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Politique Publié le jeudi 21 janvier 2010 | Nord-Sud

Affaire « 429.000 enrôlés » - Raymond Tchimou, procureur de la République : “Les membres de la Cei n`ont plus d`immunité”

Au cours de la conférence de presse qu'il a animée hier à son parquet au Plateau, Raymond Tchimou, procureur de la République, a jugé fondées les investigations qu'il conduit dans l'affaire des 429.000 pétitionnaires croisés parallèlement par la Commission électorale indépendante (Cei).


La saisine du ministre de l'Intérieur

Par une lettre en date du 14 janvier 2010, le ministre de l'Intérieur dénonçait au parquet des faits de fraudes sur les listes électorales actuellement en cours d'élaboration, et sollicitait l'ouverture d'une enquête judiciaire relativement aux actes qu'aurait posés le bureau de la Cei dans le cadre de la gestion du contentieux de l'établissement de la liste électorale. Il a demandé d'ouvrir une enquête à cet effet : d'établir si une entreprise parallèle de traitement des données sur la liste électorale a été mise sur pied en dehors de la Sagem et de l'Ins, opérateurs techniques désignés par les Accords de paix et les lois de la République ; d'indiquer les noms et le nombre de personnes qui ont pris l'initiative de cette entreprise et qui y ont participé ; de vérifier si cette entreprise avait pour objet de faire des rajouts ou des soustractions sur la liste électorale ; de déterminer le mécanisme par lequel cette entreprise entendait parvenir à ses fins ; de déterminer la date exacte de la mise en place de cette entreprise et les activités qu'elle a entreprises sur la liste électorale avant l'opération actuellement incriminée. Mon parquet a, dès le 15 janvier 2010, instruit le directeur de la police criminelle de diligenter une enquête sur les faits dénoncés. En l'état actuel des choses, le parquet ne fait que recueillir toutes les informations indispensables pour faire éclater la vérité afin que les responsabilités soient situées.


Le fondement juridique des enquêtes

Aussi bien la saisine faite par le ministre de l'Intérieur que notre réaction sont conformes aux prescriptions de l'article 40 du code de procédure pénale ci-dessous rappelées : « le Procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner… » « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire, qui dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République… » C'est le lieu de rappeler que le procureur de la République a pour rôle de veiller aux intérêts généraux de la société (Article 169 du code de procédure pénale). Enfin, il faut savoir que la gravité des faits dénoncés obligeait mon parquet à réagir. Donc il ne devait pas rester inactif d'autant plus que les membres de la Cei ne bénéficient plus de l'immunité de juridiction que le leur avait octroyée l'article 25 nouveau de la loi n°2004-642 du 14 décembre 2004, suite à sa modification intervenue par décision n°2005-06 / PR du 15 juillet 2005 relative à la Cei. En tout état de cause, le parquet n'entend nullement se livrer à une chasse aux sorcières. Il s'agit pour nous d'établir de manière objective des faits ou infirmer au contraire une rumeur. J'invite les uns et les autres donc au calme et à la retenue et à faire confiance à notre justice.

Deux semaines pour situer les responsabilités
Les faits étant en principe simples, un délai de deux semaines est largement suffisant pour obtenir les résultats de notre enquête. Tous ceux qui estiment qu'ils sont au parfum des faits dénoncés sont priés de bien vouloir porter leur révélation à la connaissance de la police criminelle dans l'intérêt de la justice et de la manifestation de la vérité.



Les échanges avec la presse

Votre parquet serait-il fondé à engager des poursuites si au terme des vérifications, vous constatez des faits avérés ?
Le parquet dépend directement du gouvernement. Cela est important à souligner. Dans le cas d'espèce, un membre du gouvernement m'a saisi. Je dois lui rendre compte du résultat de l'enquête, quitte au gouvernement de prendre les décisions qui vont s'imposer. Même si les infractions sont avérées, même si elles sont graves, même si elles sont de nature à troubler l'ordre public, c'est cette démarche qui prévaut. Il appartiendra au gouvernement de me donner des instructions et de me dire de poursuivre ou non. Toujours est-il que c'est le gouvernement qui devra prendre les dernières décisions qui s'imposent et les instructions à donner au procureur concernant le dossier.

Le ministre Désiré Tagro qui n'est pas candidat à la prochaine présidentielle est-il fondé à vous saisir, eu égard à l'article 41 de l'ordonnance n°2008-133 du 14 avril 2008 portant ajustement du code électoral pour les élections de sortie de crise ?

Je vous ramène aussi à l'article 40 du code de procédure pénale qui est d'ordre général et qui dit ceci : « le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner. En cas de classement sans suite, il avise le plaignant. Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux, actes qui lui sont relatifs ». Face à tous ces éléments, il est du devoir de n'importe qui de saisir le procureur de la République quand il constate que des faits sont de nature à troubler l'ordre public, à jeter le discrédit sur les institutions et même à aller plus loin, c'est-à-dire à inciter les populations à l'insurrection. C'est dans ce cadre que nous sommes saisi et dans ce cadre-là, n'importe qui doit me saisir et peut me saisir pour que je puis mener une enquête afin de voir si l'ordre public peut ou non être troublé. Donc que ce soit le ministre ou pas, l'un d'entre vous peut me saisir. La preuve en est qu'aujourd'hui, l'ordre public est presque troublé. Chacun a déterré la hache de guerre. On dit le 26 janvier, c'est feu pour feu, ainsi de suite. Ça, qu'est-ce que c'est ? C'est tout simplement ce que nous on appelle éléments de nature à troubler l'ordre public. A partir de ce moment, je suis obligé d'être saisi. Moi-même je peux déjà mener une enquête pour éviter que l'ordre public ne soit troublé. Là, j'entre dans le cadre général de mes fonctions, c'est-à-dire de celui qui doit veiller à ce que la sécurité publique soit maintenue. Cela fait partie de mes obligations en tant que magistrat du parquet au ministère public. Il ne s'agit pas de dire si ou non on a enlevé un nom. Cela rentre dans le cadre général de nos attributions.

Etes-vous sûr de bien mener cette enquête dans le délai de deux semaines que vous avez indiqué ?

Combien de temps voulez-vous que je prenne ? Il y a des enquêtes pour lesquelles on a vraiment besoin d'assez de temps. Ici, nous sommes dans un domaine technique. Les données existent déjà. On n'a donc pas besoin d'aller loin. Toutes les données sont là. Il suffit seulement de les collecter, de voir les textes qui régissent telles ou telles données. Pour ça, je n'ai pas besoin d'un mois. En deux semaines, on peut donc boucler.

Dans le cadre de cette même affaire, il y a des individus, notamment l'informaticien qui a été commis par M. Mambé qui a été jugé et condamné. Ne dirait-on pas que votre enquête est juste une formalité vu que vous êtes chargé du cerveau de l'opération là où le complice est déjà condamné ? Autrement dit, allez-vous vous appuyer sur ces décisions de justice ?
Moi je joue le rôle d'un parquet. Des faits sont portés à ma connaissance ici dans le ressort où je suis compétent. Je ne suis compétent ni à Touleupleu ni à Daloa. Il y a des procureurs qui sont là-bas. Ils ont agi, ils ont peut-être condamné, je prends acte. Si les faits qui ont fait l'objet de jugement peuvent m'aider dans la recherche de preuves ou d'éléments, je peux entrer en contact avec eux ou prendre connaissance. Pour l'heure, les instructions que j'ai reçues ne me permettent pas d'aller au-delà de l'enquête en cours en promettant d'arrêter celui-ci ou celui-là. Ce qui m'a été demandé, c'est de permettre à tout le monde, notamment à mon parquet d'avoir toutes les informations possibles, d'avoir un résultat qui puisse être fiable et de porter cela à la connaissance du gouvernement qui saura lui donner suite. Maintenant, il s'agit d'être patient. Si le gouvernement dit de poursuivre, on va alors entrer dans les spécificités. Nous ne sommes pas encore à ce stade. On n'a pas encore bouclé l'enquête.
Dans la recherche de la vérité, vous avez convoqué un certain nombre de personnes. Selon les informations dont nous disposons, elles n'ont pas toutes répondu à votre convocation. Allez-vous contraindre ces personnes à se présenter devant vous ?
Nous sommes dans le cadre d'une enquête. On va donc doucement. Ce n'est pas parce que quelqu'un n'a pas répondu à la première convocation que rapidement, je vais me mettre en marche pour aller l'arrêter. Je peux estimer que pour la convocation d'un tel, nous avons déjà les données nécessaires. Dans ce cas, on n'a pas besoin d'aller loin. Dans le cas de la Sagem, effectivement, nous avons un certain nombre d'informations. On a tout ce qu'il faut. Par la suite et si cela est nécessaire, on pourra les entendre en qualité de témoins. Si cela n'est pas nécessaire, on laisse tomber. Pour ceux dont l'audition est nécessaire et qui ne veulent pas répondre, j'ai tout mon arsenal pour les inviter à être présents. On le fait d'ailleurs tout le temps. Mais dans le cas d'espèce, il serait bien qu'il y ait une bonne collaboration. Que les gens n'aient pas peur. Je sais que certaines personnes qui ont été convoquées ont eu peur. Je voudrais leur dire que l'essentiel, c'est de répondre à la convocation parce que lorsqu'on ne répond pas à une convocation de la police, on rentre dans le cadre de l'entrave à la bonne marche de la justice. J'ai cru entendre que beaucoup n'ont rien à se reprocher. Quand on n'a rien à se reprocher, facilement, on répond aux convocations. Certains sont déjà venus. Ils nous ont éclairé largement. C'est ce qu'on attend de chacun pour que tous les Ivoiriens puissent rester calmes et comprendre ce qui s'est passé. Puisque c'est le gouvernement qui décidera de la suite à donner aux résultats, je pense qu'il trouvera des solutions adéquates dans l'intérêt de tous.

Allez-vous convoquer Robert Beugré Mambé ?
Tous ceux qui sont concernés par les faits seront entendus. Tous ! Nous avons déjà entendu l'Oni, l'Ins et ça continue.

Quel est l'intérêt d'une telle enquête quand les personnes qui sont concernées ne peuvent pas être poursuivies au terme de l'article 25 nouveau de la loi de décembre 2004 portant création de la Cei ?
Le texte de loi n°2005/PR du 15 juillet 2005 qui abroge les dispositions antérieures dit bien que « les membres de la Commission électorale indépendante perdent leur qualité par expiration de leur mandat, démission régulièrement constatée par le président de la Commission, révocation décidée par les 4/5 des membres de la Commission pour manquement à leur devoir ou pour toute autre faute susceptible d'entacher l'honorabilité de la Commission ». L'article 25 nouveau de 2004 a donc été abrogé. Ça n'existe plus. Les membres de la Cei n'ont donc plus d'immunité.

Ils sont quand même membres d'une institution…
Je lis les textes. Vous m'avez posez la question en fonction d'un texte, je vous donne la réponse par rapport à un texte. Je ne peux pas faire autrement. Maintenant si vous estimez que ce sont des personnalités, allez le signaler à qui de droit pour revoir les textes.

Propos recueillis par M.D.
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