Dénonciations et radiations arbitraires - Quand l’ivoirité fait des ravages à Bonoua

On se croirait dans un mauvais rêve. Et pourtant, c’est la réalité. Aujourd’hui, les papiers délivrés par les autorités ivoiriennes ne comptent plus comme des justificatifs en matière de nationalité. Laurent Gbagbo et ses camarades en ont décidé ainsi. Partout en Côte d’Ivoire, de milliers de demandes en radiation pleuvent devant les tribunaux. Après avoir échoué dans leurs tentatives de radier de milliers d’Ivoiriens de la liste provisoire électorale au niveau de la CEI, les responsables du FPI ont décidé de se tourner vers la justice où, avec la complicité de certains juges, ils espèrent arriver à leurs fins. Dans cette quête « ivoiritaire » tous les moyens sont bons. Ce qui est grave, c’est que ceux qui sont censés protéger les citoyens contre tous les abus sont en train de rentrer dans le jeu du FPI. A Bonoua, ville située dans la région natale de la première Dame, Mme Simone Ehivet Gbagbo, la ministre de la Lutte contre le VIH/SIDA, Christine Adjobi, a introduit devant la CEI plusieurs fiches de protestation pour contester l’inscription de 300 personnes sur la liste électorale provisoire. La cousine de Simone Gbagbo estime que ces personnes ne sont pas des nationales ivoiriennes. Et comme c’est le cas partout où ce genre de fiches a été introduit, la plaignante n’accompagne pas comme le stipule les textes de loi en vigueur, les documents ou les preuves qui attestent que les personnes dénoncées ont fraudé sur la nationalité. La quasi-totalité des citoyens qui figurent sur les fiches dressées par Mme Christine Adjobi viennent de la ville de Samo, une ville cosmopolite située à près de 5 km de Bonoua. La ministre de la République est suivie dans cette initiative honteuse, du président du Conseil général de Grand-Bassam, M. Innocent Kacou Akoï, connu pour son activisme au FPI. C’est ce dernier qui a été d’ailleurs à l’origine de la fusillade devant le siège du Conseil général qui a coûté la vie au jeune Da Sylva Franck, en juillet 2006, lors des événements douloureux de Grand Bassam, suite au mot d’ordre de boycott actif des audiences foraines lancé par le président du FPI, Pascal Affi N’Guessan. Sur les fiches de contestation figurent également les noms et signatures d’Ernest Elloh Aka, vice-président du Conseil général, Mathias Bomouan, député de Bonoua, Honoré Wognin Koua, vice-président du Conseil économie et social, directeur local de campagne de Laurent Gbagbo et Faustin Bohi N’Guessan, maire de Bonoua.

“Pourquoi tu te comportes comme une femme
Burkinabé”

Suite donc à leur action, certaines personnes figurant sur la liste ont été convoquées par le commissaire de police de Bonoua. Parmi les témoignages après la rencontre avec le commissaire Aubin Y. Pierre, celui de Tidiane Maïga et sa mère sont édifiants. Le jeune Tidiane Maïga a présenté à la police, non seulement les pièces de ses parents mais aussi de ses grands parents. Mais cela n’a pas suffi. Le commissaire Aubin a exigé la présence de ses parents pour les interroger. Dame N’Da Amani qui vit à Samo a répondu à la convocation accompagnée des sœurs de Tidiane Maïga. La vieille femme a été « cuisinée » pendant plusieurs heures par l’officier de police. Voici quelques questions posées à la pauvre dame originaire de Languibonou, village situé à 24 km de Bouaké. Un interrogatoire vraiment surréaliste. Jugez-en vous-mêmes :
- Est-ce que tes enfants sont ces enfants-là ?
- De quels villages viennent les époux de tes filles ?
- Pourquoi tu te comportes comme une femme Burkinabé ?
- Pourquoi tu as épousé un étranger ?
Après cela, on n’a plus de doute que la fameuse « désinfection » des listes électorales engagée par les avocats du FPI est en route. Et que la Côte d’Ivoire est menacée dans ses fondements…
Jean-Claude Coulibaly