Le Palais de justice sent du « pipi ». On pisse partout au temple de Thémis. Dès le premier point d’entrée où stationnent de grosses cylindrées rutilantes, l’odeur de pipi étouffe. Cette odeur provient des bordures de la belle pelouse qui orne le parking. La puanteur est forte quand on se trouve sur le parking. Les traces d’urine sont visibles entre les véhicules. «Tu peux rester entre les voitures et uriner sans en donner l’air », explique un margouillat (intermédiaire qui aide les demandeurs à faire établir leurs papiers). Les gérants de cabines, les nombreuses vendeuses de jus, de lotus qui exercent à l’entrée du Palais n’y trouvent pas d’inconvénients. D’ailleurs, c’est là que la plupart se soulagent, dans ce gazon qui sert de décoration. Les «djosseurs de nama» (personnes qui gardent les véhicules dans les parkings) y vont également de leurs urines. Ceux qui ont un peu de réserve vont pisser du côté de la Cathédrale Saint Paul, dans l’herbe. Mais, le pire est à l’intérieur. Si vous arrivez dans la cour pour vous faire établir un certificat de nationalité, ne vous souciez pas de trouver des toilettes. Il y a un endroit chouette pour uriner « gratis ». Cet endroit se trouve derrière le tribunal des flagrants délits. Un coin disponible où poussent de belles touffes de gazon et des fleurs (Normale !). C’est aussi là que sont installés les climatiseurs de la salle de procès. Ce lundi, par simple curiosité, nous nous sommes postés au balcon de la seconde entrée du Palais qui donne directement sur ce jardin. En trente minutes, entre 14h et 14h 30, nous avons compté dix pisseurs, hommes et femmes. Le gazon, les fleurs, les murs et même les climatiseurs sont quotidiennement arrosés de pipi. L’endroit est même plus fréquenté que les toilettes qui ne sont pas loin, juste dans les longs halls des archives et greffes. «Ce sont les travailleurs d’ici même qui nous disent de venir pisser ici», relate l’un des pisseurs, dont nous ne révélons pas l’identité. Ils ne se soucient pas de savoir qui les regarde. Ils n’ont pas peur de la loi et la défient dans son QG. Ils ne font que ce qu’ils ont envie de faire : pisser. On le voit, la brigade de salubrité, qui a entamé depuis quelques semaines la chasse aux « pisseurs », a du boulot.
Raphaël Tanoh
Raphaël Tanoh