Abou Maïga, ne savait pas d’avance, ce qu’il ferait comme activité génératrice de revenus, une fois en Côte d’Ivoire. Ce qui importait pour lui, était d’y être, tant ses compatriotes lui avaient vanté les atouts économiques depuis son Zinder natal (Niger). Aujourd’hui, charretier ou si vous voulez “Wotrotigui”, il dit ne pas se plaindre. Abou Maïga est un Nigérien, principalement de la région de Zinder. Il vit en Côte d’Ivoire depuis trois ans. Il est charretier. Au départ, il travaillait pour un de ses amis. Aujourd’hui, propriétaire de charrette, il ne désespère pas. Il n’est pas de ceux qui pensent que la richesse, c’est seulement dans les bureaux feutrés. En aventure dans la capitale économique de la Côte d’Ivoire, comme le font plusieurs ressortissants de la CEDEAO, Abou Maïga dit travailler avec 5 clients avec lesquels, il compose à raison de 500 FCFA par jour pour l’acheminement des marchandises du lieu d’entreposage vers le lieu de vente et vice versa. Chez lui, il n’y a pas de sot métier. «Si tu as honte, tu finiras par faire la manche dans les rues, mais si tu pousses Wotro, tu as de l’argent pour manger», lance-t-il à qui veut l’entendre. Cette boutade nous a conduit dans l’univers de ces porteurs de bagages dans les marchés et gares. Avec Maïga, le message est clair. ‘’Il faut pousser pour être payé par soi-même’’. Que gagnent-ils ? D’où viennent-ils? Arrivent-ils à faire des épargnes? Peu importe pour les charretiers, communément appelés ‘’pousse-pousse’’ ou ‘’wotrotigui’’ (langue malinké) qui ont décidé de se mettre au service des voyageurs et commerçants. N’en déplaise à ceux qui trouvent cette débrouillardise salissante et humiliante. A la question si le métier de charretier nourrit son homme, il répond avec beaucoup de réserve. «En tout cas, on ne se plaint pas. J’arrive à gagner au moins de quoi payer ma nourriture. Quand ça marche, je peux avoir 15.000 FCFA la journée. Et je m’efforce d’économiser entre 2500 FCFA et 5000 FCFA par jour». A en croire Abou Maïga, la stratégie est toute simple. Il faut d’abord servir ses clients habituels. Ensuite, parcourir les gares de compagnie de transport. Aux encablures de la gare de la compagnie UTB, nous rencontrons un groupe de charretiers. Ils avaient l’air fatigués. Couchés dans leurs charrettes, ils attendaient la tombée de la nuit. En s’approchant d’eux, ils se sont montrés méfiants. Mais l’un d’entre eux qui dit répondre sous le sobriquet ‘’Sam’’ confie dans un français approximatif : «Travail, y en a en Côte d’Ivoire. C’est courage, y a pas». Son aspect ne peut faire penser à quelqu’un qui arrive à joindre les deux bouts. Et pourtant, il dit économiser par jour en moyenne 3500 FCFA. Mieux, il achemine comme ses compatriotes chaque mois de l’argent à sa famille restée au pays natal. Des Ivoiriens de plus en plus présents dans le métier Si ‘’pousser des charrettes’’ permet à des compatriotes de la sous-région d’être à l’abri de certains besoins, la jeunesse ivoirienne commence à s’intéresser à ces activités qui sont génératrices de revenus même si elles nécessitent beaucoup plus d’énergie. Ainsi est-il aisé de voir des jeunes ivoiriens sans emploi s’adonner à l’activité de charretiers. « Ici, on est nombreux. Autrefois, on louait les brouettes à 500 FCFA/ la journée. Maintenant la majorité est propriétaire de sa brouette», nous confie Arthur qui dit être arrivé dans ce métier après maints échecs au BEPC. Ce jeune homme d’une vingtaine d’années considère ce métier comme un tremplin. Arthur S. a une idée derrière la tête : il rêve d’obtenir un permis de conduire. En attendant d’avoir ce ‘’papier’’ qui lui permettra d’embrasser la carrière de ‘’conducteur de taxi-compteur ou taxi wôrô-wôrô’’, il dit faire des épargnes. Le métier de charretier… et les vices Le vice le plus perceptible concerne l'abus des excitants. Si les charretiers rencontrés à Adjamé affirment, la main sur le cœur, ne pas user d'alcool, ceux-ci ne voient aucun inconvénient à utiliser des substances telles que les amphétamines pour soit surmonter la fatigue, soit éliminer les douleurs musculaires. Mais à Adjamé, l’on avance que sans ces substances, le café noir ou la cigarette pour certains, nul ne peut s'atteler à pousser des marchandises aussi lourdes. "Quand tu vois quelqu’un pousser des sacs de manioc pour monter la côte vers Adjamé Saint Michel, c'est parce qu'il est sous une dose. Il y a des doses qui coûtent cher", apprend-on. Arthur S. est catégorique. «On se connaît tous ici, beaucoup sont de véritables drogués. Ils ne vont même pas chez eux ; ils dorment dans les marchés. Le plus souvent, on les accuse de vol. J'ai des amis qui passent tout leur temps dans les maquis’’, explique-t-il. K.H
Économie Publié le samedi 31 octobre 2009 | L’intelligent d’Abidjan