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Politique Publié le jeudi 21 janvier 2010 | Le Nouveau Réveil

Réponses aux questions des journalistes

Je voudrais préciser qu'il n'est pas pour le moment question d'arrêter qui que ce soit, de mettre qui que ce soit en prison. Pour l'heure, il y a des faits qui sont portés à notre connaissance, des faits qui risquent de troubler gravement l'ordre public. Il est de mon devoir, lorsque je suis saisi, informé par n'importe qui, de faire en sorte qu'on sache ce qui s'est passé. Dans cette attente, il est bon que ceux qui savent quelque chose puissent nous aider. Ce n'est pas dans les rues qu'on trouve la justice. On risque encore de déplorer des blessés, des morts. Et quand on va parler de ces morts, ce ne sont pas des extraterrestres. Ce sont toujours des membres de notre famille, des amis, des cousins. Donc, je demande à la presse de faire en sorte que cette Côte d'Ivoire, qui est la seule pour nous tous puisse rester réellement calme. A partir du moment où la justice est saisie, il faut laisser le temps à la justice d'aller jusqu'au bout, et de faire son travail convenablement. Les marches, les sit-in, en principe doivent s'arrêter. Il faut laisser le temps à la justice de faire son enquête en toute sérénité. A ma connaissance, dans cette affaire, il y a des personnes bien placées qui, à la suite de notre enquête, sauront mieux trancher pour le bonheur des Ivoiriens.



Landry Kohon (Fraternité-Matin) : Vous avez été saisi pour une simple vérification des faits. Dans ce contexte, votre parquet est-il fondé à engager des poursuites ?

Je vous ai dit que le parquet dépend directement du gouvernement. Cela est important à savoir. Il y a les juges du siège que vous appelez présidents, qui sont indépendants. Et il y a les juges du parquet qu'on appelle les magistrats débout. Qui sont soumis aux instructions du gouvernement. A mon propre niveau, la loi me donne la possibilité de classer sans suite si ce n'est pas opportun d'engager des poursuites. Dans le cas d'espèce, un membre du gouvernement a saisi mon parquet, je dois lui rendre compte des conclusions pour qu'il prenne les mesures nécessaires. C'est assez important de le savoir. C'est le siège du tribunal qui rend des décisions tendant à priver tel ou tel de sa liberté. Je fais mon enquête, et je donne les résultats au gouvernement qui saura quoi faire. Même si c'est grave, très grave ou très très grave, il appartiendra au gouvernement de décider, et de dire il faut poursuivre ou il ne faut pas poursuivre.



Saint-Claver Oula (La voie de l'Amérique) : Je détiens entre mes mains, l'ordonnance n°2008 133 du 14 avril 2008 portant ajustement du Code électoral pour les élections de sortie de crise. L'article 41 de cette ordonnance dit que concernant la liste électorale, est puni de la peine de 5 à 10 ans et d'une amende de 500.000 à 10 millions de Fcfa, quiconque, en utilisant de faux noms, de fausses déclarations, de faux certificats, en dissimulant une incapacité électorale, se fait inscrire sur une liste électorale, fait inscrire ou rayer un électeur sur une liste électorale. Les faits sont portés devant le procureur de la République par toute personne ayant annoncée publiquement sa décision d'être candidat et par la Commission électorale indépendante. Le procureur de la République agit conformément à l'article 70 du code de procédure pénale. Monsieur le procureur, je voudrais savoir, est-ce le ministre Désiré Tagro, qui n'est ni candidat, ni membre de la Cei , est fondé à vous saisir ?

Je vous ramène aussi à l'article 40 du code de procédure pénale qui est d'ordre général et qui dit ceci : "Le procureur de la république reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner. En cas de classement sans suite…toute autorité constituée, tout fonctionnaire, tout officier public qui dans l'exercice de ses fonctions acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République. J'ajoute l'article 169 du code pénal. Vous savez qu'il ne faut pas simplement s'aligner sur un texte. L'article 169 du code pénal dit ceci : " est puni de la détention de 3 à 5 ans, celui qui en dehors des cadres visés aux articles 138 à 165, se rend coupable d'actes ou de manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique ou à occasionner des troubles politiques graves, à jeter le discrédit sur les institutions et leur fonctionnement ou à provoquer et à inciter les citoyens ou les habitants à désobéir aux lois et aux ordres des autorités légitimes". Face à tous ces événements, il est du devoir de n'importe qui de saisir le procureur de la République. Quand il constate que les faits sont de nature à troubler l'ordre public, à jeter le discrédit sur les institutions et même plus loin, à inciter les populations à des insurrections. C'est dans ce cadre que nous sommes saisi et dans ce cadre là, n'importe qui doit me saisir, et peut me saisir pour que je puisse mener une enquête afin de voir si l'ordre public, soit peut être troublé ou ne peut être troublé. Donc, que ce soit le ministre ou que ce soit l'un d'entre vous, tout le monde peut me saisir pour dire attention, de tels faits peuvent être de nature à troubler l'ordre public. La preuve en est qu'aujourd'hui, l'ordre public est presque troublé. Chacun a déterré la hache de guerre. On dit le 26 janvier, c'est le feu pour feu, et ainsi de suite. C'est ce que nous appelons des éléments de nature à troubler l'ordre public. Je suis obligé d'être saisi par qui que ce soit. Moi-même, je peux mener une enquête d'office pour éviter que l'ordre public soit troublé. Ça rentre dans le cadre général de mes fonctions, de celui qui doit veiller à ce que la sécurité publique soit maintenue. Ça fait partie de mes obligations en tant que magistrat du parquet au ministère public.



Romaric N. Foua (Notre Heure) : Monsieur le procureur, vous avez dit que les faits, s'ils sont avérés, sont de nature à troubler l'ordre public. En même temps, vous dites que dans deux semaines on peut avoir les conclusions de cette enquête. Pour une enquête aussi sérieuse, vous donnez deux semaines. N'allez-vous pas la mener avec célérité pour donner raison à certaines personnes ?

Vous voulez que je prenne combien de temps ? Ça fait longtemps que je travaille. Il y a des enquêtes pour lesquelles on a besoin d'assez de temps. Mais ici, c'est un domaine technique et les données existent déjà. On n'a pas besoin d'allez loin. Toutes les données sont là. Il suffit simplement de les collecter, de voir les textes qui régissent telles ou telles données. Je n'ai pas besoin d'un mois pour cela. En deux semaines, on peut boucler et la rédaction peut nous amener à ajouter deux jours.



Destrait (Notre Voie) : Il y a un informaticien qui a été commis par M. Mambé qui a été arrêté à Toulépleu et qui a été condamné à 3 ans. Alors que lui (Mambé) est perçu comme le cerveau, est-ce que l'enquête n'est pas simplement une question de formalité ?

Je vois que vous jouez en même temps le rôle de plaignant, d'avocat, de juge qui condamne. Moi, je ne joue pas ce rôle là. Je joue le rôle d'un parquetier. Des faits sont portés à ma connaissance ici à Abidjan, dans le ressort où je suis compétent. Je ne suis pas compétent ni à Toulépleu, ni à Daloa. Les procureurs qui sont là-bas ont agi, ils ont peut-être condamné, je prends acte. Et si les faits qui ont été l'objet de jugement peuvent m'aider dans la recherche de preuves, je peux entrer en contact avec eux pour prendre connaissance. Mais, je dis bien pour l'heure, les instructions que j'ai reçues ne permettent pas d'aller au-delà de l'enquête en cours. Et de dire je vais arrêter celui-ci ou celui-là.



Dans le cadre de la recherche de la vérité, vous avez convoqué certaines personnes. Et j'ai lu dans un journal que les responsables de la Sagem ont refusé de se présenter. Je voudrais savoir, dans le cas d'espèce, quels sont les pouvoirs que vous avez pour contraindre quelqu'un à répondre à votre invitation ?

J'ai un arsenal impressionnant. Nous sommes dans le cadre d'une enquête, on va doucement. Ce n'est pas parce que quelqu'un n'a pas répondu à la première convocation que je vais aller l'arrêter. Je peux estimer que nous avons déjà les données, on n'a pas besoin d'aller loin. Dans le cadre de la Sagem , nous avons tout ce qu'il faut. Par la suite, on pourra entendre les membres en qualité de témoins, si cela est nécessaire. Si ce n'est pas nécessaire, on laisse tomber. Pour ceux pour lesquels c'est nécessaire et qui ne voudront pas répondre, j'ai tout mon arsenal pour les inviter à être présents. Dans le cas d'espèce, il serait bien qu'il y ait une bonne collaboration. Que les gens n'aient pas peur. Je sais que certains ont été convoqués, ils ont eu peur et ils ont dit, on va prendre nos avocats. Ils peuvent prendre les avocats qu'ils veulent mais l'essentiel, c'est de répondre. Si vous ne répondez pas à une convocation de la police, ça rentre dans le cadre des entraves à la bonne marche de la justice et nous avons tous les moyens pour vous contraindre à être présents. J'ai cru entendre que beaucoup n'ont rien à se reprocher. Quand on n'a rien à se reprocher, on répond facilement aux questions. C'est technique. Les gens vont venir s'expliquer facilement pour dire voici ce que nous avons fait. Le gros problème, c'est parfois vous la presse qui amplifiez. J'ai vu par exemple dans un journal, le procureur va trancher aujourd'hui. Je n'ai jamais dit que j'allais trancher…Il est important qu'il y ait une bonne collaboration. Que tous les témoins puissent répondre aux convocations. Déjà, certains sont venus quelle que soit leur responsabilité. Elles nous ont éclairées largement, et c'est ce qu'on attend de chacun. Pour que tous les Ivoiriens puissent rester calme et comprendre ce qui s'est passé.



Avez-vous convoqué les responsables de la Sagem ?

Ils devraient être convoqués et nous avons estimé que ce n'est pas nécessaire parce que nous avons toutes les données. La preuve en est que les listes provisoires ont été affichées. Le contentieux administratif est terminé, nous sommes dans la phase judiciaire.



Allez-vous convoquer Robert Beugré Mambé ?

Tous ceux qui sont concernés, qui ont été dénoncés seront entendus. On a déjà entendu l'Oni, l'Ins, et ça continue. Ce matin, il y aura d'autres structures qui seront entendues.



François Gonvahi (Onuci-Fm) : Quel intérêt pour une telle enquête quand in-fine, les personnes concernées ne peuvent pas être poursuivies parce que selon l'article 25 nouveau de la loi du 14 décembre 2004 électoral, les membres de la Cei ne peuvent être ni poursuivis, ni être détenus dans l'exercice de leur fonction.

Vous avez bien fait de poser cette question. J'invite les journalistes avant de publier un article, de vérifier. Parce que vous publiez un tel article, vous ne savez pas les dégâts que vous causez.



Quel est le bon texte, alors ?

Quand on prend le texte, loi n°2004-462 du 14 décembre 2004, modifiant la loi n°2001-634 du 9 octobre 2001 portant composition organisation, attribution et fonctionnement de la Cei , modifiée et complétée par la décision n°2005-06/Pr du 15 juillet 2005 relative à la Cei. Quand vous prenez cette loi, son article 25 nouveau, décision n°2005-06/Pr du 15 juillet 2005, les membres de la Cei perdent leur qualité par expiration de leur mandat, démission constatée par le président de la Cei , révocation décidée par les 4/5 des membres de la Commission pour manquement à leur devoir et défini à l'article 21 de la présente décision ou pour tout autre faute susceptible d'entacher l'honorabilité de la Commission. Alors , l'article 25 nouveau de 2004 a été carrément abrogé. Ça n'existe plus. Donc les membres de la Cei n'ont plus d'immunité.



Ils sont quand même des membres d'une institution ?

Je lis les textes. Vous m'avez posé une question en fonction d'un texte, je vous donne la réponse en fonction d'un texte. Si vous estimez que ce sont des membres très importants, vous allez signaler à qui de droit. Nous, nous travaillons en fonction des textes, je ne peux pas faire autrement.



Assalé Tiémoko (Le Nouveau Réveil) : M. le procureur, j'ai cru comprendre d'après le texte que vous venez de lire, que les membres de la Cei perdent leur qualité par…et non leur immunité par…

Oui. Ils perdent leur qualité à l'expiration de leur mandat, démission régulièrement constatée, révocation…



Est-ce que cela veut dire qu'ils n'ont pas d'immunité ?

La loi 2004 a bien mentionnée noir sur blanc. Et dans la loi 2004, c'est l'article 23 nouveau qui en parle. Les membres de la Cei perdent leur qualité à l'expiration de leur mandat, par démission régulièrement constatée par le président, par révocation prononcée par le conseil constitutionnel selon les modalités fixées par le règlement intérieur de la Cei … En plus de cela, l'article 25 vient pour dire, les membres de la Cei ne peuvent être poursuivis, recherchés ou jugés pour leur opinion ou pour des actes relevant de leur fonction. En période électorale, ils bénéficient en outre de l'immunité de poursuivre pour les faits antérieurs sauf autorisation du bureau de la Cei réunis à cet effet et acquise à la majorité des 2/3. Ce texte était clair qu'ils bénéficient de l'immunité. Mais depuis 2005, ce texte a été biffé. Ça n'existe plus.



Donc selon vous les membres de la Cei ne bénéficient plus d'immunité?

C'est la conséquence que nous pouvons tirer.

Propos recueillis par Jules Claver Aka
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