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Société Publié le jeudi 2 juillet 2009 | Nord-Sud

Prostitution au marché d’Adjamé - Irié Bi Tra Clément, (Président de l’Ong Cavoéquiva) : “Des fillettes couchent avec des chiens”

Dans le cadre de notre reportage sur la prostitution au marché d’Adjamé publié hier, nous avons interrogé Irié Bi Tra Clément, président de ‘’Cavoéquiva’’ (Unissons-nous en langue Gouro). Malgré ses maigres moyens, cette ONG se bat depuis 2004 pour la réinsertion sociale de ces filles.


•D’où viennent ces filles?

Elles viennent généralement de l’intérieur du pays et de la sous-région.



•Depuis quand êtes-vous en contact avec elles ?

Depuis 2004. Nous avons mené une enquête de profilage à la suite de laquelle nous avons découvert ces jeunes filles.



•En quoi consistait cette enquête?

Dans un premier temps à la défense des droits des enfants. C’est au cours de nos tournées dans les différents marchés que ces cas de prostitution se sont présentés à nous. Nous avons vu des gens qui étaient victimes de violation des droits de l’Homme. Il y a eu plusieurs cas. Nous avons vu par exemple une jeune fille de 10 ans qui a été violée en 2006 par 6 personnes, au marché d’Adjamé. Nous avons fait un documentaire sur son cas. D’après elle-même, c’étaient des bandits.



•Le viol a eu lieu à quel moment?

Pendant la nuit. Le plus souvent quand vous allez au Forum des marchés la journée, vous les trouvez en train de transporter les bagages des gens. Ce sont les filles communément appelées "tantie bagage"On ne sait pas qui fait quoi. Mais, la nuit elles ont un autre visage.



•Que constatez-vous en général la nuit ?

Ce que nous avons constaté, c’est que dans un premier temps, quand ces enfants sont en conflit avec leurs parents, elles cherchent un endroit où elles peuvent rester. C'est-à-dire le marché Gouro, à la gare routière, ou au Forum des marchés dans la journée, puisque ce marché est fermé la nuit. Alors que le marché Gouro est ouvert 24h sur 24. Ce qui fait que ces enfants se retrouvent là-bas. Il y a des magasins où les gens payent 100 Fcfa pour dormir. Ceux qui n’ont pas d’argent dorment dans un autre endroit près de la « maison blanche » dans des couloirs de magasins ou sur des tables. C’est là que ces filles dorment. Elles sont sans défense. Elles sont violées. Il y a des détails dont on ne peut même pas parler.



•Quel est l’âge moyen de ces filles?

L’âge des filles qui se prostituent débute à partir de 8 ans. Mais, il y a des filles de 6 ans qui travaillent dans les marchés.


•Les cas de viol se signalent à partir de quel âge ?

Nous avons eu le témoignage d’une fille de 8 ans en 2005 qui avait été violée. Nous avons remarqué qu’un nombre croissant de filles dans la rue sont victimes de prostitution. Nous avons cherché les raisons de ce phénomène et ce qui poussait ces filles à rester dans la rue. Nous avons constaté que la majorité de ces enfants vivaient avec des tutrices, mais étaient victimes de maltraitance. Pour fuir cette maltraitance, ces enfants finissent dans la rue. N’ayant nulle part où dormir, elles se retrouvent dans la rue dans un premier temps et au marché Gouro, ensuite. Puisqu’il faut survivre, elles sont obligées de faire la passe.



•Combien coûte la passe ?

1.000 ou 1.500 Fcfa sans préservatif. Les plus petites se prostituent quelques fois pour 200 Fcfa quand elles sont coincées.



•Combien d’enfants sont dans cette situation ?

Ces enfants sont très nombreux. Depuis 2005, jusqu’à ce jour le nombre à doublé.


•La centaine ?

Le nombre dépasse largement la centaine. Celles que nous avons pu recenser en 2005-2006 dépassent la centaine.


•Concernant la prostitution, qui sont leurs clients ?

A la suite de l’enquête que nous avons menée, il a été constaté que la majorité d’entre elles ont pour clients les vendeurs de viande braisée, les charretiers. Vers fin 2005, ces enfants venaient dans la journée à l’Ong. Selon leurs témoignages, les vendeurs de viande couchent avec elles à crédit. Quand ces filles viennent réclamer leur dû, ils réfusent. Quelques fois, il arrive qu’elles prennent leurs cuvettes de viande et des disputes éclatent. Nous intervenons parfois pour les calmer. Quand certaines sont enceintes et qu’elles désignent l’auteur de leur grossesses il arrive que des palabres éclatent aussi. De 2005 à 2007, ces enfants passaient leur journée à l'Ong mais, vu le nombre croissant de ces enfants, l'Ong ne pouvait plus les accueillir pour des raisons d'encadrement et d'espace.



•Pendant leurs grossesses, ces filles continuent-elles de dormir dans les couloirs des magasins ?

Bien sûr. Nous avons des documentaires de 15 minutes sur ce type de cas. Quand nous leur demandons d’arrêter, elles nous disent que si elles le font elles n’auront plus de quoi manger. La cause de leur comportement, c’est la pauvrété. Il y a le cas d’une fille que nous traitons en ce moment avec nos partenaires de « Save the Children ». Elle à 16 ans et elle a accouché dans la rue, avec ce temps pluvieux. Vers 22h, nous sommes allés sur le site, nous avons vu l’enfant de 8 jours dans des conditions lamentables. Ni elle, ni le bébé n’avaient reçu de soin. Ses camarades l’ont laissée là. Nous avons pris contact avec elle pour voir comment l’aider. Deux jours plus tard, on nous a dit que le bébé est décédé. Nous sommes allés voir la mère pour qu’elle quitte ce milieu. Mais c’était difficile. Parce que ce sont des filles qui peuvent gagner, grâce à la prostitution, 10.000 Fcfa voire plus par jour. C’est donc difficile de les retirer de ce milieu sans leur trouver un autre point de chute. Elles reviendront.



•Combien de cas de grossesse avez-vous dénombrés ?

Beaucoup. Si vous le voulez, dans la nuit, suivez nous pour découvrir les différents sites dans les marchés et gares routières.



•Quand on parle de grossesse, cela signifie que les rapports ne sont pas protégés. Avez-vous enregistré des cas de maladies sexuellement transmissibles?

Bien sûr. Nous avons constaté plusieurs décès. Mais, il est difficile de confirmer que c’est le Vih. Nous n’avons pas de centre pour le test. Ce que nous pouvons faire c’est d’aller sur le terrain, constater et essayer de retrouver leurs parents.



•Arrivez-vous à les retrouver ?

Oui. Quand on retrouve les parents, le plus souvent, au niveau d’Abidjan, nous leur exposons la situation, ensuite nous leur demandons de reprendre leurs enfants et de veiller sur eux. Nous aidons quelquefois la fille à faire un petit commerce afin qu’elle ne retourne plus dans ce milieu.



•Avez-vous pu réinsérer certaines filles ?

Oui. Aujourd’hui, nous faisons un micro projet avec Save the Children. Il y a dix filles que nous avons d’abord prises en compte dans ce projet. Nous avons discuté avec elles pour voir ce qu’elles ont envie de faire.



•Quand vous allez avec elles vers les parents, quelle est leur réaction ?

La plupart du temps ils expliquent que si l’enfant s’est retrouvé dans la rue, c’est parce qu’il est têtu et qu’ils sont fatigués. D’autres avancent l’avoir cherché en vain. Certains refusent même que l’enfant revienne dans leur maison.


•Vous dites que vous n’avez pas d’endroit pour les héberger et que vous n’avez pas de moyen pour en créer. Avez-vous cherché ces moyens?

Nous avons cherché ces moyens. Les films que nous avons fait, c'était pour montrer aux autorités et aux partenaires au développement qu'il existe un phénomène, et qu'il faut faire quelque chose pour ces enfants. Malheureusement, rien n'a encore été fait.


•Ont-elles vu les films ?

Certaines personnalités ont reçu des copies depuis 2007.


•Qu’attendez-vous concrètement de ces autorités ?

Qu’elles mettent les moyens à notre disposition pour pouvoir tirer ces enfants de ce milieu. Le second souci, c'est de créer un centre d'accueil et d'hébergement pour ces enfants. Pourquoi pas un centre d’apprentissage de métiers. Nous avons remarqué que lorsque ces filles sont en conflit avec leurs tuteurs, elles se retrouvent à ne rien faire. Or, si nous avions un centre, elles y viendraient directement.



•Avez-vous un projet dans ce sens?

Le projet est en cours de conception.



•Avez-vous demandé de l’aide à d’autres Ong, ou à des institutions internationales ?

Il y a UK et Save The Children, que nous venons de contacter. Cette Ong nous aide au niveau de la prise en charge nutritionnelle et la recherche des familles de ces enfants.



•Et le ministère des Affaires sociales?

Nous avons saisi ce ministère. Nous avons déposé des courriers, nous avons demandé une convention depuis 2006. Mais, il n’y a pas de suite.



•Pourquoi ?

En 2006, le sous-directeur qui devait nous aider a été affecté. Son remplaçant devait faire signer la convention. Mais, il nous a dit que le ministère n’avait pas de subvention et il nous a demandé de retirer le volet subvention de nos demandes. Nous l’avons fait. Mais, il n’y a toujours pas de suite. Save The Children nous a demandé de présenter le film documentaire. Nous l’avons fait, le film à ému sans que des mesures ne soient prises.


•Il semble que ces filles sont filmées par des personnes…

Ce phénomène a commencé au niveau de la « Maison blanche » (un magasin qui sert de dortoir non loin du marché Gouro). Il faut savoir que les clients de ces filles sont aussi des commerçants véreux du marché. Le plus grave, ils vont avec des caméras pour filmer ces enfants en train de faire l’amour avec eux. Ensuite, ils leur font faire l’amour avec leurs chiens. Le tarif du chien est à part. En ce qui concerne les libanais, ça ne se passe pas sur le site. Ils viennent chercher les enfants pour aller chez eux.



•Avez-vous des preuves ?

Les filles en ont témoigné. Elles nous ont ensuite montré où cela se passait. Nous avons même eu à contacter Interpole pour ce problème. Ils nous ont dit que ce sont des lieux où on ne peut s’aventurer si on n’a pas de gros moyens.



•Combien paye-t-on pour qu’elles fassent l’amour avec les chiens?

Sans protection avec les commerçants, c’est 2.000 Fcfa, avec les chiens, le prix monte à 2.500 Fcfa.



•Pourquoi acceptent-elles de le faire avec des chiens ?

Elles n’ont pas le choix. Comme je vous l’ai dit, de 2004 à aujourd’hui, les sites où elles font ce type de scène se sont multipliés. Ce sont les mêmes filles qui circulent en ces différents lieux.



•Comment arrivent-elles à supporter de telles choses ?

Elles prennent de la drogue. Un stupéfiant appelé «Rivo». Ce sont des comprimés qu’elles mettent dans de la nourriture. Le phénomène a pris de l’ampleur. Nous avons fait ce que nous pouvons. Nous sommes allés jusqu’à saisir le Procureur.
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