Adjamé en « bas du pont » : La mairie chasse les commerçants

Adjamé «en bas du pont» ressemble à un champ de ruines, ce mardi. Des jeunes en tee-shirt vert avec les insignes de la mairie d’Adjamé, brisent, à l’aide de marteaux, les bancs et les étals de commerce qui sont érigés sur la petite esplanade située entre la voie qui mène à la gare de bus et celle qui passe sous le pont. Il y a quelques heures, c’était un petit marché de chaussures, vêtements, et d’articles divers. Ce matin vers 10h, ces agents en vert, escortés d’une dizaine de policiers, ont débarqué sur les lieux et se sont mis à tout démolir sans crier gare. La police s’est chargée de mettre en déroute les commerçants. Ceux-ci se sont regroupés au bord de la route pour suivre impuissants la mise à sac de leurs commerces. Deux camions remplis de morceaux de tôles et de planches sont stationnés sur la route. Les « bulldozers » de la mairie qui cassent tout emportent les débris de leur casse, on ne sait où. Il est midi et le spectacle de destruction continue. Mais, bientôt les esprits s’échauffent : un policier vient de s’en prendre à une table de jeu (belotte), il la tire jusqu’à la route et la brise d’un coup de marteau. Un jeune, le propriétaire de la table de jeu, est furieux : « on a dit de casser les box pas les tables de jeu ». Les cris d’indignation de ses camarades irritent les policiers sur leur garde. L’un des flics tire des coups de feu en l’air pour intimider la foule autour d’eux. Les commerçants reculent, jettent des pierres aux policiers. Sous un soleil de plomb, les agents de sécurité leur mènent la vie dure. Un jeune est arrêté. Il est enchaîné au pied d’une table comme un prisonnier, avant d’être relâché : ce n’était pas un commerçant, mais un mécanicien qui passait par là. La tension baisse vers 13h. Un quarteron de commerçants méditent sur la situation à l’ombre de l’un des rares box encore debout sur le champ de ruines. Et ils ne manquent pas de commentaire : «La mairie nous a dit que c’est à cause du cinquantenaire de la Côte d’Ivoire que nous avons été déguerpis. Mais, nous ne savons pas où aller. » Cette opération, disent-ils, a commencé au forum des marchés il y a quelques semaines. Ils s’y attendaient plus ou moins. En tout cas, Adjamé « en bas du pont » est plutôt clairsemé avec des débris par-ci, par-là.

Raphaël Tanoh