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Économie Publié le vendredi 5 février 2010 | L’Impulsion des PME

Chronique : Auto-employé ou entrepreneur ?

J’ai été particulièrement touché par une de ces anecdotes d’entrepreneur en Afrique et généralement pas seulement en Afrique. Je me permets ici de vous la raconter.

« Un aspirant à la création d’entreprise cherchait à se mettre à son propre compte. Un membre de son parti politique est alors nommé « Ministre d’Etat ». Notre aspirant à la création d’entreprise qui a toujours rêvé de se mettre à son propre compte ou de s’auto employer ou encore d’améliorer ses revenus par rapport au salaire qu’il gagnait, demanda une audience auprès du ministre fraichement nommé. « Monsieur le Ministre, je suis venu vous faire une demande spéciale. Nous nous sommes battus pour l’élection du Président de la République et je suis fier qu’un membre de notre parti, en l’occurrence votre personne, soit nommé Ministre. Je rends grâce à Dieu. Je sais que les gens viendront vous demander des postes mais je ne souhaite pas travailler dans l’administration. J’ai créé une entreprise d’entretien et de nettoyage mais je manque de marché. Si vous pouviez m’accorder un marché dans l’une de vos directions techniques ou dans une agence, je rendrai grâce avec vous ». Le ministre, voyant dans cette demande une opportunité d’arrondir ses fins du mois, accéda à sa requête quelques mois plus tard à une condition très simple.

L’auto emploi, une autre façon de travailler pour les autres

« Notre créateur d’entreprise pouvait assurer le nettoyage et l’entretien d’une des agences se trouvant sous la tutelle du ministre pour des honoraires mensuels de 750.000 F CFA à condition qu’il ristourne chaque mois 500.000 F CFA au ministre (à prendre ou à laisser). « Monsieur le Ministre, le marché que vous m’accordez est très intéressant, seulement les 250.000 F CFA francs CFA que vous m’offrez ne me permettront même pas d’acheter les produits d’entretien encore moins de payer les agents qui assureront le service ». Il ne pouvait proposer au ministre de prendre 250.000 F CFA de commission. Même en reversant 250.000 F CFA au ministre, il se retrouverait avec 181.240 F CFA de marge brute sans l’électricité, l’eau et l’amortissement du matériel…

Finalement, il s’est entendu avec le ministre pour verser chaque mois 300.000 F CFA conservant lui-même un solde mensuel de 121.240 F CFA ; et ce n’était que son seul contrat. Et il a une entreprise lui aussi, n’est-ce pas ? La vraie réalité c’est qu’une fois que le ministre sortira du gouvernement (chose fréquente), son entreprise n’aura plus de marché. Il est tout aussi vrai qu’un revenu brut de 121.240 F CFA par mois est bien meilleur que son salaire précédent d’employé qui s’élevait à 87.500 F CFA TTC. Disons que de son statut d’employé au statut de créateur d’entreprise prestataire de services d’entretien et de nettoyage, son revenu aura connu une amélioration de 33,55%, un record. La plupart des gens qui quittent leur emploi pour créer leur propre entreprise voient généralement leur revenu divisé par dix (10).

Mais en réalité de sa situation d’employé à celle de créateur d’entreprise, on peut bien se demander si son statut a bien changé. Visiblement non ! S’il n’est pas employé par le ministre, il l’est par lui-même, heureusement !

Si nous comparons un peu la situation de notre prestataire de service à celle d’un revendeur de carte de recharge téléphonique, d’un épicier, d’un négociant ou encore d’un agent commercial qui réalise 25% de marge ou de commission brute sur ses ventes, ils ont, disons, presque le même problème. Ils ont tous les mêmes statuts. Peut-être sont-ils indépendants mais ils ne sont pas des employeurs entrepreneurs, ils sont plutôt des sous-traitants de service de distribution pour les vrais entrepreneurs. Les grandes entreprises comprennent en général que les membres de leurs réseaux de distribution constituent bien leurs employés (indirects), c’est d’ailleurs pour cela qu’ils s’occupent souvent si bien de leur motivation (commission, ristourne…) et de leur formation. Mieux, la bonne nouvelle c’est qu’ils ne s’occupent jamais des charges patronales inhérentes à cet emploi indirect. Je suis désolé mais ce sont eux les entrepreneurs ! Les autres ne constituent que des employés indépendants. La vraie réalité c’est que leur sort dépend de celui des vrais entrepreneurs. Il suffit qu’un constructeur automobile soit en difficulté et bonjour les dégâts chez les concessionnaires qui ne peuvent plus bénéficier des avantages courants ou ne sont plus livrés…et sans plus aucun détail.

Vous pouvez prendre le contrôle : devenir l’entrepreneur

Triste réalité encore, l’entrepreneur ce n’est pas forcément le producteur comme dans le cas des constructeurs automobiles. Les agriculteurs qui n’ont aucune maîtrise de leur chaine logistique dépendent des distributeurs qui sont les « vrais faiseurs de magots » (l’anecdote des producteurs européens de lait en est l’illustration parfaite). Ils doivent faire des grèves comme les ouvriers parce qu’ils sont tout simplement indirectement employés par les grandes maisons de distribution qui ont le vrai contrôle de la machine de création de valeur ! Eux, ils n’ont pas besoin de faire des grèves !

Pour tout ceux qui ont une entreprise ou souhaite en avoir, je pense c’est le moment de se poser la question tragique : « Suis-je un employé indirect, un auto-employé, un entrepreneur ou encore une autre forme de « serfs » au service des vrais entrepreneurs ? ».

Peu importe si vous êtes distributeur ou producteur, l’essentiel c’est de se positionner comme le vrai créateur de valeur dont dépendent les autres maillons de la chaîne. Imaginez un producteur de lait qui le transforme en produits délivrés distribués dans sa contrée, n’est-ce pas que le marché n’est pas assez large ? Mais lui il est entrepreneur avec l’opportunité extraordinaire de commencer progressivement à approvisionner d’autres régions et très bientôt il achètera du lait chez ses anciens compères pour compléter sa production ! C’est lui l’entrepreneur ! Désolé, mais l’entrepreneur ajoute de la valeur, l’auto-employé suit le manuel et les critères de celui qui le livre ! Seulement 21% de l’ananas produit par les producteurs béninois est exporté non par manque de demande ni de forte consommation interne mais juste parce qu’il faut suivre à la lettre les critères des importateurs exigeants, plus de la moitié de la production est inéligible auxdits critères!
Vous pouvez être l’entrepreneur même avec votre petite boutique. Vous pouvez créer de la valeur, offrir plus que le produit fourni par un producteur, les gens ne viendront pas acheter le produit, mais la valeur que vous y ajoutez, c’est ainsi que d’autres producteurs vous feront la cours !

Qu’est-ce qui manque aux auto-employés pour devenir des entrepreneurs ? Un peu plus d’ambition, un peu plus d’audace et de prise de risque, l’autodétermination, la dé victimisation, la victoire définitive sur la conscience du « ce n’est pas fait pour moi », le désir ardent de marquer son histoire, d’aller au-delà du communément possible et de grandir, sortant des sentiers battus, de la routine !

Bravo à ceux qui prennent déjà le risque de créer leur propre entreprise ne serait-ce qu’en s’auto-employant ! Eh bien franchissons ensemble la prochaine étape, osons devenir de vrais entrepreneurs créateurs de valeur, de vrais valorisateurs pour reprendre les mots de mon collègue Philippe HADONOU !
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