?

Pourquoi ces deux personnalités comploteraient-elles contre lui, le Conseiller spécial du chef de l’Etat chargé des Cultes et pas contre un autre ? Si tant est qu’il a voulu prêcher le faux pour avoir le vrai, pourquoi n’a-t-il pas saisi les institutions officielles chargées de traiter ce genre de questions notamment l’ANSI, la gendarmerie ou la police ?

Enfin, est-ce vraiment le rôle d’un Conseiller spécial chargé des Cultes de sonder les citoyens quant à leur intention de faire un coup d’Etat ? Autant de questions qui trouveront à coup sûr leurs réponses au procès.


Augustin Kouyo
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