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Politique Publié le mercredi 13 janvier 2010 | Le Nouveau Réveil

Jean Kacou Diagou (président du conseil d`administration de la Cgeci) : “De pays attrayant, la Côte d’Ivoire est désormais perçue comme un pays à éviter”

Honorables invités, Mesdames et Messieurs.

Ce moment est important, il est même historique pour le Patronat, comme nous l'avions dit lors de notre première rencontre. Car c'est pour la première fois en période électorale, que nous prenons l'initiative d'entendre les différents candidats à l'élection présidentielle sur leur projet pour la société Ivoirienne et tout particulièrement sur leur vision du développement du secteur privé.

Je voudrais en votre nom à tous, du secteur privé dans toutes ses composantes traduire notre gratitude à Monsieur Aimé Henri Konan BEDIE, Président du PDCI-RDA, Ancien Président de la République, pour avoir accepté de répondre à notre invitation.

Merci Monsieur le Président, pour l'honneur que vous nous faites en acceptant de vous livrer à cet exercice, après le Professeur Francis WODIE, Président du PIT, M. Innocent Anaky Kobéna, Président du MFA, M. Alassane Dramane Ouattara, Président du RDR et M. Albert Mabri Toikeuse, Président de l'UDPCI, qui je l'espère, sera profitable à tous.

Mesdames et Messieurs,

Vous me permettrez de me livrer au même exercice que devant vos devanciers candidats, dans ce même fauteuil, en retraçant l'état de la Côte d'Ivoire d'aujourd'hui et en posant quelques questions au candidat du PDCI, Aimé Henri Konan BEDIE.

En effet, Monsieur le Président, une revue rapide de l'histoire économique de la Côte d'Ivoire indépendante nous permet de dire qu'au-delà des avancées remarquables enregistrées pendant la période (1960 à 1979) qualifiée de "miracle ivoirien" à laquelle vous avez participé en tant que Ministre des Finances du Président Houphouët-Boigny.
Avec un PIB qui connaissait une croissance de 6 à 9%, le niveau de création de richesses est resté malheureusement en deçà du niveau qui aurait permis un décollage économique définitif comme le cas de la Corée du Sud qui avait le même niveau de développement que notre pays à ce moment-là.

Après une embellie des années d'après la dévaluation sous votre présidence, notre économie s'est fortement dégradée pendant la période de crise que nous vivons encore aujourd'hui et que nous pouvons même aujourd'hui qualifier de "Décade perdue" pour l'économie Ivoirienne, dont le PIB a fortement chuté.

En effet, cette période est marquée par une détérioration vertigineuse des fondamentaux de l'économie et de la société ivoirienne, tandis que certains pays asiatiques et du Maghreb (Tunisie, Maroc) prenaient le chemin du décollage économique.

Sur le plan économique, le moteur de création de richesses que constitue le secteur privé, ne fonctionne plus de façon optimale, dans un environnement délétère, car, les entreprises qui ont terriblement souffert de la crise n'ont plus la capacité d'absorber les nouveaux travailleurs alors que l'économie informelle prend des proportions alarmantes.
Ainsi, l'appareil productif n'est plus suffisamment modernisé, et l'Etat n'investit plus dans les infrastructures de base.

En effet, quelques exemples que voici, finiront de convaincre les plus sceptiques, ainsi:

- les investissements privés qui représentaient 15% du PIB en 1980 ne représentent plus que 7% du PIB en 2008
. les investissements publics qui représentaient 13% du PIB en 1979 ne représentent plus que 3% du PIB en 2008
Plusieurs secteurs d'activité enregistrent des pertes de compétitivité tragiques au niveau international. De toute évidence, cela est dû à une déstructuration institutionnelle des filières, qui est notamment passée par celles des structures d'appui et du cadre réglementaire, la baisse importante de l'investissement ainsi que la dégradation du mode de gestion des activités, surtout les domaines agricoles qui furent notre fierté.
On enregistre ainsi des pertes de parts de marché spectaculaires au niveau mondial pour:

- L'ananas qui est passé d'une production de 213.000 tonnes en 1999 à 60.000 tonnes en 2008
- La mangue, de 10.000 tonnes en 1999 à 6.000 tonnes en 2008
- Le café, de 380.000 tonnes en 2000 à 171.000 tonnes en 2007
- Le coton, de 161.000 tonnes en 2000 à 79.605 tonnes en 2007
- Le thon de 100.000 tonnes en 2000 à 57000 tonnes en 2007

Même des bastions tels que le Cacao ont vu et voient toujours, leurs fondamentaux fortement entamés avec des vergers vieillissants et mal entretenus et une déstructuration complète des cellules d'encadrement de la filière sans compter la baisse de la qualité du produit, surtout depuis le démantèlement de la filière café-cacao dont le point d'orgue fut la dissolution de la Caisse de Stabilisation.

Sur le plan international, et vous le savez mieux que quiconque en Côte d'Ivoire, la perception de notre pays par les investisseurs extérieurs a atteint des niveaux particulièrement négatifs. De pays attrayant, la Côte d'Ivoire est désormais perçue comme un pays à éviter, même si tout le monde reconnaît qu'elle regorge d'indéniables potentialités.

Notre classement au "Doing Business 2010" en est une parfaite illustration.

Nous sommes classés 168e /183 pays en recul de 5 points sur l'année passée au World Economic Forum de 2010, notre rang est de 116e 133 pays et pour le Transparency International, de 151e /180 pays

Ces classements sont suffisamment éloquents et significatifs de notre recul dans le concert des nations et de sa perception par les investisseurs.

Le plus tragique pour la Côte d'Ivoire, aujourd'hui, est sans aucun doute le niveau catastrophique des indices de développement humain qui ressortent des statistiques des Nations Unies.

Pris globalement, la Côte d'Ivoire d'aujourd'hui affiche les performances suivantes:

- 49% de la population vit désormais avec moins de 2 dollars par jour
- 14 personnes sur 100 souffrent de malnutrition
- Le taux de scolarisation net à l'école primaire recule de 75% en 1980 à 56% en 2008 contre 98% en Tunisie... nos pays présentaient les mêmes similitudes dans les années 60, 70.
- Chaque instituteur a, à charge au moins 42 enfants en moyenne contre 18 en Tunisie, pour ne citer que ce pays. Nos établissements scolaires et universitaires qui étaient des lieux d'excellence, de formation de la jeunesse et de préparation de l'avenir du pays, riment aujourd'hui avec violence, incompétence et pratique mafieuse.

Finalement, sur le plan du système de santé:

- Nous n'avons qu'un médecin pour 10.000 habitants contre 13 en Tunisie.
- Nous n'avons que 4 lits d'hôpitaux pour 10.000 habitants contre 19 en Tunisie.
- Et enfin, l'espérance de vie passe de 56 ans en 1980 à 47 ans en 2008... vivre en Côte d'Ivoire nous expose à vivre de 20 à 30 ans moins longtemps que dans des pays qui avaient notre niveau de développement au début des indépendances. Ces forces vives disparaissent prématurément au moment où leur expérience acquise devait servir à la communauté, au reste du monde...

C'est tout cela la Côte d'Ivoire d'aujourd'hui.

Malgré cette sévère crise, le Pays reste cependant debout, il est celui ayant le socle économique le plus diversifié, le parc d'infrastructures le plus moderne même dégradées dans l'UEMOA, voire dans la CEDEAO. Ce n'est pas un sujet de réjouissance, mais tout n'est pas perdu pour autant. Nous pouvons encore rebondir.

Tout n'est pas négatif, car les entreprises, au prix de nombreux et importants sacrifices, ont résisté et résistent tant bien que mal à la bourrasque, mais pour combien de temps encore?

Fort de ces atouts, et grâce à l'effort de tous et particulièrement du secteur privé, qui, en dépit du poids de plus en plus insupportable de la dette intérieure, contribue par le paiement des impôts et taxes et des souscriptions massives aux obligations d'Etat, au fonctionnement de l'Etat, le pays a pu ainsi conclure avec les institutions de "BRETTON WOODS" un Programme Economique d'Urgence Post-Conflit (AU PC) en août 2007. Celui-ci a contribué à une relative amélioration de la situation économique entraînant pour l'année 2008 un taux de croissance de 2,3%, puis estimé à 3,7% en 2009 contre 1,5% en 2007, après les récessions des années antérieures.

A partir des progrès enregistrés dans le cadre du Programme d'Urgence, le gouvernement a élaboré un programme économique et financier triennal pour la période 2009-2011, et visant:

- à maintenir la stabilité macroéconomique,
- à stimuler la croissance et lutter contre la pauvreté par l'assainissement des finances publiques.
- à permettre, à terme, d'atteindre le point d'achèvement de l'initiative pour les Pays Pauvres Très Endettés (Ppte) en vue d'un allègement de la dette publique.

Ce programme triennal devrait prendre aussi en compte l'accélération des réformes structurelles et la création d'un cadre institutionnel propice aux activités du secteur privé.

Par ailleurs, l'évolution significative enregistrée au niveau de nos instances communautaires, la signature future de l'Accord de Partenariat Economique (APE) entre l'Union européenne et les pays de la région Afrique de l'Ouest, conjuguée avec les effets de la mondialisation, fait de la Côte d'Ivoire un espace économique ouvert, donc confronté à la concurrence internationale parfois exacerbée et à la pression de la mondialisation de l'économie internationale.

C'est dans ce contexte que les prochaines élections présidentielles, qui annoncent la sortie prochaine de crise de notre pays, constituent un enjeu essentiel pour le secteur privé et pour l'économie nationale.

Le secteur privé qui sort incontestablement, meurtri de cette situation appelle de tous ses vœux, un environnement des affaires plus propice à la création d'emplois et de richesses, délivré de la corruption, la bureaucratie et du racket.

Le secteur privé qui a besoin, mais aussi qui est prêt pour relever les multiples défis de la mondialisation, fonde beaucoup d'espoir dans la sortie de crise du pays, signe de la relance économique.

C'est dans cette optique que le Conseil d'Administration de la CGECI a souhaité organiser, de concert avec les autres rganisations du secteur privé, les présentes rencontres avec les candidats à l'élection présidentielle.

La rencontre d'aujourd'hui, que je considère comme fraternelle, nous permettra d'échanger avec vous, Monsieur le Président Henri Konan BEDIE.

Vous avez déjà géré l'économie du pays, d'abord comme Ministre de l'Economie et des Finances, puis comme 2e Président de la Côte d'Ivoire, après la dévaluation du franc CFA, aussi nous souhaiterions connaître et comprendre vos positions sur les grandes questions nationales à court, moyen et long termes et plus précisément votre projet de société au plan économique et social.

Les crises économiques et sociopolitiques des 30 dernières années ont créé des fissures importantes dans notre système économique et les fondations de notre société.

Nous sommes aujourd'hui à un point important d'inflexion de l'évolution historique de notre pays.

Nous avons lu avec intérêt votre projet de société récemment publié. Cette rencontre est pour nous l'occasion de vous entendre le commenter, pour vous, d'apporter des précisions sur certains aspects et interrogations légitimes et surtout de nous dire comment concrètement ce projet sera exécuté.

- Comment pourrions-nous enrayer cette dégradation des fondations de notre société?

- Pourrions-nous, sous votre présidence, réinventer notre modèle économique et changer fondamentalement la trajectoire de notre nation afin d'engager enfin notre décollage économique et social, comme l'ont fait d'autres pays, comme la Tunisie, la Corée du Sud, la Malaisie, etc ?

- L'Etat ivoirien sera-t-il capable de se réinventer lui-même avec des hommes nouveaux intègres, compétents et capables d'orchestrer sa propre mutation de façon constructive et durable de concert avec le secteur privé et la société civile?

- Le développement d'un pays n'étant possible que si la formation des hommes et spécialement des jeunes est réalisée de façon efficiente, pouvez-vous nous préciser quel est votre plan de réforme pour redonner à la Côte d'Ivoire une école d'excellence tournée vers la formation de cet Ivoirien nouveau pénétré de nos valeurs cardinales qui sont: Union, Discipline, Travail et non attirée par des valeurs étrangères à notre culture que sont : la Division, la Violence et la Paresse?

- Quels mécanismes comptez-vous mettre en place pour une meilleure gouvernance de l'Etat et de la société ivoirienne? Quelles sont concrètement les mesures de lutte efficace contre la corruption et le racket, ces gangrènes de l'économie, pour une compétitivité forte de notre environnement des affaires et de nos entreprises faite de dynamisme avec une vision forte, dans un Etat fort ?

- Enfin, quelle place réelle, et non du bout des lèvres, l'Etat de la nouvelle Côte d'Ivoire sous votre présidence, compte réserver au secteur privé, et selon quels mécanismes concrets?

- En un mot, quelle est la vision stratégique d'Henri Konan BEDIE à court, moyen et long termes de la Côte d'Ivoire et de son économie?

Quant à vous chers amis invités, votre présence massive, ce matin, augure encore une fois du succès de ce débat d'idées auquel je suis sûr que vous allez participer de façon active, constructive et surtout courtoise pour la promotion de notre économie et de nos affaires.

Mesdames Messieurs, bon déjeuner-débat. Je vous remercie.

Fait à ABIDJAN, le 12 janvier 2010
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