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Société Publié le mardi 15 décembre 2009 | L’intelligent d’Abidjan

Environnement / Changement climatique Hamed Konin, envoyé spécial au Mali - Le Mali à la croisée des chemins

Soutenus par les pays en développement, les pays africains ont quitté hier la table des négociations sur la lutte contre le réchauffement climatique à Copenhague. Ils accusent les pays riches de négliger l'importance du renouvellement des engagements qu'ils ont pris, dans le cadre du protocole de Kyoto. L’IA a mené une enquête lors d’un récent séjour au Mali. Elle nous démontre que le mal s’aggrave et la Côte d’Ivoire, pays frontalier qui partage un environnement avec le Mali, n’est pas à l’abri des ravages sur son climat.

L’une des conséquences les plus graves du phénomène est l’avancée du désert. Le Sahara, dont fait partie le nord du Mali, a une longue histoire, oscillant entre périodes humides et sèches. La situation actuelle est l'une des plus arides. Il y a 15 000 ans, l'avancée du Sahara vers le sud était spectaculaire et les fleuves Niger et Sénégal se perdaient dans les sables. Depuis, plus de la moitié du pays est devenue un désert.

Plus de la moitié du pays est désertique
Le Mali ne cesse de passer par une alternance de périodes sèches et de périodes humides. Depuis 500 ans, les populations locales et les milieux naturels sont habitués à ces oscillations climatiques et à de grandes sécheresses périodiques. Elles ont trouvé des mécanismes d'adaptation. Les changements climatiques font partie de la dynamique historique des milieux naturels et des sociétés. Mais depuis 50 ans, les sécheresses deviennent plus longues et surtout plus fréquentes, ne permettant plus aux milieux naturels de se reconstituer. On entre de plein fouet dans le phénomène de désertification, le cas de la boucle du fleuve Niger, un exemple frappant des changements climatiques dans notre pays depuis 50 ans. Avant les années 50, la pluviométrie était bonne dans toute la vallée du Niger, selon les spécialistes de la Météo. L'eau était disponible et les écosystèmes productifs. Dans la décennie 1950-1960, une grande sécheresse s'est traduite par la baisse du niveau de la crue pendant sept années consécutives. C'est à partir de la sécheresse des années 70 que la dégradation s'est généralisée. La pluviométrie et la crue ont diminué. La végétation a été décimée. Une grave crise alimentaire s'est installée. Les anciennes dunes se sont réactivées et de nouvelles dunes sont apparues le long du fleuve. La sécheresse de 1984-1985 a accentué, souvent de manière irréversible, cette dégradation avec la disparition de la végétation. Les terres arables ont été remplacées par des dunes. L'ensablement s'est généralisé. Les lits mineur et majeur du fleuve ont été modifiés. La persistance des sécheresses a entraîné des déficits pluviométriques assez importants et une évolution des isohyètes vers le sud. Ce qui fait que la migration des hommes et des animaux est devenue, de plus en plus, une stratégie face à ces nouvelles conditions climatiques et environnementales précaires. La baisse moyenne des pluviométries est de 20%, entre la période 1951/ 1970 et la période 1971/2000, entraînant un déplacement des isohyètes de 200 km vers le Sud.

Baisse des ressources hydriques
Les sécheresses ont considérablement affecté les surfaces traditionnellement inondables du Delta du Niger. De 30.000 Km2 en 1960, le niveau a chuté à 5.000 Km2 en 1980. La diminution des crues et par conséquent, de la superficie des frayères a baissé la production piscicole. Cette situation entraîne une transformation importante dans les systèmes de production traditionnels basés sur les cultures de décrue. En conséquence, une diminution des zones de pâturages naturels provoque des conflits fonciers entre agriculteurs et éleveurs. Les ressources en eaux de surface et souterraines sont fortement menacées. Les diminutions annuelles sont estimées à 30.000 milliards de m3 d'eau dans le delta intérieur du Niger. Les formations naturelles ont aussi subi de profondes modifications, dues essentiellement à l'aridité du climat, aux sécheresses successives et aux activités humaines. Leur dégradation s'est accentuée avec l'accroissement de la population urbaine qui engendre une demande plus élevée des villes en bois énergie. Les sécheresses fréquentes ont contribué à fragiliser davantage les écosystèmes, les rendant plus vulnérables à la moindre perturbation et accélèrent le rythme de dégradation des ressources biologiques. La mortalité des ligneux due aux sécheresses, combinée au prélèvement de bois à des fins énergétiques et aux mutilations d'arbres par l'élevage (lui-même soumis à des migrations dues aux sécheresses), amplifie la perte de la diversité biologique. Les études prospectives prévoient qu'en 2050, les températures seront en hausse de 2°C sur l'ensemble du pays, avec une perception de chaleur forte. La pluviométrie diminuera par rapport à la normale 1961-1990. Ce qui entraînerait une situation de sécheresse au Mali comparable à celle des années 1970. Les modifications pourraient s'amorcer sur la première moitié de l'hivernage (mai, juin et juillet) à partir de l'horizon 2025. La même situation pourrait s'installer à l'horizon 2020, si la réaction du climat aux perturbations devenait plus rapide.

Kyoto pour faire face à la vulnérabilité alimentaire
Le Mali a signé la Convention Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, le 22 septembre 1992 et l'a ratifiée le 28 décembre 1994. Il a également signé et ratifié le Protocole de Kyoto, respectivement le 27 janvier 1999 et le 28 mars 2002. Le Mali a mené plusieurs études et projets. Parmi celles-ci, on peut citer l'inventaire des émissions gaz à effet de serre, l'étude de vulnérabilité des ressources en eau et agriculture, l'étude de vulnérabilité du coton et du maïs. Il y a l'élaboration de scénarios climatiques pour le Mali, la perception des risques des changements climatiques par les couches les plus vulnérables, l'élaboration de technologies appropriées pour la gestion des ressources en eau face aux changements climatiques et le renforcement des capacités des décideurs politiques, des services techniques et des acteurs locaux pour une meilleure prise en compte des changements climatiques. Dans le cadre du Programme d'action nationale d'adaptation aux changements climatiques (PANA), 19 projets prioritaires d'adaptation ont été élaborés. Ils vont de la vulgarisation des variétés améliorées et adaptées, aux conditions climatiques des principales cultures (mil, sorgho, maïs et riz). La promotion des banques de céréales et l'utilisation des informations météorologiques dans le cadre de l'agriculture sont aussi prioritaires. Le PANA accorde la plus grande attention à l'aménagement des bas-fonds et à la réalisation de forages équipés de pompes solaires ou éoliennes. La mise en place d'un système d'information sur les risques de maladies liées aux changements climatiques garantira toutes les actions entreprises pour protéger le climat.
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