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Art et Culture Publié le mardi 20 octobre 2009 | Nord-Sud

Yopougon : La “Rue princesse” est… à la rue

La fin d’année approche et les points chauds de la capitale ivoirienne sont en train d’être passés en revue. Cela afin de faire le meilleur choix possible le jour J. Dans cette perspective, Yopougon et sa célèbre rue princesse ne sont plus à la page. Eh oui, étant un vrai nid de malfrats et le temple de la prostitution, ne parlons même pas de la drogue, la rue princesse est plus que jamais … à la rue. Comment est-elle passée de la lumière à l’ombre ? Eléments de réponses.


Il y a quelques jours, un policier s’est fait chiper son arme à la «rue princesse», à Yopougon. Précisément au «Kôkrôni» (quartier général des prostituées de la zone), juste derrière la nouvelle banque qui s’y est installée. L’affaire a fait grand bruit. Les choses se sont tassées, le soufflet est tombé et la vie a repris son train-train quotidien. L’autre histoire qui alimente les conversations des riverains de la rue princesse reste cette histoire cocasse qui s’est déroulée il y a (juste) 72 heures. De quoi s’agit-il ? Un chauffeur de taxi a décidé de s’offrir une tasse de café. Cela tombait bien car il se trouvait dans les environs au «Café Touba Darou Salam» de la rue princesse. Jusque-là, rien d’anormal. Quelques instants après, pourtant, un véhicule de type 4x4 du Centre de Commandement des opérations de sécurité (CeCos) apparaît. Frayeur dans le café. Une jeune fille, légèrement vêtue, pointe son doigt sur notre ami chauffeur. Le reste est un jeu d’enfant pour les hommes de Guiai Bi Poin. Accusations, démentis, éclats de voix. Ambiance. Il faut l’intervention du gérant des lieux, Savané Lamine, pour calmer tout le monde. La jeune fille qui est en fait une prostituée accuse le chauffeur de taxi de s’être éclipsé après avoir profité d’elle. Estomaqué, le chauffeur croit à une farce et s’égosille à nier. Encore et encore.

La paupérisation des populations

Finalement, tout ce monde sera envoyé dans un commissariat. Voilà ce à quoi ressemble désormais la mythique rue princesse de Yopougon. Autrefois, point de rencontre privilégié des noceurs abidjanais, ce bout de goudron, situé entre la pharmacie Bel Air et l’autre du nom de Kenneya, se cherche. Le constat est triste. Tout est sale. Trop sale. Les maquis qui faisaient la fierté du coin, ont disparu. Où sont passés les maquis le «Shangaï», le «Pouvoir» ? «Fermés !», répond laconiquement Tra Bi Tra Bema. Lui, est gérant de cabine téléphonique. « Depuis deux ans, je gère ma cabine téléphonique ici. C’est vrai que la rue est tombée mais à notre niveau, ça va. Par jour, je m’en sors avec 7.000 ou 8.000 Fcfa. Mais si j’ajoute les transferts, je culmine à 13 ou 14.000 Fcfa», révèle-t-il. Lucide, Tra Bi Tra Bema a son diagnostic pour expliquer la chute vertigineuse de la rue princesse. «Regardez bien. La rue est coupée à partir des feux tricolores de l’ancien «Shangaï». Après, il n’y a plus de bons maquis. Les gens préfèrent aller dans les bistrots où la boisson est moins chère…». Le mot est lâché !
Au «Complexe le Queens discothèque», propriété d’Albert Drogba, le père du capitaine des Eléphants, les prix semblent inaccessibles aux bourses moyennes. Tenez, le «Red Bull» est à 2.500 Fcfa. Le «Chenet», le «Muscador» et le Vin Mousseux» à 10.000 Fcfa, le «Clan Campbell», le «Gordon» à 20.000 Fcfa et le «Campari» à 25.000 Fcfa. La seule bière vendue en ce lieu reste la «Heineken» et elle coûte 2.000 Fcfa. Conséquence, «ça ne marche pas fort…», comme l’avoue Boa Eric, serveur. Ces prix, on les retrouve pratiquement dans tous les bars comme «le Must», le «Magnum», «la Fleur», «le Cyclone», «le Metropolis», «le Café Cacao», «le Play-off» ou encore «le Black jack». Dans les bistrots, en revanche, la bière coule à flot. «Flag», «Tuborg», «Castel», «Guinness», et autres «Beaufort» restent les boissons prisées et au coût abordable. Entre 500 et 800 Fcfa. Dans ces conditions, le choix est vite fait. Pis, dans des quartiers comme Niangon, Toits Rouges ou Maroc, de grands et beaux maquis sont sortis de terre. Ils offrent le même service (avec Dj) sinon mieux que ce qui se fait à la rue princesse. Jusque-là, seuls les maquis baptisés « Ramé Ramé » et le « Jackpot » résistent. Jusqu’à quand ? C’est la nouvelle mode à Yopougon. Les « plein air » poussent comme des champignons. Dans ces lieux, on ne joue pas de musique. Le service est le même que dans les maquis ordinaires. A la seule différence que l’espace est plus grand, ombragé et naturel.

La montée en puissance des «plein air»

Ça change et ça plaît ! Grâce aux bons soins de Gnahoua Josué, « Chez moi » aux Toits rouges, cartonne. Celui baptisé « le village » de Charly Parker, également situé aux Toits rouges, ne désemplit jamais. Le même Charly Parker, a un autre « plein air » du côté de Niangon où se relaient les faiseurs de zouglou. On parle de plus en plus aussi du « marché Gouro » à la Sicogi, terminus 40. L’endroit grouille toujours de monde. A partir de 13h, difficile de se trouver une place. Il y a aussi le « Vélodrome » (ex-Monde Arabe) du côté de la rue des princes dont on dit le plus grand bien. Fréquentant la rue princesse depuis 21 longues années, Savané Lamine, gérant du célèbre « Café Darou Salam » est malheureux de voir l’endroit qu’il a vu naître mourir à petit feu. Il a pourtant abandonné son travail à la Société africaine de produits laitiers et dérivés (Sapled) pour se consacrer à son Café. «Je m’en sors car je reçois au moins 500 personnes par jour mais la crise frappe et il y a un changement de mentalité. Les gens sortent de la guerre et ne sont plus trop disposés au bruit assourdissant des maquis». Ici, la prostitution, la drogue et les agressions dépassent le seuil normal. La délocalisation des maquis dans les autres quartiers de Yopougon est aussi une raison des difficultés de la rue princesse. “Je regrette” surtout que le « Festival de la rue princesse » ait disparu depuis trois ans (… ) Ses conseils pour ramener du monde à la rue princesse : Toujours être prudent, ne pas frimer, éviter les maquis où tous les gestes des clients sont épiés. A la question de savoir si la rue princesse peut, un jour, disparaître, Kader Manager du Queens jure la main sur le feu « jamais ». Pourquoi ? « Quand on parle de Yopougon, on ne voit que la rue princesse. C’est un lieu mythique. Chaque jour que Dieu fait, des curieux d’ici ou d’ailleurs arrivent pour voir ce qui se fait ici. Savané Lamine qui affirme que « sa » rue est connue de par le monde espère qu’elle ressemblera un jour à sa grande sœur parisienne « Saint-Germain -en-Laye ».


Guy-Florentin Yaméogo
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