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International Publié le jeudi 2 juillet 2009 | Fraternité Matin

Cour pénale internationale : Kofi Annan invite les Africains à assumer la lutte contre l’impunité

Il y a onze ans, lorsque j’ai ouvert la conférence de Rome qui a conduit à la fondation de la Cour pénale internationale, j’ai rappelé aux délégués présents que le regard des victimes des crimes passés, et celui des victimes potentielles des crimes futurs étaient braqués sur eux. Les délégués, parmi lesquels se trouvait un grand nombre d’Africains, ont saisi cette opportunité unique et ont créé une institution destinée à renforcer la justice et le respect des lois. Maintenant ce précieux héritage repose une fois de plus entre les mains des dirigeants africains au moment même où ils sont réunis en Libye depuis le ler juillet. Ce sommet de l’Union africaine sera le premier depuis que la CPI a délivré un mandat d’arrêt à l’encontre du Président soudanais Omar el-Béchir, accusé de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre pour son rôle présumé dans les atrocités du Darfour. L’engagement de l’UA dans la lutte contre l’impunité, réitéré à maintes reprises, y sera mis à l’épreuve. Parmi l’ordre du jour figure une initiative de quelques états visant à dénoncer la Cour et à la remettre en cause. Ces derniers mois, certains dirigeants africains ont émis l’opinion que la justice internationale telle qu’elle est représentée par la Cour est une imposition, voire un complot, de l’Occident industrialisé. à mon avis, ce tollé contre la justice dévalorise le désir de dignité humaine présent dans le cœur de chaque Africain. Il représente également un pas en arrière dans la lutte contre l’impunité.



Au cours des dix années durant lesquelles j’ai occupé les fonctions de Secrétaire général des Nations unies, la promesse de justice et son pouvoir de dissuasion sont devenus de plus en plus réels. Les atrocités commises au Rwanda et en ex-Yougoslavie ont conduit le Conseil de sécurité à établir deux tribunaux ad hoc, reposant sur les principes des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Ces tribunaux ont montré qu’une justice internationale efficace peut réellement exister.



Toutefois, ces tribunaux ad hoc n’étaient pas suffisants. Les hommes du monde entier voulaient être sûrs que si les pires atrocités étaient commises (génocide, crimes de guerres ou crimes contre l’humanité), où que ce soit et quand que ce soit, il y aurait un tribunal pour traduire en justice tous ceux qui, dans la hiérarchie du gouvernement ou du commandement militaire, en seraient responsables. Ce principe devrait s’appliquer sans exception aussi bien au plus humble soldat qu’au plus haut dirigeant.



C’est ainsi qu’a été constituée la CPI. Cent neuf états en font maintenant partie, dont trente pays africains, représentant le bloc régional le plus important parmi les états membres. Cinq des dix-huit juges de la Cour sont africains. La CPI reflète la demande universelle pour un tribunal qui soit en mesure de punir les auteurs des crimes les plus graves, et de dissuader d’autres de les commettre. Les opposants africains à la CPI affirment qu’elle fait une fixation sur l’Afrique, parce que les quatre affaires dont elle a été saisie jusqu’à maintenant ont toutes trait à des crimes commis contre des victimes africaines. Il faut commencer par se demander pourquoi des dirigeants africains ne devraient pas se réjouir de cette focalisation sur les victimes africaines. Ces dirigeants veulent-ils vraiment prendre le parti des auteurs présumés d’atrocités de masse, plutôt que celui de leurs victimes ? Si la Cour n’a pas réussi jusqu’à présent à répondre aux appels des victimes hors de l’Afrique, est-ce vraiment une raison pour ignorer les appels des victimes africaines?



Qui plus est, dans trois de ces cas, c’est le gouvernement lui-même qui a demandé l’intervention de la CPI : la République démocratique du Congo, la République centrafricaine et l’Ouganda. Le quatrième cas, celui du Darfour, n’a pas été sélectionné par la CPI, mais il a été référé par le Conseil de sécurité des Nations unies. Il est important également de ne pas oublier que la CPI est un tribunal de dernier recours qui procède uniquement quand les systèmes judiciaires nationaux sont réticents, ou incapables d’agir. La Cour aura moins besoin de protéger les victimes africaines quand les gouvernements africains auront amélioré leur capacité à traduire en justice les responsables d’atrocités de masse. La CPI représente un espoir pour les victimes d’atrocités et envoie le message que nul n’est au-dessus des lois. Cet espoir et ce message seront sapés si l’Union africaine condamne la Cour parce qu’elle a inculpé un chef d’État africain. L’Union africaine ne doit pas abandonner sa promesse de lutter contre l’impunité. À moins que les criminels de guerre poursuivis soient tenus pour responsables, quel que soit leur rang, d’autres tentés de les imiter n’en seront dissuadés, et le peuple africain en souffrira. Nous avons peu d’espoir d’empêcher les pires crimes dont l’humanité est capable, ou de rassurer ceux qui vivent dans la crainte de leur récurrence, si les dirigeants africains cessent d’apporter leur soutien à la justice pour les crimes les plus odieux simplement parce que l’un des leurs se retrouve sur le banc des accusés.



Une contribution de Kofi Annan ancien Secrétaire de l’Organisation des Nations unies de 1997 à 2006 et président de la Fondation Kofi Annan.
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