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Politique Publié le jeudi 14 janvier 2010 | Nord-Sud

Affaire 429.000 électeurs clandestins : Mambé jugé par la Cei

Après la rencontre initiée par le Premier ministre avec l`ensemble des structures chargées de l`identification pour faire la lumière sur le scandale des 429.000 électeurs, les commissaires de la Cei se sont retrouvés entre eux pour mettre en accusation leur président. Un membre de cette institution témoignage. Edifiant.

«Après la rencontre avec le Premier ministre, nous nous sommes rendus à une réunion au siège. On devait entendre le rapport des coordinateurs, qui rentraient de mission pour faire le point des opérations sur le contentieux. Mais ce jour-là, il n`y a eu qu`un seul point à l`ordre du jour : l`affaire des 429.000 électeurs qu`on aurait tenté d`inscrire sur la liste électorale en-dehors de toute procédure. C`était une question importante pour nous, parce que beaucoup de commissaires centraux, de vice-présidents n`étaient pas là au moment des faits et ont suivi cette affaire via la presse ou via internet. Tout le monde était curieux de savoir de quoi il s`agissait et de quoi tout cela retournait.

Quand on a commencé la réunion, on a posé d`emblée la question de confiance à Mambé, à savoir s`il était mêlé à une quelconque opération frauduleuse sur la liste électorale provisoire, comme on entendait dire. Il nous a dit : « je jure devant Dieu que je n`ai jamais triché, ni essayé de tricher sur la liste électorale ».

Mais quelqu`un lui a dit aussitôt : « Pardon, il faut laisser Dieu en dehors de ça ! Explique-nous comment des gens se sont retrouvés sur le terrain avec des disquettes contenant des noms d`individus qui n`ont pas été croisés positivement et qu`on aurait tenté d`introduire dans le fichier définitif ».Les faits tels que je peux te les résumer, après les discussions, sont les suivants. Après les croisements officiels, Mambé a recruté une soixantaine de gens. Malheureusement, selon les textes, il a le pouvoir de recruter des gens sans l`autorisation de la commission centrale. Donc il a recruté des gens, des anciens de l`Ins, des gens de Bah Ibrahima l`ancien patron de cette structure. Tu sais, dans le temps, il s`était fait remarquer par cette affaire de huit mille cas litigieux-là ! Donc il a recruté des collaborateurs de Bah pour constituer le département informatique. A vrai dire, ces gens sont en place depuis un certain moment. Et il faut le dire, ils nous ont aidés quand on devait authentifier la liste électorale de 2000. Tu sais, à l`époque, la liste électorale que l`Ins nous avait transmise n`était pas la bonne. Et ceux-là, nous ont aidés à trouver la bonne liste. Et ces gens travaillent directement sous la responsabilité de Beugré Mambé alors que c`est Sinan Bakary qui est le responsable chargé de l`informatique. Quand on a fini le croisement et qu`il restait 2,9 millions de gens qu`on ne retrouvait pas sur la liste de 2000 alors qu`ils se sont fait enrôler et que théoriquement ils devaient s`y trouver, c`est eux qui nous ont permis d`établir les paramètres pour les retrouver. En effet, sur cette liste, certaines avaient leurs noms de jeune fille alors qu`entre-temps, elles se sont mariées. D`autres, n`avaient inscrit qu`un seul prénom sur la liste de 2000 alors qu`ils se sont fait enrôler avec tous leurs prénoms sur celle de 2009. Il a également le cas des inversions de patronymes, par exemple, Touré Moussa en 2000 qui devient Moussa Touré en 2009 et que la machine rejette alors qu`il s`agit de la même personne, etc.


La faute de Mambé

Grâce à leurs clés de recherche, on a pu retrouver tous ces gens. Ainsi, on est passé de 2,9 millions de rejets à 2,7 millions puis à 1, 9 millions et enfin à 1, 033 qui ont été soumis au contentieux. Parallèlement, on a essayé de voir si on pouvait croiser ces gens, ces 1,033 millions de personnes, avec le fichier de 2000 et non pas avec les 11 fichiers historiques, qui eux, se trouvent à la Primature, aux mains du groupe de travail sur l`identification. On s`est dit que ça pouvait être utile pour nous-mêmes, pour notre propre gouverne. On savait que ce travail ne pouvait pas être pertinent comme mode de repêchage, puisque le mode opératoire qui a fait l`objet d`un décret signé par le chef de l`Etat disait que les croisements se faisaient par rapport à la liste électorale de 2000 et par rapport aux 11 fichiers historiques retenus. Si on fait un croisement sans tous ces éléments, c`est un croisement bancal, biaisé. Honnêtement, on sait qu`un tel croisement avait été fait, mais à aucun moment, on ne lui a dit de prendre ces fichiers de personnes croisées parallèlement pour aller les installer sur le disque dur des ordinateurs des coordinations locales de la Cei. C`est sa faute ! Et on lui a dit, par précaution et pour éviter les suspicions, de donner une copie de ces noms à chacun des 31 commissaires centraux. Il nous en donné copie. Mais entre temps, il a continué les recherches avec Gomis. Et cela, personne d`entre nous ne le savait ! Quand les gens, ont fini leur travail et qu`ils lui ont remis, il ne s`est pas arrêté-là. Il leur a délivré des ordres de mission avec des frais de mission pour aller sur le terrain auprès des 415 commissions locales. Officiellement, ces gens devaient former les informaticiens sur place à la centralisation et au traitement des résultats le jour des élections. Mais officieusement, ils avaient pour mission d`installer des logiciels sur ces machines qui auraient permis l`intégration de ces gens sur la liste électorale définitive. C`est parce que Dieu aime la Côte d`Ivoire quand on découvert cela maintenant, pendant la phase de la liste provisoire. Imagine si on avait découvert tous ces noms cela sur la liste définitive ! Comment on allait gérer cette crise-là ? Et puis, mon frère, entre nous, les Bah Ibrahima et consorts, c`est quand même eux qui ont créé l`ivoirité et qui ont monté des systèmes pour arracher à certaines personnes leur identité ivoirienne. Et on les remet dans le système en leur donnant la possibilité d`influer sur la liste électorale ? Peut-être que comme ils connaissent ceux à qui ils ont arraché leur nationalité, ils veulent les réintroduire aujourd`hui dans le jeu en les rétablissant dans leurs droits, je n`en sais rien. Dans tous les cas, on ne peut pas exclure des gens avec l`ivoirité, puis les faire basculer dans la liste électorale définitive pour leur dire après : c`est grâce à moi que tu as recouvré ta citoyenneté. C`est cela le drame. Car Mambé sait très bien que quelqu`un qui ne s`est pas déplacé pour venir au contentieux, ne peut en aucune manière, se retrouver sur la liste définitive. Car il faut quand même qu`on trouve des traces qu`il a engagé une action pour recouvrer ses droits !


Un budget de souveraineté de 4 milliards pour Mambé

Un gars comme Gomis, je comprends pourquoi il se retrouve dans un tel système. Tu sais Gomis, étais avec le grand-frère Alassane à la Primature. Après la Primature, il était au chômage. Et il le dit à qui veut l`entendre, il ne veut plus vivre ce qu`il a vécu pendant cette période. Je pense que lui, il s`est embarqué avec Mambé dans cette affaire pour des raisons financières. C`est la même chose pour le trésorier de la Cei, qui pourtant est un gars des Forces nouvelles. Tu sais que Mambé s`est donné un budget de souveraineté de 4 milliards de Francs ? Je ne te dis pas 4 millions, je dis bien 4 milliards de Francs ! Donc il a les moyens de convaincre les gens de le suivre et de payer des frais de missions parallèles à ses informaticiens qu`il a envoyés sur le terrain.

Tu sais on était en décembre. Et il faut le dire, nos gens n`étant pas payés, ils avaient des problèmes d`argent à l`approche des fêtes. Et je te le dis, en tant que commissaire central de la Cei, il y a des commissions locales qu`on pouvait payer avec 200.000 francs. Beaucoup de nos hommes politiques de tous les bords, les élus locaux notamment, aussi bien du camp présidentiel que du Rhdp, s`y sont essayés. Tu sais comment les responsables des commissions locales ont été désignés. Tous l`ont été sur une base politique. Ce sont les partis politiques qui ont désigné leurs représentants et en général, c`est le militant le plus farouche, le plus intrépide qu`on met à la tête de la commission. Un gars comme ça, avant les fêtes, son élu local ou son responsable politique local vient le voir, lui donne deux cent mille francs et lui dit : voici la liste de nos militants qui sont sur la liste des rejets, intègre-les. Si ce que Mambé a voulu faire avait pu prospérer, c`est tous ces gens qu`on aurait pu intégrer également sur la liste électorale définitive. Nous notre unique ambition, c`est de réussir l`élection la plus propre d`Afrique. Pour le moment, on a réussi à faire la liste électorale provisoire la plus fiable possible. On va ensuite publier une liste définitive tout aussi fiable. Si on réussit à avoir ces deux éléments, qu`importe le vainqueur de la présidentielle. Ce sera vraiment celui que les Ivoiriens auront choisi. Et même si ce n`est pas mon candidat, je serais fâché, mais je saurai qu`on ne nous a pas volés notre victoire.

Actuellement, il faut le dire Mambé est très fragile. Si tu vois que le Fpi est chaud-chaud sur lui, c`est parce qu`ils savent qu`ils ont matière à le mettre en difficulté. Ne serait-ce qu`au niveau de la gestion. Tu les entends réclamer des audits. En fait, ils ont déjà réalisé quatre audits de la gestion financière de la Cei. Les résultats se trouvent sur la table de Désiré Tagro. Demande-toi pourquoi depuis que la Cei existe, nous avons changé trois fois de régisseur financier ! Le Premier ministre nous demande de sauver la situation à tout prix. Je te le dis, si on était à un ou deux ans des élections, on aurait voté sa destitution, mais à trois mois des élections, ce n`est plus possible. La crise qui va s`ouvrir sera trop grande. Mais d`ores et déjà, je peux t`annoncer qu`il est impossible de tenir le timing qu`on s`était fixé de faire les élections début mars, à cause de cette crise. Aujourd`hui, on se bat pour faire les élections en fin mars. Le président Gbagbo et son camp réclament une prorogation de dix jours de la période des contentieux. C`est difficile d`accepter cela, mais en même temps, on a été fragilisés par cette affaire. Donc on est en train d`étudier la possibilité d`une prorogation d`une semaine. Mais je te le dis, Mambé est aujourd`hui un homme fragilisé. Tous les gens du Fpi au sein de la commission centrale comme au sein des structures décentralisées menacent de démissionner en bloc. S`ils démissionnent, la Cei est paralysée et le retard pris sera considérable. Dogou Alain, un des quatre vice-présidents de la Cei a déjà annoncé qu`il rendrait sa démission le jeudi (aujourd`hui, ndlr) au cours d`une conférence de presse. On l`a convaincu de ne pas le faire. On espère qu`il nous a entendus.»

Témoignage recueillis par Touré Moussa
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