Robert Beugré Mambé est passé -enfin !- aux aveux. Dans sa déclaration d`hier, il confirme tout ce que « Nord-Sud Quotidien » a écrit depuis l`éclatement de cette affaire. Ainsi, il reconnaît que des CDs ont été confectionnés. Que ces CDs ont quitté clandestinement le quartier général de la Cei pour se retrouver dans les coordinations départementales. Et qu`à l`insu des coordonateurs départementaux, des informaticiens en mission commandée, ont installé le contenu de ces CDs sur le disque dur des ordinateurs de nombreuses commissions locales. Pour tous ces faits gravissimes, Mambé parle de dysfonctionnements. Pour nous, il ne s`agit pas de dysfonctionnement. Il s`agit de manquements graves, inclinant à penser à une tentative de fraude électorale. Il reconnaît, en effet, que les CDs délictueux contenant les noms de 429.000 enrôlés sont allés sur le terrain en même temps que le logiciel permettant l`intégration des individus issus des réclamations. La manœuvre est claire comme de l`eau de roche : en introduisant les noms issus des réclamations, on aurait pu introduire également les 429.000 noms à problèmes sur le listing définitif. Cet acte, quel qu`en soit l`auteur ou le commanditaire, est un attentat contre la paix en Côte d`Ivoire. Supposons que Robert Beugré Mambé n`ait rien à voir avec cette histoire. Qu`il soit blanc comme neige dans cette tentative de fraude. Sa responsabilité personnelle de dirigeant n`en est pas moins entièrement engagée. Il a failli à son devoir de veiller à la pureté et à la fiabilité du processus qui doit donner à la Côte d`Ivoire, les premières élections véritablement ouvertes depuis son indépendance. Depuis qu`il s`exprime devant la presse, les religieux, les chefs traditionnels, le Premier ministre… il ne dit pas pourquoi et comment les CDs sont sortis de la Cei pour se retrouver sur le terrain. Qui les a fait sortir et dans quel but. Son mea culpa d`hier rabat ainsi le caquet à des gens comme Nanan N`Dépo Didace, qui dans une déclaration incendiaire au siège de la Cei, le mardi 19 janvier dernier, avait déclaré que Mambé était victime d`une cabale. « Ça suffit ! » avait-il alors clamé. « Nous sommes venus demander au Président (Mambé) de maintenir sa foi en Dieu, de continuer à faire son travail et demander aux Ivoiriens de faire en sorte que cette fois -ci, les élections aient lieu. (…) Nous lui avons apporté nos encouragements. Les Ivoiriens ne sont plus dupes. Nous disons au Président Mambé d`avoir le courage, la foi et la force nécessaires devant tout le mal dont (sic) on dira de lui. Parce que celui qui ne fait rien est celui qu`on ne critique pas. » Il donnait ainsi un blanc-seing au président de la Cei. Pour mémoire, c`est le même N`Dépo Didace qui était allé payer la caution de 20 millions de Francs de Robert Guéi afin qu`il se présente à la présidentielle, contrairement à la promesse faite par ce dernier. Parce que, disait-il alors, c`était le choix des chefs traditionnels. Une fois Gbagbo arrivé au pouvoir, le même chef N`Dépo Didace a été accusé par ses pairs d`avoir disparu avec une enveloppe de 10 millions de Francs remise par Gbagbo à leur délégation. Les religieux, eux, ont été plus circonspects dans leur soutien à Mambé. Mgr Kutwa, parlant au nom du Forum des confessions religieuses, a évité soigneusement de soutenir Mambé tête baissée. Il a réclamé la vérité sur cette affaire. « Si on aime le pays, on doit fonctionner sur la vérité. On est capables de sortir quelque chose de beau. Baissons le ton. De toutes façons en cette année 2010, la Côte d`Ivoire connaîtra des élections », avait-il déclaré à l`issue d`une entrevue à huis clos avec Mambé, le 17 janvier dernier.
Ce mea culpa public de Mambé donne ainsi toute autorité à la mise en place d`un système alternatif, non partisan, qui rendrait aux élections toute leur crédibilité. Car en entachant sa crédibilité personnelle, Mambé Beugré a entaché aussi celle des 31 commissaires centraux censés être les juges impartiaux des élections. Si dès la constitution des listes électorales, il y a doute sur la neutralité de la Cei, qu`en sera-t-il demain, lors de la proclamation des résultats de la présidentielle ? Il est évident que Guillaume Soro se bat pour sauver la tête de Beugré Mambé et préserver la Cei loin des appétits du camp présidentiel. Peut-être réussira-t-il. Mais l`histoire retiendra que Mambé Beugré a fauté, en laissant se dérouler au sein de l`institution censée sauver la Côte d`Ivoire, un système mafieux dont l`intention était, de toute évidence de peser sur le résultat final des élections. Dans les pays civilisés, on démissionne pour moins que cela. Mais, nous sommes en Côte d`Ivoire.
Touré Moussa
Ce mea culpa public de Mambé donne ainsi toute autorité à la mise en place d`un système alternatif, non partisan, qui rendrait aux élections toute leur crédibilité. Car en entachant sa crédibilité personnelle, Mambé Beugré a entaché aussi celle des 31 commissaires centraux censés être les juges impartiaux des élections. Si dès la constitution des listes électorales, il y a doute sur la neutralité de la Cei, qu`en sera-t-il demain, lors de la proclamation des résultats de la présidentielle ? Il est évident que Guillaume Soro se bat pour sauver la tête de Beugré Mambé et préserver la Cei loin des appétits du camp présidentiel. Peut-être réussira-t-il. Mais l`histoire retiendra que Mambé Beugré a fauté, en laissant se dérouler au sein de l`institution censée sauver la Côte d`Ivoire, un système mafieux dont l`intention était, de toute évidence de peser sur le résultat final des élections. Dans les pays civilisés, on démissionne pour moins que cela. Mais, nous sommes en Côte d`Ivoire.
Touré Moussa