Emmanuel Niamien N'goran est le délégué départemental du Pdci-Rda de Daoukro. Il a été ministre de l'Economie et des finances sous Henri Konan Bédié. En cette qualité, il est un des acteurs clés de la politique du régime d'alors dont les grands chantiers de développement ont été baptisés les travaux de l'éléphant d'Afrique. Dans l'entretien qui suit qu'il a bien voulu nous accorder en début de cette semaine à Daoukro, Niamien N'goran juge la politique de la refondation et apporte des réponses aux accusations portées ça et là contre le Pdci-Rda et son président.
M. le ministre, 2009 s'est achevée sans que l'élection présidentielle tant attendue ne soit tenue en Côte d'Ivoire. Sous quel signe placez-vous 2010 ?
Merci pour l'occasion que vous me donnez de m'adresser aux lecteurs de " Le Nouveau Réveil " ainsi qu'à toute la population ivoirienne, aux militants, sympathisants et à la grande famille du Pdci-Rda. 2009, je dirais, a été l'année de l'espoir déçu. Parce que nous pensions sincèrement qu'on devrait avoir le premier tour de la présidentielle le 29 novembre 2009. Malheureusement, ça a été encore reporté. Cette fois-ci, le Cpc qui s'est tenu à Ouaga a donné un chronogramme très précis. Je voudrais d'ailleurs saisir l'opportunité pour me féliciter de la précision du chronogramme qui a été donné. Je pense donc que 2010 sera l'année de tous les espoirs pour la Côte d'Ivoire. Nous sommes convaincus que le premier tour de l'élection présidentielle va se tenir courant premier trimestre 2010. D'après ce qu'on nous indique, c'est soit le 28 février, le 07 mars ou le 14 mars. Ce que nous souhaitons, nous, c'est que le plus tôt sera le mieux. La Cei dit qu'à la fin du mois de janvier, on aura la date du premier tour. Nous souhaitons que ça soit le 28 février. Même si c'est le 14 mars, nous sommes preneur. Cette foi-ci, on ne souhaite pas qu'il y ait report.
Estimez-vous que les conditions sont réunies pour qu'il n'y ait plus de report ?
Il n'y a pas de raison qu'il y ait report parce que les conditions sont maintenant réunies pour aller aux élections.
C'est quoi ces conditions ?
Nous connaissons la liste des candidats. Nous avons la liste électorale provisoire qui est sortie. Le contentieux qui découle de la liste électorale provisoire a été ouvert. D'après ce que nous dit la Cei, la période du contentieux qui a été prorogée prend fin le 05 janvier. L'impression des cartes d'identité et des cartes d'électeurs d' après ce qu'on nous dit également, a démarré. Le matériel électoral aussi. Nous avons donc tous les éléments pour aller aux élections. Il n'y a donc pas de raison qu'on n'aille pas aux élections. Cette fois-ci, on ira aux élections aux dates indiquées.
2010, année d'espoir selon vos termes, mais les Ivoiriens n'ont plus d'espoir…
Cet espoir ne sera pas déçu.
Les Ivoiriens, M. le ministre, sont devenus sceptiques, des "Saint Thomas". Ils attendent de voir pour croire.
Vous traduisez effectivement le sentiment de toute la population. Je crois que ça ne serait pas sérieux que l'élection présidentielle soit encore une fois reportée. Si c'est reporté, écoutez, on avisera. Mais moi, je suis convaincu que nous irons aux élections. Le Pdci-Rda est en ordre de bataille. Nous avons tous nos éléments. En tant que candidat, le président Bédié a beaucoup fait. Il a sillonné beaucoup de régions de la Côte d'Ivoire. La prochaine visite se fera dans les communes d'Adjamé, d'Attécoubé et du Plateau. Le président est sur le terrain. Les délégués départementaux et communaux qui sont les directeurs locaux de campagne vont sillonner leur circonscription pour faire le porte-à-porte avec toutes les structures et les militants du Pdci. Nous allons mettre à profit les deux mois qui restent pour le faire.
Vous affichez votre optimisme quand de l'autre côté, on vous rétorque s'il n'y a pas élection, ça fait quoi ?
Ah, non ! C'est se moquer de la population Ivoirienne. La Côte d'Ivoire n'est pas une monarchie, c'est une République. On exerce le pouvoir au nom du peuple et pour le peuple. C'est le peuple qui donne le pouvoir, c'est ce peuple qui vote. S'il n'y a donc pas d'élection, on est une république bananière… Il faut qu'on arrête ça. C'est de la distraction, il ne faut pas que nous continuions sur cette lancée parce qu'on ne compte pas avec ça. Nous sommes la risée de tout le monde. La Côte d'Ivoire, qui était une référence en Afrique au Sud du Sahara, ne compte plus aujourd'hui dans le concert des nations. Cette fois-ci, il y aura les élections et j'en suis convaincu parce que les conditions sont réunies.
Les Ivoiriens, à la pratique, ont fini par réaliser qu'il n'y a qu'un seul son de cloche dans ce pays. Le chef de l'Etat est le seul à parler, à jouer son tam-tam et à esquisser des pas de danse. Ils en ont conclu d'ailleurs qu'il n'y a pas d'opposition en Côte d'Ivoire. Quel est votre avis ?
Il y a une opposition. Peut-être que le fait que nous ayons des ministres Rhdp dans le gouvernement donne l'impression qu'il n'y a pas d'opposition. Il y a des visions totalement différentes. Le Pdci a sa vision, faite de paix, de respect de la vie humaine, de respect de la parole donnée. C'est une opposition civilisée. Cette opposition existe et est majoritaire, nous en somme convaincus. Et nous allons d'ailleurs le démontrer dans les urnes. On est dans le gouvernement en vertu des accords, mais il ne faut pas qu'on se trompe.
Le Fpi et le chef de l'Etat se plaisent pourtant à dire qu'ils gouvernent ensemble avec l'opposition.
C'est faux. Selon les dispositions de la Constitution ivoirienne, la plénitude du pouvoir exécutif est entre les mains du président Laurent Gbagbo. Les ministres sont délégués au niveau de l'exécutif. C'est donc lui qui a tous les leviers du pouvoir. On ne peut pas nous dire, on ne nous a pas laissé gouverner. Ce que l'on n'a pas fait en dix ans, ce n'est pas avec les promesses que l'on va le faire, qu'il va réaliser des miracles. C'est totalement faux. Il a eu la plénitude du pouvoir durant neuf ans et il n'a rien fait. Il a eu des ressources beaucoup plus importantes que ce que nous avions. Maintenant il y a le pétrole, le gaz qui sont entrés en production en plus du café et du cacao. Ces ressources ont été détournées. C'est un bilan négatif qu'ils doivent assumer.
Le régime au pouvoir met à son actif la décentralisation qu'il brandit comme un trophée de chasse.
La décentralisation, comment se fait-elle ? Pense-t-on d'abord à la budgétisation ? Quand on érige une localité en sous préfecture ou en préfecture, pense-t-on aux incidences financières ? Avant de signer les décrets, il faut voir l'incidence financière. Le sentiment qui est donné de constater, c'est que ça fait beaucoup improvisation. C'est cela qui est dommage. Le Fpi a la plénitude de l'exercice du pouvoir, le Pdci, le Rhdp ne sont pas comptables de cet échec.
Laurent Gbagbo déclare que l'élection présidentielle prochaine va opposer " le candidat qui aime la Côte d'Ivoire” et “les candidats de l'étranger ". Quel commentaire faites-vous de ses propos ?
C'est une insulte qui est faite aux gens. Quel est le candidat qui aime la Côte d'Ivoire et celui qui n'aime la Côte d'Ivoire ? Le Pdci-Rda a construit le pays pendant près de quarante ans et on a vu les résultats. La manière d'aimer les Ivoiriens, c'est d'entretenir un climat de paix. Mais depuis que les refondateurs sont arrivés aux affaires, ce sont les tensions, il y a eu beaucoup de tueries, aucune enquête n'a abouti. Ces affirmations, nous les considérons comme de la poudre aux yeux. Le Pdci-Rda est le parti qui est ancré dans le peuple, qui connait les aspirations des Ivoiriens. Les Ivoiriens veulent la paix, ils veulent pouvoir envoyer leurs enfants à l'école, que l'école ne soit pas prise en otage comme c'est le cas aujourd'hui. Les Ivoiriens veulent se soigner, veulent pouvoir trouver des emplois. Le programme du Pdci permet tout cela. Au contraire, si l'on veut parler ainsi, ce sont nos amis du Fpi qui sont les candidats de l'étranger, puisqu'un ministre d'un pays a dit que ce parti pourrait gagner les élections. On nous donne perdant, mais c'est sur le terrain qu'on verra la différence. Nous n'avons pas de leçon à recevoir. Aujourd'hui, c'est la mondialisation, il ne faut pas dire qu'on va vivre en vase clos, c'est tromper totalement la population. La Côte d'Ivoire est dans le monde, elle doit assumer sa place en tant que nation africaine. Il faut assurer l'héritage du père fondateur de la Côte d'Ivoire moderne, le président Félix Houphouët-Boigny.
Quelle appréciation faites-vous de cette sortie du ministre français des Affaires étrangères qui a déclaré que Laurent Gbagbo pourrait gagner ?
Je ne sais pas sur quelle base il a parlé, d'ailleurs il a parlé au conditionnel. Peut-être qu'il a des informations que n'avons pas. Mais moi, je pense que la réalité du terrain est tout autre. Bien sûr, on me dira que je prêche pour ma paroisse. Ce que je vois au niveau des Ivoiriens, la souffrance que nous observons, il faut que nous soyons masochistes pour pouvoir reconduire la refondation. Cela ne me traverse pas l'esprit. Je ne crois pas que les Ivoiriens sont tombés sur la tête pour aller donner leur suffrage à ces refondateurs. Ils disent " On ne nous pas empêché d'appliquer notre programme, donnez-nous la possibilité de vous faire souffrir davantage". Si on s'amuse à les reconduire…,non, je ne crois pas que ça soit possible.
Quels sont, selon vous, les atouts du Pdci-Rda pour gagner ces élections comme vous le prétendez ?
Le Pdci est le parti qui regorge le plus de cadres. Quand vous regardez aujourd'hui, c'est le Pdci qui a le plus de cadres d'expérience qui ont déjà géré. Le Pdci peut constituer je ne sais combien de gouvernements de cadres compétents de toutes les générations. Il faut que le règne de l'impunité qui prévaut depuis dix ans prenne fin. Il faut que la vie humaine soit respectée comme du temps du Pdci-Rda. S'il y a des crimes économiques, des crimes contre les droits humains, il faut que cela soit élucidé pour que la population se sente sécurisée. Vous voyez aujourd'hui l'insécurité qui règne ?
M. le ministre, n'avez-vous pas le sentiment que les reports successifs des élections ont refroidi vos militants qu'on ne sent plus vivaces ?
C'est cela et c'est pour cette raison qu'on leur demande de se tenir prêts. Le contentieux sur la liste électorale provisoire va prendre fin bientôt. Il y a déjà 5 300 000 Ivoiriens en âge de voter qui sont sur les listes. Il y a 1 085 000 qui posent problème. Sur ces 1 085 000, je crois savoir qu'il y a déjà au moins 500 000 qui sont régularisés. Nous avons un code électoral, de près de 6 000 000. Avec ça, on doit pouvoir aller aux élections. Et il faut que les Ivoiriens se tiennent prêts. Quand la distribution des cartes va commencer, il faut que tout le monde aille dans l'ordre et la discipline les retirer pour accomplir son devoir civique. Le vote qui va avoir lieu est un vote que je qualifierai d'historique parce qu'on sort d'une période de trou noir. Il faut fermer cette parenthèse de trou noir qui n'a que trop durer.
Le constat que font certains observateurs est que sur le terrain malheureusement, les choses ne semblent pas avancer pour le mieux, contrairement à l'optimisme que vous affichez. Ne cherche-t-on à faire traîner les choses pour disqualifier au finish des candidats en lice ?
Cela ne va pas marcher. Nous sommes au bout de la chaîne, on ne peut plus reculer. Nous avons toutes les conditions et personne ne sera disqualifié. Si un candidat a 100 ans, selon les accords signés, il sera candidat. Qu'on laisse traîner les choses, c'est totalement inutile. L'heure de vérité est arrivée, qu'on aille aux urnes ; qu'on ait des élections apaisées et qu'on voit le poids de chaque candidat au niveau du Pdci, du Rdr, du Fpi. Une vraie démocratie exige cela et on va l'obtenir. Le processus a été long, il a fallu identifier presque six millions de personnes qui doivent être sur les listes. Ce sont des personnes qui se sont déplacées pour se rendre dans les lieux de vote. Cela a permis d'ailleurs de mettre un peu d'ordre au niveau de l'état civil. Maintenant, il est temps qu'on aille aux urnes. Je souhaite, moi, que ce soit le 28 février. Si ce n'est pas à cette date, que ce soit le 07 ou le 14 mars.
Qu'adviendra-t-il si ces différentes dates ne sont pas respectées ?
Je ne veux être un oiseau de mauvais augure, je ne veux pas penser à ça. Il n'y a pas de raison qu'on n'aille pas aux élections. Pourquoi ne devrons-nous d'ailleurs pas aller aux élections ? On aura la carte d'identité, la carte d'électeur, les listes électorales existent, pourquoi on n'irait pas aux élections ? J'espère que personne ne s'amusera à ce que les Ivoiriens ne puissent pas aller aux urnes. C'est pour cela, bien sûr nous comprenons tous les mouvements sociaux qui se passent, mais il ne faut qu'ils empêchent les Ivoiriens d'aller aux urnes. Une bonne réponse aux préoccupations, c'est en partie une bonne élection libre et transparente. Pour le citoyen, il faut que l'élection soit apaisée, pas de violence pour que celui que les Ivoiriens auront choisi dans les urnes, puisse gouverner.
Laurent Gbagbo pense que le report des voix au second tour préconisé par le Rhdp n'est qu'un leurre et donc il part vainqueur. Quelle est votre opinion sur la question ?
C'est de bonne guerre, c'est notre adversaire qui tente de nous diviser. Mais le Rhdp est une réalité vivante.
Il a aussi dit le président Bédié lui a rendu un service énorme en s'alliant à Alassane Ouattara.
Lui rendre service ? Au contraire, c'est là qu'il sera battu, le Rhdp va le battre. Je suis convaincu que la majorité est Rhdp. Je demande à nos militants de ne pas se laisser gagner par le découragement. Qu'ils aillent très tôt le matin du jour de l'élection présidentielle pour accomplir leur devoir civique. C'est grâce à ce geste qu'ils vont poser que le changement va intervenir après neuf ans de galère.
Vous avez été ministre de l'Economie et des finances, les piliers du système que le Pdci-Rda a implantés tiennent-ils toujours ?
On nous dit, c'est la crise, mais il y a eu beaucoup de détournements colossaux de deniers publics. On attribue tout à la crise, mais je crois qu'on a eu un problème de gouvernance sérieux. Je ne porte pas un jugement sur les ministres de l'Economie et des finances qui sont passés. Le ministre qui est là actuellement est un monsieur de très grande compétence, je le connais bien. Maintenant a-t-il tous les leviers, contrôle-t-il tous ses directeurs ? Voilà la question qu'on se pose. Ceci dit, il a pu obtenir auprès des bailleurs de fonds, de nos partenaires au développement, la Côte d'Ivoire a pu accéder au programme de réduction de la dette.
Quel est l'historique des Ppte ?
La Côte d'Ivoire était dans les tout premiers pays qui étaient éligibles à ce programme d'allègement de la dette. Pourquoi il y a eu un programme d'allègement de la dette ? Ce programme était un prolongement des mesures d'accompagnement de la dévaluation du FCFA qui est intervenue les 11 et 12 janvier 1994 à Dakar. Souvenez-vous à cette époque, le président Bédié venait d'accéder au pouvoir le 07 décembre 1993. Le président Houphouët, père fondateur de la Côte d'Ivoire moderne s'en est allé, le problème de la dévaluation était sur la table. On a pu faire cette dévaluation. La dette qui est exprimée en dollar, en franc français, en toute autre devise est doublée mécaniquement. On dit qu'on a endetté le pays. Mais quand le franc est dévalué, sans qu'on ne fasse quoi que ce soit, la dette exprimée en dollar est doublée automatiquement quand on l'exprime en Cfa. Pour pouvoir aider le pays, il y a eu ce programme de réduction de la dette. Ça faisait partie des mesures d'accompagnement, entre autres, de la dévaluation de FCFA. Et la Cote d'Ivoire devrait atteindre le point de décision en mars 2001 quand il y a eu le coup d'Etat de 1999. Il n'y a donc rien de nouveau. Sous le Pdci, on devrait obtenir cette mesure. On était dans les tout premiers pays. Il y avait en Afrique, l'Ouganda, la Côte d'Ivoire. En Amérique Latine, il y avait deux autres pays. On était dans les quatre premiers pays à bénéficier de cela avec l'appui de nos partenaires, la France en l'occurrence. La France a joué un rôle important pour que la Cote d'Ivoire soit éligible. Ce n'est donc pas quelque chose de nouveau. Les démons de la déstabilisation sont passés par là.
Laurent Gbagbo soutient qu'il a hérité d'une colossale dette de plus de 6000 milliards du régime Pdci.
Avec la dévaluation, la dette a été doublée. Nous avons en Côte d'Ivoire l'un des meilleurs réseaux routiers au niveau en Afrique au Sud du Sahara. On était éligible au guichet Banque mondiale. La Côte d'Ivoire, avant la dévaluation, faisait partie de la catégorie des pays à revenus intermédiaires. Quand on a dévalué, on est venu au guichet Ida, c'est-à-dire, les pays pauvres. Avec les progrès économiques, la bonne gestion, on devrait très rapidement sortir de ce peloton. Je me félicite de ce qu'on ait eu finalement ce programme. Mais ce n'est pas une fin en soi, c'est un pari sur l'avenir. C'est pour que vous puissiez bien gérer sans avoir un fardeau.
Il y a aussi l'usine de traitement du cacao que le régime Bédié avait annoncé en Chine. Le pouvoir Fpi ne manque pas une seule occasion pour dire que de l'argent a été détourné dans la construction de cette unité quand on évoque la scabreuse affaire de l'usine de Fulton. Quelle est votre vérité sur cette usine ?
Ce sont deux dossiers totalement différents. Nous avons fait une analyse très simple. La Chine, c'est 1,3 milliard d'habitants. S'il y a une consommation du chocolat en Chine, c'est un marché extraordinaire. C'est pour cette raison qu'on a pensé à faire cette usine. Mais on n'a pas déboursé un centime. C'est ce que je peux vous dire. Par contre, pour l'usine Fulton aux Usa, il y a eu 100 milliards qui ont été déboursés sans qu'on ne sache que la production sera effective. Entre-temps, les 100 milliards sont déjà partis. C'est de l'argent gaspillé. On devrait faire l'usine de Chine en partenariat avec des opérateurs privés de Chang-Hai, ça n'a pas été fait à cause du coup d'Etat. On n'a pas décaissé un centime. Ce sont deux dossiers totalement différents. L'usine de Chine n'a pas eu un début de commencement d'exécution. Les Chinois étaient intéressés seulement, ils nous ont dit qu'il fallait trouver des opérateurs privés pour pouvoir le faire. Nous étions sous programme d'ajustement avec la Banque mondiale, le Fonds monétaire. Il était donc hors de question que l'Etat aille construire cette usine. Ça devrait être une opération avec des opérateurs économiques privés chinois, mais cela n'a pas vu le jour et un centime n'a pas été décaissé.
Le front social a été souvent en ébullition en 2009. Qu'est-ce que cela traduit ?
C'est parce que le pays n'est géré. Les syndicats sont tenus par des Ivoiriens qui défendent les intérêts de leurs corporations. Il faut leur expliquer l'état du pays. Quand ils regardent le train de vie de l'Etat, peut-être qu'ils se disent que ce n'est pas celui d'un Etat qui a des problèmes. Alors, ils réclament des choses. Mais quand ils réclament, il faut s'asseoir et discuter avec eux. Est-ce qu'on le fait ? On signe les décrets mais après, il faut les mettre en application. On parle de la masse salariale. Vous savez que dans le programme qui a été conclu avec le Fonds monétaire et la Banque mondiale, la masse salariale est plafonnée. Ils sont à 815 milliards qui dépassent la masse salariale qui est largement au-delà-de la norme de convergence au niveau de l'Uemoa qui est 35% du budget. Quand on était aux affaires, la masse salariale, je crois, était dans l'ordre de 415 milliards. Ça a été multiplié par deux aujourd'hui. On accorde les avantages dans tous les sens sans se dire que ça fait grimper la masse salariale. Maintenant, le chef de l'Etat a le dos au mur mais c'est le fruit de l'improvisation, de l'impréparation des mesures économiques qu'il faut prendre. C'est pour cela que le front social est constamment allumé. Il faut expliquer la réalité aux syndicalistes, il faut savoir leur parler. Ils ont besoin de considération. Tout ne peut pas se faire maintenant, mais dans le temps si la croissance est au rendez, vous ainsi que la bonne gestion. Mais si les gens ont le sentiment qu'on se fout d'eux, ils n'acceptent pas cela.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le budget de l'Etat ne cesse de grimper chaque année, pourtant on n'arrive pas à satisfaire les travailleurs. Comment cela s'explique-t-il ?
On a un problème de gouvernance sérieux, ça veut tout dire. Ça veut dire que c'est la mauvaise gestion qui a entraîné tous ces remous.
Ces grèves n'ont-elles pas des répercussions sur le chronogramme électoral ?
Je trouve, moi, que la grève des greffiers n'est pas innocente. Pourquoi, intervient-elle au moment où le processus électoral est sur une période décisive ? D'après ce que nous dit la Cei, cela n'a pas de graves conséquences sur le chronogramme. Ils peuvent proroger les dates, mais nous disons qu'il faut qu'absolument le 29 février, le 07 ou le 14 mars, on puisse avoir le premier tour de l'élection présidentielle sans qu'aucun Ivoirien ne se sente exclu. Il ne faut pas s'accrocher à des choses pour retarder les élections. Si on retarde, c'est la Côte d'Ivoire qui en pâtit.
Le pouvoir Fpi estime aussi que le président Bédié a abandonné Yamoussoukro quand il était aux affaires au profit de son village Daoukro. Et que c'est plutôt eux qui sont en train de réaliser la construction de la capitale politique, idée chère au président Houphouët.
C'est de la politique politicienne. Bédié ne peut pas abandonner Yamoussoukro. Bédié était président de l'Assemblée nationale quand le député Emmanuel Dioulo a lancé l'idée du transfert de la capitale à Yamoussoukro. Il y a eu un vote du parlement qui a transféré la capitale. C'est à partir de Daoukro que nous échangeons. Qu'est'ce qui a été fait d'extraordinaire ici ? Certains disent qu'ils diront la vérité, que Bédié a voulu faire de Daoukro une autre capitale. Non, ce n'est pas ça sa vision. Sa vision était de faire progressivement le transfert de la capitale. Ce qu'il faut plutôt faire, regardez les infrastructures, surtout les routes ; il faut déjà entretenir ce qui est là au lieu d'aller construire dans la précipitation d'autres édifices. Quand on est à Yamoussoukro, on est au centre de la Côte d'Ivoire. Le transfert de la capitale va décongestionner Abidjan. Ce n'est pas le président Bédié, fils spirituel du président Houphouët Boigny qui va abandonner un projet que son père spirituel a construit. Au contraire, quand Bédié va revenir, le chantier du transfert de la capitale va connaître un boom. Pourquoi ? Parce que la gabegie que nous observons va prendre fin et il faut faire ce travail dans l'ordre.
Sur le même sujet, des gens annoncent des dossiers fumants sur le président Bédié. Ces affirmations vous inquiètent-elles ?
S'ils avaient des dossiers fumants, ils les auraient sortis depuis. Je ne crois pas qu'ils en ont. Ils cherchent à salir les gens simplement. Quand on a parlé du Miracle ivoirien, le président Bédié était le ministre de l'Economie et des finances. Il a participé au miracle ivoirien. Le premier ministre Ouattara est venu à une période difficile. Il a préparé, entre autres le dossier de la dévaluation. Quand nous sommes arrivés, ce dossier était bien préparé. Quand on a fait la dévaluation de janvier 1994, la Côte d'Ivoire était le pays qui avait un très bon dossier sur la dévaluation. Dès que la dévaluation a été faite, toutes les mesures ont été prises. Donc ce n'est pas la peine d'amuser la galerie. L'administration est une continuité. Quand on arrive, on ne tire pas sur les autres en disant ceci ou cela. Le tout, c'est de gérer sérieusement et ne pas se moquer des Ivoiriens. Aujourd'hui, c'est la descente aux enfers. Et c'est la faute au Fpi qui est au pouvoir.
La Côte d'Ivoire est engagée au niveau de la Can. Pensez-vous qu'elle a des chances de remporter cette compétition africaine ?
La Côte d'Ivoire est une très grande nation de football. Voyez toutes les générations qui sont passées. Aujourd'hui, nous sommes au stade où les meilleurs talents des pays en développement vont jouer dans les championnats étrangers. Quand vous prenez l'équipe de Côte d'Ivoire, ce sont des nationaux qui jouent dans les plus grands championnats d'Europe. Nous avons donc de très grandes chances de remporter cette Can. C'est tout ce que je souhaite, que nous puissions faire une très bonne Can. Nous avons les atouts, les arguments pour faire une bonne Can et après une bonne Coupe du monde. Nous avons les éléments qui ont du talent et de l'expérience. En plus, l'encadrement ne pose pas problème. Si nous allons très loin à la Can, aucune chapelle politique ne peut s'arroger la victoire. C'est une longue tradition qui se perpétue. Remporter la Can serait une bonne chose. Ils iront à la Coupe du monde en étant champions d'Afrique.
Quel est le message que vous avez pour les Ivoiriens en ce début d'année ?
Je voudrais dire que 2010, c'est l'année de l'espoir et 2010 sera l'année de l'espoir. Moi, je suis convaincu qu'on ira aux élections parce que toutes les conditions sont réunies pour aller aux élections. Il faut qu'on aille à ces élections dans un climat apaisé. J'en appelle aux leaders et aux formations politiques pour que les élections se déroulent dans la paix. Je dis à nos militants, sympathisants, à tous ceux qui croient au Pdci d'aller voter massivement le jour de l'élection. Si les gens empêchent les autres de voter, c'est là qu'ils vont créer le désordre. Il faut que les populations partout se préparent à voter. C'est comme ça qu'on va pouvoir sauver notre pays.
Interview réalisée à Daoukro par Paul Koffi
M. le ministre, 2009 s'est achevée sans que l'élection présidentielle tant attendue ne soit tenue en Côte d'Ivoire. Sous quel signe placez-vous 2010 ?
Merci pour l'occasion que vous me donnez de m'adresser aux lecteurs de " Le Nouveau Réveil " ainsi qu'à toute la population ivoirienne, aux militants, sympathisants et à la grande famille du Pdci-Rda. 2009, je dirais, a été l'année de l'espoir déçu. Parce que nous pensions sincèrement qu'on devrait avoir le premier tour de la présidentielle le 29 novembre 2009. Malheureusement, ça a été encore reporté. Cette fois-ci, le Cpc qui s'est tenu à Ouaga a donné un chronogramme très précis. Je voudrais d'ailleurs saisir l'opportunité pour me féliciter de la précision du chronogramme qui a été donné. Je pense donc que 2010 sera l'année de tous les espoirs pour la Côte d'Ivoire. Nous sommes convaincus que le premier tour de l'élection présidentielle va se tenir courant premier trimestre 2010. D'après ce qu'on nous indique, c'est soit le 28 février, le 07 mars ou le 14 mars. Ce que nous souhaitons, nous, c'est que le plus tôt sera le mieux. La Cei dit qu'à la fin du mois de janvier, on aura la date du premier tour. Nous souhaitons que ça soit le 28 février. Même si c'est le 14 mars, nous sommes preneur. Cette foi-ci, on ne souhaite pas qu'il y ait report.
Estimez-vous que les conditions sont réunies pour qu'il n'y ait plus de report ?
Il n'y a pas de raison qu'il y ait report parce que les conditions sont maintenant réunies pour aller aux élections.
C'est quoi ces conditions ?
Nous connaissons la liste des candidats. Nous avons la liste électorale provisoire qui est sortie. Le contentieux qui découle de la liste électorale provisoire a été ouvert. D'après ce que nous dit la Cei, la période du contentieux qui a été prorogée prend fin le 05 janvier. L'impression des cartes d'identité et des cartes d'électeurs d' après ce qu'on nous dit également, a démarré. Le matériel électoral aussi. Nous avons donc tous les éléments pour aller aux élections. Il n'y a donc pas de raison qu'on n'aille pas aux élections. Cette fois-ci, on ira aux élections aux dates indiquées.
2010, année d'espoir selon vos termes, mais les Ivoiriens n'ont plus d'espoir…
Cet espoir ne sera pas déçu.
Les Ivoiriens, M. le ministre, sont devenus sceptiques, des "Saint Thomas". Ils attendent de voir pour croire.
Vous traduisez effectivement le sentiment de toute la population. Je crois que ça ne serait pas sérieux que l'élection présidentielle soit encore une fois reportée. Si c'est reporté, écoutez, on avisera. Mais moi, je suis convaincu que nous irons aux élections. Le Pdci-Rda est en ordre de bataille. Nous avons tous nos éléments. En tant que candidat, le président Bédié a beaucoup fait. Il a sillonné beaucoup de régions de la Côte d'Ivoire. La prochaine visite se fera dans les communes d'Adjamé, d'Attécoubé et du Plateau. Le président est sur le terrain. Les délégués départementaux et communaux qui sont les directeurs locaux de campagne vont sillonner leur circonscription pour faire le porte-à-porte avec toutes les structures et les militants du Pdci. Nous allons mettre à profit les deux mois qui restent pour le faire.
Vous affichez votre optimisme quand de l'autre côté, on vous rétorque s'il n'y a pas élection, ça fait quoi ?
Ah, non ! C'est se moquer de la population Ivoirienne. La Côte d'Ivoire n'est pas une monarchie, c'est une République. On exerce le pouvoir au nom du peuple et pour le peuple. C'est le peuple qui donne le pouvoir, c'est ce peuple qui vote. S'il n'y a donc pas d'élection, on est une république bananière… Il faut qu'on arrête ça. C'est de la distraction, il ne faut pas que nous continuions sur cette lancée parce qu'on ne compte pas avec ça. Nous sommes la risée de tout le monde. La Côte d'Ivoire, qui était une référence en Afrique au Sud du Sahara, ne compte plus aujourd'hui dans le concert des nations. Cette fois-ci, il y aura les élections et j'en suis convaincu parce que les conditions sont réunies.
Les Ivoiriens, à la pratique, ont fini par réaliser qu'il n'y a qu'un seul son de cloche dans ce pays. Le chef de l'Etat est le seul à parler, à jouer son tam-tam et à esquisser des pas de danse. Ils en ont conclu d'ailleurs qu'il n'y a pas d'opposition en Côte d'Ivoire. Quel est votre avis ?
Il y a une opposition. Peut-être que le fait que nous ayons des ministres Rhdp dans le gouvernement donne l'impression qu'il n'y a pas d'opposition. Il y a des visions totalement différentes. Le Pdci a sa vision, faite de paix, de respect de la vie humaine, de respect de la parole donnée. C'est une opposition civilisée. Cette opposition existe et est majoritaire, nous en somme convaincus. Et nous allons d'ailleurs le démontrer dans les urnes. On est dans le gouvernement en vertu des accords, mais il ne faut pas qu'on se trompe.
Le Fpi et le chef de l'Etat se plaisent pourtant à dire qu'ils gouvernent ensemble avec l'opposition.
C'est faux. Selon les dispositions de la Constitution ivoirienne, la plénitude du pouvoir exécutif est entre les mains du président Laurent Gbagbo. Les ministres sont délégués au niveau de l'exécutif. C'est donc lui qui a tous les leviers du pouvoir. On ne peut pas nous dire, on ne nous a pas laissé gouverner. Ce que l'on n'a pas fait en dix ans, ce n'est pas avec les promesses que l'on va le faire, qu'il va réaliser des miracles. C'est totalement faux. Il a eu la plénitude du pouvoir durant neuf ans et il n'a rien fait. Il a eu des ressources beaucoup plus importantes que ce que nous avions. Maintenant il y a le pétrole, le gaz qui sont entrés en production en plus du café et du cacao. Ces ressources ont été détournées. C'est un bilan négatif qu'ils doivent assumer.
Le régime au pouvoir met à son actif la décentralisation qu'il brandit comme un trophée de chasse.
La décentralisation, comment se fait-elle ? Pense-t-on d'abord à la budgétisation ? Quand on érige une localité en sous préfecture ou en préfecture, pense-t-on aux incidences financières ? Avant de signer les décrets, il faut voir l'incidence financière. Le sentiment qui est donné de constater, c'est que ça fait beaucoup improvisation. C'est cela qui est dommage. Le Fpi a la plénitude de l'exercice du pouvoir, le Pdci, le Rhdp ne sont pas comptables de cet échec.
Laurent Gbagbo déclare que l'élection présidentielle prochaine va opposer " le candidat qui aime la Côte d'Ivoire” et “les candidats de l'étranger ". Quel commentaire faites-vous de ses propos ?
C'est une insulte qui est faite aux gens. Quel est le candidat qui aime la Côte d'Ivoire et celui qui n'aime la Côte d'Ivoire ? Le Pdci-Rda a construit le pays pendant près de quarante ans et on a vu les résultats. La manière d'aimer les Ivoiriens, c'est d'entretenir un climat de paix. Mais depuis que les refondateurs sont arrivés aux affaires, ce sont les tensions, il y a eu beaucoup de tueries, aucune enquête n'a abouti. Ces affirmations, nous les considérons comme de la poudre aux yeux. Le Pdci-Rda est le parti qui est ancré dans le peuple, qui connait les aspirations des Ivoiriens. Les Ivoiriens veulent la paix, ils veulent pouvoir envoyer leurs enfants à l'école, que l'école ne soit pas prise en otage comme c'est le cas aujourd'hui. Les Ivoiriens veulent se soigner, veulent pouvoir trouver des emplois. Le programme du Pdci permet tout cela. Au contraire, si l'on veut parler ainsi, ce sont nos amis du Fpi qui sont les candidats de l'étranger, puisqu'un ministre d'un pays a dit que ce parti pourrait gagner les élections. On nous donne perdant, mais c'est sur le terrain qu'on verra la différence. Nous n'avons pas de leçon à recevoir. Aujourd'hui, c'est la mondialisation, il ne faut pas dire qu'on va vivre en vase clos, c'est tromper totalement la population. La Côte d'Ivoire est dans le monde, elle doit assumer sa place en tant que nation africaine. Il faut assurer l'héritage du père fondateur de la Côte d'Ivoire moderne, le président Félix Houphouët-Boigny.
Quelle appréciation faites-vous de cette sortie du ministre français des Affaires étrangères qui a déclaré que Laurent Gbagbo pourrait gagner ?
Je ne sais pas sur quelle base il a parlé, d'ailleurs il a parlé au conditionnel. Peut-être qu'il a des informations que n'avons pas. Mais moi, je pense que la réalité du terrain est tout autre. Bien sûr, on me dira que je prêche pour ma paroisse. Ce que je vois au niveau des Ivoiriens, la souffrance que nous observons, il faut que nous soyons masochistes pour pouvoir reconduire la refondation. Cela ne me traverse pas l'esprit. Je ne crois pas que les Ivoiriens sont tombés sur la tête pour aller donner leur suffrage à ces refondateurs. Ils disent " On ne nous pas empêché d'appliquer notre programme, donnez-nous la possibilité de vous faire souffrir davantage". Si on s'amuse à les reconduire…,non, je ne crois pas que ça soit possible.
Quels sont, selon vous, les atouts du Pdci-Rda pour gagner ces élections comme vous le prétendez ?
Le Pdci est le parti qui regorge le plus de cadres. Quand vous regardez aujourd'hui, c'est le Pdci qui a le plus de cadres d'expérience qui ont déjà géré. Le Pdci peut constituer je ne sais combien de gouvernements de cadres compétents de toutes les générations. Il faut que le règne de l'impunité qui prévaut depuis dix ans prenne fin. Il faut que la vie humaine soit respectée comme du temps du Pdci-Rda. S'il y a des crimes économiques, des crimes contre les droits humains, il faut que cela soit élucidé pour que la population se sente sécurisée. Vous voyez aujourd'hui l'insécurité qui règne ?
M. le ministre, n'avez-vous pas le sentiment que les reports successifs des élections ont refroidi vos militants qu'on ne sent plus vivaces ?
C'est cela et c'est pour cette raison qu'on leur demande de se tenir prêts. Le contentieux sur la liste électorale provisoire va prendre fin bientôt. Il y a déjà 5 300 000 Ivoiriens en âge de voter qui sont sur les listes. Il y a 1 085 000 qui posent problème. Sur ces 1 085 000, je crois savoir qu'il y a déjà au moins 500 000 qui sont régularisés. Nous avons un code électoral, de près de 6 000 000. Avec ça, on doit pouvoir aller aux élections. Et il faut que les Ivoiriens se tiennent prêts. Quand la distribution des cartes va commencer, il faut que tout le monde aille dans l'ordre et la discipline les retirer pour accomplir son devoir civique. Le vote qui va avoir lieu est un vote que je qualifierai d'historique parce qu'on sort d'une période de trou noir. Il faut fermer cette parenthèse de trou noir qui n'a que trop durer.
Le constat que font certains observateurs est que sur le terrain malheureusement, les choses ne semblent pas avancer pour le mieux, contrairement à l'optimisme que vous affichez. Ne cherche-t-on à faire traîner les choses pour disqualifier au finish des candidats en lice ?
Cela ne va pas marcher. Nous sommes au bout de la chaîne, on ne peut plus reculer. Nous avons toutes les conditions et personne ne sera disqualifié. Si un candidat a 100 ans, selon les accords signés, il sera candidat. Qu'on laisse traîner les choses, c'est totalement inutile. L'heure de vérité est arrivée, qu'on aille aux urnes ; qu'on ait des élections apaisées et qu'on voit le poids de chaque candidat au niveau du Pdci, du Rdr, du Fpi. Une vraie démocratie exige cela et on va l'obtenir. Le processus a été long, il a fallu identifier presque six millions de personnes qui doivent être sur les listes. Ce sont des personnes qui se sont déplacées pour se rendre dans les lieux de vote. Cela a permis d'ailleurs de mettre un peu d'ordre au niveau de l'état civil. Maintenant, il est temps qu'on aille aux urnes. Je souhaite, moi, que ce soit le 28 février. Si ce n'est pas à cette date, que ce soit le 07 ou le 14 mars.
Qu'adviendra-t-il si ces différentes dates ne sont pas respectées ?
Je ne veux être un oiseau de mauvais augure, je ne veux pas penser à ça. Il n'y a pas de raison qu'on n'aille pas aux élections. Pourquoi ne devrons-nous d'ailleurs pas aller aux élections ? On aura la carte d'identité, la carte d'électeur, les listes électorales existent, pourquoi on n'irait pas aux élections ? J'espère que personne ne s'amusera à ce que les Ivoiriens ne puissent pas aller aux urnes. C'est pour cela, bien sûr nous comprenons tous les mouvements sociaux qui se passent, mais il ne faut qu'ils empêchent les Ivoiriens d'aller aux urnes. Une bonne réponse aux préoccupations, c'est en partie une bonne élection libre et transparente. Pour le citoyen, il faut que l'élection soit apaisée, pas de violence pour que celui que les Ivoiriens auront choisi dans les urnes, puisse gouverner.
Laurent Gbagbo pense que le report des voix au second tour préconisé par le Rhdp n'est qu'un leurre et donc il part vainqueur. Quelle est votre opinion sur la question ?
C'est de bonne guerre, c'est notre adversaire qui tente de nous diviser. Mais le Rhdp est une réalité vivante.
Il a aussi dit le président Bédié lui a rendu un service énorme en s'alliant à Alassane Ouattara.
Lui rendre service ? Au contraire, c'est là qu'il sera battu, le Rhdp va le battre. Je suis convaincu que la majorité est Rhdp. Je demande à nos militants de ne pas se laisser gagner par le découragement. Qu'ils aillent très tôt le matin du jour de l'élection présidentielle pour accomplir leur devoir civique. C'est grâce à ce geste qu'ils vont poser que le changement va intervenir après neuf ans de galère.
Vous avez été ministre de l'Economie et des finances, les piliers du système que le Pdci-Rda a implantés tiennent-ils toujours ?
On nous dit, c'est la crise, mais il y a eu beaucoup de détournements colossaux de deniers publics. On attribue tout à la crise, mais je crois qu'on a eu un problème de gouvernance sérieux. Je ne porte pas un jugement sur les ministres de l'Economie et des finances qui sont passés. Le ministre qui est là actuellement est un monsieur de très grande compétence, je le connais bien. Maintenant a-t-il tous les leviers, contrôle-t-il tous ses directeurs ? Voilà la question qu'on se pose. Ceci dit, il a pu obtenir auprès des bailleurs de fonds, de nos partenaires au développement, la Côte d'Ivoire a pu accéder au programme de réduction de la dette.
Quel est l'historique des Ppte ?
La Côte d'Ivoire était dans les tout premiers pays qui étaient éligibles à ce programme d'allègement de la dette. Pourquoi il y a eu un programme d'allègement de la dette ? Ce programme était un prolongement des mesures d'accompagnement de la dévaluation du FCFA qui est intervenue les 11 et 12 janvier 1994 à Dakar. Souvenez-vous à cette époque, le président Bédié venait d'accéder au pouvoir le 07 décembre 1993. Le président Houphouët, père fondateur de la Côte d'Ivoire moderne s'en est allé, le problème de la dévaluation était sur la table. On a pu faire cette dévaluation. La dette qui est exprimée en dollar, en franc français, en toute autre devise est doublée mécaniquement. On dit qu'on a endetté le pays. Mais quand le franc est dévalué, sans qu'on ne fasse quoi que ce soit, la dette exprimée en dollar est doublée automatiquement quand on l'exprime en Cfa. Pour pouvoir aider le pays, il y a eu ce programme de réduction de la dette. Ça faisait partie des mesures d'accompagnement, entre autres, de la dévaluation de FCFA. Et la Cote d'Ivoire devrait atteindre le point de décision en mars 2001 quand il y a eu le coup d'Etat de 1999. Il n'y a donc rien de nouveau. Sous le Pdci, on devrait obtenir cette mesure. On était dans les tout premiers pays. Il y avait en Afrique, l'Ouganda, la Côte d'Ivoire. En Amérique Latine, il y avait deux autres pays. On était dans les quatre premiers pays à bénéficier de cela avec l'appui de nos partenaires, la France en l'occurrence. La France a joué un rôle important pour que la Cote d'Ivoire soit éligible. Ce n'est donc pas quelque chose de nouveau. Les démons de la déstabilisation sont passés par là.
Laurent Gbagbo soutient qu'il a hérité d'une colossale dette de plus de 6000 milliards du régime Pdci.
Avec la dévaluation, la dette a été doublée. Nous avons en Côte d'Ivoire l'un des meilleurs réseaux routiers au niveau en Afrique au Sud du Sahara. On était éligible au guichet Banque mondiale. La Côte d'Ivoire, avant la dévaluation, faisait partie de la catégorie des pays à revenus intermédiaires. Quand on a dévalué, on est venu au guichet Ida, c'est-à-dire, les pays pauvres. Avec les progrès économiques, la bonne gestion, on devrait très rapidement sortir de ce peloton. Je me félicite de ce qu'on ait eu finalement ce programme. Mais ce n'est pas une fin en soi, c'est un pari sur l'avenir. C'est pour que vous puissiez bien gérer sans avoir un fardeau.
Il y a aussi l'usine de traitement du cacao que le régime Bédié avait annoncé en Chine. Le pouvoir Fpi ne manque pas une seule occasion pour dire que de l'argent a été détourné dans la construction de cette unité quand on évoque la scabreuse affaire de l'usine de Fulton. Quelle est votre vérité sur cette usine ?
Ce sont deux dossiers totalement différents. Nous avons fait une analyse très simple. La Chine, c'est 1,3 milliard d'habitants. S'il y a une consommation du chocolat en Chine, c'est un marché extraordinaire. C'est pour cette raison qu'on a pensé à faire cette usine. Mais on n'a pas déboursé un centime. C'est ce que je peux vous dire. Par contre, pour l'usine Fulton aux Usa, il y a eu 100 milliards qui ont été déboursés sans qu'on ne sache que la production sera effective. Entre-temps, les 100 milliards sont déjà partis. C'est de l'argent gaspillé. On devrait faire l'usine de Chine en partenariat avec des opérateurs privés de Chang-Hai, ça n'a pas été fait à cause du coup d'Etat. On n'a pas décaissé un centime. Ce sont deux dossiers totalement différents. L'usine de Chine n'a pas eu un début de commencement d'exécution. Les Chinois étaient intéressés seulement, ils nous ont dit qu'il fallait trouver des opérateurs privés pour pouvoir le faire. Nous étions sous programme d'ajustement avec la Banque mondiale, le Fonds monétaire. Il était donc hors de question que l'Etat aille construire cette usine. Ça devrait être une opération avec des opérateurs économiques privés chinois, mais cela n'a pas vu le jour et un centime n'a pas été décaissé.
Le front social a été souvent en ébullition en 2009. Qu'est-ce que cela traduit ?
C'est parce que le pays n'est géré. Les syndicats sont tenus par des Ivoiriens qui défendent les intérêts de leurs corporations. Il faut leur expliquer l'état du pays. Quand ils regardent le train de vie de l'Etat, peut-être qu'ils se disent que ce n'est pas celui d'un Etat qui a des problèmes. Alors, ils réclament des choses. Mais quand ils réclament, il faut s'asseoir et discuter avec eux. Est-ce qu'on le fait ? On signe les décrets mais après, il faut les mettre en application. On parle de la masse salariale. Vous savez que dans le programme qui a été conclu avec le Fonds monétaire et la Banque mondiale, la masse salariale est plafonnée. Ils sont à 815 milliards qui dépassent la masse salariale qui est largement au-delà-de la norme de convergence au niveau de l'Uemoa qui est 35% du budget. Quand on était aux affaires, la masse salariale, je crois, était dans l'ordre de 415 milliards. Ça a été multiplié par deux aujourd'hui. On accorde les avantages dans tous les sens sans se dire que ça fait grimper la masse salariale. Maintenant, le chef de l'Etat a le dos au mur mais c'est le fruit de l'improvisation, de l'impréparation des mesures économiques qu'il faut prendre. C'est pour cela que le front social est constamment allumé. Il faut expliquer la réalité aux syndicalistes, il faut savoir leur parler. Ils ont besoin de considération. Tout ne peut pas se faire maintenant, mais dans le temps si la croissance est au rendez, vous ainsi que la bonne gestion. Mais si les gens ont le sentiment qu'on se fout d'eux, ils n'acceptent pas cela.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le budget de l'Etat ne cesse de grimper chaque année, pourtant on n'arrive pas à satisfaire les travailleurs. Comment cela s'explique-t-il ?
On a un problème de gouvernance sérieux, ça veut tout dire. Ça veut dire que c'est la mauvaise gestion qui a entraîné tous ces remous.
Ces grèves n'ont-elles pas des répercussions sur le chronogramme électoral ?
Je trouve, moi, que la grève des greffiers n'est pas innocente. Pourquoi, intervient-elle au moment où le processus électoral est sur une période décisive ? D'après ce que nous dit la Cei, cela n'a pas de graves conséquences sur le chronogramme. Ils peuvent proroger les dates, mais nous disons qu'il faut qu'absolument le 29 février, le 07 ou le 14 mars, on puisse avoir le premier tour de l'élection présidentielle sans qu'aucun Ivoirien ne se sente exclu. Il ne faut pas s'accrocher à des choses pour retarder les élections. Si on retarde, c'est la Côte d'Ivoire qui en pâtit.
Le pouvoir Fpi estime aussi que le président Bédié a abandonné Yamoussoukro quand il était aux affaires au profit de son village Daoukro. Et que c'est plutôt eux qui sont en train de réaliser la construction de la capitale politique, idée chère au président Houphouët.
C'est de la politique politicienne. Bédié ne peut pas abandonner Yamoussoukro. Bédié était président de l'Assemblée nationale quand le député Emmanuel Dioulo a lancé l'idée du transfert de la capitale à Yamoussoukro. Il y a eu un vote du parlement qui a transféré la capitale. C'est à partir de Daoukro que nous échangeons. Qu'est'ce qui a été fait d'extraordinaire ici ? Certains disent qu'ils diront la vérité, que Bédié a voulu faire de Daoukro une autre capitale. Non, ce n'est pas ça sa vision. Sa vision était de faire progressivement le transfert de la capitale. Ce qu'il faut plutôt faire, regardez les infrastructures, surtout les routes ; il faut déjà entretenir ce qui est là au lieu d'aller construire dans la précipitation d'autres édifices. Quand on est à Yamoussoukro, on est au centre de la Côte d'Ivoire. Le transfert de la capitale va décongestionner Abidjan. Ce n'est pas le président Bédié, fils spirituel du président Houphouët Boigny qui va abandonner un projet que son père spirituel a construit. Au contraire, quand Bédié va revenir, le chantier du transfert de la capitale va connaître un boom. Pourquoi ? Parce que la gabegie que nous observons va prendre fin et il faut faire ce travail dans l'ordre.
Sur le même sujet, des gens annoncent des dossiers fumants sur le président Bédié. Ces affirmations vous inquiètent-elles ?
S'ils avaient des dossiers fumants, ils les auraient sortis depuis. Je ne crois pas qu'ils en ont. Ils cherchent à salir les gens simplement. Quand on a parlé du Miracle ivoirien, le président Bédié était le ministre de l'Economie et des finances. Il a participé au miracle ivoirien. Le premier ministre Ouattara est venu à une période difficile. Il a préparé, entre autres le dossier de la dévaluation. Quand nous sommes arrivés, ce dossier était bien préparé. Quand on a fait la dévaluation de janvier 1994, la Côte d'Ivoire était le pays qui avait un très bon dossier sur la dévaluation. Dès que la dévaluation a été faite, toutes les mesures ont été prises. Donc ce n'est pas la peine d'amuser la galerie. L'administration est une continuité. Quand on arrive, on ne tire pas sur les autres en disant ceci ou cela. Le tout, c'est de gérer sérieusement et ne pas se moquer des Ivoiriens. Aujourd'hui, c'est la descente aux enfers. Et c'est la faute au Fpi qui est au pouvoir.
La Côte d'Ivoire est engagée au niveau de la Can. Pensez-vous qu'elle a des chances de remporter cette compétition africaine ?
La Côte d'Ivoire est une très grande nation de football. Voyez toutes les générations qui sont passées. Aujourd'hui, nous sommes au stade où les meilleurs talents des pays en développement vont jouer dans les championnats étrangers. Quand vous prenez l'équipe de Côte d'Ivoire, ce sont des nationaux qui jouent dans les plus grands championnats d'Europe. Nous avons donc de très grandes chances de remporter cette Can. C'est tout ce que je souhaite, que nous puissions faire une très bonne Can. Nous avons les atouts, les arguments pour faire une bonne Can et après une bonne Coupe du monde. Nous avons les éléments qui ont du talent et de l'expérience. En plus, l'encadrement ne pose pas problème. Si nous allons très loin à la Can, aucune chapelle politique ne peut s'arroger la victoire. C'est une longue tradition qui se perpétue. Remporter la Can serait une bonne chose. Ils iront à la Coupe du monde en étant champions d'Afrique.
Quel est le message que vous avez pour les Ivoiriens en ce début d'année ?
Je voudrais dire que 2010, c'est l'année de l'espoir et 2010 sera l'année de l'espoir. Moi, je suis convaincu qu'on ira aux élections parce que toutes les conditions sont réunies pour aller aux élections. Il faut qu'on aille à ces élections dans un climat apaisé. J'en appelle aux leaders et aux formations politiques pour que les élections se déroulent dans la paix. Je dis à nos militants, sympathisants, à tous ceux qui croient au Pdci d'aller voter massivement le jour de l'élection. Si les gens empêchent les autres de voter, c'est là qu'ils vont créer le désordre. Il faut que les populations partout se préparent à voter. C'est comme ça qu'on va pouvoir sauver notre pays.
Interview réalisée à Daoukro par Paul Koffi