Le ministre de l'Intérieur a décidé, contrairement à ses instructions premières, de retirer les Préfets de la gestion du contentieux. Cette décision fait suite à un bras-de-fer discret mais ferme engagé par le Premier ministre avec un ministre récalcitrant.
La presse nationale a diffusé dans la plupart des éditions d'hier, un communiqué rectificatif du ministère de l'Intérieur. Ce texte, qui consacre une marche-arrière du ministre de l'Intérieur dans sa volonté d'arracher la gestion du contentieux des listes électorales à la Cei, pour la transférer aux Préfets, prend le contrepied du télégramme adressé le 19 janvier dernier aux administrateurs territoriaux. Ce télégramme litigieux enjoignait en effet, à tous les Préfets de région, Préfets de département et Sous-préfets, de réunir «toutes les réclamations, à savoir, les omissions de noms, les inscriptions de personnes étrangères sur la liste électorale ainsi que les erreurs sur les noms et/ou date de naissance » de leur circonscription. Après les avoir collectées, les administrateurs civils, selon les instructions reçues, devaient « adresser toutes les réclamations et dénonciations au Procureur de la République sous le couvert du Préfet du département. » Lequel, après transmissions à la justice, devrait en faire la synthèse au ministre de l'Intérieur. Hier, le ministre de l'Intérieur dit que les Préfets et Sous-préfets ont mal compris ses instructions. Il soutient qu'il ne leur a jamais demandé de s'accaparer les attributions de la Cei. Il déclare que tous ceux qui ont pensé cela « sont manifestement victimes d'une erreur d'interprétation du contenu du télégramme officiel incriminé ». Selon le communiqué rectificatif publié hier, Désiré Tagro affirme qu'il a juste demandé aux Préfets « de me faire le point global du contentieux sous forme de tableau en faisant ressortir les types et le nombre de réclamations reçues et traités par les structures compétentes ». Il termine en leur ordonnant de ne s'en tenir «exclusivement (qu') aux présentes instructions ».
Dans cette affaire, si Désiré Tagro, connu pour être un fonceur, a freiné des quatre fers, et a enclenché la marche arrière, c'est qu'il y a des raisons profondes à cela. En effet, Laurent Gbagbo était à Malabo en Guinée Equatoriale, quand des émissaires y ont été dépêchés pour l'informer de la grave crise née du télégramme officiel de Tagro aux Préfets. Les émissaires ont clairement traduit à Gbagbo la colère extrême du Premier ministre Guillaume Soro sur cette affaire. Et sa volonté très claire de ne pas laisser Tagro saboter son travail de plusieurs années, en perturbant de manière délibérée le processus électoral. Gbagbo a été ainsi informé de la grave crise gouvernementale qui se dessinait à l'horizon, crise qui aurait touché aux fondements même du gouvernement et à sa cohésion. Selon nos sources, Gbagbo a pris acte du caractère sérieux du mécontentement du Premier ministre. Et a donné des instructions. D'abord au Premier ministre. Il lui a demandé de ne rien entreprendre, de ne rien dire ou faire qui pourrait exacerber la crise. En tant que patron du Gouvernement, Soro Guillaume devait éviter la crise gouvernementale. De son côté, il s'est engagé auprès du Premier ministre à traiter personnellement cette question périlleuse pour la paix.
Mise en garde à Désiré Tagro
Selon des sources généralement bien informées, l'ambassadeur Alcide Djédjé s'est également rendu à Malabo pour aller élever, auprès de Gbagbo, une vive protestation contre cette décision unilatérale du ministre de l'Intérieur. Selon le diplomate, qui est chef de la délégation présidentielle au Comité d'Evaluation et d'Accompagnement (Cea) de l'Accord de Ouagadougou, cette immixtion du ministère de l'Intérieur dans la gestion du contentieux des listes électorales, est contraire à tous les accords signés et est de nature à perturber sensiblement le processus de sortie de crise.
Dès son retour de Guinée Equatoriale, et avant même de s'entretenir avec le Premier ministre, Laurent Gbagbo a eu un tête-à-tête formel avec le ministre de l'Intérieur. Il lui a été clairement demandé d'arrêter «d'embrouiller le processus électoral», selon l'expression qui nous a été rapportée. Gbagbo l'aurait instruit de régler le problème qu'il a créé. Cette rencontre, où Désiré Tagro s'est fait remonter les bretelles s'est tenue avant-hier, autour de 15h 30. Le dimanche soir, après le match calamiteux des Eléphants de Côte d'Ivoire face à l’Agérie, le Premier ministre et le chef de l'Etat se sont longuement entretenu au téléphone. Laurent Gbagbo a ainsi pu mesurer l'agacement de Guillaume Soro face aux dérives de son ministre de l'Intérieur. Les deux hommes ont convenu d'avoir une séance de travail formelle, hier à 18 h, pour évacuer toutes les questions, qui d'une manière ou d'une autre, pourraient venir perturber le processus de sortie de crise ou crisper l'atmosphère sociopolitique.
Après son audition par le chef de l'Etat, Désiré Tagro a envoyé avant-hier lundi un émissaire vers le Premier ministre pour lui dire qu'il y a eu un mauvais fonctionnement de ses services, car son directeur de cabinet adjoint avait mal interprété les directives qui lui avaient été donnés. Par conséquent, il les avait mal transmises sur le terrain. Guillaume Soro lui a donc fait dire que la règle en la matière, c'est d'en tirer les conséquences en envoyant des instructions correctives sur le terrain. C'est ainsi que le Communiqué correctif du ministère de l'Intérieur évoqué plus haut est tombé tard hier nuit.
Ce qu'il faut savoir, c'est que, pour la première fois dans leur rapport, le Premier ministre s'est senti obligé d'écrire formellement au chef de l'Etat pour lui exprimer son désaccord et son mécontentement. C'est une première, car d'habitude, les désaccords entre le chef de l'Etat et le Premier ministre se règlent en tête-à-tête ou par téléphone. En effet, la propension du ministre de l'Intérieur à s'ingérer, d'une manière ou d'une autre, dans le processus électoral est prise très au sérieux par le Premier ministre. Qu'elle vienne de Désiré Tagro ou de n'importe quel autre acteur politique majeur du processus de sortie de crise, toute tentative de s'ingérer dans le processus électoral, n'aura pour effet, que de mettre le feu aux poudres. Et d'engendrer des violences postélectorales à l'ampleur insoupçonnées. C'est pour tout cela que cette fois-ci, Guillaume Soro a décidé de marquer le coup, de manière ferme, pour que le ministre de l'Intérieur qui a toujours des initiatives malheureuses, comprenne que s'il continue ainsi, ce n'est pas la cohésion gouvernementale qui serait mise à mal, ni le Premier ministre qu'on aurait bafoué, mais la Côte d'Ivoire qu'on aurait mise à feu et à sang.
Et un de nos interlocuteurs de conclure : « Tel qu'on connaît Tagro, si Soro ne réagit pas maintenant, il risque en pleine élection de demander aux Préfets de centraliser les procès verbaux et de lui communiquer les résultats du vote, pour que le ministère de l'Intérieur les proclame ». Et si cela se produit, chacun peut s'en convaincre, le pays basculerait automatiquement dans la violence.
Touré Moussa
La presse nationale a diffusé dans la plupart des éditions d'hier, un communiqué rectificatif du ministère de l'Intérieur. Ce texte, qui consacre une marche-arrière du ministre de l'Intérieur dans sa volonté d'arracher la gestion du contentieux des listes électorales à la Cei, pour la transférer aux Préfets, prend le contrepied du télégramme adressé le 19 janvier dernier aux administrateurs territoriaux. Ce télégramme litigieux enjoignait en effet, à tous les Préfets de région, Préfets de département et Sous-préfets, de réunir «toutes les réclamations, à savoir, les omissions de noms, les inscriptions de personnes étrangères sur la liste électorale ainsi que les erreurs sur les noms et/ou date de naissance » de leur circonscription. Après les avoir collectées, les administrateurs civils, selon les instructions reçues, devaient « adresser toutes les réclamations et dénonciations au Procureur de la République sous le couvert du Préfet du département. » Lequel, après transmissions à la justice, devrait en faire la synthèse au ministre de l'Intérieur. Hier, le ministre de l'Intérieur dit que les Préfets et Sous-préfets ont mal compris ses instructions. Il soutient qu'il ne leur a jamais demandé de s'accaparer les attributions de la Cei. Il déclare que tous ceux qui ont pensé cela « sont manifestement victimes d'une erreur d'interprétation du contenu du télégramme officiel incriminé ». Selon le communiqué rectificatif publié hier, Désiré Tagro affirme qu'il a juste demandé aux Préfets « de me faire le point global du contentieux sous forme de tableau en faisant ressortir les types et le nombre de réclamations reçues et traités par les structures compétentes ». Il termine en leur ordonnant de ne s'en tenir «exclusivement (qu') aux présentes instructions ».
Dans cette affaire, si Désiré Tagro, connu pour être un fonceur, a freiné des quatre fers, et a enclenché la marche arrière, c'est qu'il y a des raisons profondes à cela. En effet, Laurent Gbagbo était à Malabo en Guinée Equatoriale, quand des émissaires y ont été dépêchés pour l'informer de la grave crise née du télégramme officiel de Tagro aux Préfets. Les émissaires ont clairement traduit à Gbagbo la colère extrême du Premier ministre Guillaume Soro sur cette affaire. Et sa volonté très claire de ne pas laisser Tagro saboter son travail de plusieurs années, en perturbant de manière délibérée le processus électoral. Gbagbo a été ainsi informé de la grave crise gouvernementale qui se dessinait à l'horizon, crise qui aurait touché aux fondements même du gouvernement et à sa cohésion. Selon nos sources, Gbagbo a pris acte du caractère sérieux du mécontentement du Premier ministre. Et a donné des instructions. D'abord au Premier ministre. Il lui a demandé de ne rien entreprendre, de ne rien dire ou faire qui pourrait exacerber la crise. En tant que patron du Gouvernement, Soro Guillaume devait éviter la crise gouvernementale. De son côté, il s'est engagé auprès du Premier ministre à traiter personnellement cette question périlleuse pour la paix.
Mise en garde à Désiré Tagro
Selon des sources généralement bien informées, l'ambassadeur Alcide Djédjé s'est également rendu à Malabo pour aller élever, auprès de Gbagbo, une vive protestation contre cette décision unilatérale du ministre de l'Intérieur. Selon le diplomate, qui est chef de la délégation présidentielle au Comité d'Evaluation et d'Accompagnement (Cea) de l'Accord de Ouagadougou, cette immixtion du ministère de l'Intérieur dans la gestion du contentieux des listes électorales, est contraire à tous les accords signés et est de nature à perturber sensiblement le processus de sortie de crise.
Dès son retour de Guinée Equatoriale, et avant même de s'entretenir avec le Premier ministre, Laurent Gbagbo a eu un tête-à-tête formel avec le ministre de l'Intérieur. Il lui a été clairement demandé d'arrêter «d'embrouiller le processus électoral», selon l'expression qui nous a été rapportée. Gbagbo l'aurait instruit de régler le problème qu'il a créé. Cette rencontre, où Désiré Tagro s'est fait remonter les bretelles s'est tenue avant-hier, autour de 15h 30. Le dimanche soir, après le match calamiteux des Eléphants de Côte d'Ivoire face à l’Agérie, le Premier ministre et le chef de l'Etat se sont longuement entretenu au téléphone. Laurent Gbagbo a ainsi pu mesurer l'agacement de Guillaume Soro face aux dérives de son ministre de l'Intérieur. Les deux hommes ont convenu d'avoir une séance de travail formelle, hier à 18 h, pour évacuer toutes les questions, qui d'une manière ou d'une autre, pourraient venir perturber le processus de sortie de crise ou crisper l'atmosphère sociopolitique.
Après son audition par le chef de l'Etat, Désiré Tagro a envoyé avant-hier lundi un émissaire vers le Premier ministre pour lui dire qu'il y a eu un mauvais fonctionnement de ses services, car son directeur de cabinet adjoint avait mal interprété les directives qui lui avaient été donnés. Par conséquent, il les avait mal transmises sur le terrain. Guillaume Soro lui a donc fait dire que la règle en la matière, c'est d'en tirer les conséquences en envoyant des instructions correctives sur le terrain. C'est ainsi que le Communiqué correctif du ministère de l'Intérieur évoqué plus haut est tombé tard hier nuit.
Ce qu'il faut savoir, c'est que, pour la première fois dans leur rapport, le Premier ministre s'est senti obligé d'écrire formellement au chef de l'Etat pour lui exprimer son désaccord et son mécontentement. C'est une première, car d'habitude, les désaccords entre le chef de l'Etat et le Premier ministre se règlent en tête-à-tête ou par téléphone. En effet, la propension du ministre de l'Intérieur à s'ingérer, d'une manière ou d'une autre, dans le processus électoral est prise très au sérieux par le Premier ministre. Qu'elle vienne de Désiré Tagro ou de n'importe quel autre acteur politique majeur du processus de sortie de crise, toute tentative de s'ingérer dans le processus électoral, n'aura pour effet, que de mettre le feu aux poudres. Et d'engendrer des violences postélectorales à l'ampleur insoupçonnées. C'est pour tout cela que cette fois-ci, Guillaume Soro a décidé de marquer le coup, de manière ferme, pour que le ministre de l'Intérieur qui a toujours des initiatives malheureuses, comprenne que s'il continue ainsi, ce n'est pas la cohésion gouvernementale qui serait mise à mal, ni le Premier ministre qu'on aurait bafoué, mais la Côte d'Ivoire qu'on aurait mise à feu et à sang.
Et un de nos interlocuteurs de conclure : « Tel qu'on connaît Tagro, si Soro ne réagit pas maintenant, il risque en pleine élection de demander aux Préfets de centraliser les procès verbaux et de lui communiquer les résultats du vote, pour que le ministère de l'Intérieur les proclame ». Et si cela se produit, chacun peut s'en convaincre, le pays basculerait automatiquement dans la violence.
Touré Moussa