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Économie Publié le jeudi 15 octobre 2009 | Nuit & Jour

Planification économique – Infrastructures – Immigration… : Comment l’héritage d’Houphouët-Boigny a été géré

Au départ, un pays qui a forcé L’admiration et le respect du monde entier par ses performances. Jusqu’en 1990 et première presqu’en tout, ce pays représentait 40% de l’économie Ouest-Africaine. A l’arrivée près de 20 ans après, il se débat néanmoins dans les dédales d’une regrettable récession. C’est que depuis son décès le 07 décembre 1993, Félix Houphouët-Boigny n’a aucun signal concret de la bonne gouvernance de son héritage économique, toute chose ayant bloqué le développement d’une Côte d’Ivoire redevenue pauvre et très endettée.

« Comment a-t-on géré l’héritage économique de Félix Houphouët-Boigny, pour que la Côte d’Ivoire soit à un telle niveau de récession ? ». En d’autres termes, qu’a-t-on fait des nombreux acquis de la gouvernance trentenaire du sage de Yamoussoukro, pour que la Côte d’Ivoire en soit à se débattre dans les dédales de la pauvreté paradoxale qui sévit depuis quelques années. Ces questions, le citoyen lambda se la poserait des milliers de fois, et pour cause. Petit pays d’Afrique de l’Ouest certes, ce pays a forcé le respect et l’admiration du monde entier à travers son niveau de croissance trois décennies durant. En tête sur presque tous les tableaux d’analyse du développement Ouest Africain, la Côte d’Ivoire a revendiqué jusqu’à 12% de taux de croissance en 1965, et 40% de l’économie de ladite zone géographique. N’ayant pourtant mis l’accent que sur l’agriculture, la Côte d’Ivoire a réussi l’exploit de multiplier son PIB par 12 de 1960 à 1978, passant de 145 à 1750 milliards FCFA, tandis que la balance commerciale enregistrait constamment des excédents. Cette Côte d’Ivoire, autrefois destination privilégiée de millions de citoyens du monde, attirés par le code des investissements de 1959 qui permettait aux entreprises étrangères de rapatrier jusqu’à 90% de leurs bénéfices dans leurs pays d’origine. Perdus entre mille et une question, les observateurs sont surtout témoins malheureux de la gestion scandaleuse des infrastructures, du meilleur tissu industriel, des régis performantes, des bâtiments administratifs en somme, de l’ensemble des éléments symbolisant le miracle ivoirien des temps Houphouët-Boigny, dont bon nombre ne sont aujourd’hui que vestiges et reliques. « Qu’ils en aient détruit une grande part est une chose. Mais qu’ils n’y aient rajouté aucun vota, en est une autre franchement inacceptable », s’écrie-t-on donc de partout, au regard de l’énorme gâchis économique enregistré par l’Eburnie depuis le décès de son père fondateur. Toute chose dont la responsabilité est partagée entre ses successeurs plutôt préoccupés à autre chose.

Seize ans de destruction tous azimuts

Dauphin de Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié s'est taillé un échec sur mesure, alors qu'il avait tous les moyens infrastructurels, humains et financiers lui permettant de pérenniser l’œuvre du vieux. D'abord le peuple ivoirien qui s'est mis à sa disposition, comme il l'avait souhaité le 07 décembre 1993. Ensuite, le formidable tissu économique et industriel, auquel il faut ajouter le réseau routier construit par Houphouët-Boigny, de tout temps qualifié de meilleur d'Afrique noire sub-saharienne, etc. Bédié avait hérité également des retombées financières des mesures drastiques de redressement économique, instaurées trois années auparavant par le dernier gouvernement du Bélier de Yamoussoukro. Et la boucle qui fut bouclée par les effets positifs de la dévaluation du franc CFA intervenue en 1994. Ces nombreux acquis qui devraient permettre de poursuivre le développement national, ont malheureusement été jetés à l'eau par l'effet du concept de l'ivoirité, la mère de tous les maux que vit l'Eburnie depuis des années. Classifiés désormais selon leurs races, leurs ethnies, leurs religions et surtout étiquetés par rapport à leur provenance géographique, les Ivoiriens ont donc perdu le goût du travail. Tracassées journellement par des ultranationalistes d'une autre époque, de nombreuses communautés étaient désormais préoccupées par l'auto-défense physique. D'autres s'exilaient purement et simplement, tandis que les plus téméraires de battaient pour prouver leur appartenance à la communauté nationale. Compacte des décennies durant avec Houphouët-Boigny, la force de travail des citoyens s'est éparpillée pour ensuite se volatiliser, étant donné qu'elle avait été délocalisée vers d'autres causes plus " vitales ". C'est en ce moment-là que la Côte d'Ivoire a commencé sa descente aux enfers, avec l'émiettement progressif de la cohésion nationale et le moral bas des citoyens désormais braqués les uns contre les autres. Comme il fallait s'y attendre, les feux du développement national se sont totalement mis au rouge à partir de décembre 1999, avec le coup d'Etat du Général Robert Guéi qui succédera à Henri Konan Bédié. D'autant que celui-ci n'a pas trouvé mieux que de trahir sa promesse de rétablir l'ordre et la justice, afin de réaliser rapidement les élections démocratiques. L'ivoirité tant décriée fut plutôt renforcée par la guéguerre des conjonctions ‘’ET’’ et ‘’OU’’, qui en rajouta à la panoplie des germes de division séparant les populations depuis déjà des années. Tandis que l'Eburnie poursuivait sa course vers la ruine totale, Guéi avait plutôt (et contre toute attente) des ambitions présidentielles. A son actif, l'on ne peut citer qu'un seul acte économique (du reste exigé par les bailleurs de fonds étrangers) qui fut le début de la libéralisation de la filière café-cacao, censée apporter une contribution positive à l'économie nationale. En gros, le Général Robert Guéi n'aura été qu'une parenthèse malheureuse dans la vie de la nation ivoirienne, à refermer au plus vite. Sa plus grande faute a été de prendre le peuple ivoirien en otage, se prévalant du titre de meilleur Houphouétiste, qu'il n'était en réalité que de nom. Des trois successeurs de Félix Houphouët-Boigny, le leader de la Refondation Laurent Gbagbo aura été celui qui a moins tenu la promesse des fleurs. Père indéniable du retour de la démocratie en Côte d'Ivoire en 1990, le Woody donne l'impression d'avoir lutté 30 années durant pour rien, tant ses réalisations sont insignifiantes. Foulant au pied l'échec de ses devanciers (au lieu de s'en inspirer), Gbagbo s'est plutôt permis le luxe d'emprunter la voix ultranationaliste tracée longtemps avant lui pour buter contre une rébellion qui dure depuis. Avec amertume et regret, il se rend compte d'avoir tardivement initié le dialogue direct. Sur le plan économique et par rapport à l’inventaire physique que chacun peut faire des restes d’Houphouët, le Woody n'a absolument rajouté aucune pierre à l'œuvre de construction d'Houphouët-Boigny. Il a seulement bien fait en récupérant le projet de la libéralisation de la filière café-cacao et en étant à l'origine de celui de la décentralisation.

Pitié pour un peuple qui se meurt

Tandis que le premier se poursuit après vague de détournement, le second a été sans véritable intérêt pour les populations à cause du manque de moyen. Des projets conçus par lui-même, n'ont jamais vu le jour. Il s'agit notamment de l'assurance mutuelle universelle (AMU), de l'achat du kilogramme de cacao à 3000 F CFA, etc. En lieu et place, « ce sont plutôt les détournements, la cherté de la vie, la rébellion armée et la pauvreté qui ont été servis aux Ivoiriens », selon les observateurs à tort ou à raison. Donnant presque l'impression d'avoir été surpris par le pouvoir en 2000, le leader de la Refondation a donc géré sa fonction comme une fiction, assurant sa gouvernance à coups de projets, de promesses, de dépenses de prestige et de mondanité. En clair, Laurent Gbagbo n'aura passé son temps qu'à se battre pour légitimer son pouvoir, avec la décomposition suivante : 2 ans à asseoir son autorité et faire l'état des lieux, 5 ans à lutter contre les ex-rebelles, et 2 ans d’un bonus consacré à la sortie de crise. Au lieu de consolider les acquis industriels et économiques encore en vie et ressusciter ceux partis en fumée, Laurent Gbagbo s'est plutôt embourbé dans des envolées verbales quasi-quotidiennes, qui ont consisté à parler, promettre, invectiver, sans que cela ne soit suivi d'actes concrets. Hormis la décentralisation avec la création des districts et des conseils généraux et dans une moindre mesure la mise en œuvre de la libéralisation de la filière café-cacao, il n'y a aucun projet conçu et réalisé par Laurent Gbagbo. Toute chose qui en fait le successeur d'Houphouët-Boigny le plus inactif quant à la préservation et à l'amélioration des composantes de l'économique ivoirienne. Certes, le leader de la Refondation bénéficie de circonstances atténuantes à cause de la crise qui a mis un bémol à ses ambitions, mais il doit assumer sa part de responsabilité. Passé donc la nostalgie des temps Houphouët-Boigny, place donc à la pitié pour un pays qui se meurt. Tout ce dont on a hérité du sage de Yamoussoukro est devenu vieillissant, chacun de ses successeurs ayant merveilleusement accompli sa part de destruction. Compassion surtout pour un pays qui fait à présent pitié, alors que jadis, il constituait un exemple de prospérité et de stabilité à tout point de vue. Caractérisée qu'elle est par les vices et les dysfonctionnements de toutes sortes, la Côte d'Ivoire de l'après-Houphouët-Boigny est donc très loin de ce qu'elle aurait dû être si les successeurs de celui-ci ne s'étaient pas illustrés dans autre chose que la planification rationnelle du développement, le travail et surtout la bonne gouvernance.

Franck Boyo
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