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Politique Publié le mardi 2 février 2010 | Notre Voie

Déclarations des imams et des Forces nouvelles sur la fraude électorale : Coincidences troublantes

Le parti de l’ex-Premier ministre Pascal Affi N’Guessan se prépare à prendre une position ferme dans les jours à venir. Le Front populaire ivoirien (FPI) n’en finit plus de se demander à quoi jouent le Premier ministre Guillaume Soro et ses ex-rebelles, avec le soutien ouvert et gênant des responsables du Conseil supérieur des imams (COSIM). Pour l’instant, à la direction du parti fondé par le président Laurent Gbagbo, l’idée d’une “réaction appropriée” aux deux conclaves, l’un du COSIM (29 et 30 janvier, à Abidjan) et l’autre des Forces nouvelles (31 janvier, à Bouaké), continue d’être mûrie. Mais l’indignation est de mise, tant la collusion entre l’organisation religieuse et l’ex-mouvement rebelle pour secourir des fraudeurs et autres tricheurs dans le processus électoral en cours viole la pudeur morale et religieuse.

Réuni en Conseil consultatif, les 29 et 30 janvier 2010, à la Grande Mosquée de Williamsville, le COSIM, se penchant sur la situation sociopolitique, s’est déclaré préoccupé par “des faits qui sont de nature à ressusciter les vieux démons de la fracture sociale pouvant compromettre le retour à la paix tant recherchée”. Ces faits ? Selon le communiqué du conclave rendu public par voie de presse, il s’agit “des exactions perpétrées nuitamment contre des citoyens ivoiriens issus de la communauté musulmane pour cause, dit-on, de nationalité douteuse”.

Où ces exactions ont-elles été perpétrées et pour quelles motivations profondes ? Là-dessus, motus. Mais, le communiqué du COSIM précise que “les imams, conformément aux nobles enseignements du Saint Coran et de la Tradition du prophète de l’Islam Mohammad (SAW), ne sauraient cautionner aucune forme de fraude sur la nationalité”. Et là où un sage et religieux conseil à s’abstenir de toute fraude sur la nationalité aurait fait du grand bien aux musulmans non ivoiriens qui y seraient tentés, le COSIM passe plutôt à l’offensive : “Aucun citoyen ivoirien ne doit être injustement spolié de sa nationalité et des droits qui s’y rattachent”.

Faut-il croire que les forces de l’ordre ivoiriennes, dans la lutte qu’elles sont contraintes de mener contre les non- nationaux abonnés à la fraude sur la nationalité comme sport favori en Côte d’Ivoire, ne chercheraient qu’à “spolier les musulmans ivoiriens” de leur nationalité ? Laisser croire à cela n’est-il pas une incitation à peine voilée à la violence ?

Ce parti pris dangereux, déjà flagrant dans le traitement d’un sujet aussi sensible, devient encore plus impudique quand le COSIM fait allusion à la fraude opérée sur la liste électorale, reconnue et avouée comme étant un “dysfonctionnement” de ses services par Robert Beugré Mambé, président de la Commission électorale indépendante. Ici, en lieu et place d’une réprimande moralisante contre le chef fraudeur qu’elle devait inviter à démissionner, l’organisation religieuse s’en prend, avec brutalité, à ceux qui osent dénoncer le tripatouillage du listing électoral : “Les imams condamnent l’ingérence de toute autre autorité dans le déroulement du processus électoral, notamment le règlement du contentieux et la validation du listing électoral”.

Certes, nos imams n’ont pas le courage d’appeler un chat un chat. Ils n’osent pas exiger, par subite pudeur ou par stratégie, l’arrêt des enquêtes confiées au procureur de la République par le ministre de l’Intérieur, Désiré Tagro, suite à l’opération des 429 033 personnes frauduleusement installées dans les fichiers électoraux par Robert Mambé et sa clique. Cependant le COSIM n’hésite pas à réclamer, sans ambages, l’impunité pour le président de la CEI auteur du «dysfonctionnement» frauduleux : “Le débat actuel sur la Commission électorale indépendante (CEI) nous interpelle tous. La sagesse nous commande d’éviter toute action de nature à déstabiliser des instruments mis en place dans le cadre du processus de sortie de crise”, note sans élégance le communiqué du COSIM.

Tout est presque dit : Mambé a le droit de déstabiliser, il a perturbé la société ivoirienne en orchestrant le “dysfonctionnement” qui fait tant de mal de nos jours au processus de sortie de crise. Mais, selon nos chers imams, “la sagesse nous commande d’éviter toute action de nature à le déstabiliser” !

Mambé, le veinard ! Pour qui travaille-t-il, en définitive ? Où va la société ivoirienne avec de tels conseils “religieux” !?

Evidemment, dans ce concert d’éloges à l’amoralité, les hommes du Premier ministre Guillaume Soro ont choisi d’élargir, avec encore moins de pudeur, la voie de l’impunité et de l’indignité tracée par les imams qui les soutiennent.

Hasard de calendrier ou collusion avérée sur le même sujet, à la fin de leur conclave tenu le 31 janvier à Bouaké, dans la foulée de celui du COSIM à Abidjan, les hommes de Soro ne peuvent se contenir. Leur soutien aux étrangers fraudeurs à la nationalité est vif : “Les Forces nouvelles dénoncent avec fermeté la résurgence de l’ivoirité (…), condamnent les arrestations arbitraires, les dénonciations calomnieuses et les tentatives de tous ordres qui visent à radier de la liste électorale définitive, à leur insu, de nombreux Ivoiriens accusés, sans la moindre preuve, de fraude à la nationalité ivoirienne”.

Mais que dit l’ex-mouvement rebelle de tous ces étrangers massivement inscrits sur le listing, qui se démasquent et demandent pardon, ou qui sont démasqués chaque jour et remis aux autorités judiciaires compétentes ? Là, bouche cousue. Et l’on passe rapidement à la fraude de Mambé ou plus précisément au soutien à Mambé : «les Forces nouvelles condamnent les exploitations politiciennes de cette affaire qui sont de nature à discréditer tous les acquis de l’Accord politique de Ouagadougou, apportent un indéfectible soutien à tous leurs représentants au sein de la Commission électorale indépendante», note le communiqué du conclave de Bouaké.

Evidemment, parlant des enquêtes demandées par le ministre de l’Intérieur, “les Forces nouvelles récusent la saisine de la justice ivoirienne sans l’accord préalable du gouvernement”.

Mais que l’on ne s’y trompe pas : Soro et ses hommes n’auraient pas poussé l’irresponsabilité jusqu’à refuser toute idée d’enquêter sur la fraude orchestrée par Mambé ? Ils le disent : “Les Forces nouvelles (…) se félicitent de l’initiative prise par le Premier ministre consistant à saisir les structures de la certification et de la facilitation en vue d’une enquête impartiale dont les résultats devront être acceptés par toutes les parties”.

Si les Forces nouvelles sont en colère parce que Désiré Tagro n’aurait pas consulté le gouvernement avant de saisir le procureur de la République, peuvent-elles certifier que Soro a consulté le gouvernement avant de prendre l’initiative de l’enquête internationale ? De toute évidence, les responsables de l’ex-rébellion demeurent toujours dans leur refus de l’autorité de l’Etat et des institutions de la République, et cela n’étonne plus personne. Mais ils ne peuvent pas obliger la nation à avoir la mémoire courte comme eux. Où sont les résultats de l’enquête internationale réclamée par Soro après son assassinat manqué du 29 juin 2007 dans l’avion présidentiel à Bouaké ?

En définitive, les deux conclaves des imams et des Forces nouvelles organisés pour crier à la xénophobie n’ont eu qu’un seul et indigne mérite, celui de dévoiler l’indécente collusion entre le Premier ministre Guillaume Soro et les responsables du COSIM. Si l’on n’y prend garde, ils réserveront de violentes surprises aux Ivoiriens pour imposer la fraude sur la nationalité et le tripatouillage du listing électoral. C’est le seul espoir d’une victoire électorale de certains leaders politiques prétendument majoritaires en Côte d’Ivoire.


César Etou
cesaretou2002@yahoo.fr
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