De la poudre aux yeux. Il tourne le dos au Port autonome d’Abidjan où il exerçait l’activité de docker pour enfiler la tenue d’escroc. Dans ses nouveaux habits, Eddy Ahoussa Esaïe, use de son génie pour semer le désordre et le désespoir chez d’honnêtes concitoyens. Le docker s’est fait passer pour un marchand d’or à la recherche d’un soutien financier. Pour parvenir à ses fins, il met en place un scénario. Ce plan consiste à faire croire à N’guessan Cyprien, la victime, l’existence d’un projet d’exploitation d’une mine d’or, à Danané, à 626 km d’Abidjan. Esaïe se crédibilise auprès de sa cible en faisant intervenir un certain Boka. Celui-ci, selon le pseudo marchand d’or, est un partenaire « précieux » dans la réalisation du projet. Pris dans la tourmente, Cyprien est manipulé selon les désirs de l’escroc. « D’abord, il s’est présenté à moi comme étant un parent proche. L’exactitude de ses explications a fini par me convaincre. Je lui ai même offert le gîte et le couvert. C’est ainsi, qu’il m’a expliqué qu’il était en affaire avec un certain Boka. Selon lui, ils commercent de l’or », rapporte Cyprien, qui trouve là une aubaine pour se faire de l’argent. « Il m’a proposé de souscrire au projet. J’ai trouvé l’offre alléchante. Puisqu’il avait promis 1 kilogramme d’or soit 22 carats. Selon lui, il devait réunir la somme de onze millions de Fcfa pour lancer l’activité », ajoute-t-il. Esaïe, qui sent que la victime est intéressée, passe alors à l’offensive. Il exige et obtient la rondelle somme de huit cent mille Fcfa. Cet argent, selon l’aigrefin, devait résoudre la question du payement des salaires des manœuvres. « Il m’a dit que pour que les travaux d’exploitation de la mine aboutissent rapidement, on devait régler la situation des ouvriers. Je lui ai donc remis l’argent », soutient Cyprien. Une attitude qui lui sera fatale. Le pseudo business man empoche les huit cent mille Fcfa puis prend le large. Avant de disparaître, le fameux docker se paie le luxe de placer en garantie un sac contenant…du sable. «Je n’ai pas vérifié la certitude de la marchandise. Il m’a fait croire que le colis contenait un échantillon d’or. Selon lui, je devais ouvrir le sac seulement deux jours après son départ. En réalité, c’était du sable qui s’y trouvait », explique Cyprien désabusé. Il porte plainte pour escroquerie au commissariat de police du 16ème arrondissement. Les mois passent mais les recherches ne produisent pas de fruit. Le hasard aidant, c’est le 3 octobre, à l’allocodrome de Yopougon Banco 2, que l’escroc vient se livrer à la victime. « J’étais en compagnie de mes frères. Il est venu se mettre à la même table. Visiblement, il ne m’a pas reconnu. Devant le fait accompli, il a tenté de fuir. C’est dans ces conditions qu’il a été appréhendé », raconte Cyprien. De l’enquête préliminaire à la comparution à la barre le 12 octobre, le prévenu nie l’accusation d’escroquerie portant sur la somme de huit cent mille Fcfa. Le procès se déroule au tribunal des flagrants délits de Yopougon. « Je ne reconnais pas avoir reçu un franc des mains du plaignant. Je ne lui ai jamais extorqué de l’argent », soutient le prévenu dans un premier lieu. Au fil du procès acculé par les questions groupées du juge et du ministère Public, Esaïe lâche le morceau. « Il est vrai que je lui ai pris de l’argent. En contrepartie je devais lui fournir de l’or. Cependant, je reconnais qu’il m’a remis 650.000 Fcfa et non 800.000 Fcfa comme il le soutient », laisse entendre le prévenu. Dans le réquisitoire, le parquet note qu’Esaïe fait partie d’une bande d’escrocs. Peut-être que le nommé Boka n’existe même pas, se persuade-t-il. Le ministère Public se dit aussi stupéfait du mode opératoire des arnaqueurs. « Il faut avouer qu’ils sont pétris de talents. Ils font preuve d’ingéniosité », commente-t-il avant de requérir six mois fermes contre le prévenu. La juge décide de doubler la peine requise. Esaïe restera au pénitencier de Yopougon pour douze mois fermes. La peine est assortie d’une amende de cinquante mille Fcfa. La victime ne s’est pas constituée partie civile. Il avait plaidé pour la relaxe du prévenu. « Je laisse tomber parce que ce sont mes propres parents Abbey », avait-il soutenu.
OM
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