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Art et Culture Publié le mercredi 15 juillet 2009 | Notre Voie

2ème Festival culturel panafricain en Algérie: Le cinéma africain se donne des moyens solides pour son avenir

Les professionnels du cinéma africain ont réaffirmé l’idée forte du panafricanisme pour propulser le 7ème art en Afrique, lors du colloque sur l’avenir des cinémas d’Afrique, à la 2ème édition du Panaf.

Même si la sagesse recommande la prudence en toute chose, on peut prendre le risque de le dire : après le colloque sur l’avenir des cinémas d’Afrique organisé, les 10 et 11 juillet, à l’hôtel Aurassi d’Alger, lors du 2ème Festival culturel panafricain (Panaf), le 7ème art en Afrique se donne des moyens solides pour, enfin, se propulser dans le modernisme. C’est-à-dire faire du cinéma en Afrique, une industrie vraie, comme c’est le cas en Europe, aux Etats-Unis et en Asie. Les moyens, ici, sont les idées novatrices, voire “révolutionnaires” qui doivent servir de fer de lance au “nouveau cinéma” africain. Après avoir posé le diagnostic, les professionnels du cinéma africain évoquent donc l’idée forte du panafricanisme comme philosophie de la redynamisation du 7ème art en Afrique.


Celui qui paie commande le menu

En effet, depuis toujours, la production des œuvres cinématographiques, comme la plupart des grands projets culturels, est un problème pour les cinéastes africains. N’ayant pas de réponse favorable du côté des pouvoirs politiques, notamment dans les ministères en charge des questions culturelles, ils ont souvent recours aux fonds d’aide européen. Toute chose qui influe le caractère des films. Car “c’est celui qui paie qui commande le menu”, comme l’a relevé un professionnel. Le cinéma africain, en réalité, est soumis aux desiderata des producteurs étrangers. Ils financent qui ils veulent, quand ils veulent, comme ils veulent. C’est eux qui décident de la couleur, du ton et même du contenu des œuvres cinématographiques africaines. Evidemment, les films sont loin de relater les réalités africaines. Certains professionnels voient dans cela une autre recolonisation du continent noir. C’est le cas de l’historien Manthia Diawara qui accuse la France de tout mettre en œuvre pour empêcher l’expression culturelle africaine dans les pays francophones d’Afrique. Conséquence, le public africain boude les films.
“Aujourd’hui, l’Afrique est devenue le deuxième plus grand producteur d’œuvres cinématographiques. Les films sont techniquement de bonne qualité mais lorsqu’on fait les projections, les salles sont vides”, déplore Charles Mensah, président de la Fédération panafricaine des cinéastes (FEPACI). Evoquant le non succès de l’une de ses nombreuses oeuvres, la Burkinabé Fanta Regina Nacro s’interroge : “Je me demande si nos stratégies sont adaptées à nos pays”. Et la réalisatrice de conclure que “pour notre public, nous sommes une entité abstraite, nous n’existons pas”.

Au regard de cette réalité, certains professionnels du cinéma mettent en doute l’existence même du cinéma africain. “Il y a des cinémas africains, mais le cinéma africain n’existe pas”. A cet effet, Edward Ossai, directeur de l’Institut national de film nigérian, évoque toute la difficulté de ce qu’il est convenu d’appeler l’industrie de “Nollywood”. “Finalement, il y a plusieurs “Nollywood”, en fonction des groupes ethniques au Nigeria. Il y a donc un problème ethnique à régler”, dira-t-il. A contrario, il y a aujourd’hui l’émergence de nouveaux cinémas, tels que les cinémas indien et iranien.


Un NEPAD du cinéma en Afrique

Le colloque d’Alger prône une rupture en exhortant les Africains à financer eux-mêmes la production des œuvres cinématographiques. “Nous ne pouvons pas demeurer entièrement dépendants des financements extérieurs au continent. Le moment est venu de réfléchir à la création d’un Fonds de soutien à la coproduction africaine”, déclare Khalida Toumi, ministre algérienne de la Culture, à l’ouverture des travaux. Cette vision sera réaffirmée haut et fort tout au long des débats. “On doit regarder vers le Sud. Notre avenir est vers le Sud. Il faut essayer de compter sur nous-mêmes. Un film a besoin d’un montage financier. Il n’y a pas d’anathème à l’encontre des fonds qui viennent aider. Ils sont les bien venus. Mais, qu’on ne soit pas dépendants des autres”, avance Ahmed Bedjaoui, modérateur, lors des débats.

Les participants au colloque sollicitent donc le soutien des pouvoirs publics pour la réalisation de ce pari. La preuve, “il faut un autre NEPAD culturel pour sauver le cinéma et la culture dans son ensemble”. Le colloque demande la création d’organisations sous-régionales de cinéastes afin de faciliter les choses.

Pour joindre l’acte à la parole, les cinéastes africains décident d’associer l’Union africaine aux assises sur le cinéma qui se tiendront, en 2010, en Algérie. Outre les politiques, les cinéastes font un clin d’œil aux opérateurs économiques afin qu’ils viennent en aide au 7ème art.


“Yes, we can”

La première responsable de la culture en Algérie, Khalida Toumi, ne cache pas son optimisme pour cette révolution africaine en affirmant “Yes we can”. Mais la réinvention du cinéma africain passe par la mise en œuvre des décisions prises à Alger. Sur ce point, les participants au colloque rappelle que cette idée forte du panafricanisme a été déjà réaffirmée, lors de rencontres précédentes, sans que cela n’ait fait avancer les choses. Aussi insistent-ils pour que, pour une fois, ce projet soit concrétisé.

Khalida Toumi propose donc la création d’un fonds de soutien à la coproduction africaine. L’Algérie, en grande inspiratrice de la redynamisation du cinéma africain, prend l’initiative de réunir un jury interafricain qui sera chargé d’octroyer des aides à quatre projets de longs et quatre autres de courts métrages.

Quarante ans après le premier Panaf, qui a jeté les bases du cinéma en Afrique, peut-être que c’est enfin le seuil de la révolution cinématographique. Pourvu que les décideurs africains soutiennent cette idée noble du “nouveau” cinéma africain.


Les politiques africains interpellés

Le cri des cinéastes, depuis Alger, doit avoir un écho retentissant auprès des dirigeants africains. En tant que décideurs politiques, leur position est précieuse pour la mise en route du “nouveau” cinéma africain. En effet, pour créer un fonds de soutien au cinéma, il faut l’accord politique des gouvernements africains. Le montant du fonds, son mode de fonctionnement, ne peuvent se faire que par le biais d’une loi. Dans la plupart des expériences existantes, ce genre de fonds est alimenté par un système de parafiscalité qui garantit la liquidité financière. Les dirigeants africains sont appelés à soutenir le cinéma africain, d’autant plus que, comme on dit, “la culture, est l’âme des peuples”. Et qui connaît la force du cinéma dans l’éducation des masses comprend aisément la nécessité du soutien des politiques au projet de relance du 7ème art. La culture a été reléguée au second plan pendant des années. Il est aujourd’hui temps de rompre avec cette habitude qui a montré toutes ses limites.


César Ebrokié Envoyé spécial à Alger
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