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Politique Publié le jeudi 14 mai 2009 | Le Nouveau Réveil

Réponse à “Jeune Afrique” - Qui de Bédié ou de Gbagbo est compétent et apte à gouverner ?

Dans un article paru dans "Le Nouveau Réveil" du mardi 5 mai 2009, l'auteur rapporte les propos suivants prêtés à M. Laurent Gbagbo sur le Président Bédié, dans le magasine Jeune Afrique hors série n°2 de Janvier 2000 (p.70) : "Incompétent, dictateur, quelqu'un qui fait fi de l'avis de son entourage, Henri Konan Bédié était tout ça à la fois. Il était franchement inapte à diriger notre pays. Et ce n'est pas un sentiment nouveau chez lui. Cela remonte à notre première rencontre, en décembre 1990. Il était Président de l'Assemblée Nationale, et moi Député. A la sortie de l'entretien, j'ai dit à mon épouse, cet homme-là n'est pas fait pour gouverner. Il est faible, léger, susceptible, et je pèse bien mes mots. Intellectuellement incompétent".

Si ces propos ont été effectivement tenus par M. Laurent Gbagbo, alors il y a lieu de faire une comparaison entre les deux personnalités, c'est-à-dire Gbagbo et Bédié, tant du point de vue de leurs valeurs intellectuelles intrinsèques (formations universitaires, parcours professionnels, attitudes respective obtenues par chacun d'eux en tant que Président de la République de Côte d'Ivoire). Tout ceci permettra aux Ivoiriens de mieux les juger à la veille des élections présidentielles pour lesquelles les deux hommes sont candidats, car tout homme politique sur terre a trois juges : Sa propre Conscience, Dieu et le peuple. La conscience humaine est insondable. Personne ne peut, non plus, préjuger de ce que sera le verdict pour chacun d'eux dans l'au-delà. Le peuple, lui n'est pas loin de rendre son jugement. Mais avant ce jugement que nous espérons objectif et sans appel, il est bon qu'il (le peuple) ait tous les éléments d'appréciation. Et les propos rapportés ci-dessus nous interpellent et nous donnent l'opportunité de livrer au peuple des éléments de comparaison et d'appréciation. Par souci d'objectivité, nous éviterons autant que possible les jugements de valeur sur les hommes, pour ne prendre en compte que les preuves palpables, faits, gestes, comportements, paroles, actes et résultats de leurs actions politiques, en un mot, tout ce qui est vérifiable et peut-être vérifié à tout moment.


1. Valeurs intellectuelles intrinsèques

Nous prenons en compte ici le cursus scolaire et universitaire de chacun d'eux, car dans l'échelle des valeurs des temps modernes, le diplôme est un élément fondamental.

Excellent élève et brillant étudiant (ses camardes l'appelaient "l'Empereur" pour ses capacités intellectuelles, selon le témoignage d'un ancien opposant, en l'occurrence, le professeur Zaourou Zady), le Président Bédié a fait toutes ses études universitaires et post-universitaires en France. Titulaire d'une licence en droit (actuelle maîtrise) et du CAPA (pour la profession d'avocat) et du Doctorat d'Etat en Economie, il est un des rares dirigeants africains à posséder des diplômes universitaires dans deux différentes disciplines. Malgré sa formation d'économie, donc de scientifique, il écrit et parle à merveilles le Français.

Gbagbo lui aussi a fait de bonnes études, puisqu'il a un Doctorat troisième cycle en Histoire, Auparavant, il a été professeur certifié de lycée (licence, puis CAPES), mais on ne lui connaît pas (du moins à notre connaissance) un sobriquet de brillant étudiant parmi ses camarades de promotion. Ses camarades de promotion au lycée et à l'université pourraient lever un coin de voile sur cet aspect s'ils jugeaient inexact ce que nous disons ici.

Et puis, du point de vue universitaire, le Doctorat d'Etat est au-dessus du doctorat troisième cycle dans l'ancien système où existaient deux doctorats. Alors, par rapport aux commentaires de Gbagbo sur Bédié dans Jeune Afrique, la question qui se pose ici est de savoir si quelqu'un qui a diplôme inférieur est à même d'apprécier les connaissances scientifiques, donc les compétences de celui qui a un diplôme plus élevé ? Autrement dit, est-ce que, objectivement parlant, quelqu'un qui a le BEPC peut-il apprécier les capacités intellectuelles de celui qui a le Baccalauréat ?


2. Parcours professionnels

En tant qu'Avocat, Bédié a plaidé très peu. Il a, très tôt, préféré mettre ses connaissances économiques aux services de son pays. Sous-directeur au Ministère de l'Economie et des Finances à l'époque coloniale, conseiller à l'Ambassade de France (ce qui est une prouesse pour un Nègre à l'époque) à Washington. Il y restera comme Ambassadeur de Côte d'Ivoire à l'Indépendance (1960) jusqu'en 1966, date à laquelle il est nommé ministre de l'Economie et Finances jusqu'en 1977. Sorti du Gouvernement, il repart à Washington comme Conseiller du Président de la Banque Mondiale en charge du secteur privé (SFI). En 1980, il est élu Président de l'Assemblée Nationale, et devient président de la République en Décembre 1993, après le décès du Président Houphouët-Boigny, poste qu'il conservera après les élections de 1995. Il convient de noter que tout économiste rêve de travailler à la Banque Mondiale ou au FMI, les deux plus prestigieuses institutions économiques internationales d'après-guerre. Mais n'importe qui n'y entre pas. On n'y entre sur ses propres valeurs intellectuelles et professionnelles. Quant à M. Gbagbo, je n'ai pas souvenance qu'il a travaillé dans une organisation prestigieuse internationale. Il a été professeur d'histoire et Député, et est actuellement Président de la République.

Si quelqu'un possède des informations contraires ou complémentaires sur le cursus universitaire et la vie professionnelle des deux hommes, il pourra les porter à la connaissance du public dans ce débat que nous voulons objectif et fécond pour éclairer le choix du peuple ivoirien à la veille des élections présidentielles dont l'issue déterminera fondamentalement le destin du pays.


3. Tempéraments et capacités du jugement

Bédié est un homme modéré, partisan du dialogue (il est disciple de Houphouët), et préfère les compromis aux affrontements. Il a un respect presque religieux des autres et de la vie humaine. Il n'a jamais tué personne. Il n'aime pas les scandales. Il a préféré céder le pouvoir plutôt que de faire tuer des ivoiriens dont les soldats mutins, auteurs du coup d'Etat de 1999. Si sa suggestion à Gbagbo de négocier avec les rebelles dès le début de la crise avait été suivie, on aurait évité des centaines, voire des milliers de pertes en vies humaines. Il possède une capacité de jugement juste et responsable.

Gbagbo, lui, semble ne reculer devant rien. C'est le courageux, voire l'intrépide. Il répond à la violence par la violence : "Si quelqu'un me brandit l'épée, je lui brandis l'épée", disait-il, dès le déclenchement de la rébellion. Il a revendiqué publiquement le boycott actif qui a fait plusieurs morts, et a félicité, publiquement, à la télévision (Cf TV5), les forces de l'ordre ivoiriennes qui ont assassiné froidement plus de 120 personnes (selon l'ONU) lors de la marche pacifique projetée par l'opposition ivoirienne en mars 2004. Devant la mort de ses nombreux concitoyens, il aurait, selon la presse ivoirienne, déclaré, à peu près ceci : "Mille morts par-ci, mille morts par-là, moi, j'avance". Il a traité publiquement un chef d'Etat étranger (Oumar Bongo du Gabon) de rigolo. Il s'est lourdement trompé, dès le début de la crise ivoirienne, sur la capacité de l'armée ivoirienne à faire face à la rébellion. Après des centaines, peut-être des milliers, de pertes de vies humaines, de destructions de biens privés et publics et des dispositions de certains villages de la carte de la Côte d'Ivoire, il a fini par engager le dialogue Direct (Accord de Ouagadougou), c'est-à-dire les négociations (qu'il avait refusées au départ quand Bédié le lui avait suggéré) avec les rebelles.


4. les résultats des deux hommes

Au côtés du Président Houphouët, le Président Bédié a été à l'origine des succès économiques de la Côte d'Ivoire des années 1970 que les Occidentaux ont qualifiés de "miracle ivoirien". A la mort du Président Houphouët en 1993, l'Etat ivoirien était presqu'en faillite, et n'arrivait plus à payer ses agents de sorte que les hôpitaux publics s'étaient mis en grève pendant plusieurs jours, provoquant des centaines de morts. Mais, dès son arrivée au pouvoir, et ce jusqu'au coup d'Etat de 1999, les salaires des agents étaient régulièrement payés. Mieux, la Côte d'Ivoire était passée d'un taux de croissance négatif à un taux de croissance positif, avec une moyenne de 7% par an jusqu'en 1999 ; des centaines d'hôpitaux et dispensaires et des écoles furent construits. L'habitat économique connut un essor extraordinaire. Des centaines de kilomètres de goudron avaient été réalisés. Les fonds sociaux ont permis à des nombreux jeunes de créer leurs propres affaires. Le nouvel aéroport de production de l'énergie électrique en Côte d'Ivoire. Le projet de construction du troisième pont d'Abidjan (Marcory-Cocody) avait été bouclé. La Côte d'Ivoire avait été admise au Ppte (point de décision) en 1998, la même situation qu'elle retrouve aujourd'hui, dix ans après, et pour laquelle le régime Fpi devait avoir le triomphe modeste, car ce n'est qu'un retour à la case départ. Et l'idée de négocier avec les institutions de Bretton Woods pour que la Côte d'Ivoire, jadis pays à revenu intermédiaire, soit classée parmi les Ppte pour pouvoir bénéficier de l'annulation de la dette, évitant ainsi d'être pénalisée pour sa réussite économique par rapport aux autres pays en voie de développement, est bel et bien du régime du Président Bédié. La seule véritable fausse note sous la période Bédié étaient les détournements de 5 milliards de Fcfa sur les 18 milliards de l'Union européenne pour lesquels les Ivoiriens coupables et les Européens complices ont été arrêtés et jugés. Il y a eu, certes, des détournements à la Sotra et à la Sobg et l'affaire Nasra, mais les coupables ont été arrêtés immédiatement sans pression extérieure. A cet égard, tout le monde se souvient des Unes de journaux comme "Les mercredis noirs de Bédié" faisant allusion aux délibérations du Conseil des ministres du mercredi autorisant les poursuites judiciaires. Des délinquants et des criminels n'ont jamais été protégés par Bédié.

Je n'ai pas souvenance de journalistes assassinés, arrêtés ou même faisant l'objet de poursuites judiciaires (pour offense à chef d'Etat) quand Bédié était au pouvoir, et pourtant le délit de presse n'était pas encore dépénalisé, et Dieu seul sait combien il avait été insulté et traîné dans la boue par la presse de l'opposition de l'époque. Sous lui, aucune personne n'a jamais été menacée de mort (Tuburce Koffi, un de ses plus virulents critiques de l'époque peut en témoigner) ou assassinée pour l'avoir critiqué.

Mais que peut-on retenir du règne de Gbagbo ? Taux de croissance négatifs ou très faibles, taux de chômage très élevé, rues d'Abidjan et routes nationales délabrées et impraticables, école assassinée, manque de médicaments dans les hôpitaux, nombreux charniers, importation de déchets toxiques ayant occasionné plusieurs morts et blessés, assassinats de manifestants militants de l'opposition, assassinats de manifestants de la société civile lors de la manifestation contre la cherté de la vie, existence d'escadrons de la mort, assassinat de leaders d'opinion ou de simples citoyens (Camara H, Habib Dodo, Dr Dakoury Tabley, le jardinier du président du Rdr), assassinats de journalistes (Jean Hélène et Guy-André Kieffer), insécurité généralisée, harcèlements politiques (nombreuses personnalités du Rhdp brutalisées nuitamment par les Forces de l'ordre devenues anti-républicaines et aux ordres du Fpi) et arrestations d'hommes politiques (Anaky Kobena) et de journalistes (Gnamantêh Nanankoua) malgré la dépénalisation du délit de presse, nombreux incendies dans des bâtiments publics, forte proportion de la population qui ne peut s'offrir un repas par jour, pauvreté généralisée, forte répression (plus qu'à l'époque coloniale) des prix des produits agricoles (café-cacao, anacarde), détournements massifs de deniers publics se chiffrant à des centaines de milliards de Fcfa dans le secteur café-cacao, etc. Seules consolations, mais bien maigres dans ce tableau sombre, la construction de bâtiments publics à Yamoussoukro (que des journalistes appellent ironiquement les chinoiseries de Gbagbo) qui devront abriter des institutions républicaines dont certaines non encore créées (Sénat).

Gbagbo pourrait bénéficier de circonstances atténuantes à l'idée que la guerre a éclaté deux ans après son arrivée au pouvoir. Or, la guerre a été, en grande partie, engendrée (au dire des rebelles eux-mêmes) par la Constitution exclusionniste de 2000 élaborée par les soi-disant professeurs agrégés de droit Fpi (" pour écarter des candidats comme M. Ouattara… ") de la coalition militaro-politique d'après le coup d'Etat dont le Fpi de l'époque, qui le premier, avait traité Alassane Ouattara d'étranger, en titrant : " Alassane Ouattara, le Burkinabé de Houphouët ". Mais, revenons à la guerre pour dire qu'elle ne saurait expliquer tout pour trois raisons : la première raison est que Gbagbo, en sa qualité de Président a, entre autres prérogatives, celle de préserver l'intégrité territoriale du pays. Or, il n'avait pu le faire, il avait donc failli à son devoir, et la Côte d'Ivoire avait été attaquée de l'extérieur ; la seconde raison est que, depuis le début de la guerre en septembre 2002, avec des budgets de l'Etat de plus de 2000 milliards de Fcfa par an, consacrés à peine à la moitié de la Côte d'Ivoire, rien n'a pu être réalisé depuis 6 ans ; pire, les infrastructures réalisées autrefois par le régime du Pdci tombent en ruine, faute d'entretien ; même les bâtiments abritant l'administration (les Tours de la cité administrative et la Pyramide au Plateau) sont devenus affreusement hideux ; la troisième raison, c'est qu'avant la guerre, Gbagbo avait gouverné seul le pays pendant deux ans, de 2000 à 2002, période au cours de laquelle aucun résultat tangible n'avait été acquis. Or, en Sciences économiques, il est démontré économiquement, donc scientifiquement, que l'application d'une politique économique commence à avoir des effets à partir de 6 mois. Deux années donc étaient suffisantes pour avoir des résultats s'il y avait eu mise en place de bonnes politiques économiques de 2000 à 2002. Par exemple, Bédié, dès ses premiers mois de pouvoir en 1994, avait réussi à sécuriser les salaires des agents de l'Etat et stabiliser l'économie, pour réaliser, par la suite, un taux de croissance économique de 7% en moyenne par an.

Ainsi donc, ni la guerre, ni le délai prétendument court de la gestion Fpi en singleton (2000-2002) ne sauraient expliquer la situation de misère généralisée constatée par les Ivoiriens (toutes tendances politiques confondues) et la Communauté internationale dont le Fmi, la Banque mondiale, le Pnud, l'Onuci, les Ong et la société civile ivoirienne, sous le règne de M. Gbagbo.
Le lecteur a, sans aucun doute, constaté que dans le présent article, j'ai volontairement fait fi des qualificatifs de " faible, léger, susceptible, dictateur ", attribués par leur auteur au Président Bédié, car, ces qualificatifs n'expriment que des jugements de valeur, donc extrêmement subjectifs.
Par contre, à travers les faits, attitudes, actes et résultats (non exhaustifs), sous l'une et l'autre des deux personnalités, ici énumérés, le Peuple souverain de Côte d'Ivoire qui est loin d'être dupe, a des éléments objectifs de comparaison et d'appréciation, et saura qui des deux hommes est compétent et apte à le gouverner. Il fera alors son choix conformément à ses aspirations et intérêts lors des élections présidentielles à venir.

Docteur Jean Diggli, PhD en Sciences économiques
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