Libre opinion - Interview - M. Yao André, administrateur général de l`agropole de Yamoussoukro : “Il faut 18 milliards pour réaliser entièrement le projet Agropole”

Yao André, ingénieur agronome a également fait des études en économie et en diplomatie en France .Grâce à ses qualités de manager, le gouverneur N'dri Apollinaire du district de Yamoussoukro lui a fait appel pour diriger l'agropole, une structure de développement socio -économique dont le District est l'actionnaire majoritaire .Suivons- le.


L'Agropole, c'est quoi exactement ?

Les plantations de Toumbokro ont été créées en 1965 pour le café et 1970 pour le cacao sur une superficie de 2065 hectares, avec 40 hectares d'étendue d'eau qui permettent, en temps de sécheresse, d'irriguer la partie caféière.

Il faut noter aussi qu'à un moment donné, ces plantations du président Houphouët-Boigny ont été abandonnées et il était question de les céder à un franc symbolique. Heureusement, cette idée scandaleuse n'a pu prospérer. Le ministère de l'Agriculture a écrit au Gouverneur du District de Yamoussoukro pour lui demander la conduite à tenir. Une communication a été faite en Conseil des ministres et depuis 2005, la gestion de ces plantations nous est confiée. On a constaté que la production était nettement en deçà du niveau d'antan, deux tonnes de café et 30 tonnes de cacao produites par un personnel de 250 employés. A partir de 2007, il a été décidé de contacter les grands pays agricoles comme la France, le Canada, les USA, le Brésil, etc. pour leur faire savoir que nous possédons assez de matières premières et que nous avons besoin d'unités de transformation. Nous avons compris qu'au lieu de toujours vendre nos produits (matière première) à l'extérieur, il faut qu'on les transforme sur place. On s'est donc demandé ce qu'il fallait faire. Faut-il créer un Agropole à l'image de ce qui existe en France ? Et je pense que c'est ce que nous sommes en train de faire.


Comment est né l'Agropole de Yamoussoukro ?

C'est un centre d'excellence. C'est un pôle de développement économique axé sur la production, la transformation, les recherches, la formation. C'est ce qui manque beaucoup aux pays africains, parce que l'encadrement et la recherche ne se font pas bien. Bien que des structures comme le Centre national de recherche agronomique (Cnra) soient là, dans le cas de la Côte d'Ivoire, il faut une vulgarisation. Malheureusement, les gens n'arrivent pas à y voir bien clair (…).Quand cela s'avère nécessaire. Un autre avantage lié à la création de l'Agropole est l'écotourisme qui est un élément-clé du développement rural et qui concerne aussi l'environnement. C'est pourquoi nous n'utilisons pas de produits chimiques dans nos plantations. En somme, on peut dire que l'Agropole est non seulement un pôle de développement économique, mais aussi et surtout social. Il contribue à créer des emplois. Environ 2 800 emplois à court terme, ce nombre pourrait atteindre les 5 000 ; une construction à long terme selon les normes environnementales, d'un hôtel à Guiglo (la plantation Guiglo s'entend, ndlr). Un hôtel des planteurs quatre étoiles va y être construit pour rendre hommage aux vaillants planteurs mais surtout pour dire que les planteurs ont droit à un cadre décent. Car nous ne voulons pas rester sur notre production classique. Nous voulons voir grand comme tous les grands pays agricoles ayant pour force de développement l'Agropole industriel.


Agropole est -il une entité à part entière du district ?

L'Agropole a un statut purement agricole, c'est une entité du District de Yamoussoukro, certes, mais une entité dans laquelle le District est majoritaire .Mais sa gestion n'a rien à voir avec le District. A preuve, si j'ai été proposé par le Gouverneur, il n'en demeure pas mois que c'est au cours d'une Assemblée générale (Ag) que j'ai été désigné administrateur général de l'Agropole. Conformément au procès verbal de cette Ag, le gouverneur a signé un arrêté en juillet 2008 me confirmant dans ma fonction d'administrateur général de l'agropole de Yamoussoukro. Donc, je puis vous dire que mon poste n'est pas lié au sort du gouverneur actuel. Les textes sont clairs à ce niveau.


Peut-on savoir d'où proviennent vos fonds ?

Pour obtenir des fonds, il faut se battre et c'est ce que nous faisons en allant chercher ces fonds un peu sur place ici, mais beaucoup à l'extérieur. Le District donne sa part, les institutions, les partenaires…Et nous travaillons avec le peu que nous engrangeons.


Qu'en est-il des employés des plantations d'Etat, car l'on se rappelle qu'un confrère a dépeint récemment un tableau très sombre de leur situation salariale ?

Ces employés réclamaient des arriérés de salaires avec l'Etat de Côte d'Ivoire qui a rétorqué qu'un contrat n'existait pas à cet effet. Aussi, a-t-on décidé de voir ce qu'il était humainement possible de faire pour eux, en collaboration avec les ministères de l'Agriculture ; de l'Economie et des Finances. Aujourd'hui, je puis vous dire qu'il s'agit d'une mauvaise lecture de la situation des ouvriers. Certaines informations sont données sans fondement. Ce que je regrette d'ailleurs.


Avez-vous des priorités dans ce projet?

D'abord la réhabilitation de la plantation et elle a commencé avec le peu d'aide que nous avons eue notamment avec le Fonds du café-cacao pour nettoyer les 850 ha de café dont 450 ha vont être remplacés. Sur ces 450 ha à réhabiliter, nous en réhabilitons 50 annuellement et si l'année prochaine les moyens le permettent, nous en ferons 100 ha. Au niveau des cultures pérennes, vous savez, les cacaoyers et les caféiers peuvent vivre 100 ans mais seulement, au-delà de 25 ans, ils produisent peu. Il est donc mieux de les remplacer, et c'est ça notre priorité. Ensuite, c'est qu'il y a des structures qui vont s'installer parce qu'il y a une zone de développement économique à l'image de la zone franche. Tout ce qui est agriculture et agroalimentaire doit être dans l'espace agropole. D'ailleurs, des sociétés sont déjà intéressées. On veut donner l'opportunité à tout le monde de s'installer, pourvu que cela contribue au développement durable. Si vous avez des projets agroalimentaires, vous êtes le bienvenu. Il y a des packages. Pour le moment, c'est ce que nous faisons et dans peu de temps, il y aura l'hôtel et c'est un projet qui doit s'auto financer.


A combien peut-on évaluer le coût d'investissement pour la réhabilitation des plantations ?

Pour arriver à bout de la réhabilitation en terme plus simple, l'investissement est évalué à 680 millions de Fcfa. Mais, pour financer la totalité du projet,il faut environ 18 milliards de nos francs. Et je vous assure que cela est réalisable.


Puisque vous insistez sur le respect de l'environnement, avez-vous un projet pour la Cité les Lacs ?

A Yamoussoukro, tous les lacs sont pollués. Il y a deux ans, nous avons demandé à la FAO de faire l'analyse des eaux des lacs. Et les résultats sont alarmants. Tout ce qui provient des lacs est pollué. Je demande aux maraîchers qui cultivent aux abords des lacs de s'orienter vers Koossou. Là, il y a des lacs favorables à la pêche, à ces cultures….

C'est au vu de toutes ces réalités que nous envisageons d'autres priorités. Voyez-vous, dans un pays essentiellement agricole comme le nôtre, il n'est pas normal d'avoir un seul institut agricole, celui de Bingerville. C'est pourquoi, au sein de l'Agropole, nous envisageons créer un institut professionnel agricole (Ipa) qui va former au BT, BTS, voire au Cycle d'ingénieur. La Corée du Sud dit être fort intéressée.

Pour atteindre des objectifs aussi nobles, l'Agropole doit échapper aux intrigues politiciennes pour le développement durable de la Côte d'Ivoire. Il faut donc voir dans ce projet le développement national, l'intérêt national car les individus passent, mais les institutions demeurent.
Interview réalisée par Olivier Yao (correspondant particulier)