Hamed Bakayoko
Après six reports, pensez-vous que le premier tour de l’élection présidentielle prévu fin février-début mars aura lieu ?
Nous n’avons pas d’autres choix que d’organiser ces élections pour parachever ce travail immense qui a été abattu dans le cadre de la sortie de la crise. Ce serait trop périlleux de remettre tout ce travail en cause. Le dernier Cpc l’a réaffirmé. Les enjeux et les attentes sont importants.
Sortir du calendrier électoral serait remettre beaucoup de choses en question sur le plan des accords et des enjeux économiques. La Bad (Ndlr, Banque africaine de développement) s’active pour organiser à la fin du semestre ses assemblées annuelles. S’il n’y a pas de lisibilité sur les élections, le retour de la Bad à Abidjan pourrait être compromis. Dans le plan d’achèvement du programme Ppte, les élections transparentes et apaisées occupent une bonne place. Donc les attentes des Ivoiriens sont grandes. Tout le monde attend que les élections aient lieu en Côte d’Ivoire. Des jeunes investisseurs ivoiriens sont en relation avec des partenaires à l’extérieur qui n’attendent que ces élections pour revenir. A chaque fois qu’on prolonge les élections, on prolonge la souffrance des Ivoiriens et on perd de grandes opportunités de réduire le chômage et la pauvreté en Côte d’Ivoire. Quand on leur dit que les élections sont reportées en Côte d’Ivoire, ces investisseurs qui sont à Londres, à Paris, à Singapour, à Shangaï dirigent leurs investissements vers d’autres pays comme le Ghana, le Mali, le Sénégal qui sont, eux, en train de se développer, donc à offrir des emplois à leurs jeunes. Je demeure optimiste parce que je n’imagine pas qu’on ne puisse pas saisir cette opportunité d’aller à des élections apaisées.
Mais l’actualité donne à voir qu’aujourd’hui, la Cei, la structure à charge des élections, fait l’objet d’accusation. Le camp présidentiel affirme que son président, Robert Mambé, s’est rendu coupable de fraude sur le listing électoral. Ne pensez-vous pas que cette affaire risque de retarder les élections ?
Je ne crois pas. C’est vrai, il y a eu une tentative de débordement sur la gauche mais les uns et les autres sont conscients des enjeux et des périls. Je regarde cette tentative de déstabilisation de la Cei avec beaucoup de sérénité parce que je ne vois pas comment elle pourra aboutir.
Vous appartenez à un gouvernement qui vient d’ouvrir une procédure judiciaire, par l’intermédiaire du ministre de l’Intérieur, en saisissant le procureur de la République. Comment peut-on comprendre que le gouvernement veuille aller rapidement aux élections et en même temps, il initie une procédure ?
Non, le gouvernement n’a pas initié de procédure. Quand le gouvernement veut initier une procédure, il se réunit, délibère et prend une position à laquelle nous sommes solidaires. Quand cette affaire a éclaté, le chef du gouvernement a réuni toutes les structures qui avaient une responsabilité dans le processus d’identification électorale à la primature. A l’issue de cette réunion, le Premier ministre a fait une déclaration avec l’ensemble des responsables des structures pour apaiser et clarifier les choses. Il a montré la voie et nous nous inscrivons dans cette démarche. Nous soutenons les solutions proposées par le Premier ministre. Après, nous avons vu le ministre de l’Intérieur (Ndlr, Désiré Tagro) dans ce que j’appelle la position de la facilité. On va s’asseoir au journal télévisé de 20 h avec le présentateur qui n’a pas le droit de poser des questions, on fait une déclaration et on croit qu’on a réglé le problème. Non. Il faut d’abord oser le débat, la concertation pour aboutir à des positions consensuelles. Si nous n’avançons pas en nous mettant d’accord, ce processus ne marchera pas. C’est pourquoi, je salue la méthode du Premier ministre qui consiste à ouvrir le débat pour rechercher le consensus sur les grandes questions. La déclaration du ministre de l’Intérieur n’est pas allée dans le sens de celle faite par le Premier ministre. Cette déclaration n’engage que lui seul. Ce n’est pas une position qui engage le gouvernement. La responsabilité de la sortie de crise et du processus électoral est dévolue au Premier ministre par les accords. C’est lui qui peut ester en justice. Le ministre de l’Intérieur a outrepassé ses prérogatives. Il peut s’informer. Il ne faut pas faire la politique avec gros cœur. Aujourd’hui, les contradictions en Côte d’Ivoire sont réelles. La situation est sensible. Avec d’énormes efforts, nous sommes arrivés, progressivement avec le soutien de la communauté internationale, à des solutions consensuelles. Nous ne sommes pas loin de réussir. J’invite le ministre de l’Intérieur à se calmer. Il ne sert à rien de menacer et d’effrayer les Ivoiriens.
Tagro soutient pourtant qu’il a le OK de sa hiérarchie.
Je n’ai pas entendu cette déclaration mais je m’en tiens à ce que je vous ai dit. Chacun de vous a écouté la déclaration du chef du gouvernement, chacun de vous a entendu celle du ministre Tagro. Il ne faut pas sortir de cette ligne pour noter les grandes nuances. Si le chef du gouvernement voulait saisir le procureur, il l’aurait fait par l’entremise du garde des Sceaux. Il a proposé la voie de la sagesse qui est en train de se mettre en place.
Pourquoi cette affaire ne passe-t-elle pas en Conseil de ministre ?
L’organisation du Conseil de ministre est très structurée. Quand une question engage la vie de la nation, il faut la porter dans le débat au sein du Conseil de gouvernement pour avoir une très grande adhésion des membres du gouvernement. Cela n’a pas été le cas. Ce débat est clos. Il a été traité par un comité ad-hoc.
Comment réagissiez-vous à l’enquête judiciaire initiée par Désiré Tagro ?
Je n’ai pas d’écho sur cette procédure judiciaire. Vous avez entendu la déclaration du président Mambé. Il n’est pas sous la tutelle du ministre de l’Intérieur. Tagro n’est pas compétent pour le traduire devant cette juridiction. En tant que président d’institution, pour l’entendre, il faut passer par des voies particulières. Il y a beaucoup d’agitations et je me demande pourquoi. Il n’y a pas péril en la demeure.
Techniquement, Mambé pouvait-il introduire les 429000 personnes sur la liste électorale provisoire ?
Voici une affaire dont tout le monde parle et pourtant les compatriotes ne savent pas de quoi il s’agit. A un moment donné, il y a eu un croisement entre la liste 2000 et certains fichiers historiques et le nombre de personnes enrôlées. Quand vous êtes enrôlés et qu’on vous trouve sur la liste 2000 ou on vous a croisé positivement avec les fichiers, on se dit qu’il y a de fortes chances que l’enrôlé soit bel et bien ivoirien. Quand ce travail a été fait, il s’est trouvé que bon nombre d’Ivoiriens avaient été exclus de la liste. Fallait-il les retrouver ou les oublier ? On a réalisé que c’était plus un problème de paramétrage informatique qu’autre chose. L’ordinateur peut, par exemple, reconnaître que quelqu’un soit né à Tafiré alors qu’il est marqué Ferké sur ses papiers. Il peut être né, par exemple, en 1955 alors que c’est marqué 1945. Nous avons beaucoup d’exemples de ce genre. Il fallait trouver des paramètres pour assouplir la rigidité informatique pour retrouver le maximum d’Ivoiriens. Le but n’est pas d’exclure des Ivoiriens. L’exclusion nous a conduits à la crise. Je ne comprends pas ceux qui imaginent des choses en disant qu’un électeur est favorable à tel ou tel candidat. La Cei a fait un travail d’indication. Qui peut imaginer que parmi ces 429.000 personnes, tel électeur est favorable à tel ou tel candidat ? Frauder, c’est poser un acte avec une mauvaise foi. Comment peut-on poser un acte de mauvaise foi en informant le Premier ministre et le président de la République ?
Les gens ont voulu bien faire mais on saute sur cette affaire pour déstabiliser la Cei. Nous ne pouvons pas l’accepter. Il n’y a pas eu de fraude. Il ne peut pas y avoir de fraude au vu du concept que tout le monde connaît. C’est un débat surréaliste. On crie au loup, on fait un procès d’intention, je souhaite qu’on arrête. On ne peut pas continuer à démolir des personnes qui ont passé toute leur carrière à bâtir leur dignité et leur image. Je ne connais pas personnellement M. Mambé mais tous ceux qui le connaissent disent qu’il est bien. Et du jour au lendemain, n’importe qui vient jeter l’opprobre sur sa personnalité et nous sommes là sans rien dire. Qu’on arrête car l’expérience de ces dernières années nous a montré que certaines positions radicales n’amènent nulle part. Chaque fois qu’on s’est mis d’accord pour avancer, on a avancé. Il faut que les gens arrêtent de dramatiser les élections parce qu’elles ne seront pas la fin de la Côte d’Ivoire. Comme le disait le président ADO, allons aux élections. Nous avons passé trop de temps à exclure des candidats. Aujourd’hui, c’est un combat pour exclure des électeurs. Si on avait pris Mambé en train d’inscrire des militants d’un parti sur la liste, on aurait dit qu’il a fraudé. Ce n’est pas le cas.
Dans les pays développés, quand on dit que des personnes sont abandonnées, l’Etat déploie des moyens colossaux pour les rechercher. Si des personnes ont été oubliées sur une liste, qu’on aille les chercher. Nous voulons faire les élections avec des Ivoiriens. Les paramètres informatiques ne choisissent pas en fonction des choix politiques des gens.
Avec tous ces remous autour de la Cei, croyez-vous sincèrement que les Ivoiriens peuvent aller aux urnes en mars ?
Le processus est bien encadré. Nous sommes encore dans les délais et les équipes techniques, sous la coordination du Premier ministre, sont à pied d’œuvre. Les gens n’attendent pas ce débat pour avancer sur les aspects concernant la confection des cartes d’identité. Je n’ai pas de raison de penser que tout ce travail ne soit pas rendu dans les délais.
Et si on délivrait les cartes d’identité à ceux qui n’ont pas de problème sur la liste électorale?
C’est une question de méthodologie. Il faut qu’on arrive à la liste définitive. A partir de ce moment, on pourra distribuer les cartes à ces personnes-là. Il y a tellement de suspicions que si on veut commencer à inverser les étapes, je crains encore que les gens aillent crier à la fraude. Tout est encadré, il y a une méthode et tout peut se faire à bonne date.
Le chef de l’Etat a demandé aux chefs coutumiers de dénoncer aux préfets, aux sous-préfets, aux présidents de Conseil généraux les étrangers qui sont sur la liste. Ne craignez-vous pas qu’une telle démarche débouche sur des dérives ?
Je n’ai pas participé à cette rencontre. Cependant, il y a certains concepts qui ne sont pas bien assimilés et qui peuvent créer des difficultés sur le terrain. La notion d’étranger, par exemple, si elle n’est pas bien assimilée peut conduire à des dérives.
Un informaticien de la Cei a reconnu lors de son procès à Daloa qu’il a été mandaté par le secrétaire général de la Cei pour faire un travail sur le terrain. Avec tous ces faits, ne peut-on pas dire qu’il y a eu tentative de fraude ?
Qu’est-ce qui prouve qu’il y a eu tentative de fraude. Ça veut dire quoi un croisement parallèle ?
On fait un travail et chacun essaie de voir comment en associant tel ou tel paramètre, on peut avoir une base de données indicative de ce que telle personne est ivoirienne ou pas. C’est ce que les gens ne veulent pas. Si c’est Beugré Mambé, le président de la Cei, que le camp présidentiel veut déstabiliser, il perd son temps parce qu’on ne va pas lâcher prise et puis on verra. Il faut que les gens comprennent que le stade de l’intimidation est fini. Aller s’asseoir à la télévision, serrer son visage et lire une déclaration tonique et on sort on est content, c’est fini. Avec ce que la Côte d’Ivoire a connu, ça n’effraie plus personne. Si une composante significative de la Côte d’Ivoire n’est pas dans le processus, il y a problème. Si l’objectif est de déstabiliser Mambé et la Cei, le contenu est trop faible pour que nous puissions l’accepter.
Après sept ans de crise, on revient pratiquement à la case départ avec les débats sur l’étranger, la nationalité. Pensez-vous que le processus d’identification a réglé la question identitaire, la base de la crise politico-militaire ?
Le Premier ministre Guillaume Soro a abattu un travail énorme sur la question d’identification.
Lorsque les Ivoiriens auront entre les mains leur première carte d’identité, ils se rendront compte du travail abattu et lui rendront grâce. Il ne faut plus faire de la question de la nationalité un enjeu électoral. C’est parce qu’on instrumentalise la question de la nationalité dans les enjeux électoraux qu’on a ce problème. Ailleurs, les gens ont des débats sur d’autres sujets mais chez nous, quand ce n’est pas pour exclure un candidat, c’est pour exclure des électeurs.
Le Premier ministre a déclaré que ceux qui figurent sur la liste électorale provisoire et dont on ne verrait pas la photo ou qui auraient des fautes sur les mentions à l’état civil seraient traités après la présidentielle. Ce sont 22.000 personnes qui seront exclues du vote.
Ce sont des questions techniques qui sont débattues au niveau de la Cei pour voir les paramètres. A un certain moment, il faut arrêter. Il y a l’impératif qui est d’aller aux élections. Ce sont des questions qui peuvent être réglées sans profondément remanier tout le processus. Je laisse la Cei régler ces questions. Je ne suis pas un spécialiste des questions électorales, je n’ai pas envie de me hasarder sur des questions qui ont vraiment besoin de détails.
Dans la période du contentieux électoral, on a vu le CeCos appréhender des présumés faussaires. Comment réagissez-vous devant cette situation ?
A un moment donné, le chef de l’Etat était, lui-même, favorable qu’on aille aux élections avec ce qu’on avait trouvé après le premier croisement. Je suis d’accord qu’il faut aller aux élections avec le maximum d’Ivoiriens. Mais on ne peut pas dire que si le dernier Ivoirien ne vient pas, on ne va pas aux élections. On a prolongé les délais, mais il y en a que ça n’intéresse pas. On ne va pas continuer à prolonger les délais pour les prolonger. Concernant l’intervention des forces de sécurité, j’en appelle à leur esprit républicain. Lorsque la nation vous donne, en toute légalité, la force des armes pour faire régner la paix dans un pays, il ne faut pas en abuser. Le monde a beaucoup évolué. Nous prenons au sérieux ces questions concernant le droit des Ivoiriens. Tôt ou tard, ces questions seront remises sur la table. L’actualité le démontre. Tous ceux qui, à un moment donné, avaient le droit de vie ou de mort sur d’autres personnes n’imaginaient même pas qu’un jour on allait leur demander des comptes. Aujourd’hui, ils sont en prison. Le monde est sous surveillance. Je suis surpris de voir que certains compatriotes n’ont pas tiré les leçons de l’évolution du monde. L’arrogance de l’Etat est aveugle, mais on a vu des gens qui avaient des postes importants, aujourd’hui on les voit.
Ne pensez-vous pas que la marche des jeunes du Rhdp va jeter de l’huile sur le feu de la tension politique ?
On pourrait le penser dans la mesure où devant des situations, des lettres de protestation, des cris du cœur, des interpellations de toutes sortes sur certaines questions, les organisations politiques n’ont pas de satisfaction, elles ont des moyens d’expression. Les marches, les sit-in sont des moyens d’expression. Ces manifestations sont encadrées par la loi. Ils se sont déjà rendus au ministère de l’Intérieur pour informer les autorités. Même quand le G8 se réunit, il y a les antimondialistes qui font des marches. Il ne faut pas que ces événements de la vie démocratique normale soient vus ici comme des éléments de rupture. Les jeunes qui ont pris cette initiative auront l’occasion d’amplifier le contenu. Ils ont déjà expliqué ce qu’ils recherchent à travers cette manifestation ; ils ont envie qu’un certain nombre de points de vues soient pris en compte.
Partagez-vous l’analyse des jeunes du Rhdp sur la Rti ?
Je suis de ceux qui savent que la télévision nationale travaille dans des conditions difficiles. J’y suis allé moi-même pour apporter du matériel informatique. Quel Ivoirien ne pense qu’à la télé aujourd’hui trop c’est trop ? Ils ne rendent même pas service au camp présidentiel. Des téléspectateurs sont scandalisés, choqués. La télévision doit être le ciment de l’unité nationale parce que c’est le média le plus puissant. Je lance un appel à mes frères de la télé. Leur responsabilité personnelle est grande. Il ne faut pas pousser les Ivoiriens à bout. Quand vous voyez le ministre Béchio, secrétaire général de l’Anci, venir sur le plateau de la télévision dire ce qu’il veut alors que la parole est refusée au président de ce même parti, c’est incompréhensible ! Ce sont eux qui perdent des points dans l’opinion. On envoie Blé Goudé au journal de 20 H. C’est ce que j’appelle la solution de la facilité. Il vient dire ce qu’il a envie de dire, les Ivoiriens ne sont pas dupes. Il faut que les dirigeants de la Rti mesurent leur responsabilité historique face à la position de pouvoir. On a vu des gens avant eux dans la même position qui ont fait la même chose. On les a revus ici dans les couloirs de la télé. Cette crise devait nous enseigner l’humilité.
L’histoire a montré qu’on ne peut pas aller très loin comme ça. Il faut qu’on se parle franchement.
C’est de cette façon que toutes les nations se sont développées. Sarkozy est au pouvoir en France, mais sur des grandes questions, il parle avec l’opposition, il négocie avec eux parce qu’il ne peut pas faire autrement. Est-ce qu’on peut mettre une croix sur une communauté de pensée où sur une vision des choses ? Nous avons besoin de montrer une autre image de notre pays.
Ce qui se passe à la télévision n’est pas acceptable. Les gens de la Rti ne savent pas qu’ils se font, eux-mêmes, hara-kiri. En matière de communication, il ne faut pas dépasser la dose. C’est comme les médicaments. Quand il y a overdose, cela a des effets contraires. Quand vous passez chaque fois et que les gens vous voient, ils éteignent carrément leur télévision parce qu’ils sont dégouttés. Des gens mêmes qui avaient de la sympathie pour eux sont désabusés. Tout excès nuit.
Pour nombre d’observateurs, le Rhdp est un accord politique au sommet qui n’engage pas les masses des différents partis qui le composent. Qu’en pensez-vous ?
Le Rhdp est une réalité sur le terrain. Il a été principalement consolidé par le parti au pouvoir.
Quand vous frappez des gens de la même manière, ils se mettent ensemble pour se protéger.
Tout cela nous a poussé à taire nos divergences, à nous pardonner nos offenses et à retenir le lien commun que nous avons tous : la doctrine houphouétiste. Que les gens ne se méprennent pas, le Rhdp est une réalité. Après notre victoire, le Rhdp finira par devenir un seul parti politique.
On aurait pu imaginer que cela soit possible avant les élections, mais ça aurait retardé beaucoup de choses et mis en exergue trop de contradictions sans cependant être productif. Nous voulons être efficaces. Aujourd’hui, les leaders se parlent, les bases se rencontrent et ont appris à développer ensemble des stratégies communes. Au cours des semaines et des mois qui viennent, vous allez voir se développer une stratégie qui va marquer une plus grande cohésion et une plus grande consolidation au Rhdp.
Les sondages, notamment ceux de Sofres, indiquent qu’au Rhdp, les reports de voix ne sont pas une réalité.
C’est une préoccupation. Ça veut dire qu’il y a un travail de sensibilisation, un travail plus intégrateur à mener. Je note cela comme une problématique, c’est notre responsabilité de faire en sorte que nos bases comprennent mieux qu’il est important que nous puissions être ensemble. C’est vrai que nous avons eu beaucoup de contradictions, beaucoup de divergences, mais il faut savoir y mettre une croix pour aller de l’avant.
Anaky Kobena a demandé au Rhdp de quitter le gouvernement. Qu’est-ce que vous pensez de cette requête ?
Nous sommes au gouvernement sur la base de l’accord politique de Ouaga. Nous continuons à croire que cet accord est la seule voie de sortie pacifique de la crise. Il y a des difficultés mais, nous demeurons optimistes. C’est pourquoi nous sommes encore au gouvernement. Si nous atteignons une rupture, il va sans dire que notre présence au gouvernement serait caduque. Le problème ce n’est pas d’être au gouvernement, c’est le contexte dans lequel nous sommes au gouvernement. Aujourd’hui, nous ne sommes pas en rupture avec l’accord politique de Ouaga (…) Voilà des années qu’on est au gouvernement. On reporte et on reporte les élections. Je ne suis pas à l’aise dans la peau d’un ministre qui n’a pas une légitimité propre. C'est-à-dire d’un président élu qui conduit une politique cohérente à laquelle vous adhérer et vous êtes fiers. Il faut qu’on arrête d’escroquer la conscience des Ivoiriens. Les Ivoiriens ont le sentiment que c’est un complot. Il faut qu’on aille aux élections pour permettre à l’équipe qui va gagner de conduire en toute légitimité les Ivoiriens. On a un besoin urgent de clarification.
Face aux mouvements sociaux, des travailleurs ont eu l’impression que le Rhdp et les partis politiques les ont abandonnés
Non, on ne peut pas abandonner les corps sociaux. Mais c’est très délicat. Il faut faire la part des choses entre les revendications sociales et les revendications politiques. Le lien entre le social et le politique peut polluer le débat. Si demain le politique s’en mêle, on dira qu’il y a de la manipulation. Je considère que la revendication sociale est un droit légitime des syndicats. Dans toutes les sociétés organisées, le gouvernement doit permettre un dialogue sincère et constructif avec les syndicats. Il ne sert à rien de promettre à des échéances aux syndicats des choses qu’on n’est pas sûr de pouvoir leur apporter. En même temps, les syndicats doivent faire leurs manifestations dans le respect des règles. Surtout par rapport à certain corps, les syndicats ne doivent pas mettre en danger la vie d’un seul Ivoirien. J’invite les syndicats qui sont dans des secteurs sensibles à faire cet effort. Ce n’est pas acceptable que la vie d’un Ivoirien soit en danger parce qu’on est en action syndicale. Je trouve que de la même façon on doit respecter leur droit, de la même façon ils doivent respecter le droit des Ivoiriens. Il faut inscrire toutes ces choses là dans un débat constructif.
L’on vous accuse, en tant que Directeur national de campagne chargé de la jeunesse du candidat ADO, d’être absent du monde universitaire. Est-ce une réalité ?
Ce n’est pas la réalité. Est-ce être présent dans le monde universitaire c’est de brandir des machettes ? Peut-être que c’est cela que les gens appellent être présent dans le monde universitaire. Dans ce monde là, nous ne sommes pas présents. Nous n’avons pas d’étudiants avec des machettes. Nous avons des étudiants qui sont à la tâche, qui travaillent, qui sensibilisent, nous les rencontrons. Bientôt, nous aurons des contacts sur le terrain. Le premier responsable de la sous-division jeunesse est lui-même un ancien du monde universitaire, il a été ancien dirigeant de la Fesci. Nous vous réservons quelques surprises. Le mouvement s’amplifie à un rythme qui me surprend moi-même. Vous allez voir des visages impressionnants qui vont apporter leur soutien à notre candidat. Les jeunes réalisent qu’ils ont été bernés. On leur a promis des choses et leur quotidien n’a pas changé. Ceci est plus fort que toute manipulation et tout argument. Nous sommes bien présents dans le monde étudiant et scolaire. Mais nous avons une méthode ou une approche qui n’est peut-être pas ce que les gens attendent.
Vous êtes le Directeur national de campagne d’Alassane Ouattara au niveau de la jeunesse pendant que le Rdr a sa structure en charge des jeunes, le Rjr. N’y a-t-il pas dichotomie ?
Non, pas du tout. La campagne du Dr Alassane Ouattara a été axée sur une plate forme qui va au-delà du parti. Dans cette plate forme, le parti est l’épine dorsale. Mais, ce n’est pas le parti qui mène la campagne. Dans cette plate forme, il y a le Rjr et son président qui ont une bonne place.
Eux-mêmes ont souhaité que la jeunesse ivoirienne dans son ensemble porte la candidature du Dr Alassane Ouattara. Vous voyez de nouveaux visages qui ne sont pas forcément des militants du Rdr mais qui considèrent que pour la Côte d’Ivoire, il faut Alassane Ouattara. Je suis chargé de coordonner tout ça avec le président du Rjr qui est mon de délégué. Nous nous adressons à une cible qui est beaucoup plus large que nos partisans. Nos partisans connaissent le président Ouattara, ils connaissent son programme et y adhèrent. Notre victoire passe par notre capacité à faire adhérer les autres.
Pensez-vous tenir vos troupes ? Le président national des ‘‘Grins’’, Vazoumana Dembélé dit Recteur, a déposé sa valise dans l’autre camp.
Je n’ai pas eu d’informations officielles ou précises sur la question. Mais dans les périodes comme celles que nous traversons, il y a ce genre de situation. Dans nos pays, on laisse les gens aller et venir. On doit leur demander pourquoi ils font ces sauts ? C’est important pour l’éducation des masses. Quelqu’un est là, du jour au lendemain, il saute là sans dire pourquoi il est parti. Ce n’est pas un comportement ordinaire, c’est de l’escroquerie politique. Des gens vous suivent, parce que vous êtes un point d’ancrage entre eux et le parti. Du jour au lendemain, vous changez sans leur dire pourquoi.
Ce que vous avancez là est-il valable pour Zémogo Fofana?
A un moment donné, il a expliqué qu’il avait des nuances qui ne lui permettaient pas de continuer au Rdr. Ce n’étaient pas des problèmes avec le président du parti. Il a évoqué des mécanismes et il a créé son parti. Son parti n’a pas de candidat, on va à une élection présidentielle, il faut prendre position et il a pris position. Il dit qu’il soutient la candidature d’Alassane Ouattara, parce que la base libérale de leurs programmes les rapproche plus. Voilà un contenu. « Je ne suis plus Rdr, mais comme moi-même je ne suis pas candidat, si je dois choisir un candidat, je prends celui qui est plus proche de moi, de mes idéaux, de mes valeurs politiques et de l’histoire qui nous a liés. Voilà une démarche qui respectable. Par contre pour des gens qui, du jour au lendemain deviennent çi et ça sans expliquer, c’est un problème.
Le président de la chambre de commerce de l’industrie dit qu’il y a environ 4 millions de chômeurs en Côte d’Ivoire, essentiellement des jeunes. L’école qui est en déconfiture. Vraiment quel avenir pour la jeunesse ? Tout le monde s’interroge aujourd’hui. Que dites-vous aux jeunes de Côte d’Ivoire pour qu’ils aient de l’espoir et qu’ils se disent qu’il y a un avenir ?
Le constat est vrai et triste. Les jeunes en Côte d’Ivoire sont au chômage. Un chômage trop massif. Un jeune sur dix travaille, les neuf autres ne travaillent pas. C’est un danger pour le pays. Les mouvements armés comme ceux qu’on a connus, l’un des facteurs accélérateurs est le chômage. C’est vraiment un danger. La jeunesse c’est l’avenir. Un jeune au chômage, ça veut dire sa femme, ses enfants, ses parents qu’il doit soutenir sont en danger. Un jeune c’est la force vive d’un pays. Il se trouve que c’est une question qu’il faut traiter. Le président Ouattara a un programme qui adresse spécifiquement à la jeunesse une thérapie de choc. Il faut que ce pays bouge et ce n’est pas compliqué. Il faut relancer l’économie du pays. Il faut que des gens qui ont de l’argent en Côte d’Ivoire ou à l’étranger aient un environnement qui les incite à créer des entreprises. Si on crée des entreprises, chacune va employer 10, 20 personnes et c’est à l’échelle nationale qu’on résout le chômage. Ce n’est pas autrement. Le président Ouattara a un programme qui est cohérent et chiffré. C’est quelqu’un qui a été spécialiste de cette question.
C’est son métier. Il est un économiste qui est spécialisé dans la gestion des pays qui ont des difficultés, des pays qui sont dans des programmes de sortie de crise. Il a l’expérience d’autres pays qui, il y a dix ans avant nous, ont connu ces crises. Il connaît les pays qui ont bien réussi leur programme- et pour quelles raisons- et les pays qui n’ont pas réussi. Il a une expérience à apporter dans ce domaine. Aujourd’hui, ce que je peux dire, c’est qu’il faut arrêter de manipuler la jeunesse. Il faut arrêter de faire croire aux jeunes que c’est la dignité, c’est l’honneur, c’est le pays et les jeunes suivent alors quand ils s’asseyent chez eux, ils demandent ce qu’ils ont eu.
Aujourd’hui, nous sommes assaillis par des ex-jeunes patriotes qui nous disent « grand frère, on a marché, de fois sans nous en rentre compte, on a pourchassé nos employeurs, on a cassé des entreprises et le lundi matin quand on est venu au travail on nous a dit que le patron est parti et on réalisait qu’on venait de perdre notre travail. Et depuis on est là. Ils nous vendent l’espoir de la dignité retrouvée ». La dignité d’un homme c’est d’abord se suffire. Mais qu’est-ce qu’on a fait pour tous ces jeunes ? Aujourd’hui, je pense que la menace est réelle et il faut avoir une politique pour redresser l’économie. On fait perdre des opportunités à la Côte d’Ivoire. Comment on va traiter ces questions ? Tôt au tard elles vont nous rattraper. Comment voulez-vous qu’on puisse porter ce pays dans autant d’incertitudes pendant autant d’années ? On n’est pas capable de porter cette situation pendant très longtemps. Parce qu’un moment c’est le peuple, les gens qui ont faim qui vont entrer dans nos maisons pour se servir. Ils vont entrés chez la minorité qui a un peu pour se servir. Il faut qu’on en sorte et qu’on ait un gouvernement qui a une légitimité et que ce gouvernement conduise une politique qui permet de sortir le pays de la guerre.
Question sur le 6è opérateur et la poste
On n’a eu un secteur des plus dynamiques de notre pays. Quand nous nous retrouvons dans les réunions internationales, nos collègues nous le disent. Aujourd’hui, nous avons 12 millions de gens qui ont le téléphone portable. C’est un secteur qui a plus de 700 milliards Fcfa de chiffre d’affaires annuel et près de 1000 milliards Fcfa d’investissement. C’est un secteur qui est un des vrais moteurs de l’économie, c’est un des secteurs qui a le pus fort de taux de croissance dans le Pib du pays. En quelques années, par une politique ouverte, nous avons permis aux investisseurs d’aller de l’avant. Aujourd’hui en Côte d’Ivoire, quand un étudiant sort des études sa première direction c’est les entreprises de téléphonie mobile, quand ce n’est pas elles, c’est la cabine. Nous avons donné du travail à tous ces jeunes. Ensuite sur le plan culturel, quand il y a une grande manifestation, à commencer par miss Côte d’Ivoire, un concert, derrière il y a le sponsoring d’une compagnie de téléphonie. Nous avons demandé d’accompagner la culture.
Quand vous prenez les Eléphants, les grands matches, le championnat, il y a une compagnie.
C’est un secteur qui est important dans le pays. Nous avons réussi à faire baisser les coûts, à améliorer la qualité et à étendre le réseau. Tous les mois, nous progressons dans la couverture nationale. Vous avez parlé du cas spécifique de Warid, un opérateur qui a la licence et qui, je crois, a des difficultés depuis la maison mère. Cela joue sur cet opérateur. Mais je pense que le régulateur qui suit cette question l’interpelle sur la nécessité de la mise en valeur dans certains délais requis de cette exploitation. Il y a eu deux grands problèmes à la poste. Aujourd’hui, dans le monde, la poste structurellement est déficitaire. Parce que c’est un service public. Il faut mettre la poste dans toutes les régions même là où ce n’est pas rentable, il faut la mettre. Pour équilibrer le déficit structurel, on a mis en face les services financiers de la poste qui sont les caisses d’épargne. Dans tous les pays, c’est la caisse d’épargne qui fait des bénéfices et équilibre. Chez nous ici, on n’a coupé. La caisse d’épargne fait des bénéfices et elle n’apporte rien à la poste.
Alors qu’elle utilise l’outil de la poste pour faire ses activités, le chèque postal, la caisse d’épargne… C’est une question que nous avons évoquée comme étant un mal structurel. Entre temps, la poste traditionnelle est menacée par les nouvelles technologiques. Il faut que la poste s’adapte. Il faut qu’elle utilise son réseau qui est un atout majeur pour voir comment elle peut être plus dynamique sur le plan commercial pour avoir des ressorts économiques. Elle doit faire de la plus value, elle doit avoir des nouveaux produits qui lui permettent de renforcer son chiffre d’affaires. La poste en Côte d’Ivoire, à coté des problèmes que je viens d’évoquer, a connu des crises qui lui ont coûté cher financièrement. On est sorti de cette situation. Nous avons demandé au personnel de prendre patience et de ne pas davantage perturber la vie de l’entreprise. Nous venons de déposer à la table du gouvernement un plan de restructuration et un plan de redressement financier avec le soutien du ministre des Finances. Dès que ce plan sera adopté, les mesures d’accompagnement permettront, je pense d’ici la fin du premier trimestre, à la poste de Côte d’Ivoire de mieux respirer et de partir sur de nouvelles bases.
Des jeunes Ivoiriens sont en Angola depuis quelques jours. Vous savez que je veux parler des Eléphants, quel regard portez-vous sur leur parcourt et qu’attendez vous d’eux ?
Vous me parlez d’un sujet qui ne ravit énormément. J’ai aimé la une d’un quotidien qui a écrit « Les Eléphants sèment la joie, les politiciens sèment la pagaille ». Je suis tellement fier de cette équipe.
Elle porte haut le drapeau de la Côte d’Ivoire. Je pense que ne serait-ce que pour cette période, nous devons apaiser le contexte politique pour leur permettre de faire la Can. Surtout qu’ils se sont investis dans la campagne du fair-play. Je dis aux Eléphants que nous avons compris leur message et nous avons une grande attente qu’ils nous ramènent la coupe parce que cette année, c’est leur moment. Parce que cette génération a tout, sauf ce trophée. Je demande aux hommes politiques d’être fair-play. Nous avons un grand pays, une grande nation. Nous les dirigeants, nous devons être à la dimension de ce grand pays. Je pense que la Côte d’Ivoire a connu des problèmes mais elle peut rebondir. La Côte d’Ivoire peut à partir de ces problèmes tirer les renseignements pour faire un bond qualitatif dans l’avenir.
Le ministre était l’un des grands parrains du showbiz ivoirien. Aujourd’hui qu’en est-il ?
Je n’ai pas changé parce que je considère que la culture et le sport sont des véhicules importants dans un pays. J’ai des structures qui ont continué de fonctionner dans ce domaine mais en tant que ministre, à chaque fois que je l’ai pu, j’ai sensibilisé les opérateurs pour qu’ils aient une forte présence dans la culture et le sport. A chaque fois que je peux, j’essaie d’être proche des artistes parce que je considère qu’ils sont la voix des sans voix dans notre pays. Ils sont impressionnants par la force de leurs messages. Je vous avoue que les chansons de nos artistes sont ma principale source d’inspiration en politique.
Après six reports, pensez-vous que le premier tour de l’élection présidentielle prévu fin février-début mars aura lieu ?
Nous n’avons pas d’autres choix que d’organiser ces élections pour parachever ce travail immense qui a été abattu dans le cadre de la sortie de la crise. Ce serait trop périlleux de remettre tout ce travail en cause. Le dernier Cpc l’a réaffirmé. Les enjeux et les attentes sont importants.
Sortir du calendrier électoral serait remettre beaucoup de choses en question sur le plan des accords et des enjeux économiques. La Bad (Ndlr, Banque africaine de développement) s’active pour organiser à la fin du semestre ses assemblées annuelles. S’il n’y a pas de lisibilité sur les élections, le retour de la Bad à Abidjan pourrait être compromis. Dans le plan d’achèvement du programme Ppte, les élections transparentes et apaisées occupent une bonne place. Donc les attentes des Ivoiriens sont grandes. Tout le monde attend que les élections aient lieu en Côte d’Ivoire. Des jeunes investisseurs ivoiriens sont en relation avec des partenaires à l’extérieur qui n’attendent que ces élections pour revenir. A chaque fois qu’on prolonge les élections, on prolonge la souffrance des Ivoiriens et on perd de grandes opportunités de réduire le chômage et la pauvreté en Côte d’Ivoire. Quand on leur dit que les élections sont reportées en Côte d’Ivoire, ces investisseurs qui sont à Londres, à Paris, à Singapour, à Shangaï dirigent leurs investissements vers d’autres pays comme le Ghana, le Mali, le Sénégal qui sont, eux, en train de se développer, donc à offrir des emplois à leurs jeunes. Je demeure optimiste parce que je n’imagine pas qu’on ne puisse pas saisir cette opportunité d’aller à des élections apaisées.
Mais l’actualité donne à voir qu’aujourd’hui, la Cei, la structure à charge des élections, fait l’objet d’accusation. Le camp présidentiel affirme que son président, Robert Mambé, s’est rendu coupable de fraude sur le listing électoral. Ne pensez-vous pas que cette affaire risque de retarder les élections ?
Je ne crois pas. C’est vrai, il y a eu une tentative de débordement sur la gauche mais les uns et les autres sont conscients des enjeux et des périls. Je regarde cette tentative de déstabilisation de la Cei avec beaucoup de sérénité parce que je ne vois pas comment elle pourra aboutir.
Vous appartenez à un gouvernement qui vient d’ouvrir une procédure judiciaire, par l’intermédiaire du ministre de l’Intérieur, en saisissant le procureur de la République. Comment peut-on comprendre que le gouvernement veuille aller rapidement aux élections et en même temps, il initie une procédure ?
Non, le gouvernement n’a pas initié de procédure. Quand le gouvernement veut initier une procédure, il se réunit, délibère et prend une position à laquelle nous sommes solidaires. Quand cette affaire a éclaté, le chef du gouvernement a réuni toutes les structures qui avaient une responsabilité dans le processus d’identification électorale à la primature. A l’issue de cette réunion, le Premier ministre a fait une déclaration avec l’ensemble des responsables des structures pour apaiser et clarifier les choses. Il a montré la voie et nous nous inscrivons dans cette démarche. Nous soutenons les solutions proposées par le Premier ministre. Après, nous avons vu le ministre de l’Intérieur (Ndlr, Désiré Tagro) dans ce que j’appelle la position de la facilité. On va s’asseoir au journal télévisé de 20 h avec le présentateur qui n’a pas le droit de poser des questions, on fait une déclaration et on croit qu’on a réglé le problème. Non. Il faut d’abord oser le débat, la concertation pour aboutir à des positions consensuelles. Si nous n’avançons pas en nous mettant d’accord, ce processus ne marchera pas. C’est pourquoi, je salue la méthode du Premier ministre qui consiste à ouvrir le débat pour rechercher le consensus sur les grandes questions. La déclaration du ministre de l’Intérieur n’est pas allée dans le sens de celle faite par le Premier ministre. Cette déclaration n’engage que lui seul. Ce n’est pas une position qui engage le gouvernement. La responsabilité de la sortie de crise et du processus électoral est dévolue au Premier ministre par les accords. C’est lui qui peut ester en justice. Le ministre de l’Intérieur a outrepassé ses prérogatives. Il peut s’informer. Il ne faut pas faire la politique avec gros cœur. Aujourd’hui, les contradictions en Côte d’Ivoire sont réelles. La situation est sensible. Avec d’énormes efforts, nous sommes arrivés, progressivement avec le soutien de la communauté internationale, à des solutions consensuelles. Nous ne sommes pas loin de réussir. J’invite le ministre de l’Intérieur à se calmer. Il ne sert à rien de menacer et d’effrayer les Ivoiriens.
Tagro soutient pourtant qu’il a le OK de sa hiérarchie.
Je n’ai pas entendu cette déclaration mais je m’en tiens à ce que je vous ai dit. Chacun de vous a écouté la déclaration du chef du gouvernement, chacun de vous a entendu celle du ministre Tagro. Il ne faut pas sortir de cette ligne pour noter les grandes nuances. Si le chef du gouvernement voulait saisir le procureur, il l’aurait fait par l’entremise du garde des Sceaux. Il a proposé la voie de la sagesse qui est en train de se mettre en place.
Pourquoi cette affaire ne passe-t-elle pas en Conseil de ministre ?
L’organisation du Conseil de ministre est très structurée. Quand une question engage la vie de la nation, il faut la porter dans le débat au sein du Conseil de gouvernement pour avoir une très grande adhésion des membres du gouvernement. Cela n’a pas été le cas. Ce débat est clos. Il a été traité par un comité ad-hoc.
Comment réagissiez-vous à l’enquête judiciaire initiée par Désiré Tagro ?
Je n’ai pas d’écho sur cette procédure judiciaire. Vous avez entendu la déclaration du président Mambé. Il n’est pas sous la tutelle du ministre de l’Intérieur. Tagro n’est pas compétent pour le traduire devant cette juridiction. En tant que président d’institution, pour l’entendre, il faut passer par des voies particulières. Il y a beaucoup d’agitations et je me demande pourquoi. Il n’y a pas péril en la demeure.
Techniquement, Mambé pouvait-il introduire les 429000 personnes sur la liste électorale provisoire ?
Voici une affaire dont tout le monde parle et pourtant les compatriotes ne savent pas de quoi il s’agit. A un moment donné, il y a eu un croisement entre la liste 2000 et certains fichiers historiques et le nombre de personnes enrôlées. Quand vous êtes enrôlés et qu’on vous trouve sur la liste 2000 ou on vous a croisé positivement avec les fichiers, on se dit qu’il y a de fortes chances que l’enrôlé soit bel et bien ivoirien. Quand ce travail a été fait, il s’est trouvé que bon nombre d’Ivoiriens avaient été exclus de la liste. Fallait-il les retrouver ou les oublier ? On a réalisé que c’était plus un problème de paramétrage informatique qu’autre chose. L’ordinateur peut, par exemple, reconnaître que quelqu’un soit né à Tafiré alors qu’il est marqué Ferké sur ses papiers. Il peut être né, par exemple, en 1955 alors que c’est marqué 1945. Nous avons beaucoup d’exemples de ce genre. Il fallait trouver des paramètres pour assouplir la rigidité informatique pour retrouver le maximum d’Ivoiriens. Le but n’est pas d’exclure des Ivoiriens. L’exclusion nous a conduits à la crise. Je ne comprends pas ceux qui imaginent des choses en disant qu’un électeur est favorable à tel ou tel candidat. La Cei a fait un travail d’indication. Qui peut imaginer que parmi ces 429.000 personnes, tel électeur est favorable à tel ou tel candidat ? Frauder, c’est poser un acte avec une mauvaise foi. Comment peut-on poser un acte de mauvaise foi en informant le Premier ministre et le président de la République ?
Les gens ont voulu bien faire mais on saute sur cette affaire pour déstabiliser la Cei. Nous ne pouvons pas l’accepter. Il n’y a pas eu de fraude. Il ne peut pas y avoir de fraude au vu du concept que tout le monde connaît. C’est un débat surréaliste. On crie au loup, on fait un procès d’intention, je souhaite qu’on arrête. On ne peut pas continuer à démolir des personnes qui ont passé toute leur carrière à bâtir leur dignité et leur image. Je ne connais pas personnellement M. Mambé mais tous ceux qui le connaissent disent qu’il est bien. Et du jour au lendemain, n’importe qui vient jeter l’opprobre sur sa personnalité et nous sommes là sans rien dire. Qu’on arrête car l’expérience de ces dernières années nous a montré que certaines positions radicales n’amènent nulle part. Chaque fois qu’on s’est mis d’accord pour avancer, on a avancé. Il faut que les gens arrêtent de dramatiser les élections parce qu’elles ne seront pas la fin de la Côte d’Ivoire. Comme le disait le président ADO, allons aux élections. Nous avons passé trop de temps à exclure des candidats. Aujourd’hui, c’est un combat pour exclure des électeurs. Si on avait pris Mambé en train d’inscrire des militants d’un parti sur la liste, on aurait dit qu’il a fraudé. Ce n’est pas le cas.
Dans les pays développés, quand on dit que des personnes sont abandonnées, l’Etat déploie des moyens colossaux pour les rechercher. Si des personnes ont été oubliées sur une liste, qu’on aille les chercher. Nous voulons faire les élections avec des Ivoiriens. Les paramètres informatiques ne choisissent pas en fonction des choix politiques des gens.
Avec tous ces remous autour de la Cei, croyez-vous sincèrement que les Ivoiriens peuvent aller aux urnes en mars ?
Le processus est bien encadré. Nous sommes encore dans les délais et les équipes techniques, sous la coordination du Premier ministre, sont à pied d’œuvre. Les gens n’attendent pas ce débat pour avancer sur les aspects concernant la confection des cartes d’identité. Je n’ai pas de raison de penser que tout ce travail ne soit pas rendu dans les délais.
Et si on délivrait les cartes d’identité à ceux qui n’ont pas de problème sur la liste électorale?
C’est une question de méthodologie. Il faut qu’on arrive à la liste définitive. A partir de ce moment, on pourra distribuer les cartes à ces personnes-là. Il y a tellement de suspicions que si on veut commencer à inverser les étapes, je crains encore que les gens aillent crier à la fraude. Tout est encadré, il y a une méthode et tout peut se faire à bonne date.
Le chef de l’Etat a demandé aux chefs coutumiers de dénoncer aux préfets, aux sous-préfets, aux présidents de Conseil généraux les étrangers qui sont sur la liste. Ne craignez-vous pas qu’une telle démarche débouche sur des dérives ?
Je n’ai pas participé à cette rencontre. Cependant, il y a certains concepts qui ne sont pas bien assimilés et qui peuvent créer des difficultés sur le terrain. La notion d’étranger, par exemple, si elle n’est pas bien assimilée peut conduire à des dérives.
Un informaticien de la Cei a reconnu lors de son procès à Daloa qu’il a été mandaté par le secrétaire général de la Cei pour faire un travail sur le terrain. Avec tous ces faits, ne peut-on pas dire qu’il y a eu tentative de fraude ?
Qu’est-ce qui prouve qu’il y a eu tentative de fraude. Ça veut dire quoi un croisement parallèle ?
On fait un travail et chacun essaie de voir comment en associant tel ou tel paramètre, on peut avoir une base de données indicative de ce que telle personne est ivoirienne ou pas. C’est ce que les gens ne veulent pas. Si c’est Beugré Mambé, le président de la Cei, que le camp présidentiel veut déstabiliser, il perd son temps parce qu’on ne va pas lâcher prise et puis on verra. Il faut que les gens comprennent que le stade de l’intimidation est fini. Aller s’asseoir à la télévision, serrer son visage et lire une déclaration tonique et on sort on est content, c’est fini. Avec ce que la Côte d’Ivoire a connu, ça n’effraie plus personne. Si une composante significative de la Côte d’Ivoire n’est pas dans le processus, il y a problème. Si l’objectif est de déstabiliser Mambé et la Cei, le contenu est trop faible pour que nous puissions l’accepter.
Après sept ans de crise, on revient pratiquement à la case départ avec les débats sur l’étranger, la nationalité. Pensez-vous que le processus d’identification a réglé la question identitaire, la base de la crise politico-militaire ?
Le Premier ministre Guillaume Soro a abattu un travail énorme sur la question d’identification.
Lorsque les Ivoiriens auront entre les mains leur première carte d’identité, ils se rendront compte du travail abattu et lui rendront grâce. Il ne faut plus faire de la question de la nationalité un enjeu électoral. C’est parce qu’on instrumentalise la question de la nationalité dans les enjeux électoraux qu’on a ce problème. Ailleurs, les gens ont des débats sur d’autres sujets mais chez nous, quand ce n’est pas pour exclure un candidat, c’est pour exclure des électeurs.
Le Premier ministre a déclaré que ceux qui figurent sur la liste électorale provisoire et dont on ne verrait pas la photo ou qui auraient des fautes sur les mentions à l’état civil seraient traités après la présidentielle. Ce sont 22.000 personnes qui seront exclues du vote.
Ce sont des questions techniques qui sont débattues au niveau de la Cei pour voir les paramètres. A un certain moment, il faut arrêter. Il y a l’impératif qui est d’aller aux élections. Ce sont des questions qui peuvent être réglées sans profondément remanier tout le processus. Je laisse la Cei régler ces questions. Je ne suis pas un spécialiste des questions électorales, je n’ai pas envie de me hasarder sur des questions qui ont vraiment besoin de détails.
Dans la période du contentieux électoral, on a vu le CeCos appréhender des présumés faussaires. Comment réagissez-vous devant cette situation ?
A un moment donné, le chef de l’Etat était, lui-même, favorable qu’on aille aux élections avec ce qu’on avait trouvé après le premier croisement. Je suis d’accord qu’il faut aller aux élections avec le maximum d’Ivoiriens. Mais on ne peut pas dire que si le dernier Ivoirien ne vient pas, on ne va pas aux élections. On a prolongé les délais, mais il y en a que ça n’intéresse pas. On ne va pas continuer à prolonger les délais pour les prolonger. Concernant l’intervention des forces de sécurité, j’en appelle à leur esprit républicain. Lorsque la nation vous donne, en toute légalité, la force des armes pour faire régner la paix dans un pays, il ne faut pas en abuser. Le monde a beaucoup évolué. Nous prenons au sérieux ces questions concernant le droit des Ivoiriens. Tôt ou tard, ces questions seront remises sur la table. L’actualité le démontre. Tous ceux qui, à un moment donné, avaient le droit de vie ou de mort sur d’autres personnes n’imaginaient même pas qu’un jour on allait leur demander des comptes. Aujourd’hui, ils sont en prison. Le monde est sous surveillance. Je suis surpris de voir que certains compatriotes n’ont pas tiré les leçons de l’évolution du monde. L’arrogance de l’Etat est aveugle, mais on a vu des gens qui avaient des postes importants, aujourd’hui on les voit.
Ne pensez-vous pas que la marche des jeunes du Rhdp va jeter de l’huile sur le feu de la tension politique ?
On pourrait le penser dans la mesure où devant des situations, des lettres de protestation, des cris du cœur, des interpellations de toutes sortes sur certaines questions, les organisations politiques n’ont pas de satisfaction, elles ont des moyens d’expression. Les marches, les sit-in sont des moyens d’expression. Ces manifestations sont encadrées par la loi. Ils se sont déjà rendus au ministère de l’Intérieur pour informer les autorités. Même quand le G8 se réunit, il y a les antimondialistes qui font des marches. Il ne faut pas que ces événements de la vie démocratique normale soient vus ici comme des éléments de rupture. Les jeunes qui ont pris cette initiative auront l’occasion d’amplifier le contenu. Ils ont déjà expliqué ce qu’ils recherchent à travers cette manifestation ; ils ont envie qu’un certain nombre de points de vues soient pris en compte.
Partagez-vous l’analyse des jeunes du Rhdp sur la Rti ?
Je suis de ceux qui savent que la télévision nationale travaille dans des conditions difficiles. J’y suis allé moi-même pour apporter du matériel informatique. Quel Ivoirien ne pense qu’à la télé aujourd’hui trop c’est trop ? Ils ne rendent même pas service au camp présidentiel. Des téléspectateurs sont scandalisés, choqués. La télévision doit être le ciment de l’unité nationale parce que c’est le média le plus puissant. Je lance un appel à mes frères de la télé. Leur responsabilité personnelle est grande. Il ne faut pas pousser les Ivoiriens à bout. Quand vous voyez le ministre Béchio, secrétaire général de l’Anci, venir sur le plateau de la télévision dire ce qu’il veut alors que la parole est refusée au président de ce même parti, c’est incompréhensible ! Ce sont eux qui perdent des points dans l’opinion. On envoie Blé Goudé au journal de 20 H. C’est ce que j’appelle la solution de la facilité. Il vient dire ce qu’il a envie de dire, les Ivoiriens ne sont pas dupes. Il faut que les dirigeants de la Rti mesurent leur responsabilité historique face à la position de pouvoir. On a vu des gens avant eux dans la même position qui ont fait la même chose. On les a revus ici dans les couloirs de la télé. Cette crise devait nous enseigner l’humilité.
L’histoire a montré qu’on ne peut pas aller très loin comme ça. Il faut qu’on se parle franchement.
C’est de cette façon que toutes les nations se sont développées. Sarkozy est au pouvoir en France, mais sur des grandes questions, il parle avec l’opposition, il négocie avec eux parce qu’il ne peut pas faire autrement. Est-ce qu’on peut mettre une croix sur une communauté de pensée où sur une vision des choses ? Nous avons besoin de montrer une autre image de notre pays.
Ce qui se passe à la télévision n’est pas acceptable. Les gens de la Rti ne savent pas qu’ils se font, eux-mêmes, hara-kiri. En matière de communication, il ne faut pas dépasser la dose. C’est comme les médicaments. Quand il y a overdose, cela a des effets contraires. Quand vous passez chaque fois et que les gens vous voient, ils éteignent carrément leur télévision parce qu’ils sont dégouttés. Des gens mêmes qui avaient de la sympathie pour eux sont désabusés. Tout excès nuit.
Pour nombre d’observateurs, le Rhdp est un accord politique au sommet qui n’engage pas les masses des différents partis qui le composent. Qu’en pensez-vous ?
Le Rhdp est une réalité sur le terrain. Il a été principalement consolidé par le parti au pouvoir.
Quand vous frappez des gens de la même manière, ils se mettent ensemble pour se protéger.
Tout cela nous a poussé à taire nos divergences, à nous pardonner nos offenses et à retenir le lien commun que nous avons tous : la doctrine houphouétiste. Que les gens ne se méprennent pas, le Rhdp est une réalité. Après notre victoire, le Rhdp finira par devenir un seul parti politique.
On aurait pu imaginer que cela soit possible avant les élections, mais ça aurait retardé beaucoup de choses et mis en exergue trop de contradictions sans cependant être productif. Nous voulons être efficaces. Aujourd’hui, les leaders se parlent, les bases se rencontrent et ont appris à développer ensemble des stratégies communes. Au cours des semaines et des mois qui viennent, vous allez voir se développer une stratégie qui va marquer une plus grande cohésion et une plus grande consolidation au Rhdp.
Les sondages, notamment ceux de Sofres, indiquent qu’au Rhdp, les reports de voix ne sont pas une réalité.
C’est une préoccupation. Ça veut dire qu’il y a un travail de sensibilisation, un travail plus intégrateur à mener. Je note cela comme une problématique, c’est notre responsabilité de faire en sorte que nos bases comprennent mieux qu’il est important que nous puissions être ensemble. C’est vrai que nous avons eu beaucoup de contradictions, beaucoup de divergences, mais il faut savoir y mettre une croix pour aller de l’avant.
Anaky Kobena a demandé au Rhdp de quitter le gouvernement. Qu’est-ce que vous pensez de cette requête ?
Nous sommes au gouvernement sur la base de l’accord politique de Ouaga. Nous continuons à croire que cet accord est la seule voie de sortie pacifique de la crise. Il y a des difficultés mais, nous demeurons optimistes. C’est pourquoi nous sommes encore au gouvernement. Si nous atteignons une rupture, il va sans dire que notre présence au gouvernement serait caduque. Le problème ce n’est pas d’être au gouvernement, c’est le contexte dans lequel nous sommes au gouvernement. Aujourd’hui, nous ne sommes pas en rupture avec l’accord politique de Ouaga (…) Voilà des années qu’on est au gouvernement. On reporte et on reporte les élections. Je ne suis pas à l’aise dans la peau d’un ministre qui n’a pas une légitimité propre. C'est-à-dire d’un président élu qui conduit une politique cohérente à laquelle vous adhérer et vous êtes fiers. Il faut qu’on arrête d’escroquer la conscience des Ivoiriens. Les Ivoiriens ont le sentiment que c’est un complot. Il faut qu’on aille aux élections pour permettre à l’équipe qui va gagner de conduire en toute légitimité les Ivoiriens. On a un besoin urgent de clarification.
Face aux mouvements sociaux, des travailleurs ont eu l’impression que le Rhdp et les partis politiques les ont abandonnés
Non, on ne peut pas abandonner les corps sociaux. Mais c’est très délicat. Il faut faire la part des choses entre les revendications sociales et les revendications politiques. Le lien entre le social et le politique peut polluer le débat. Si demain le politique s’en mêle, on dira qu’il y a de la manipulation. Je considère que la revendication sociale est un droit légitime des syndicats. Dans toutes les sociétés organisées, le gouvernement doit permettre un dialogue sincère et constructif avec les syndicats. Il ne sert à rien de promettre à des échéances aux syndicats des choses qu’on n’est pas sûr de pouvoir leur apporter. En même temps, les syndicats doivent faire leurs manifestations dans le respect des règles. Surtout par rapport à certain corps, les syndicats ne doivent pas mettre en danger la vie d’un seul Ivoirien. J’invite les syndicats qui sont dans des secteurs sensibles à faire cet effort. Ce n’est pas acceptable que la vie d’un Ivoirien soit en danger parce qu’on est en action syndicale. Je trouve que de la même façon on doit respecter leur droit, de la même façon ils doivent respecter le droit des Ivoiriens. Il faut inscrire toutes ces choses là dans un débat constructif.
L’on vous accuse, en tant que Directeur national de campagne chargé de la jeunesse du candidat ADO, d’être absent du monde universitaire. Est-ce une réalité ?
Ce n’est pas la réalité. Est-ce être présent dans le monde universitaire c’est de brandir des machettes ? Peut-être que c’est cela que les gens appellent être présent dans le monde universitaire. Dans ce monde là, nous ne sommes pas présents. Nous n’avons pas d’étudiants avec des machettes. Nous avons des étudiants qui sont à la tâche, qui travaillent, qui sensibilisent, nous les rencontrons. Bientôt, nous aurons des contacts sur le terrain. Le premier responsable de la sous-division jeunesse est lui-même un ancien du monde universitaire, il a été ancien dirigeant de la Fesci. Nous vous réservons quelques surprises. Le mouvement s’amplifie à un rythme qui me surprend moi-même. Vous allez voir des visages impressionnants qui vont apporter leur soutien à notre candidat. Les jeunes réalisent qu’ils ont été bernés. On leur a promis des choses et leur quotidien n’a pas changé. Ceci est plus fort que toute manipulation et tout argument. Nous sommes bien présents dans le monde étudiant et scolaire. Mais nous avons une méthode ou une approche qui n’est peut-être pas ce que les gens attendent.
Vous êtes le Directeur national de campagne d’Alassane Ouattara au niveau de la jeunesse pendant que le Rdr a sa structure en charge des jeunes, le Rjr. N’y a-t-il pas dichotomie ?
Non, pas du tout. La campagne du Dr Alassane Ouattara a été axée sur une plate forme qui va au-delà du parti. Dans cette plate forme, le parti est l’épine dorsale. Mais, ce n’est pas le parti qui mène la campagne. Dans cette plate forme, il y a le Rjr et son président qui ont une bonne place.
Eux-mêmes ont souhaité que la jeunesse ivoirienne dans son ensemble porte la candidature du Dr Alassane Ouattara. Vous voyez de nouveaux visages qui ne sont pas forcément des militants du Rdr mais qui considèrent que pour la Côte d’Ivoire, il faut Alassane Ouattara. Je suis chargé de coordonner tout ça avec le président du Rjr qui est mon de délégué. Nous nous adressons à une cible qui est beaucoup plus large que nos partisans. Nos partisans connaissent le président Ouattara, ils connaissent son programme et y adhèrent. Notre victoire passe par notre capacité à faire adhérer les autres.
Pensez-vous tenir vos troupes ? Le président national des ‘‘Grins’’, Vazoumana Dembélé dit Recteur, a déposé sa valise dans l’autre camp.
Je n’ai pas eu d’informations officielles ou précises sur la question. Mais dans les périodes comme celles que nous traversons, il y a ce genre de situation. Dans nos pays, on laisse les gens aller et venir. On doit leur demander pourquoi ils font ces sauts ? C’est important pour l’éducation des masses. Quelqu’un est là, du jour au lendemain, il saute là sans dire pourquoi il est parti. Ce n’est pas un comportement ordinaire, c’est de l’escroquerie politique. Des gens vous suivent, parce que vous êtes un point d’ancrage entre eux et le parti. Du jour au lendemain, vous changez sans leur dire pourquoi.
Ce que vous avancez là est-il valable pour Zémogo Fofana?
A un moment donné, il a expliqué qu’il avait des nuances qui ne lui permettaient pas de continuer au Rdr. Ce n’étaient pas des problèmes avec le président du parti. Il a évoqué des mécanismes et il a créé son parti. Son parti n’a pas de candidat, on va à une élection présidentielle, il faut prendre position et il a pris position. Il dit qu’il soutient la candidature d’Alassane Ouattara, parce que la base libérale de leurs programmes les rapproche plus. Voilà un contenu. « Je ne suis plus Rdr, mais comme moi-même je ne suis pas candidat, si je dois choisir un candidat, je prends celui qui est plus proche de moi, de mes idéaux, de mes valeurs politiques et de l’histoire qui nous a liés. Voilà une démarche qui respectable. Par contre pour des gens qui, du jour au lendemain deviennent çi et ça sans expliquer, c’est un problème.
Le président de la chambre de commerce de l’industrie dit qu’il y a environ 4 millions de chômeurs en Côte d’Ivoire, essentiellement des jeunes. L’école qui est en déconfiture. Vraiment quel avenir pour la jeunesse ? Tout le monde s’interroge aujourd’hui. Que dites-vous aux jeunes de Côte d’Ivoire pour qu’ils aient de l’espoir et qu’ils se disent qu’il y a un avenir ?
Le constat est vrai et triste. Les jeunes en Côte d’Ivoire sont au chômage. Un chômage trop massif. Un jeune sur dix travaille, les neuf autres ne travaillent pas. C’est un danger pour le pays. Les mouvements armés comme ceux qu’on a connus, l’un des facteurs accélérateurs est le chômage. C’est vraiment un danger. La jeunesse c’est l’avenir. Un jeune au chômage, ça veut dire sa femme, ses enfants, ses parents qu’il doit soutenir sont en danger. Un jeune c’est la force vive d’un pays. Il se trouve que c’est une question qu’il faut traiter. Le président Ouattara a un programme qui adresse spécifiquement à la jeunesse une thérapie de choc. Il faut que ce pays bouge et ce n’est pas compliqué. Il faut relancer l’économie du pays. Il faut que des gens qui ont de l’argent en Côte d’Ivoire ou à l’étranger aient un environnement qui les incite à créer des entreprises. Si on crée des entreprises, chacune va employer 10, 20 personnes et c’est à l’échelle nationale qu’on résout le chômage. Ce n’est pas autrement. Le président Ouattara a un programme qui est cohérent et chiffré. C’est quelqu’un qui a été spécialiste de cette question.
C’est son métier. Il est un économiste qui est spécialisé dans la gestion des pays qui ont des difficultés, des pays qui sont dans des programmes de sortie de crise. Il a l’expérience d’autres pays qui, il y a dix ans avant nous, ont connu ces crises. Il connaît les pays qui ont bien réussi leur programme- et pour quelles raisons- et les pays qui n’ont pas réussi. Il a une expérience à apporter dans ce domaine. Aujourd’hui, ce que je peux dire, c’est qu’il faut arrêter de manipuler la jeunesse. Il faut arrêter de faire croire aux jeunes que c’est la dignité, c’est l’honneur, c’est le pays et les jeunes suivent alors quand ils s’asseyent chez eux, ils demandent ce qu’ils ont eu.
Aujourd’hui, nous sommes assaillis par des ex-jeunes patriotes qui nous disent « grand frère, on a marché, de fois sans nous en rentre compte, on a pourchassé nos employeurs, on a cassé des entreprises et le lundi matin quand on est venu au travail on nous a dit que le patron est parti et on réalisait qu’on venait de perdre notre travail. Et depuis on est là. Ils nous vendent l’espoir de la dignité retrouvée ». La dignité d’un homme c’est d’abord se suffire. Mais qu’est-ce qu’on a fait pour tous ces jeunes ? Aujourd’hui, je pense que la menace est réelle et il faut avoir une politique pour redresser l’économie. On fait perdre des opportunités à la Côte d’Ivoire. Comment on va traiter ces questions ? Tôt au tard elles vont nous rattraper. Comment voulez-vous qu’on puisse porter ce pays dans autant d’incertitudes pendant autant d’années ? On n’est pas capable de porter cette situation pendant très longtemps. Parce qu’un moment c’est le peuple, les gens qui ont faim qui vont entrer dans nos maisons pour se servir. Ils vont entrés chez la minorité qui a un peu pour se servir. Il faut qu’on en sorte et qu’on ait un gouvernement qui a une légitimité et que ce gouvernement conduise une politique qui permet de sortir le pays de la guerre.
Question sur le 6è opérateur et la poste
On n’a eu un secteur des plus dynamiques de notre pays. Quand nous nous retrouvons dans les réunions internationales, nos collègues nous le disent. Aujourd’hui, nous avons 12 millions de gens qui ont le téléphone portable. C’est un secteur qui a plus de 700 milliards Fcfa de chiffre d’affaires annuel et près de 1000 milliards Fcfa d’investissement. C’est un secteur qui est un des vrais moteurs de l’économie, c’est un des secteurs qui a le pus fort de taux de croissance dans le Pib du pays. En quelques années, par une politique ouverte, nous avons permis aux investisseurs d’aller de l’avant. Aujourd’hui en Côte d’Ivoire, quand un étudiant sort des études sa première direction c’est les entreprises de téléphonie mobile, quand ce n’est pas elles, c’est la cabine. Nous avons donné du travail à tous ces jeunes. Ensuite sur le plan culturel, quand il y a une grande manifestation, à commencer par miss Côte d’Ivoire, un concert, derrière il y a le sponsoring d’une compagnie de téléphonie. Nous avons demandé d’accompagner la culture.
Quand vous prenez les Eléphants, les grands matches, le championnat, il y a une compagnie.
C’est un secteur qui est important dans le pays. Nous avons réussi à faire baisser les coûts, à améliorer la qualité et à étendre le réseau. Tous les mois, nous progressons dans la couverture nationale. Vous avez parlé du cas spécifique de Warid, un opérateur qui a la licence et qui, je crois, a des difficultés depuis la maison mère. Cela joue sur cet opérateur. Mais je pense que le régulateur qui suit cette question l’interpelle sur la nécessité de la mise en valeur dans certains délais requis de cette exploitation. Il y a eu deux grands problèmes à la poste. Aujourd’hui, dans le monde, la poste structurellement est déficitaire. Parce que c’est un service public. Il faut mettre la poste dans toutes les régions même là où ce n’est pas rentable, il faut la mettre. Pour équilibrer le déficit structurel, on a mis en face les services financiers de la poste qui sont les caisses d’épargne. Dans tous les pays, c’est la caisse d’épargne qui fait des bénéfices et équilibre. Chez nous ici, on n’a coupé. La caisse d’épargne fait des bénéfices et elle n’apporte rien à la poste.
Alors qu’elle utilise l’outil de la poste pour faire ses activités, le chèque postal, la caisse d’épargne… C’est une question que nous avons évoquée comme étant un mal structurel. Entre temps, la poste traditionnelle est menacée par les nouvelles technologiques. Il faut que la poste s’adapte. Il faut qu’elle utilise son réseau qui est un atout majeur pour voir comment elle peut être plus dynamique sur le plan commercial pour avoir des ressorts économiques. Elle doit faire de la plus value, elle doit avoir des nouveaux produits qui lui permettent de renforcer son chiffre d’affaires. La poste en Côte d’Ivoire, à coté des problèmes que je viens d’évoquer, a connu des crises qui lui ont coûté cher financièrement. On est sorti de cette situation. Nous avons demandé au personnel de prendre patience et de ne pas davantage perturber la vie de l’entreprise. Nous venons de déposer à la table du gouvernement un plan de restructuration et un plan de redressement financier avec le soutien du ministre des Finances. Dès que ce plan sera adopté, les mesures d’accompagnement permettront, je pense d’ici la fin du premier trimestre, à la poste de Côte d’Ivoire de mieux respirer et de partir sur de nouvelles bases.
Des jeunes Ivoiriens sont en Angola depuis quelques jours. Vous savez que je veux parler des Eléphants, quel regard portez-vous sur leur parcourt et qu’attendez vous d’eux ?
Vous me parlez d’un sujet qui ne ravit énormément. J’ai aimé la une d’un quotidien qui a écrit « Les Eléphants sèment la joie, les politiciens sèment la pagaille ». Je suis tellement fier de cette équipe.
Elle porte haut le drapeau de la Côte d’Ivoire. Je pense que ne serait-ce que pour cette période, nous devons apaiser le contexte politique pour leur permettre de faire la Can. Surtout qu’ils se sont investis dans la campagne du fair-play. Je dis aux Eléphants que nous avons compris leur message et nous avons une grande attente qu’ils nous ramènent la coupe parce que cette année, c’est leur moment. Parce que cette génération a tout, sauf ce trophée. Je demande aux hommes politiques d’être fair-play. Nous avons un grand pays, une grande nation. Nous les dirigeants, nous devons être à la dimension de ce grand pays. Je pense que la Côte d’Ivoire a connu des problèmes mais elle peut rebondir. La Côte d’Ivoire peut à partir de ces problèmes tirer les renseignements pour faire un bond qualitatif dans l’avenir.
Le ministre était l’un des grands parrains du showbiz ivoirien. Aujourd’hui qu’en est-il ?
Je n’ai pas changé parce que je considère que la culture et le sport sont des véhicules importants dans un pays. J’ai des structures qui ont continué de fonctionner dans ce domaine mais en tant que ministre, à chaque fois que je l’ai pu, j’ai sensibilisé les opérateurs pour qu’ils aient une forte présence dans la culture et le sport. A chaque fois que je peux, j’essaie d’être proche des artistes parce que je considère qu’ils sont la voix des sans voix dans notre pays. Ils sont impressionnants par la force de leurs messages. Je vous avoue que les chansons de nos artistes sont ma principale source d’inspiration en politique.